Triste 9 mai

Nous venons de fêter l’Europe. Mais que représente le 9 mai, au-delà de la 9ème symphonie de Beethoven ? Pour des raisons diplomatiques évidentes, nous ne célébrons pas le 8 mai, qui marque la capitulation du régime nazi, mais le lendemain, premier jour de la paix. L’Europe a été constituée pour deux buts : mettre fin aux guerres et assurer la liberté et l’Etat de droit.

Nous fêtons l’Europe ; c’est dire la paix, alors que la guerre fait ravage en Ukraine et à Gaza. Certains mesurent leur aide à l’Ukraine pour éviter qu’elle n’emporte la guerre et que la Russie ne risque de s’effondrer, ce qui constituerait un risque géopolitique majeur. Mais ce risque serait-il tellement plus important que les invasions successives de la Tchétchénie, de la Géorgie, de la Moldavie, de l’Ukraine ? Que la pression permanente sur nos démocraties ? Certains confondent aujourd’hui le soutien à la paix avec un arrêt de la guerre contre le Hamas, dictature écrasant le peuple gazaoui et dédiée à la destruction d’un autre peuple. C’est oublier que le 9 mai n’existe que sur les ruines du 8 mai, et de la destruction du nazisme.

Symétriquement, le soutien à Israël semble parfois inconditionnel. Dès les premiers jours, Sauvons l’Europe appelait la Commission européenne à reprendre le versement de l’aide aux Palestiniens et à la démission du commissaire Oliver Varhelyi. Le droit inconditionnel d’Israël à se défendre devant le pogrome du 7 octobre infligé par le Hamas n’est pas un blanc-seing pour des massacres de civils ou des crimes de guerre. De fait, après deux premiers mois effrayants, la pression internationale s’est traduite par une baisse drastique du nombre de morts. Or l’Europe ne donne pas le sentiment, ni d’une position unifiée, ni d’une action déterminée en ce sens alors qu’elle demeure absolument nécessaire.

Nous fêtons l’Europe ; c’est dire la liberté et les droits humains. La première incarnation de la construction européenne a été le Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’Homme. Or l’enjeu essentiel de l’élection qui doit se tenir dans un mois, et qui ne semble pas faire la une des journaux, est le choix que la droite européenne du PPE fera de s’allier ou non à l’extrême droite au sein du Parlement. L’essentiel du propos est de pouvoir gouverner en rompant avec la coalition centrale incluant les centristes libéraux et les sociaux-démocrates. Pour ce faire, le PPE et ses leaders, Ursula von der Leyen et Manfred Weber ont défini trois critères qui permettent de séparer les infréquentables (Le Pen et Orban) de ceux avec qui on peut faire affaire : Le soutien à l’Ukraine, à la construction européenne et le respect de l’Etat de droit. Tête de gondole de cette extrême-droite fréquentable : l’italienne Giorgia Meloni qui préside le groupe « souverainiste » CRE dont le souverainisme s’est dissous après le départ des Britanniques pour ne plus conserver qu’une franche opposition aux libertés publiques. Nous appelions il y’a peu le PPE à restaurer la digue, le moins qu’on puisse dire est qu’il a fait un autre choix.

Le 8 mai, les présidents des groupes du Parlement européen de la Gauche, des Verts, des Sociaux-démocrates et des Centristes ont écrit une lettre commune, intitulée « En défense de la Démocratie ». Ils y condamnent les agressions récentes par l’extrême-droite dans différents pays, et annoncent :

« Nous ne collaborerons jamais ni ne formerons de coalition avec les partis d’extrême droite et radicaux, à quelque niveau que ce soit. Nous appelons la Présidente de la Commission européenne et tous les partis démocratiques européens à rejeter fermement tout normalisation, collaboration ou alliance avec les partis extrémistes et radicaux. Nous attendons d’eux qu’ils l’incluent formellement et sans ambiguïté dans leurs programme électoraux et les déclarations de leurs partis. ».

Le Parti populaire européen et Ursula von der Leyen ont refusé de cosigner cette lettre, qui ne reprend pas leurs critères de fréquentabilité. Le sujet de l’élection européenne est désormais clair.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

Soutenez notre action !

Sauvons l'Europe doit son indépendance éditoriale à un site Internet sans publicité et grâce à l’implication de ses rédacteurs bénévoles. Cette liberté a un coût, notamment pour les frais de gestion du site. En parallèle d’une adhésion à notre association, il est possible d’effectuer un don. Chaque euro compte pour défendre une vision europrogressiste !

Articles du même auteur

2 Commentaires

  1. Qu’est-ce que vous voulez. La droite classique, c’est la droite ! Elle ne se mouille pas, elle exècre la gauche bien plus qu’elle ne consentirait à mettre un rempart à l’extrême droite. Alors je me demande pourquoi on prend tant de précautions à ne pas vouloir froisser la susceptibilité des Allemands en ne fêtant pas le 8 mai !
    Car heureusement qu’il y a eu un 8 mai, grâce aux forces qui allaient de la droit modérée à la gauche la plus convaincue, y compris l’Union Soviétique et les résistants nationaux très souvent organisés avec des gens socialistes, communistes voire anarchistes…
    Face à Poutine la modération nous perdra si on ne se ressaisit pas ! Poutine parlait au début de démocratie… Maintenant il la combat ! Il est en mal de l’Empire de ses ancêtres , restauration de la grandeur soviétique, suivie par une grosse partie du peuple. Le problème, c’est qu’il suit les méthodes de la droite extrême, et combat notre »modération », notre « fragilité », nos « atermoiements ».
    Comment faire comprendre cela aux Européens tellement malheureux de jouir de tant de liberté !

  2. Vous écrivez « Certains confondent aujourd’hui le soutien à la paix avec un arrêt de la guerre contre le Hamas, dictature écrasant le peuple gazaoui et dédiée à la destruction d’un autre peuple. »
    C’est oublier un peu vite que le Hamas a été élu démocratiquement par un peuple qui voyait que les israéliens ne respectaient pas les accords d’Oslo et que Yasser Arafat et le Fatah se faisaient rouler dans la farine.
    S’il y a eu le 7 octobre c’est en grande partie car Israël n’a jamais été un état où juifs et arabes pouvaient vivre libres et égaux en droits. Israël se définit lui-même comme l’état des juifs, conférant ainsi aux arabes un statut de sous-citoyens que l’on peut comparer à une forme d’apartheid. Depuis près de 20 ans, Gaza vivait sous blocus israélien, c’était quasiment un ghetto. Leur révolte était prévisible, comme il est prévisible que le massacre des gazaouis n’assurera pas à long terme la sécurité d’Israël, mais nourrira, au contraire un désir de vengeance de la part des victimes et de leurs soutiens.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

A lire également