Fiona Scott Morton, la Pomme de discorde

La Commission européenne vient de jouer un psychodrame dont elle se serait volontiers passé, en imposant la nomination de l’américaine Fiona Scott Morton à un poste clé avant que celle-ci ne renonce devant le tollé. Ce vaudeville public illustre tous les travers que peut avoir le fonctionnement de la Commission, entre morgue et opacité; il a rendu impossible un acte politique très discutable, mais qui aurait justement pu bénéficier d’une discussion étendue.

Le poste concerné était central à un double titre : économiste en chef de la Commission pour la concurrence, c’est à dire le conseil de référence pour toute la politique de concurrence. En temps normal, ce poste jouit d’une influence énorme, en pesant sur la pensée de la Commission. La politique de la concurrence est en effet un de ses pouvoirs centraux, qui opère la police du marché et veille à ce qu’aucune entreprise n’abuse de son pouvoir ou ne devienne trop grosse pour devenir capable de le faire. Mais surtout, cette nomination intervient dans un vide : la Commissaire Margrethe Vestager a annoncé sa démission pour candidater à la Banque européenne d’investissement. Il est peu probable qu’un poids lourd lui succède sur une Commission finissante, et chacun s’attend donc à ce que l’administration de la Commission prenne un rôle particulièrement puissant. Aux côtés d’Olivier Guersant, le Directeur général de la DG Concurrence, la nomination de Fiona Scott Morton aurait alors pris un relief particulier.

Or les pratiques de la Commission ont aggravé les choses. Cette nomination, qui présentait une importance technique et politique particulière, a été expédiée sans débat dans les points divers de la réunion des Commissaires, sans que ceux-ci ne soient apparemment informés de sa nationalité ou de ses conflits d’intérêts potentiels. Quand plusieurs Commissaires ont fait savoir leur surprise, que certains Etats, au premier rang desquels la France se sont publiquement opposés à cette décision, et qu’une démarche commune des présidents de groupes conservateurs, centristes, sociaux-démocrates et verts du Parlement européen a eu lieu, la Commission a sèchement répliqué que « La décision a été prise. Nous ne voyons pas de raison de la reconsidérer ».

Puis lorsque Margrethe Vestager a fait l’objet d’une audition en urgence par la Commission économique du Parlement européen, elle a de l’avis général été peu convaincante, se cantonnant à la lecture de son texte et refusant d’entrer dans les détails des conflits d’intérêts répertoriés. La Commission a enfin fait savoir que Fiona Scott Morton ne pourrait intervenir pendant deux ans sur les dossiers sur lesquels elle avait eu des intérêts, sans préciser lesquels.

Six Commissaires, emmenés par Thierry Breton, ont demandé que cette nomination soit réévaluée lors de la réunion suivante de la Commission, avec une issue vraisemblablement défavorable. Fiona Scott Morton a alors gracieusement dénoué la situation pour Margrethe Vestager en annonçant sa renonciation au poste compte tenu des controverses politiques soulevées par sa nationalité.

Creusons un peu pour comprendre les enjeux de cet épisode déplorable.

Une américaine à Bruxelles

La nationalité américaine de Fiona Scott Morton saute évidemment aux yeux. C’est sur ce point que Fiona Scott Morton a choisi de motiver sa décision de se retirer. Elle pouvait se lire de deux manières : soit le symbole d’une Europe sûre de sa puissance, qui va chercher les meilleurs talents au monde, soit un assujettissement potentiel aux Etats-Unis. Si la Commission avait clairement en tête le premier narratif, la lecture publique a été bien différente.

C’est que les USA se sont lancés dans une guerre économique à bas bruit à travers leur droit pénal extraterritorial, qu’ils appliquent curieusement avec une sévérité féroce aux entreprises européennes. Le judiciaire économique étant ainsi instrumentalisé dans la concurrence internationale, l’expérience de Fiona Scott Morton à un poste similaire de l’administration Obama devient un objet d’intenses soupçons plus que le brevet de compétence quelle pourrait et devrait être.

