L’avenir de l’Europe sera-t-il participatif ?

Rencontre organisée par Sauvons l’Europe à Bruxelles, le 19 février 2020

Dans le cadre des initiatives décentralisées promues par Sauvons l’Europe, l’équipe d’animation territoriale pour la Belgique (Brigitte Tout, Matthieu Hornung, Gérard Vernier) a organisé, le 19 février 2020, un débat sur le thème : « L’avenir de l’Europe sera-t-il participatif ? »

La rencontre s’est tenue dans les locaux de la Fondation « Euractiv », réseau médiatique paneuropéen spécialisé dans l’information sur les politiques de l’Union européenne. Le panel d’intervenants a réuni trois parlementaires européens : Gaby Bischoff (députée S & D allemande), Sylvie Guillaume (députée S & D française) et Pascal Durand (député « Renew » français), auxquels se sont joints Karl-Heinz Lambertz, ex-président du Comité européen des régions et président du Parlement de la Communauté germanophone de Belgique, ainsi que Christophe Leclercq, journaliste et fondateur d’Euractiv. La modération du débat a été assurée par Martin Maréchal, journaliste à la radio bruxelloise BXFM 104.3 et président de l’Association des Jeunes Européens Fédéralistes de Belgique de 2017 à 2019.

1 – Premier thème abordé : l’intérêt des citoyens pour l’Europe tel que pourrait l’accréditer la hausse du taux de participation aux élections européennes de 2019.

Selon Sylvie Guillaume, outre un sentiment d’urgence, le passage en France à un système de listes nationales a conduit à une sorte de re-densification des débats.

Pour Pascal Durand, le phénomène s’explique aussi par le fait qu’à la différence de la campagne de 2014, caractérisée par une position défensive vis-à-vis de Marine Le Pen, celle de 2019 a inversé les rôles, notamment en raison du faible écho suscité par un hypothétique « Frexit » ; le député de Renew a par ailleurs souligné l’importance, dans cette campagne, de la mobilisation des jeunes sur le climat et leur souhait de voir émerger des résultats concrets.

De son côté, Gaby Bischoff a fait valoir qu’en Allemagne la mobilisation, portée par la société civile, s’explique en grande partie par la crainte que le projet européen puisse échouer – d’où l’intérêt accordé à la recherche de solutions plutôt qu’à une focalisation sur les problèmes.

2 – Interrogé sur l’exercice participatif « grandeur nature » expérimenté au sein de la Communauté germanophone de Belgique, Karl-Heinz Lambertz a précisé que cette initiative, bien ciblée, appelle un suivi et que ses résultats ne pourront être véritablement évalués qu’à l’issue d’une période de cinq ans. Pour ce qui est des eurosceptiques, qui n’échappent pas à certaines divisions en leur sein, il a constaté un changement de paradigme, plaidant désormais davantage pour « une autre Europe » – une mutation idéologique dont les forces progressistes ne mesurent peut-être pas tous les dangers, d’où l’urgence de dynamiser les liens avec les citoyens.

3 – En réponse à une question portant sur l’équilibre à trouver, dans le débat sur l’avenir de l’Europe, entre un renforcement des leviers de la démocratie représentative (Spitzenkandidaten, listes transnationales…) et davantage de dimension participative, Christophe Leclercq a évoqué l’échec de la Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing, dont il conviendrait de tirer les leçons. Aussi, a-t-il mis en garde contre la tentation d’institutionnaliser le « participatif » : dans son esprit, celui-ci doit être considéré comme un complément utile auquel on recourt essentiellement dans le besoin ; l’enjeu immédiat serait plutôt de savoir si une majorité paneuropéenne est encore concevable en 2024.

Quant à l’issue de la Conférence sur l’avenir de l’Europe à cet égard, elle devrait, selon l’intervenant, se traduire par des scénarios de nature à alimenter la campagne électorale : articulé autour de dix à vingt questions – dont celle, fondamentale, de l’évolution des compétences de l’UE – chaque scénario serait identifié à une liste de candidatures. Dans ce schéma, il appartiendrait à une Conférence intergouvernementale d’entériner in fine le scénario ayant prévalu au vu des résultats des élections.

4 – S’agissant des négociations interinstitutionnelles en vue d’établir les règles de fonctionnement de la Conférence, Gaby Bischoff a précisé que celle-ci est appelée à reposer sur trois volets : un panel institutionnel – qui pourrait faire penser à une boutade à la Magritte : « ceci n’est pas une Convention, mais pourrait le devenir » ; des « agoras citoyennes » ; des « agoras jeunesse ». Elle a ajouté que les débats en cours entre partis mettent en outre en évidence des thématiques comme celle, entre autres, du système du Spitzenkandidat.

