Juncker souhaite-t-il partir ?

Alors que l’affaire Selmayr monte et que la Commission, pressée de plus d’une centaine de questions par le Parlement européen et l’Ombudsman se perd dans un légalisme irréel et malhonnête, Jean-Claude Juncker a fini par sortir de sa réserve et poser le débat dans ses vrais enjeux. Jeudi dernier, il a fait savoir aux dirigeants du PPE (conservateurs), il a indiqué que Martin Selmayr ne démissionnerait pas et que s’il était renvoyé, lui, Juncker, démissionnerait de son mandat.

Ce faisant, cette crise n’est plus une question de respect des règles de promotion, mais une crise politique. Il ne s’agit plus de savoir si un collaborateur proche du Président de la Commission a été remercié par une promotion irrégulière, mais de l’affirmation par le Président d’un tandem entre lui et celui qu’il place à la tête de l’administration, autrement dit de la mise en place d’un spoil system dans lequel la haute administration est  politiquement solidaire de la Commission.

Pourquoi pas. Ceci mérite que l’on passe à une phase suivante du débat. Les Etats-Unis pratiquent ainsi le spoil system, ce qui se traduit par une confirmation des personnels considérés par le Congrès. Le Parlement européen devrait réfléchir à ce levier de pouvoir potentiel assez énorme.

Mais si, comme il est vraisemblable, le débat se concentre sur la personne de Selmayr, la question de la sortie de la Commission est posée. Nous avons dit que Juncker est personnellement très fatigué, et que sans doute il ne s’estime plus capable de tenir son rôle sans l’assistance de Selmayr. Sa menace de démission doit être prise au sérieux. Il est parfaitement possible qu’une nouvelle Commisison soit formée juste avant les élections.

Ce n’est pas forcément un mal. Les parlementaires PPE ayant, dans les faits, tué la désignation démocratique du Président de la Commission, un tel événement permettrait de respecter les formes. Le nom qui circule sur les lèvres pour remplacer Juncker est celui de Michel Barnier, dont la gestion du Brexit est pour l’heure unanimement saluée. Sauf tremblement de terre électoral, la victoire électorale du PPE au prochain scrutin apparaît certaine. Ceci préserverait le jeu formel du Spitzenkandidat, Michel Barnier se présentant aux électeurs pour se faire confirmer sa nomination. Et il sera toujours le temps de remettre l’ouvrage sur le métier à la prochaine mandature.

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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5 Commentaires

  1. Il est dommage que les – rares – sites français pro-européens se laissent entrainer dans ce type de polémique journalistique qu’il faut laisser aux amateurs de « coulisses ». Il y a tellement de sujets européens vraiment importants à relever et clarifier pour les lecteurs de S l’E. JGG

    • Assez d’accord sur ce point. Certes la nomination de Selmayr pose problème mais je n’ai pas bien compris l’intensité de la croisade menée en particulier par Quatremer : au delà du microcosme bruxellois les grands enjeux sont ailleurs, magnifiés par le Brexit, le vote autrichien, puis italien, des élections hongroises qui sentent vraiment mauvais, la fiscalité européenne, Poutine, Trump…..bref l’avenir du Continent.

        • Je ne nie pas le contraire, et dans la hiérarchie des enjeux (assez subjective de ma part , je le reconnais), cette démission peut revêtir une certaine importance par rapport a l’affaire Selmayr meme si les deux cas sont en partie liés.

          Je faisais également allusion a la croisade menée par Quatremer (avec qui je suis globalement en accord) qui s’est fendu d’une bonne dizaine d’articles autour du cas Selmayr, ce qui me parait relever de l’acharnement.

          Mais je maintiens la position concernant les enjeux européens qui dépassent largement la nomination du proconsul Selmayr et même la démission de JC Juncker, enjeux que je rappelais plus haut, auquel on pourrait ajouter la difficile articulation des politiques européennes entre l’ Allemagne et la France.

  2. aucun enjeu européen ne peut être traité avec une Commission faible.
    La Commission doit/peut suggérer des perspectives, et appliquer les décisions.
    Les décisions sont presque toutes inter-gouvernementales, le Parlement a un rôle cosmétique, lorsque ses votes conviennent aux vrais décideurs, ils sont appliqués etc…, lorsque ce n’est pas le cas ils sont simplement ignorés.

    L’Europe souffre moins du manque de démocratie que du manque de direction, elle accumule les égoïsmes et intérêts nationaux au lieu de chercher une synergie dynamique.

    Après 10 ans de Barroso « qui savait ne rien dire en 5 langues », voici Junker également polyglotte, également impotent.

    Macron a repris les idées et utopies qui ont fait l’Europe des Fondateurs, puis de Delors.
    J’espère que l’accord allemand CDU-SPD permettra d’en faire un plan d’action.

    Junker n’a aucune importance.

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