Ce choix, qui était défendable dans un monde neutre, suggère que la Commission n’a toujours pas intégré la violence de la recomposition du multilatéralisme, et la demande de sécurité et de loyauté visible qui pèse sur ses agents. Il intervenait d’ailleurs en plein débat européen sur les modalités de lutte contre les influences étrangères au sein des institutions.

Une économiste, mais pour quelle politique ?

Paradoxalement, ce second point a été le moins discuté alors qu’il est absolument essentiel. Les politiques de concurrence américaines et européennes sont en effet très différentes, les USA se distinguant depuis les années 80 par un laissez-faire beaucoup plus appuyé. Ceci a des conséquences de long terme majeures avec un marché européen paradoxalement beaucoup plus compétitif aujourd’hui, ce qui se traduit concrètement par des prix à la consommation moins élevés, des services plus innovant et de meilleurs salaires. Au Etats-Unis en revanche, les entreprises disposent d’une marge plus élevées qu’elles distribuent à leurs propriétaires. Or Fiona Scott Morton a été l’équivalent d’économiste en chef sous l’administration Obama, sans que cette situation ne semble changer.

Une véritable question centrale aurait donc pu exister sur le risque d’importer une pratique de police du marché trop bienveillante envers les entreprises, et elle a d’ailleurs été évoquée à la marge.

Il se trouve que Fiona Scott Morton était sans doute sur ce point une bonne pioche. Elle a d’ailleurs été défendue dans une tribune par de nombreux économistes spécialistes de la concurrence et de l’économie industrielle, parmi lesquels Jean Tirole dont le nom était souvent cité comme remplaçant potentiel, mais aussi Thomas Philippon dont les travaux ont précisément permis de mettre en évidence cette profonde divergence entre Europe et Etats-Unis.

Fiona Scott Morton pense que les théories économiques de l’Ecole de Chicago sur lesquelles s’appuient ce laissez-faire, et qui consistent essentiellement à croire aux vertus autoréparatrices du marché, sont périmées et largement erronées. Fort bien; il s’agit ici du consensus des économistes spécialistes de la question, mais cette opinion ne distinguerait pas en soi son travail au-delà de son talent personnel qui est universellement reconnu.

Surtout, son passage au Département of Justice l’amène à travailler non plus seulement sur l’analyse économique, mais sur la politique économique. Elle voit en effet dans l’échec relatif de la mise en oeuvre de ses préconisations techniques un problème juridique et politique. Elle a critiqué l’Ecole de Chicago, non seulement sur ses mérites théoriques mais surtout parce que ses thèses sont devenues un instrument au service des entreprises pour paralyser des décisions de contrôle par les autorités publiques. Et le maintien de ces approches périmées s’explique selon elles par le fait que leur diffusion est financée par les entreprises pour mieux contrôler les marchés aux détriment des consommateurs.

Une large partie de son travail consiste donc désormais à proposer de nouveaux outils pour la politique de concurrence, et à chercher un consensus académique dessus afin d’opposer des contre-propositions à la doctrine installée des tribunaux.

Dans le désordre, citons déjà des méthodes d’appréciation des fusions verticales qui portent sur des produits et services différents mais complémentaires qu’elle appelle à ne pas considérer comme vertueuses. Elles ne créent pas forcément de gains de productivités nouveaux, et permettent d’enfermer les consommateurs ou les fournisseurs dans des univers clos : pensez aux fournisseurs de services sur internet ou un seul compte vous permet de faire tout ce dont vous avez besoin.

Mais surtout la question des modes de preuve recevables. La doctrine américaine est favorable aux entreprises, auxquelles profite le doute. Si le caractère néfaste d’une pratique n’est pas absolument prouvé et quantifié, l’Etat ne peut pas intervenir. Elle propose de permettre les décisions antitrust avec un standard de preuve plus faible, afin de tenir compte de l’incertitude intrinsèque à toute analyse économique. Inversement, elle propose de dégager des cas types dans lesquels l’effet négatif des pratiques ou des concentrations peut être présumé, l’entreprise devant alors prouver leur innocuité. Cette logique est beaucoup plus proche de la pratique européenne, qui établit par exemple des listes blanches, grises et noires.