A la question de savoir si la Conférence serait seulement un projet « macronien » susceptible d’aboutir sous présidence française de l’UE et en amont de la campagne pour les élections présidentielles en France ou si, comme le fait valoir le leader du Parti socialiste belge, Paul Magnette, il conviendrait, en tout état de cause – et sans être naïfs – de « donner une chance au processus », Sylvie Guillaume a répondu qu’il y a lieu d’éviter les tabous dans le débat. De son point de vue, tout en prenant soin de se garder d’un « grand barnum institutionnel », l’enjeu se situe au niveau de la méthode, des « bénéficiaires », des « a priori » et des contenus – mais aussi et surtout des acteurs de la Conférence : outre celle des territoires, celle-ci devrait assurer une réelle implication des « vrais citoyens » ainsi que des corps intermédiaires (associations, syndicats).

Evoquant l’antécédent des « Conventions citoyennes », Pascal Durand a rappelé que celles-ci ont été pilotées par la Commission, sans autre forme d’engagement que la communication, dont les difficultés ont pu constituer une source de désaffection de la part des citoyens. C’est, du reste, sur ce terrain qu’il apprécie la démarche de Sauvons l’Europe dans la mesure où elle s’est construite sur une prise de conscience de l’urgence et de la peur ainsi que sur une réflexion au sujet de ce que l’on veut construire avec la société civile. Pour lui, une convention citoyenne doit non seulement fonctionner dans la durée, mais aussi permettre de construire une citoyenneté européenne qui, grâce à des échanges transfrontaliers, ne se réduit pas à une somme de citoyennetés nationales.

Dans une allusion à un « non-paper » sur la nécessité d’un dialogue citoyen, Karl-Heinz Lambertz a estimé qu’un processus délibératif dans la durée doit être articulé avec un processus parlementaire, dans la mesure où un dialogue citoyen permanent n’a pas pour vocation de tuer la démocratie délibérative. Il a souhaité en outre ajouter qu’à ses yeux Ursula von der Leyen avait prononcé un discours d’investiture très intelligent.

5 – Abordant la thématique des outils du dialogue, Sylvie Guillaume a attiré l’attention sur l’importance qu’il convenait d’accorder à une bonne utilisation des technologies de l’information et de la communication. Dans un registre voisin, Christophe Leclercq a évoqué la thématique de la concurrence en matière digitale, qui représente à ses yeux un domaine essentiel où la Commission doit utiliser ses compétences – quitte à ce que le Parlement européen la pousse à agir davantage en ce domaine.

6 – En guise de conclusion personnelle, Pascal Durand a estimé que la perspective d’une Europe participative doit conduire à ne pas hésiter à se confronter aux nationaliste – d’où l’impératif incombant aux partisans de cette forme d’Europe de « bouger ».

Pour sa part, Gaby Bischoff a insisté sur le fait qu’en dépit de la paralysie apparente du Conseil sur le sujet, conjuguée à une certaine timidité de la Commission, la Conférence sur l’avenir de l’Europe doit être un processus ouvert, géré de manière professionnelle et transparente ; celui-ci doit également être considéré comme suffisamment représentatif de la société européenne pour toucher aussi et surtout les 40 % de non-votants. Aux yeux de la députée, il n’y a pas en ce moment de meilleure idée pour faire avancer la citoyenneté européenne que celle de tenir cette conférence.

Gérard Vernier, Matthieu Hornung, Brigitte Tout

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1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour
    Le « tabouret » européen sur lequel nous essayons de nous asseoir vient de se doter, après la monnaie, d’un deuxième pied, le budget. Il s’agit d’une grande avancée, qui va demander que les forces qui proposent et construisent autrement que dans la répétition se mobilisent. Pour ma part le troisième, le social, est celui que la période longue des reconstructions locales et globales, impose, Il va nous permettre de rendre la confiance aux citoyens européen et aussi…faire de l’économie au service de toutes et de tous.
    Pourquoi vous n’invitez pas les partenaires du Dialogue Social ?
    Sur le participatif, nous avons eu sur le terrain des temps de forts engagements, en particulier avec les Fonds Structurels…la période 2000/2014 a été exemplaire. Elle devait servir à changer les mentalités, faire évoluer les institutions régionales et surtout les modes de gouvernances. Les Pactes Territoriaux (Turku 1998)…comment avons-nous pu passer et même rejeter ce qui se construisait sur les territoires? Expérimental et supplétif!
    On ne refera pas l’histoire, mais reconstruire cette dynamique cet allant participatif sera long, mais cela est un nouveau beau défi, puisque lié à notre survie.

    France Joubert
    Sauvons l’Europe Poitou-Charentes

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