Tsar Wars : PalPoutine, le côté obscur de la force ?

Les passionnés de « Star Wars » feront-ils preuve d’indulgence envers l’auteur du présent article, qui s’est aventuré à jongler quelque peu avec le nom (Palpatine) d’un des personnages de la série ?

De fait, il faut avouer que la tentation était puissante de puiser à une telle source à la lecture du scenario de la célèbre saga, tel que présenté par l’encyclopédie virtuelle Wikipédia, évoquant « un pouvoir [acquis] grâce à deux camps : les Séparatistes et la République », l’intéressé mettant à profit la « crise de sécession qu’il a secrètement incitée » (Donbass et Louhansk).

Avec un peu de recul, d’aucuns ne manqueront pas de déceler une certaine continuité de l’Histoire en se posant la question : « Kiev (2022) après Budapest (1956) et Prague (1968) ? » D’autres, remontant encore plus résolument dans le temps, pourront être tentés de risquer un parallèle avec la guerre d’Espagne, en tout cas sur un point : le départ de volontaires suédois, japonais, britanniques, français, américains, voire nigériens – pour n’en citer que quelques-uns – à la rescousse des Ukrainiens face au « Franco » russe…  n’est pas sans rappeler, peut-être avec davantage d’improvisation à ce stade, l’intervention des « Brigades internationales » de l’époque.

Les manifestations d’opposants à la guerre à l’intérieur-même de la Russie conduisent aussi à s’interroger sur l’état d’esprit des soldats russes (en tout cas les plus jeunes d’entre eux) impliqués – « malgré eux » ? – dans l’invasion de l’Ukraine. On se remémore les paroles révoltées de Jean Ferrat face à l’entrée des troupes soviétiques dans Prague en août 1968 : « Que venez-vous faire, camarades, que venez-vous faire ici ? » …  Toutes interpellations que résume -judicieusement, me semble-t-il – le titre à la une de « Libération » du 5 mars : « Vladimir Poutine, rideau d’enfer sur l’Europe ».

L’Europe ? Après la crise sanitaire, la voici maintenant confrontée, à ses portes, à une véritable guerre, qui confère un certain relief aux propos prémonitoires de Guillaume Duval, publiés il y a trois ans :  « avec Vladimir Poutine, l’Europe a retrouvé un ennemi extérieur,  au sens le plus classique du terme – ce qui rend d’autant plus urgent et nécessaire le développement d’une politique étrangère et de défense commune, dans un contexte où elle ne peut plus vraiment compter sur les Etats-Unis pour la protéger des velléités de revanche de la Russie » (Guillaume Duval, « Trump, Poutine, Orban, Salvini, le Brexit : une chance pour l’Europe » – 2019). En tout état de cause, le resserrement des attitudes des Etats membres de l’UE sur le terrain des sanctions à l’encontre de la Russie, et auxquelles adhèrent tant un pays traditionnellement neutre comme la Suisse  que  le secteur privé européen (« quoi qu’il en coûte » ?) constitue a priori un premier jalon en ce sens.

Un symbole de l’Europe, c’est par ailleurs un pavillon aux douze étoiles d’or sur fond d’azur : serait-il si anodin d’observer que le bleu et le jaune constituent aussi les couleurs du drapeau ukrainien ?

Pour autant, si le cri du cœur de certains en faveur d’une adhésion rapide de l’Ukraine à l’Union européenne peut sembler compréhensible, voire légitime, il faut reconnaître qu’un tel processus ne va pas de soi. Outre le fait que l’Union est déjà bien « occupée » par la présence de 27 Etats membres, dont tous, du reste, ne semblent pas enclins à promouvoir les valeurs sur lesquelles elle est fondée, la perspective d’une arrivée précipitée d’un nouvel adhérent de la stature de l’Ukraine mérite d’être sérieusement examinée…  ce qui, loin de là, ne doit pas empêcher de réfléchir à de nouvelles formules en mesure de transcender celle de l’ « association » classique.

Pour clore ces quelques considérations  – sans doute un peu décousues – que peut inspirer la situation en Ukraine, deux observations me viennent spontanément à l’esprit :

  • d’une part, que l’attitude exemplaire du président Zelensky ne devrait pas pousser l’héroïsme jusqu’à partager la fin tragique de Salvador Allende au Chili en 1973 ;
  • d’autre part, que le président Poutine, qui se targue volontiers d’élans mystiques, médite avec sagesse le verset 25 du chapitre 9 de l’Evangile selon saint Luc : «Quel avantage un homme aurait-il à gagner le monde entier s’il se perd ou se ruine lui-même ? »
Gérard Vernier
Gérard Vernier
Ancien fonctionnaire de la Commission européenne & enseignant à l'Université Libre de Bruxelles

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14 Commentaires

  1. Il ne reste qu’à espérer pour la paix dans le monde qu’un nouveau prince Ioussoupov se lève à Moscou pour débarrasser la Russie du nouveau (Ras) Poutine.

