Le coup de stéthoscope : l’UE à l’écoute de la respiration du monde

Aujourd’hui, le périscope voué à balayer un large spectre de l’actualité européenne cède exceptionnellement la place à un stéthoscope plus spécifiquement à l’écoute des battements de cœur ponctuant les relations extérieures de l’Union européenne.

On peut comprendre que le sujet des structures mises en place en ce domaine ne retienne pas vraiment l’attention de la sphère médiatique. Il n’empêche qu’au fil du temps l’UE a tissé un vaste réseau de liens avec le reste du monde. Concrètement, cette ambitieuse entreprise de maillage se traduit aujourd’hui par l’implantation de représentations diplomatiques de l’Union en tant que telle dans 145 pays tiers et auprès de plusieurs organisations internationales (ONU, OCDE, les organisations basées à Genève ainsi que divers ensembles régionaux). Du reste, dans l’immense majorité d’entre elles, le chef de mission bénéficie du titre officiel et du statut d’« ambassadeur », distinctions qui le rattachent au Corps diplomatique.

Parallèlement à cette extension graduelle du cercle des relations extérieures, une tradition s’est imposée : celle de réunir périodiquement l’ensemble des ambassadeurs pour une sorte de « grand-messe » qui permet non seulement des échanges d’expériences entre eux mais aussi un dialogue avec les dirigeants des institutions de l’Union. A ces derniers, la rencontre fournit singulièrement l’opportunité de délivrer des messages politiques qu’ils estiment essentiels, notamment pour la cohérence de l’action extérieure de l’UE.

C’est dans ce contexte que, du 6 au 10 novembre 2023, les plénipotentiaires de l’UE ont été conviés à une réunion de ce genre et que, tour à tour, les plus hauts responsables de l’Union se sont adressés à eux.  Bien qu’avec un léger décalage, l’intérêt des messages conserve une certaine actualité.

1 – Il revenait à Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne, mais plus particulièrement haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, voire président du Conseil lorsque les ministres des Etats membres se réunissent en formation « Affaires étrangères », d’inaugurer la conférence.

