Conflit israélo-palestinien : quand le talion rugit encore

Suite à l’article de Noël Benchettrit paru lundi dernier sur notre site, notre adhérent Gérard Vernier ajoute quelques-unes de ses considérations portant sur les rapports de l’Union Européenne avec chacune des parties au conflit israélo-palestinien et les propres efforts de l’UE dans la recherche de voies pacifiques.

Si la colombe de la paix est censée couver des œufs, la difficulté de la tâche est de veiller à ne pas marcher sur les frêles coquilles. Et cela est d’autant plus ardu pour un quidam qui a baigné dans un milieu familial admiratif des exploits d’Israël lors de la guerre dite « des Six Jours » (1967) et affichant un engouement à l’égard de son « héros », le général Moshe Dayan, l’homme à la physionomie de pirate en raison du cache-œil qu’il arborait.

Pour en revenir, donc, à l’implication de l’UE, la préoccupation dominante de cette dernière a été de s’efforcer de tenir la balance égale vis-à-vis des deux parties – et ce à différents niveaux d’approche.

Ainsi – sans remonter au déluge – l’assise de la coopération avec Israël, dont l’UE est le premier partenaire commercial, réside dans un « accord d’association et de stabilisation » signé en 1995 et entré en vigueur en 2000 (ratification plus ou moins empressée selon les États membres). Cette initiative s’inscrivait, du reste, dans un réseau d’accords du même type conclus par l’UE avec d’autres pays de la rive Sud de la Méditerranée – un souci de cohérence que l’on retrouve dans la « politique européenne de voisinage » conçue en 2001. Dans ce dernier cadre, parallèlement à un volet concernant les pays d’Europe centrale et orientale, une composante propre aux pays du pourtour méditerranéen a été mise sur pied au titre du partenariat Euromed.

Si les échanges commerciaux constituent l’objectif principal de l’accord avec Israël, celui-ci prévoit également de développer d’autres formes de coopération, comme dans le domaine de l’innovation et de la recherche. Il convient, du reste, de souligner que, dans l’accord portant spécifiquement sur ce volet de coopération scientifique signé en décembre 2021, l’UE et Israël ont pris soin de mentionner, dans une disposition finale, que celui-ci ne s’appliquait pas « aux zones géographiques qui sont passées sous administration de l’État d’Israël après le 5 juin 1967 ».

S’agissant des relations avec la Palestine – et en considération du fait qu’un certain nombre de pays membres de l’UE ne reconnaissent pas l’État palestinien en tant que tel – la coopération repose essentiellement, depuis 1975, sur une approche « donateur-bénéficiaire » : avec un volume d’aide se montant à 1,117 milliard d’euros pour la période 2021-2024, l’Union s’inscrit au premier rang des fournisseurs d’assistance en faveur des Palestiniens.

Il convient par ailleurs de ne pas négliger une autre forme d’appui dispensée par l’UE à l’intention commune des deux parties: à savoir la « Facilité européenne pour la paix » établie par une décision du Conseil du 22 mars 2021. Avec une dotation initiale spécifique de l’ordre de 6 milliards d’euros pour la période 2021-2027, cette démarche nourrit l’ambition de prévenir les conflits à l’échelle de la planète, de consolider la paix et de renforcer la sécurité internationale. A ce titre, un programme régional « Initiative européenne de consolidation de la paix » a été conçu en vue d’une résolution durable du conflit israélo-palestinien, l’accent étant mis tout particulièrement sur le financement de projets au niveau de la société civile. On ajoutera que, toujours dans une optique de coopération régionale, un autre volet de cette initiative concerne par ailleurs l’Ukraine.

Tels sont les quelques éléments de contexte de l’action européenne que j’ai souhaité rappeler en complément de l’article, fort intéressant, publié sous la signature de Noël Benchettrit. Je me permets d’ajouter que le titre du présent article, qui mentionne le talion, doit être apprécié à l’aune de l’objectif poursuivi par la « loi » du même nom inscrite dans le code édicté par le roi de Babylone Hammourabi et rédigé il y a quelque 1750 ans avant notre ère. En effet, si la formulation populaire « œil pour œil, dent pour dent » qui en a été conservée évoque l’idée de vengeance, elle présume aussi celle de proportionnalité : à savoir que si mon adversaire m’a cassé une dent, ce n’est pas une raison pour lui crever ou arracher un œil – lésion infiniment plus dommageable. Un sens de la réserve qui semble avoir quelque peu échappé aux autorités de Tel Aviv… et ce, pour en revenir au symbole de la paix, sans que, par ailleurs, il faille passer sous silence une autre réalité : à savoir que les colons sont loin d’être des colombes