  2. Outre le fait que l’Union est déjà bien « occupée » par la présence de 27 Etats membres, dont tous, du reste, ne semblent pas enclins à promouvoir les valeurs sur lesquelles elle est fondée, la perspective d’une arrivée précipitée d’un nouvel adhérent de la stature de l’Ukraine mérite d’être sérieusement examinée… ce qui, loin de là, ne doit pas empêcher de réfléchir à de nouvelles formules en mesure de transcender celle de l’ « association » classique.

    Voilà un propos bien sibyllin ! Pourriez-vous préciser votre pensée ?

  3. l’Europe des marchés capitalistes a supplanté l’Europe des Peuples pour nous amener à la situation actuelle, la guerre. Les droites qui ont toujours été aux manettes principales dirigeantes dans ce marché de dupes ont permis à un dictateur à nos portes d’imposer ses vues étriquées à l’Europe. Il humilie même ses représentants qui se couchent devant lui, totalement impuissants. Quelle honte ! Ce sont les peuples européens qui viennent en aide urgente à l’Ukraine, les dirigeants rament dans leurs différences de vues. L’Allemagne a son lot de responsabilités. Les médias déversent leur propagande et racontent n’importe quoi : les avoirs russes gelés, les yachts arraisonnés. Cà ne les impressionne pas, ils s’en relèveront facilement. Les slaves ce ne sont pas les latins. En peu de temps, on a fabriqué des milliardaires russes, comme d’autres proches de nous, au détriment des peuples car ils sont sur toutes les rentabilités possibles. Et à nouveau, les augmentations des denrées principales à venir vont mettre à genou les Peuples. Félicitations !

    • La prétendue des peuples, c’est justement ce que veulent les adorateurs de Poutine. Le marché n’est pas du tout la cause de la guerre en Ukraine. L’impérialisme n’est pas le stade suprême du capitalisme. L’impérialisme est le stade suprême du nationalisme.

  4. Volontiers. Mon propos se fonde sur les déboires constatés dans les préparatifs quelque peu « hâtifs » de l’élargissement de l’UE aux pays d’Europe centrale et orientale, même si, à l’époque, des gains en termes politiques pouvaient être escomptés de ce processus.A bien des égards, ces espoirs, tout à fait légitimes, ont été déçus… et le comportement récent de deux pays « Phare  » – la Pologne et la Hongrie – en témoigne malheureusement.

    Quant à l’Ukraine, sa « stature » de nation de 44 millions d’habitants (la Pologne en compte un peu moins de 40 millions) impose de réfléchir à l’impact que son adhésion pourrait avoir quant à l’équilibre institutionnel dans le fonctionnement de l’UE… au-delà de la situation économique qui prévaut dans ce pays, situation certainement aggravée par les conséquences du conflit en cours. C’est la raison pour laquelle il me semble qu’il conviendrait, plutôt que de s’obstiner dans un processus d’élargissement irréaliste de l’UE (et cela vaut aussi pour d’autres candidats à l’adhésion), de réfléchir à la possibilité de dynamiser la formule de l’ « association » à l’Union, avec la perspective de nouveaux modes de fonctionnement.

    Après tout, l’expérience montre (j’en ai été le témoin direct à la faveur d’une longue carrière à la Commission) qu’on a pu trouver des formules originales à la faveur des relations avec les pays en développement. Pourquoi, mutatis mutandis, ne pas mettre l’imagination qui en a permis l’essor au service du rapprochement avec des voisins de l’UE ? En l’occurrence, la politique -précisément- de « voisinage » pourrait en constituer un vecteur précieux.

    • PS: on aura compris que mon commentaire constituait une réponse aux questions posées par Yves Herlemont !

      • Je vous remercie, Monsieur Vernier, d’avoir pris la peine de me répondre. C’est un peu plus clair ainsi. Toutefois, vous ne semblez (d’après moi) n’envisagez le problème de l’union que sous le seul angle du développement économique sans prendre le problème existentiel que traverse l’U.E. par la racine. Je persiste à penser que les dimensions du problème dépassent le domaine économique. Pour ma part, je ne vois la solution qu’à travers une refondation de l’Europe (sur base de la zone Euro) par un système fédéral basé sur des principes démocratiques, fiscaux, sociaux et environnementaux communs. Le débat est évidemment ouvert.