En recrutant Fiona Scott Morton, la Commission européenne se payait donc potentiellement une figure de proue du mouvement américain de réévaluation favorable au contrôle antitrust.

Les conflits d’intérêts : Docteur Jekyll et Mister Hyde

Mais le sujet qui emporte la nomination de Fiona Scott Morton est la question de ses conflits d’intérêts dans le domaine du numérique, qui est au coeur du programme d’action de la Commission.

Côté pile, nous avons une économiste qui identifie depuis longtemps le secteur numérique comme celui dans lequel la puissance économique et le pouvoir de nouveaux milliardaires s’établit le plus rapidement et le plus dangereusement. Elle s’oppose en particulier à l’idée que le développement technologique rapide y rend vaine toute tentative de contrôle ou de régulation, dépassée aussitôt qu’esquissée. Elle a publié des articles de recherche consacrés aux principaux acteurs du secteur, pointant leurs pratiques problématiques sur le marché et appelant à des sanctions antitrust à leur égard. Elle défend une régulation stricte du marché.

Côté face, on ne sait pas bien et c’est tout le problème. Fiona Scott Morton a travaillé pour différents GAFAM, sans que les prestations réalisées soient aujourd’hui explicites. Elle intervient en effet au sein du cabinet CRA international qui propose à ses clients des expertises à mobiliser notamment dans le cadre de procès. Ni la Commission, ni Margrethe Vestager lors de son audition n’ont souhaité donner de détails sur les prestations considérées, sur l’appréciation de la sévérité des conflits d’intérêt qu’elles peuvent faire naître, sur les garde-fous mis en place.

Ces collaborations ont d’abord été présentées comme tout à fait bénignes, n’appelant presque aucune précaution dans le déport de Fiona Scott Morton sur les dossiers dont elle aurait eu la charge. Puis la Commission a fait savoir que cette dernière « ne sera pas impliquée dans des dossiers sur lesquels elle a travaillé ou dont elle a eu connaissance dans son emploi précédent » pendant deux ans. Mais lesquels ? Les listes d’entreprises concernées qui circulent ne se recoupent pas. On parle de d’Apple, de Facebook, d’Amazon, de Microsoft.

Quelle part de son activité serait ainsi suspecte ? S’agit-il d’opinions techniques sur des sujets d’économie industrielle ou d’actes de lobbying ? De conseils ou d’avis d’experts destinés à être produits en justice dans un cadre antitrust ? Les seuls sujets techniques sur lesquels elle a donné son avis ? Les entreprises qui l’ont rémunérée ? Dans ce dernier cas, au vu de la liste et de leur part de marché cumulée, il serait également inconcevable qu’elle puisse donner son opinion sur leurs concurrents. C’est tout le domaine du numérique qui lui serait alors fermé.

Les conflits d’intérêts sont chose courante, les experts étant sollicités : c’est leur métier. Il convient simplement d’évaluer leur importance, s’ils font obstacle à une nomination et si des garde-fous plus ou moins importants doivent être mis en place. En refusant de discuter publiquement de l’étendue de la difficulté potentielle, la Commission a en réalité condamné son choix de nomination. Tout devenait en effet imaginable, l’américaine au service des GAFAM nommée experte en chef pour leur contrôle étant une image indéfendable. Faute d’avoir su défendre politiquement son choix, qui était peut être défendable, ou pas, la Commission s’est pour une fois heurtée à des contrepouvoirs vivaces. Souhaitons que la leçon de ce crash immense soit retenue.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

Soutenez notre action !

Sauvons l'Europe doit son indépendance éditoriale à un site Internet sans publicité et grâce à l’implication de ses rédacteurs bénévoles. Cette liberté a un coût, notamment pour les frais de gestion du site. En parallèle d’une adhésion à notre association, il est possible d’effectuer un don. Chaque euro compte pour défendre une vision europrogressiste !

