Brexit : vendre sa souveraineté pour des miettes de pain

Il faut reconnaître aux architectes du Brexit qu’ils ont plus d’imagination que les auteurs de telenovelas pour tenir leur public en haleine, avec des rebondissements toujours plus improbables. Le Royaume-Uni a signé mi juillet le traité dit « Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership » ou CPTTP, qui est célébré comme la preuve qu’en retrouvant son indépendance ce pays redevient libre de conclure des accords fondamentaux. Mais de quoi s’agit-il ?

Le CPTPP est une zone de libre échange, ou presque (98% des droits de douanes sont éliminés). Comme le marché unique européen ? Oui, mais en Asie. Dès lors que les ratifications auront eu lieu, le Royaume-Uni quittera donc l’Europe pour devenir le seul membre non asiatique d’une zone commerciale à l’exact opposé du globe. Quand les Brexiters parlaient de reprendre le large, ils ne mentaient pas. Sachant que le Royaume-Uni dispose déjà de traités de libre-échange avec tous les pays concernés sauf la Malaisie, le gouvernement de sa gracieuse Majesté estime triomphalement que d’ici 15 ans le PIB du pays aura augmenté de 0.08% grâce à cet accord, contre rappelons-le 5.5% pour l’UE. Il s’agit donc essentiellement d’un geste symbolique et de diplomatie économique. C’est d’ailleurs ainsi qu’il est vendu, permettant d’ancrer la Grande-Bretagne (Jersey et Guernesey vont adhérer aussi) à la zone la plus dynamique du monde, au lieu d’être ancrée là où elle se trouve.

Ce coup de chapeau au mouvement dadaïste de l’économie internationale ne se fait cependant pas sans coût pour la souveraineté du pays, qui paraît-il était la raison de tout ce chambardement. Rappelez-vous du refus d’être soumis à une cour de justice non britannique qui motivait le retrait de l’UE et la non adhésion au marché unique ? Hé bien… il y a un tel organe dans le CPTPP ! Sauf par accord spécial avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ce qui est limité. Vous souvenez-vous des craintes sur les règles écologiques européennes ? Hé bien le Royaume-Uni devra empêcher la surpêche dans ses eaux, ce qui est exactement le nœud du conflit avec l’Europe dans ce domaine. Souvenez-vous du refus d’un droit du travail européen, en particulier sur les horaires ? Le Royaume-Uni devra garantir le fonctionnement des syndicats et du droit de grève que les Brexiteurs ont fortement restreint, et disposer de règles acceptables en matière de durée du travail. Tout ceci est dit pour chamailler gentiment nos amis, les parties relatives au droit du travail étant par exemple nettement plus sévères dans l’accord de commerce avec l’UE.

Mais le plus beau est dans les normes de qualité des produits. L’Europe est un grand marché parce que les normes de qualité de fabrication sont les mêmes pour tout le monde. Nous sommes collectivement souverains sur ce que nous mangeons ou les appareils que nous utilisons. Plus le Royaume-Uni : dans le marché pacifique (ou désormais également peripacifique), chacun reconnaît les norme de production des autres. Victoire ! les Britanniques peuvent désormais vendre à l’étranger les produits fabriqués selon les normes qu’ils ont souverainement décidées ! Par contre, ils ne peuvent plus s’opposer à la vente sur leur sol de produits selon les standards de la Malaisie. Ou d’ailleurs de l’Australie, en particulier en matière alimentaire. La souveraineté, c’est que désormais les anglais mangeront de la volaille aux hormones et à la javel.

 

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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1 COMMENTAIRE

  1. Tous les traités de libre échange sont néfastes (dont pour l’environnement). Il faut retourner au localisme, et intelligemment au protectionnisme (coopérations et protection mutuelle face aux grans pays). Pour ce faire, une confédération européenne serait plus souple, et plus respectueuse des peuples. La marche forcée vers le fédéralisme détruira l’UE. Elle ne sert qu’a perpétuer la domination néoliberale anglo-saxonne/ impérialisme US.

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