  1. a) Dans son allocution d’ouverture, le chef de la diplomatie européenne a souligné d’entrée de jeu que le contexte international révélait un monde caractérisé par de plus en plus de multipolarité et de moins en moins de multilatéralisme. Selon lui, en termes stratégiques, il convient, certes, de tenir compte de l’existence des deux superpuissances que constituent les Etats-Unis depuis longtemps et une Chine gagnant aujourd’hui en poids économique. Mais il considère par ailleurs qu’une douzaine d’autres pôles émergent également, parmi lesquels l’UE qui, plus qu’une simple puissance régionale, occupe une position intermédiaire en mesure de donner un nouveau souffle à un multilatéralisme défaillant.
  2. b) Abordant ensuite les situations concrètes spécifiques, le haut représentant a mis au premier plan la question brûlante du conflit israélo-palestinien, fruit, à son avis, d’une faillite collective morale et politique qui traduit un manque latent de volonté dans la recherche de solutions susceptibles de favoriser réellement une issue fondée sur la coexistence de deux Etats. A cet égard, le danger risque de s’avérer d’autant plus prégnant que le caractère national du conflit tendrait à se transformer en une confrontation religieuse, voire civilisationnelle. Aussi, toute solution militaire étant vouée à l’échec, la sortie de crise ne pourra venir que d’une approche politique impliquant une triple responsabilité pour l’UE elle-même : une position ferme, mais équilibrée, visant à éviter à tout prix une importation des hostilités en Europe ;  une contribution à une solution placée sous l’égide du respect du droit international humanitaire ; une réflexion orientée vers un règlement global et définitif du conflit, malheureusement hors d’atteinte aujourd’hui.
  3. c) Un autre point hautement sensible étant constitué par la guerre russo-ukrainienne, M. Borrell a plaidé en faveur de la nécessité de poursuivre un soutien unanime à l’Ukraine, dont l’UE demeure le principal pourvoyeur d’aide, par le biais de canaux tels que la perspective d’une adhésion en son sein, une assistance militaire ou la fourniture de garanties en matière de sécurité.
  4. d) Mettant l’accent sur les liens entre les deux zones de conflit pour la crédibilité de l’action de l’Union, le haut représentant a ensuite insisté sur la propre responsabilité de toutes les délégations de l’UE pour œuvrer auprès de leurs interlocuteurs respectifs à la compréhension de cette action : il leur appartient fondamentalement d’accréditer le message selon lequel l’Union n’incarne pas la posture de « l’Ouest contre le reste du monde » mais, bien au contraire, s’inscrit dans le multilatéralisme comme gardienne des valeurs fondées sur la Charte de Nations unies.
  5. e) Quant aux relations avec la Chine, M.Borrell, se référant à son récent voyage à Pékin, a tenu à souligner quelques-uns des éléments essentiels évoqués avec ses interlocuteurs : le souci d’éviter une stratégie de tension avec elle, tout en maintenant des liens avec Taiwan ; l’acceptation d’une certaine rivalité, qui ne saurait cependant être interprétée comme de l’inimitié ; la nécessité de faire comprendre à la Chine la difficulté de lui ménager un accès illimité au marché européen alors qu’elle-même restreint fortement l’ouverture de son propre espace économique – d’où la tentation de contre-mesures plus protectrices de la part de l’UE ; l’impératif, pour les Européens, d’imiter les Chinois en diversifiant les sources d’approvisionnement pour mieux répartir les risques ; plus globalement, l’importance d’accroître le niveau de coopération sino-européen en considération du poids des défis à l’échelle planétaire qui, à l’instar du changement climatique, appellent un engagement accru de Pékin.
  6. f) Soucieux de limiter son intervention à des aspects qu’il considère comme essentiels, le haut représentant a clôturé celle-ci en évoquant deux thèmes qu’il a qualifiés de « transversaux » :
  • s’agissant de la problématique de la sécurité, M. Borrell a d’abord insisté sur la dimension économique, qui est devenue une préoccupation centrale, dont le développement des investissements ainsi que celui des relations commerciales constituent le fer de lance, à l’image du « portail mondial » (Global Gateway) récemment ouvert par l’UE dans le but d’encourager un tel essor (Rappel : nouvelle stratégie européenne visant à déployer des liens « intelligents, propres et sûrs », notamment dans les domaines du numérique, de l’énergie et des transports, et à renforcer les systèmes de santé, d’éducation et de recherche à l’échelle mondiale).
    L’objectif de la sécurité étant par ailleurs intimement lié à des considérations de défense, le chef de la diplomatie européenne a également souligné les progrès accomplis grâce à la mise en place d’une « boussole stratégique » (Rappel : outil destiné à renforcer l’autonomie de l’UE par une évaluation commune de l’environnement stratégique dans lequel elle évolue ainsi que des menaces et des défis auxquels elle est confrontée), tout en déplorant la faiblesse des résultats enregistrés dans l’assistance européenne à certains pays, comme ceux du Sahel ;
  • s’agissant des relations avec ce qu’il est désormais convenu d’appeler « le Sud global », M.Borrell a de nouveau évoqué la présomption d’un certain ressentiment à l’égard de l’Occident en général. Selon lui, ce sentiment s’est en particulier manifesté à l’occasion de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus, même si l’UE s’est signalée comme le plus important fournisseur de vaccins en direction des pays en développement. Mais il en irait également de même en matière de changement climatique, domaine dans lequel des efforts conséquents doivent encore être déployés, étant entendu que ces derniers incombent essentiellement aux pays du Nord.

Le haut représentant a conclu son intervention en insistant sur l’importance des relations avec le continent africain, une terre qui, au-delà des conflits internes et de la persistance de la misère, représente un espace d’avenir avec un fort potentiel démographique et offre à l’Union européenne l’opportunité de s’affirmer comme un partenaire de choix.