Gérard Vernier
Gérard Vernier
Ancien fonctionnaire de la Commission européenne & enseignant à l'Université Libre de Bruxelles

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11 Commentaires

  1. Non seulement les colons ne sont pas des colombes, mais ils occupent illégalement , au regard des décisions internationales, une partie de la Cisjordanie palestinienne. Ils volent les terres, les maisons, et vont jusqu’à tuer ceux qui s’y opposent, avec l’aide de l’armée. L’idée d’une annexion pure et simple de tout ou partie de la Cisjordanie est d’ailleurs ouvertement évoquée par les autorités israeliennes. Et on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec….la Russie de Poutine….

  2. Merci Gérard Vernier de rappeler objectivement, loin des passions qui se déchaînent dans chacun des camps, les relations qu’entretiennent l’U.E avec Israël et l’autorité palestinienne.
    Notons toutefois que nombre d’infrastructures construites avec l’argent européen sur le sol palestinien ont été sciemment détruites par les colons israéliens, avec protection armée israélienne, en exécution de décision de justice israélienne déclarant unilatéralement ces constructions illégales. Ces destructions ont juste suscité quelques protestations molles de la part des autorités européennes et n’ont en rien troublé les « bonnes » relations commerciales euro-israéliennes. Notons enfin que bon nombre d’investissements privés (banques et multinationales) européens se font dans les territoires occupés par Israël pendant que le Conseil et la Commission regardent ailleurs.

    • Merci pour ces précisions, qui montrent que Janus se trouve parfois dans une position équivoque. Si le Conseil et la Commission regardent ailleurs, il conviendrait aussi de se demander dans quelle direction se porte le regard du Parlement européen – ou, également, des parlementaires européens en qualité de groupes politiques, voire à titre individuel. Je ne me suis pas encore penché sur la question, qui mérite sans doute d’être étudiée. En outre, du moins en ce qui concerne les fonds publics, il serait utile de connaître ce qu’en pense (ou penserait) la Cour des comptes européenne… qui ne se cantonne pas toujours à un regard strictement comptable.

  3. Je renchérît sur ce que vient d’écrire Yves HERLEMONT. Laisser l’Etat d’ISRAEL dilapider les fonds européens (notre argent commun) dans des opérations de pur colonialisme raciste et outrancier n’augure rien de bon pour la Commission qui, pour pouvoir durer et nous représenter, se devrait d’être notre voix à tous et pas le serviteur obligé d’un état raciste et colonialiste dont on croyait le monde débarrassé depuis que le régime colonial d’Afrique du Sud avait été rayé de la carte. Au passage, on se souviendra que les Blancs de ce pays… y sont toujours et n’ont pas été pogromisés.

  4. Bon, on est toujours loin d’une vision pragmatique, c’est la guerre, les bombardements sur Israel sont quotidiens, depuis Gaza, mais aussi le Liban, la Syrie, le Soudan.
    Israel est le seul pays démocrate, tous les autres sont des dictatures, le Liban s’effondre sous le joug du Hezbollah, la Syrie a massacré sa population avec l’aide de l’IRAN et de la RUSSIE, le soudan est en guerre civile
    Mais en lisant « Sauvons l’Europe », c’est Israel le méchant.
    Ce n’est plus du journalisme, c’est du militantisme et de la propagande
    Honte à vous

    • Pour 1 israélien tué Israël tue plus de 10 palestinien. Comment voulez vous vivre durablement en paix dans ces conditions ? Quand à dire qu’Israël est une démocratie, elle est dirigée par un gouvernement d’extrême droite, ouvertement raciste envers les arabes et qui ne rêve que de purifier ethniquement la Palestine.

    • Un pays qui pratique l’apartheid et une forme de colonialisme avec violences et exactions s’éloigne de plus en plus des valeurs démocratiques.

  5. Exactitude professionnelle et humour, une bonne méthode pour décrypter des situations méconnues et complexes.
    Merci Gérard Vernier

  6. Article apportant des informations intéressantes sur les échanges économiques de l’UE avec Israël et la Palestine mais qui me semble d’une part faire croire que l’UE sur ce sujet serait unie et d’autre part qu’elle déciderait en toute indépendance face à la position américaine.