Articles du même auteur

27 Commentaires

  1. Dans cette affaire, on comprend que la préoccupation essentielle de l’Union européenne est économique et donc on va chercher les prétendues « meilleures compétences » comme le fait une entreprise. On en déduit qu’en Europe, ces compétences n’existent pas à moins que l’on espère découvrir un « secret de fabrication » étasunien en recrutant Fiona Scott Morton.
    Si la Commission européenne est convaincue des idées de Fiona Scott Morton qu’elle a fait connaître dans ses publications, alors pourquoi ne pas désigner un économiste européen qui les mette en œuvre?

    • De ce qui se dit, il semble plutôt que le projet global pour le poste ait été apprécié par le jury de recrutement, là où d’autres candidats proposaient chacun leur orientation. Il semble que Fionna Morton ait insisté sur la prise en compte du numérique, qui est sa spécialité, là où son opposant finaliste proposait une meilleure prise en compte des conséquences sociales.

      Il est dommage que la Commission n’ait pas assumé le choix d’un profil de poste pour simplement communiquer sur des compétences. Et surtout refuser de s’expliquer.

      • J’insiste. L’Union européenne manquerait-elle de ressources de compétences notamment numérique? Ce n’est pas seulement un sujet économique.

      • Je suis outré par ces réflexes populistes européens! L’Américaine a été de loin la meilleure candidate et il fallait l’accepter – cela aurait été une percée pour la reconnaissance et surtout le respect envers les Européens . Plus que dommage !!

  2. Très bien. Merci Arthur de rappeler que le fait d’être américaine n’est pas automatiquement un problème et que les questions d’orientation politique et de conflit d’intérêt mériteraient d’être traitées proprement sans crier au loup. Un détail par ailleurs : le correcteur orthographique a mis « logements » à la place de « longtemps » au milieu du texte.

  3. Excellente analyse d’Arthur (je bifferais « morgue » au début et « immense » à la fin) bien meilleure que celles de LIBE. Il reste que la suspicion pesant a priori sur la loyauté professionnelle de Mme Morton est déplaisante et, probablement injuste.

  4. La loi du marché, des tribunaux gérés par les multinationales et qui ont préséance sur les gouvernements tout en veillant à l’anéantissement des services publics, que peut-on encore attendre du côté nord-américain alors que l’on sait que les USA font tout pour conserver leur suprématie ?
    Les milliardaires les plus dangereux ne sont pas dans le numérique mais dans l’armement, ce sont eux qui nous ont concocté une nouvelle guerre en Europe. Il suffit de lire la presse anglo-saxonne – pas la presse pro-russe – pour s’apercevoir que les five-eyes n’arrêtent pas de jeter de l’huile sur le feu. L’industrie de l’armement est en plein boom alors que la planète devient inhabitable.
    Quand allez-vous cesser d’appeler les Européens des consommateurs ? Nous sommes des citoyens européens et nous désespérons de voir un jour s’établir une démocratie européenne. Productivité et consommation sont les deux mamelles de la crise climatique, la commission n’a plus aucune légitimité, pas plus que les économistes qu’elle chérit.

      • Que sous-entendez-vous par « un peu surprenant sur ce site » ? Il me semble en effet que, depuis l’origine, ce dernier est conçu comme une enceinte de dialogue, voire un forum de discussion, ouvert à toutes les opinions.
        .
        Cela n’empêche pas de lutter contre le « fakisme » (néologisme – virtuel, mais à la consonance suffisamment explicite – fondé sur le concept de « fake news »). Ainsi, à défaut de connaître le moment précis où vous avez découvert le site, je rappelle qu’il y a quelques années SLE a vigoureusement combattu les commentaires émanant de fieffés « trolls » d’extrême-droite déversant des flots de contre-vérités sur l’UE.

        Cela étant précisé, même si nous faisons état de divergences entre votre « ressenti » et le mien (c’est un peu comme la météo), je m’empresse de souligner que j’ai bien conscience de ce que vous êtes personnellement à l’opposé de telles dérives et que nos approches respectives ont au moins le mérite de la sincérité.