2 – Emboîtant le pas à son vice-président, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, s’est adressée à son tour aux ambassadeurs de l’Union. Soulignant que l’époque actuelle, parsemée de conflits et de changements irréversibles, appelait l’Europe à s’engager davantage encore sur la scène mondiale, elle considère que l’UE doit faire pleinement usage de son potentiel de politique extérieure, depuis la diplomatie traditionnelle jusqu’au commerce, à l’aide humanitaire ou aux investissements. Dans ce contexte, elle a choisi de se concentrer sur quelques enjeux stratégiques.

  1. a) S’agissant de l’Ukraine d’où elle revient, la présidente de la Commission met en évidence le fait que le peuple ukrainien « souhaite ardemment rejoindre l’Union européenne » à l’issue d’une guerre qui, selon elle, restera un échec pour le Kremlin. D’où la poursuite de trois objectifs pour l’action de l’UE :
  • la nécessité de continuer d’œuvrer pour une paix juste et durable, mission à laquelle les ambassadeurs de l’Union doivent être associés dans le but d’obtenir un soutien croissant, de la part de tous les pays de la planète, à la « formule de paix » présentée par le président ukrainien Zelensky ;
  • l’impératif, pour l’UE, de disposer d’une force militaire permanente en mesure de défendre l’Ukraine aujourd’hui et de dissuader les agressions russes à l’avenir. Outre les retombées pour l’industrie de la défense (notamment les munitions), cet objectif devrait également concerner la défense aérienne, les capacités maritimes, la cyberdéfense et l’espace, en prélude à une marche résolue vers une véritable Union européenne de la défense ;
  • la concrétisation de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, de manière à contribuer à son redressement, à y renforcer la démocratie et à la protéger d’ingérences futures – tout en répondant à l’intérêt géostratégique de l’Europe grâce à l’adjonction d’un Etat membre de poids.
  1. b) S’agissant du conflit israélo-palestinien, la présidente de la Commission estime que l’UE dispose d’une crédibilité suffisante si elle s’appuie sur son héritage en tant que championne de la solution fondée sur la coexistence de deux Etats. D’où le déploiement d’efforts dans trois directions :
  • la poursuite d’une aide humanitaire en faveur des civils de la bande de Gaza, appelés à bénéficier d’une assistance européenne de 100 millions d’euros – sans négliger la contribution logistique à l’acheminement effectif de cette aide ;
  • un soutien à l’action des Etats membres visant à ramener tous les otages en lieu sûr ;
  • une implication sans réserve à l’effet d’éviter une extension des hostilités à un conflit régional, mission à laquelle les ambassadeurs de l’Union doivent être étroitement associés en contribuant à contenir l’escalade.

Mme von der Leyen estime en outre que l’UE a un rôle à jouer en vue d’établir des principes fondamentaux pour l’après-guerre, tels que le refus de faire de Gaza un refuge pour les terroristes tout en proscrivant une présence à long terme des forces de sécurité israéliennes sur ce territoire ou en proscrivant un blocus prolongé de leur part.

  1. c) S’agissant des relations complexes avec la Chine, l’oratrice évoque le besoin impérieux d’une stabilité stratégique reposant sur des canaux de communication efficaces et une diplomatie de haut niveau – d’où l’amorce de dialogues en ce sens, comme en témoignent les échanges sur la lutte contre le changement climatique. Cela dit, elle considère que des divergences existent néanmoins, comme dans le domaine de l’« architecture de sécurité mondiale » : ainsi en est-il des attitudes vis-à-vis de l’Ukraine ou des événements constatés dans la mer de Chine méridionale. Elle appelle également à la clairvoyance quant au changement de la posture mondiale de la Chine, en référence, notamment, à « des pratiques déloyales et parfois prédatrices » sur le terrain commercial, telles que le boycott de produits européens ou le contrôle des exportations de matières premières critiques. D’où la stratégie désormais acceptée par tous les grands partenaires occidentaux de « réduire les risques sans rompre les liens ».
  2. d) A l’instar de M. Borrell, Mme von der Leyen tient enfin à souligner l’importance qu’elle accorde à l’initiative « Global Gateway » qui a permis de signer 92 projets phares menés à travers le monde, dont un emblème est le corridor transafricain destiné à connecter des régions enclavées aux marchés mondiaux tout en investissant dans les chaînes de valeur locales.