    Or, la position de la France de Macron et de l’Allemagne sont complétement différentes, l’Allemagne entraînant derrière elle les pays de l’Est et du Nord. L’Allemagne d’une part soutient Israël pour chercher à faire oublier son entière et seule responsabilité dans la shoah nazie, et, d’autre part s’aligne sur la position de Biden qui ne fait que poursuivre celle prise par Trump à qui, en 2019, Netanyahou exprimait sa volonté d’envahir la Cisjordanie. La colonisation de la Crimée par Poutine sans aucune réaction de l’UE et de l’OTAN a peut-être été comprise par certains comme une permission à tout expansionnisme territorial.

    Rappelons ce que De Gaulle avait compris en bon général, que toute indépendance réelle commence par celle de ne dépendre de personne pour la défense de son territoire, tant les « amitiés » sont aléatoires et varient selon les intérêts vitaux du moment, De Gaulle qui a lutté pour que l’on ait l’arme nucléaire et qui s’était retiré du commandement de l’OTAN pour exprimer son indépendance face aux USA. Il n’y aura vraiment d’UE puissante et véritablement unie que lorsqu’elle ne dépendra que d’elle-même pour sa défense! Or, une UE militairement indépendante est possible avec et autour de la France mais de cela l’Allemagne ne semble pas vouloir en entendre parler! Peur atavique, désir après sa « dénazification » rapide », la réunification de son territoire, de se réarmer, de rejoindre la cour des grands à l’ONU ?

    La position de Macron face au conflit israélo-palestinien est celle d’un banquier normand du Touquet, « ptête ben qu’oui, ptête ben qu’non ! ». Ne pas vexer le Qatar qui soutient le Hamas et avec lequel Totalénergies qui vient de signer un contrat d’exploitation de son gaz jusqu’en 2053 et ne pas contredire les USA qui soutiennent Israël militairement et financièrement tant qu’elle défend ses intérêts dans la région, USA qui ont remplacé la Russie comme notre principal fournisseur de gaz de schiste, notamment grâce aux trois exploitations de Total dans ce pays.

    Ainsi les grandes envolées humanitaires et généreuses ne sont bien souvent que l’emballage scintillant de luttes sourdes et secrètes de pouvoirs, d’intérêts plus prosaïques !

  7. Bonjour.

    Situation très complexes comme le souligne fort justement Monsieur OBERT Patrice.

    On ne peut que fortement condamner le Hamas, organisation terroriste islamique qui tue et enlève des innocents, idem pour le Hezbollah, la Syrie et l’Iran.

    On ne peut pas non plus ignorer et condamner l’extrémisme du gouvernement ultra droite et religieux dirigé par le malfaiteur et criminel Netanyahou, responsable de milliers de morts dans la population Palestinienne, avec le comportement inhumain de certains colons israéliens.

    Pensons aussi à l’hypocrisie de certains pays comme le Qatar et autres, on abritent et on financent le terrorisme, ils veulent être les champions de la négociation, cela me fait vomir ?

    L’Europe, que peut-elle faire, continuer à donner de l’argent pour reconstruire se qu’elle a déjà financé avec une partie détourné à d’autres fins, contrôle, ou es tu ?

    Et que dire des gesticulations de notre président ?

    Avec l’Etat d’Israël, la création future d’un Etat Palestinien pourrait redonner de l’espoir à ce malheureux peuple, se pose alors la question de la sécurisation entre ces deux pays, qui peut la garantir, l’exemple dans le passé d’une garantie de coexistence pacifique entre l’UKRAINE et la Russie me laisse perplexe ?

    • “Avec l’Etat d’Israël, la création future d’un Etat Palestinien pourrait redonner de l’espoir à ce malheureux peuple“
      C’est avec ce genre de phrase creuse et de bon ton qu’on s’enfonce dans l’indicible.
      La situation à Gaza aujourd’hui dépasse l’imaginable et balaie degonitivelent votre déclaration « humaniste ».
      Seul un anéantissement de l’état d’Israel, comme l’a été le IIIeme Reich en 1945, pourra permettre aux peuples habitant la région d’envisager une vie en commun sur des bases démocratiques. Mais, comme pour le IIIeme Reich, c’est une action internationale qui pourra le réaliser. L’Afrique du Sud a lancé un pavé dans la mare, il faut continuer et soutenir toutes les actions dans ce sens.

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