        • Très simple : « …la commission n’a plus aucune légitimité, pas plus que les économistes qu’elle chérit ».
          Je suis en effet surprise de trouver une telle remarque sur ce site.
          Voilà donc ce que j’entends par « un peu surprenant sur ce site » : la remise en cause claire de la commission.
          Pas plus.
          (Je ne doute pas un instant que vous n’êtes pas de ceux pour qui toute nuance, toute pensée un peu différente à propos, entre autres, de l’UE, détruit toute possibilité d’existence de cette pensée différente en la réduisant aussitôt à l' »extrême droite » (trolleuse…) Bien des gens de gauche pensent qu’on peut ne pas être en admiration devant l’économisme de l’UE.
          Le reconnaître serait, me semble-t-il, profitable à une avancée positive de l’UE, voire de l’Europe, puisque l’UE n’est pas toute l’Europe.)

          • Merci pour la reconnaissance du fait que je ne suis pas tout à fait un béni oui-oui en admiration inconditionnelle de ce que fait une Commission au sein de laquelle j’ai évolué durant près de 40 ans… avec suffisamment de recul pour donner mon sentiment sur ses qualités et ses défauts. Je vous invite d’ailleurs à lire plus bas le commentaire que j’ai rédigé ce jour à 17 h 05.

            Fondamentalement, je pense que vous et moi, nous partageons suffisamment de « valeurs » pour que je me garde bien de vous compter parmi les « trolleurs » qui, il y a quelques années, polluaient le site de SLE avec de dangereuses et erronées considérations inspirées de la pensée d’extrême droite. C’est précisément la différence fondamentale que je souhaitais mettre en évidence… mais je me suis peut-être mal (ou maladroitement) exprimé.

            Encore une fois, je serais curieux de connaître l’époque à laquelle vous avez commencé à vous intéresser au présent site. Si c’est relativement récent, il est normal que vous n’ayez pas connaissance des articles et commentaires critiques émanant de l’équipe de SLE qui ont été loin de ménager la Commission.

  5. Merci Arthur pour cette très intéressante contribution. En effet, j’éviterais moi aussi le mot « morgue » car la force de la Commission européenne est, aussi, de disposer d’un droit de nomination à des postes importants, dans l’intérêt européen, sans devoir dépendre des intérêts nationaux des Etats membres… mais avec une nécessaire pédagogie sur les raisons d’un choix de ce type, qui a ici clairement manqué. L’arroseur a été arrosé, ce dont n’avait pas besoin la Commission von der Leyen, à l’approche d’une élection « compliquée » au Parlement européen

  6. « La Commission européenne vient de jouer un psychodrame dont elle se serait volontiers passé, ». Non. La CE vient de jouer un psychodrame dont elle aurait dû absolument se passer.
    Le manque de sens politique dans cette nomination est atterrant.
    Entre une commissaire qui fait ses cartons et une présidente de la Commission que l’on a toujours du mal à cerner, l’affaire est pitoyable. Cela rappelle ses errements quand elle était ministre de La Défense en Allemagne.
    Cette nomination d’une personne dont on ne connait même pas les véritables intérêts et conflits d’intérêts, ni le passé professionnel est un non sens et oui, sa nationalité américaine pose problème.
    La discussion sur la critique de l’école de Chicago n’a pas de sens ici, si ce n’est de rappeler les controverses qui passionnaient Byzance à la veille de sa chute.
    Pourquoi, dans le même esprit, ne pas nommer Bortnokof, conseiller à la sécurité de Poutine (et accessoirement chef du FSB) à la tête du Fonds d’investissement européen pour La Défense et adjoint de Borrel? C’est un excellent spécialiste lui aussi.

    • Brillante conclusion ! Il tombe en effet sous le sens que le choix de Fiona Scott Morton était avant tout politique et non pas « technique ». Clairement, l’orientation largement dominante des principaux acteurs de l’Union Européenne est pro-américaine. Le projet politique est limpide : arrimer l’Union Européenne aux Etats Unis d’Amérique d’une manière autant que possible irréversible afin de constituer un bloc occidental à très forte dominante anglo-saxonne.
      Il faut le savoir : un citoyen des Etats Unis est avant tout américain, loin devant son statut de citoyen (cf « le dollar est NOTRE monnaie et VOTRE problème »).