En guise de conclusion, la présidente de la Commission a fait valoir que, face à un contexte international agité, le cœur de la réponse de l’Europe doit rester le même : agir de concert, en alignant ses intérêts et ses valeurs, étant entendu que sa force principale réside dans la diversité des atouts qu’elle peut mobiliser (notamment les aides, les échanges commerciaux, les sanctions, les investissements). Elle considère que les ambassadeurs de l’UE jouent à cet égard un rôle crucial qui fait d’eux la pièce centrale de son action extérieure.

3 – S’adressant à son tour aux ambassadeurs, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, les a qualifiés de « visage et voix de l’Europe dans le monde » – une voix qui mérite d’être entendue, sans doute aujourd’hui plus que jamais : c’est l’action en faveur de la liberté, de la paix et de la réconciliation qui donne toute sa crédibilité à cette image.

  1. a) En ce qui concerne l’Ukraine, qui subit ce que des millions d’Européens ont éprouvé dans le passé, le soutien de l’UE ne peut tolérer aucun renoncement : il convient de bien le signifier – et cela d’autant plus à un moment où le Belarus, les Balkans occidentaux ou les réfugiés arméniens du Nagorno-Karabakh connaissent également une conjonction de tensions.
  2. b) En ce qui concerne Gaza, Mme Metsola juge la situation désespérée. C’est la raison pour laquelle l’Europe – et singulièrement le Parlement européen – a appelé à une pause dans les hostilités, de manière à permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, et a encouragé une désescalade ainsi que le respect du droit international. Dans cette perspective, le Parlement, qui a œuvré à cet effet, ne peut qu’approuver l’aide pouvant s’élever jusqu’à 100 millions d’euros telle qu’envisagée en faveur de Gaza.

Selon la présidente du Parlement européen, rien ne justifie les actes commis le 7 octobre par un Hamas qui ne représente pas les aspirations légitimes du peuple palestinien. Mais la manière dont Israël y répond reste aussi un sujet sensible pour l’Europe et pour le monde. D’où l’importance, au-delà des défis immédiats, de réfléchir aux « jours d’après », notamment en termes de reconstruction et de stabilité régionale fondée sur la coexistence de deux Etats. A cet effet, la diplomatie prend toute sa place, les ambassadeurs s’avérant à la fois les premiers observateurs et les premiers interlocuteurs dans les nouvelles dynamiques mondiales.

Il convient donc pour l’Europe de se considérer comme un acteur continental. Cela vaut pour l’attitude à l’égard de l’Afrique, qui appelle à se concentrer sur les investissements au moins autant que sur ce que l’UE fait en matière de migrations. Cette posture vaut aussi pour les relations avec l’Amérique latine et, plus généralement, pour les relations transatlantiques.

Aussi le Parlement européen est-il en faveur du développement de la diplomatie parlementaire, auquel les ambassadeurs peuvent contribuer en regard des assemblées de leurs pays d’affectation, compte tenu de l’existence de 160 parlements de par le monde. Les discussions de terrain ne manquent pas, par ailleurs, d’alimenter les débats en commissions ainsi que les résolutions adoptées en plénière du Parlement européen.

Selon Mme Metsola, l’importance de parler d’une seule voix apparaît non seulement nécessaire, mais, encore plus, vitale. D’où l’intérêt de mettre en évidence l’unité européenne et de contrer les récits erronés à son sujet. Cela suppose d’améliorer la coopération interinstitutionnelle et de promouvoir une approche globalisante (« holistique ») des affaires extérieures.

