Défense de l´UE : Macron met Scholz sous pression

La construction d’une Europe de la Défense est depuis très longtemps un objectif de la France, voire un héritage néo-gaulliste qui semble habiter tout dirigeant français. En période ordinaire, cette antienne s’est souvent heurtée aux réticences des autres partenaires européens qui jugeaient plus sûr le parapluie de l’Otan, les plus cruels rappelant dans doute que le projet de Communauté européenne de Défense vint s’échouer sur les bancs de l’Assemblée nationale française un beau jour d’août 1954…

Rappelons-nous seulement du monde vu par Olaf Scholz, il y a juste un an, dans son intervention devant le Parlement européen. Le chancelier allemand avait plaidé en faveur d’une Europe « qui ne cherche pas sa place au-dessus ou au-dessous d’autres pays » mais cherche à nouer des partenariats « entre pairs » avec d’autres Etats, notamment en Asie, Amérique du Sud et Afrique, tout en continuant à considérer évidemment les Etats-Unis comme son « principal allier ». Un monde ni « bi » ni « tripolaire » mais bien multipolaire, d’où une diversification nécessaire des alliances et accords commerciaux de libre échange encourageant le développement économique alors que le sonne le canon.

Sauf que l’évolution récente d’un front ukrainien momentanément lâché par le congrès américain, couplée au possible retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, ont accéléré les prises de conscience et rebattu encore plus les cartes. D’un coup, la nostalgie allemande d’une géopolitique de la paix par l’importation de gaz russe, et l’interdépendance commerciale avec la Chine et les Etats-Unis, semble maintenant reléguée aux oubliettes de l’Histoire.

Dans ce contexte, nous le savons, jeudi 25 avril, à la Sorbonne, Emmanuel Macron a plaidé presque deux heures durant pour une « Europe puissance » et la constitution d’une Europe de la Défense « crédible » au côté de l’Otan et face à la Russie.

Le parapluie nucléaire français à défaut du bouton rouge

Dans la foulée, le Président français a franchi un pas de plus dans un entretien accordé à de jeunes Européens et publié dans la foulée par la presse régionale. Revenant à nouveau sur la question névralgique de la sécurité européenne, il a mis sur la table le joker français en la matière : « Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la Défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible. »

Faut-il rappeler que depuis le Brexit et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la France est le seul Etat membres de l’UE à disposer de la dissuasion nucléaire. Or, le Président Macron a rappelé lors de son discours de la Sorbonne que « la dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de Défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la Défense du continent européen ».

Il s’agit là à nouveau d’une réponse directe au voisin allemand. Particulièrement au projet mené par le ministre allemand de la Défense avec un certain nombre de partenaires européens de l’ancien bloc soviétique, visant à mettre en place une réplique européenne du « Dôme de fer » qui protège actuellement le ciel israélien des attaques ariennes de type missiles ou drones de combat.

A ce sujet, le Président français a déjà prévenu qu’il « faut être sûr qu’ils bloquent tous les missiles et dissuadent de l’utilisation du nucléaire ». Au cas où… ce dernier propose clairement le maître atout français : « La doctrine française est qu’on peut l’utiliser quand nos intérêts vitaux sont menacés. J’ai déjà dit qu’il y a une dimension européenne dans ces intérêts vitaux. »

Chaque secousse de l’histoire est l’occasion d’avancées significatives du projet européen. Au moment de la chute du mur de Berlin et de la réunification allemande, le deutschemark fut mis sur la table par le partenaire allemand pour réussir l’euro. Face au molosse russe et à l’impérieuse nécessité de réussir une Défense européenne, la France ouvre le bal en poussant sur la table bruxelloise son parapluie nucléaire à défaut du bouton rouge. Un pilier de la France moderne qui participe autant de son identité que le deutschemark le fut pour l’Allemagne durant un demi-siècle.

La balle semble maintenant bel et bien dans le camp allemand et le tweet positif du Chancelier allemand reste sans doute un peu court…

Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

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2 Commentaires

  1.  » La construction d’une Europe de la Défense est depuis très longtemps un objectif de la France, voire un héritage néo-gaulliste qui semble habiter tout dirigeant français. »
    une armée française sous commandement de l’Otan, au sein d’une armée europenne alliée mais indépendante de l’otan ???
    z’êtes serieux ??

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