    • Il ne me semble pas que Bortnokof ait construit sa carrière académique sur la menace posée par l’armée russe et les meilleures manières d’y résister…

      • Cher Arthur, Vous êtes d’habitude très bien inspiré, mais là, vous ne pouvez défendre ce choix, quelle que soit la qualité de cette dame.
        Sur le plan économique, les Américains ne sont pas nos alliés, mais nos adversaires. Le fait d’aller débaucher une universitaire obamesque pour lui confier un poste de hautes responsabilités en Europe est une énorme erreur politique.
        Et au cas où vous ne l’auriez pas vraiment enregistré, plusieurs commissaires ont protesté contre cette nomination, ce qui est rarissime, et la dame en question, plus fine que celles qui l’avaient nommée, a fini par renoncer.
        Débat à peu près clos, jusqu’à la prochaine erreur de la Commission et de sa présidente.

  7. Bonjour.

    Cet arrimage avec les USA est risible et dramatique en même temps.

    Comme je l’ai déjà écrit dans un précédent commentaire, les masques sont tombés, la commission européenne fait preuve de vassalité envers les USA, je sais maintenant que la finalisation de la construction européenne est une chimère.

    Nous allons avoir très mal dans les années à venir si le camp républicain aux USA l’emporte, l’appauvrissement de l’Europe est inéluctable, le fameux slogan de TRUMP « les USA avant tout » est toujours d’actualité, nos gouvernant sont lamentables et corrompus, comment peut-on encore dire dans le contexte actuel « SAUVONS L’EUROPE » ?

    • Pour rappel, Fiona Scott Morton représente un courant minoritaire dans la pensée légale aux USA. La nommer n’est donc pas une vassalité par rapport aux USA, dont l’administration ne partage pas ses idées. Il s’agissait d’une maladresse politique majeure précisément parce que cette nomination donne lieu à cette impression.

      • Bonjour Arthur.

        Merci pour votre réponse, néanmoins, je ne partage pas votre analyse.

        A ce niveau, parler de maladresse montrerait en plus le niveau d’incompétence de nos gouvernants.

        Je pense que le mal est encore plus profond, le déni de démocratie, l’opacité et la corruption ronge les rouages de la communauté Européenne.

        Comme je l’ai écrit et vous ne pouvez pas l’ignorer, la seule issue est la finalisation de la construction européenne, mais ils n’en veulent pas ?

        • Cher ami, pour une fois, je ne partage pas tout à fait votre approche quant à la qualification que l’on peut attribuer à cette malheureuse « péripétie »: je m’en explique dans le commentaire ci-dessous.

  8. Pourquoi chercher une explication alambiquée confinant, pour ainsi dire, à une sorte de complotisme vaguement dans l’air du temps, sinon traditionnellement délibéré ?

    Il me semble en effet que le terme le plus approprié pour qualifier cette malheureuse séquence est celui employé par Arthur: maladresse.

    Maladresse imputable à une commissaire (paradoxalement en charge de la politique de concurrence !) qui, agissant quasiment en catimini, a surtout eu le tort de s’abstraire d’un principe fondamental du fonctionnement de son institution: à savoir la collégialité entre membres de la Commission – un principe particulièrement vertueux lorsqu’il s’git de prendre une décision d’une telle sensibilité et dont, dans le contexte, sinon la précipitation,d’une réorientation souhaitée de sa carrière, elle n’a sans doute pas mesuré toute l’importance.

    Bref, comme le laisse entendre par ailleurs Maurice Guyader, nous sommes certainement en présence d’une Commission peu responsable… bien différente, me permettrais-je d’ajouter, de celles que quelques uns d’entre nous avons connues dans le passé, à commencer par les collèges qu’a présidés Jacques Delors. On rappellera en outre que c’est à cause, là aussi, d’un problème d’emploi dans un cabinet de commissaire que la Commission chapeautée par Jacques Santer a été conduite à la démission.

    Cela dit, pour dépersonnaliser la question, l’ « affaire Scott Morton » offre l’opportunité de mettre plus largement en lumière une autre question: celle de l’emploi, au sein de la Commission, d’un personnel originaire d’autres pays que les Etats membres de l’UE.