Se plaçant dans la perspective des élections européennes du printemps 2024, la présidente du Parlement appelle les ambassadeurs à informer les citoyens européens résidant dans leur pays d’affectation de l’intérêt que représente l’action de voter : à cet effet, il convient de leur expliquer à quel point ce qui se fait à Bruxelles, à Strasbourg ou dans chaque capitale de l’UE est important pour eux, tout en restant à l’écoute de ce que les citoyens attendent des cinq années à venir.

Face à tous les défis ainsi évoqués, Mme Metsola se dit confiante dans les possibilités de progrès et celle de garantir que la diplomatie a aussi sa place dans l’institution parlementaire si l’on doit trouver des solutions à long terme. De sa propre expérience de diplomate, elle affirme en conclusion que la diplomatie est porteuse d’espoir.

4 – Dernier « dirigeant institutionnel » à prendre la parole, Charles Michel, président du Conseil européen, s’est adressé à son tour à l’ensemble des ambassadeurs de l’UE.

  1. a) Qualifiant ses auditeurs de « voix de l’Europe », l’orateur souligne que ces derniers jouent un rôle capital face à un océan de désinformation et de propagande dans lequel se noient celles et ceux qui ont soif de comprendre le rôle de l’Union.

En plus de la poursuite de la guerre en Ukraine qui figure toujours au premier plan des préoccupations, l’irruption de la crise au Proche-Orient a constitué, selon M. Michel, une nouvelle donne déclenchée par l’attentat terroriste imputable au Hamas. Si le soutien de l’UE au droit d’Israël de se défendre dans le respect des normes internationales « classiques » et humanitaires demeure acquis, il estime que toutes les mesures doivent être prises pour éviter que les civils ne soient pris pour cible. Quant à l’issue du conflit, elle ne pourra provenir que de négociations débouchant sur la coexistence pacifique de deux Etats, une solution qui a la faveur de l’Union, cette dernière étant également prête à promouvoir une conférence pour la paix.

  1. b) Elargissant son propos, le président du Conseil européen considère que le monde vit un changement d’ère, une période de transition et d’instabilité résultant d’une rencontre de multiples tendances : le changement climatique et les pandémies, les bouleversements technologiques à l’image de l’intelligence artificielle, ou l’affaiblissement d’un ordre international fondé sur des règles que traduit le passage d’une pluralité de crises à une pluralité de conflits (l’Occident contre le reste du monde, le Nord contre le Sud, les Etats-Unis contre la Chine, les démocraties contre les autocraties).
  2. c) En présence de ces tendances, M. Michel appelle à agir selon deux convictions fortes :
  • davantage de coopération pour plus de multilatéralisme. Ainsi, en dépit du travail extraordinaire mené sous l’impulsion de son secrétaire général, l’ONU souffre de la sclérose d’un Conseil de sécurité qui nécessite d’être réformé. Mais une nouvelle réalité émerge par ailleurs, à savoir le rôle croissant des organisations régionales dans le monde – dont l’UE constitue l’exemple le plus avancé. D’où le rappel de la proposition de M. Michel de réunir en 2024 un « sommet institutionnel » rassemblant ces organisations.
  • la souveraineté de l’Union européenne. Cette ambition se rattache à plusieurs objectifs, dont la promotion de ce que le président du Conseil européen considère comme constituant l’ADN de l’UE : à savoir les valeurs de démocratie, de libertés fondamentales et de droits humains. Au service de cette influence, il décèle deux atouts : d’une part, les normes et les standards qui permettent d’identifier l’UE aux yeux du monde, mais à condition de se dispenser de paternalisme et d’arrogance et d’écarter une forme d’hypocrisie nourrie par des alliances ou des intérêts à court terme ; d’autre part, la base économique et technologique de l’Union, deuxième puissance commerciale au monde, qui entend promouvoir des échanges sur une base équitable.