        • A la suite de votre dernier commentaire, j’ai pris soin de relire ma « tribune ». Or, il me semble que celle-ci n’est aucunement centrée sur les aspects économiques de l’UE. N’étant pas de formation « économiste », je serais, du reste, bien mal avisé de m’aventurer sur ce terrain.

          Au contraire, l’évocation de Budapest, de Prague, des Brigades internationales, de ce qu’il transparaît des oppositions internes à la Russie, voire la citation des propos de Guillaume Duval au sujet du nécessaire développement d’une politique étrangère et de défense commune ainsi que la référence aux « valeurs » sur lesquelles est fondée l’Union européenne – transcendant tout objectif mercantile – me paraissent relever avant tout du domaine politique. J’ose espérer que cette approche aura été ainsi perçue par la majorité de nos lecteurs.

  5. Bonjour.
    A la lecture de l’article et de vos divers commentaires, de l’historique de la construction européenne, on ne peut s’empêcher de penser que la primauté des marchés, de la recherche de profit, de la cupidité ont prévalu face à la construction politique de l’Europe dont le résultat devait être l’ETAT NATION EUROPEENNE avec toutes les prérogatives qui y sont attachées dont une défense commune qui nous manque si cruellement aujourd’hui.
    On ose proposer dans les circonstances actuelles un projet d’adhésion futur à l’UKRAINE, à la GEORGIE et à la MOLDAVIE alors que des pays de l’Est qui en font déjà parties montrent des réticences à nos valeurs démocratiques ?
    Pour moi, c’est encore des tergiversations, on en sort pas ?
    Pendant ce temps, un peuple est entrain de se faire massacrer, on assiste au même scénario qu’a ALEP, qu’a GROZNYI ainsi que dans d’autres guerres ?
    Je vais peut ‘être en choqué certains, mais ne faut-il pas s’engager militairement avec l’aviation pour éviter le risque d’effondrement de l’UKRAINE, les milliers de morts à venir ?
    CHURCHILL disait « Il vaut mieux la guerre que la servitude », je rajouterai en plus le déshonneur.
    POUTINE le dictateur nous dit que si nous intervenons, il se servira de l’arme nucléaire, donc nous ne ferons rien et l’UKRAINE tombera, ce sera ensuite le tour de la GEORGIE, de la MOLDAVIE, des pays BALTES, et après a qui ?
    Est ce le bon raisonnement que d’avoir peur et de ne pas agir, ne pensez vous pas que la CHINE est dans une contemplation jouissive aujourd’hui, ne pensez vous pas qu’elle agirait différemment s’il y avait un risque plus important ?
    Que vont faire demain d’autres pays, j’ai l’arme nucléaire, si vous intervenez je balance, allons nous vivre un tel scénario qui risque de se répéter ?
    Que dire du non embargo sur le gaz, nous luttons contre une guerre que nous finançons ?
    Nous sommes retombés dans le même piège qu’HITLER nous avait tendu la veille de la seconde guerre mondiale, en cherchant la paix nous avons obtenu la guerre, elle a été l’une des plus grandes catastrophes du 20ième siècle, allons nous renouveler cette erreur qui risque cette fois ci d’être fatale ?

    Ce que j’écris ci dessus est osé, je m’excuse, je ne détiens surtout pas la vérité, je devais l’écrire, j’attends vos réactions pour m’éclairer,

    • C’est très osé, en effet, mais je suis certaine que beaucoup pensent de la meme façon, sans trop oser le dire… moi, par exemple. Et la comparaison avec l’attitude avec Hitler m’était déjà venue à l’esprit. Qui a dit que l’Histoire ne se répète pas ?

      • Le problème est en effet de savoir jusqu’où ira Poutine s’il n’y a pas d’intervention militaire. Peut-on le laisser écraser l’Ukraine, installer un fantoche à sa tête, puis s’en prendre à un autre pays jusqu’à retrouver « la grande Russie « ??

        • Bonjour.
          Vous n’êtes que deux à avoir répondu à mon commentaire, comme l’écrit Madame BOMPAIRE, il semblerait que beaucoup pense la même chose s’en oser le dire, c’est dommage, on ne peut pas influencer les décideurs avec une telle attitude ?
          Monsieur PODEVIN, ce qui va créer un précédent si le dictateur POUTINE arrive à ses fins est le fait de brandir l’arme nucléaire contre un pays qui ne l’a pas pour l’envahir, pour empêcher les pays qui l’ont de le contrer, c’est un exemple que d’autres pays belliqueux suivront quand ils l’ont, c’est également un signal fort pour relancer la prolifération nucléaire, que ce soit pour se protéger ou agir à l’identique, nous avons démontré au monde par notre comportement que la dissuasion nucléaire n’était plus défensive, qu’elle devenait offensive ?

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