    Or, les statistiques produites par la Commission montrent qu’au 1er janvier 2023, sur un effectif de 32262 fonctionnaires et assimilés, 489 (soit 1,5 %) étaient de nationalité britannique – un reliquat non affecté par le Brexit pour des raisons essentiellement « humaines » – et 1945 (6 %) entraient dans la catégories « autres » (sans plus de précision).

    Il est par ailleurs un domaine où, quoique toujours dans une proportion restreinte, une certaine tolérance est de mise au sein des services de la Commission (mais cela vaut aussi pour les autres institutions): c’est celui qui permet à de jeunes diplômés de l’université de bénéficier d’un stage de cinq mois dans ce cadre. Certes, ce statut n’implique pas l’exercice de responsabilités sensibles, mais des ressortissant.e.s de pays tiers ont, parallèlement à des stagiaires originaires de l’UE, la possibilité de se familiariser avec le fonctionnement de l’Union… une connaissance qui peut s’avérer utile pour leur future carrière dans leurs pays respectifs. L’un des exemples les plus emblématiques a été le séjour « bruxellois » du prince héritier du Maroc, régnant aujourd’hui sous le nom de Mohammed VI. Mais j’ai aussi eu personnellement l’honneur de me faire assister par une stagiaire suédoise avant que son pays ne fasse partie des Etats membres… et, à un autre moment, par une stagiaire québecoise répondant au merveilleux patronyme de Nicole Lafrance !

    • Bonjour Monsieur VERNIER.

      Comme pour Arthur, je ne partage pas votre analyse, une maladresse imputable à une commissaire, incroyable ?

      Si je pousse le raisonnement vers l’absurde, on pourra alors dire qu’une guerre nucléaire mondiale peut se déclencher par accident.

      Non, le mal est plus profond, il exige de revoir les rouages de l’UE, de faire progresser les institutions pour que les décisions prises reflètent notre idéal européen.

      Concernant les exemples que vous citez, je ne suis pas forcément en désaccord, nos amis britanniques devront petit à petit ne plus en faire partis puisqu’ils ont quittés l’UE, pour les autres exemples, idem, à conditions qu’ils n’approchent pas de trop près certaines instances européennes sensibles, etc, etc….

      Toujours est-il que c’est un véritable plaisir de lire vos commentaires et vos articles, idem pour Arthur.

      • Les membres de la Commission sont en général choisis pour leurs qualités…sous le regard scrupuleux du Parlement européen. Mais ce n’est pas pour cela qu’ils/elles échapperaient, en cours de mandat, à des travers communs à tous les humains. Et la maladresse peut, à l’occasion, faire partie de ces sorties de route, comme le prouverait le malheureux épisode que nous avons à coeur de commenter, avec des « ressentis » variés selon nos perceptions respectives.

        Je profite de ce commentaire pour me risquer par ailleurs à un parallèle à la lumière d’une actualité récente qui touche le monde de l’information en France: je veux parler de la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du Dimanche. Il n’aura échappé à personne qu’imposer à la hussarde une telle décision – même au nom des prérogatives des actionnaires – s’est avéré pour le moins hasardeux, sinon méprisant, en regard des réserves exprimées par le personnel de la rédaction. Il aura « beau leurrer » la base, le grand patron du groupe de presse a-t-il fait preuve d’habileté ? Cela peut pour le moins prêter à réflexion, voire à discussion…

  9. Post-scriptum à l’intention de Mme Ascari-Rame: pour illustrer mon propos relatif à une attitude ne confinant pas à la complaisance à l’égard de la Commission européenne, je vous suggère de vous reporter à l’article publié sur le site de SLE le 2 février 2018 sous le titre « Barroso Gate »: il me semble que l’auteur de cette chronique n’a guère ménagé l’ancien président de la Commission en regard de la « reconversion » de ce dernier au sein de Goldman Sachs un an et demi seulement après la fin de son mandat à la tête du Collège des commissaires. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de la liberté de critiquer en honneur chez Sauvons l’Europe.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

A lire également