A ces atouts s’ajoute par ailleurs la stratégie de défense et de sécurité, une pièce maîtresse pour parachever le projet politique européen et dont la guerre en Ukraine a favorisé une nouvelle prise de conscience.

  1. d) S’agissant des perspectives d’élargissement de l’UE, M. Michel prône la mise en œuvre d’un processus plus graduel permettant aux pays candidats de ressentir rapidement les effets du rapprochement avec l’Union. Il considère, du reste, que l’horizon de 2030 envisagé comme échéance du processus est une manière d’imposer de la discipline à l’UE elle-même et pas seulement à ceux qui souhaitent la rejoindre.

En conclusion de son intervention, le président du Conseil européen insiste sur le poids du mot « unité », un terme symbolisant à ses yeux la force de l’UE : si son institution en est garante au départ, chaque ambassadrice et chaque ambassadeur de l’Union en incarnent des valeurs clés sur le terrain diplomatique et politique. Mais cette vocation ne saurait par ailleurs ignorer que l’unité suppose aussi le débat, qui lui-même fait la force de la démocratie.

On ajoutera que la conférence des ambassadeurs a également permis à ces derniers d’avoir des échanges avec deux vice-présidents de la Commission, Maroš Šefčovič (relations interinstitutionnelles) et Valdis Dombrovskis (commerce) ainsi qu’avec les commissaires Jutta Urpilainen (coopération au développement), Olivér Várhelyi (élargissement) et Virginijus Sinkevičius (environnement).

***************

La convergence des thèmes abordés par les différents intervenants – en particulier le conflit russo-ukrainien et l’escalade au Proche-Orient – aurait pu conduire à un exposé plus synthétique des prises de parole successives. Mais nous avons choisi de respecter la spécificité des sensibilités exprimées au détour de tel ou tel propos, ce qui n’atténue en rien la cohérence des messages à l’intention de celles et ceux qui portent « la voix de l’Europe » tant à proximité qu’à longue distance de ses frontières.

Gérard Vernier
Gérard Vernier
Ancien fonctionnaire de la Commission européenne & enseignant à l'Université Libre de Bruxelles

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6 Commentaires

  1. L’Europe s’enfonce et ses dirigeants en rajoutent. Seul M.Borrell a cité la Palestine comme premier point de son tour d’horizon, mais ni lui, ni les autres, n’ont été capables de jeter les bases d’une véritable politique étrangère.
    Seriner à l’envi et depuis si longtemps une politique a deux états qui serait une « solution » au problème est proprement scandaleux !
    Imaginait-on a l’époque, la communauté internationale capable d’attribuer les 3/4 de l’état d’Afrique du Sud au régime colonialiste d’apartheid pour ne laisser que le quart restant aux autochtones? Non bien sûr ! Et pourtant c’est exactement ce qu’envisage l’Europe avec sa solution à deux états.., qui ne sera jamais réalisée tant que le sionisme réactionnaire sera au pouvoir en Israël.
    Donc, encore une fois, nos dirigeants s’apprêtent à jeter notre argent ( 100 000 000€)
    ar les fenêtres.

  2. Ce texte, beaucoup trop long en regard des standards de SLE, pourrait se résumer en quelques mots : l’Europe sait parler et commercer. C’est tout. Par contre c’est un nain militaire et, de ce fait, elle ne peut pas être entendue lors des crises internationales.

    • Auriez-vous l’amabilité de préciser à l’intention d’un routier de longue date de SLE ce que sont les « standards » de cette association ?

      Ce texte peut vous paraître long. Mais, d’une part, il l’est moins que les « coups de périscope » périodiques (que je revendique également). Et, d’autre part, l’intention était de contribuer plus spécifiquement et de manière détaillée à l’information sur les relations internationales de l’UE en montrant – ou en sous-entendant – que celle-ci, contrairement à une opinion un peu superficielle, est loin d’être un nain diplomatique. D’où l’importance accordée aux messages ainsi délivrés, avec, parfois, des nuances de tonalité de l’un(e) à l’autre, par les principaux dirigeants institutionnels de l’UE. Aussi, votre suggestion de »résumé » revêt-elle quelques accents lapidaires, voire de lapidation.

      Pour ma part, j’accepterais sans une once de susceptibilité d’être considéré comme un praticien du « vieux jeu » dans ma conception de l’information (pas de la « communication », qui répond à un autre objectif). Mais – et je me trompe peut-être en raison d’une déformation professionnelle tenant à une longue pratique de l’enseignement universitaire – j’avoue éprouver une certaine difficulté à travailler pour les smartphones, même si c’est dans l’air du temps. Il est très fréquent qu’en présence d’un long, mais substantiel, article publié sur le site de SLE par d’autres auteurs, j’imprime le texte et le consigne dans un classeur… avec, souvent, le plaisir de le retrouver pour nourrir ma réflexion, voire pour en citer des extraits à l’appui d’une prose personnelle.

      Encore une fois, comme je le souligne dans les « coups de périscope », j’insiste sur le fait que, loin d’avoir des talents de reporter – n’est pas Tintin qui veut – je m’efforce humblement d’assumer une fonction de « mémorialiste »… peut-être pesante mais pas totalement inutile à une époque où l’information sur l’Union européenne est si négligée dans les médias.

      A défaut de retrouver le nom de l’auteur de la dédicace « A mes lecteurs si j’en ai plusieurs, à mon lecteur si je n’en ai qu’un », je pourrais conclure en invoquant Marcel Proust: « chaque lecteur est le propre lecteur de soi-même »…

      • (Post-scriptum) Juste une brève précision d’ordre arithmétique: le nombre de pages de ce coup de stéthoscope s’élève à 7, alors que celui afférent aux discours des intervenants concernés, si on les met bout à bout, représente un total cumulé de l’ordre de la bonne vingtaine. Certes, on aurait sans doute pu faire mieux en termes de résumé… mais peut-être, encore une fois, au détriment des nuances qui émaillent les messages de ces hauts dirigeants: se cantonner à des considérations purement commerciales (mais il y en a, notamment à l’égard de la Chine) ne correspondrait pas à la dimension géopolitique dont a vocation à se prévaloir aujourd’hui un acteur de l’envergure de l’UE. Nous ne sommes plus à l’époque du seul « marché commun »…

    • Bonjour Monsieur LEFORT.

      Je vous invite à écrire pour Sauvons l’Europe des texte qui soient concis, clairs et compréhensibles, sauf erreur, je n’ai pas eu pour l’instant la joie d’en lire.

      Dans les commentaires passés, certains d’entre nous ont été admiratif de la courtoisie et du respect que nous avions les uns envers les autres dans nos divers échanges, en affirmant nos points de vue qui sont loin d’être toujours convergents.
      Souhaitons que soit maintenu cette qualité de dialogue pour cette nouvelle année.

      Monsieur VERNIER et d’autres se donnent la peine d’essayer de nous résumer régulièrement les points forts de l’actualité européenne, avec peut ‘être des imperfections, mais ils le font.

      Enfin, je terminerai en vous donnant raison quand vous écrivez que l’Europe est un nain militaire, on a une ambition démesurée par rapport à nos moyens, c’est une erreur monumentale qui se paie actuellement par des centaines de milliers de morts, par des conditions de vie effroyables pour de nombreux citoyens liés au conflit Ukrainien, de plus par un risque d’abandon lié aux élections américaines et Européennes, pourrons nous alors nous regarder dans les yeux ?

  3. Merci de vos remarques et observations. Elles portent pour l’essentiel sur les 11 mots : « Ce texte, beaucoup trop long en regard des standards de SLE ». Il ne s’agit que de l’opinion d’un modeste lecteur qui ne pensait pas déclencher autant de mots en retour !

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