Ukraine: le bordel sanglant

Comment débutent les grandes crises historiques? L’Ukraine, joint entre la Russie et l’Europe, franchit sous nos yeux tous les paliers vers une guerre civile et menace d’emporter ses voisins dans la crise.

Le coeur de l’Ukraine est historiquement européen et a été tiraillé au cours des siècles entre, pour faire simple, les pôles d’influences russes et polonais. Depuis en particulier que la Crimée lui a été adjointe sous l’URSS, deux nations sont accolées dans un seul pays. Au Nord-Ouest: les terres historiquement européennes, catholiques et parlant ukrainien, tournées vers une économie mondialisée. A l’Est, des populations russophones et orthodoxes, une industrie lourde minière et métallurgique intégrée dans le bloc économique de l’ex-URSS. Ce clivage semble depuis l’indépendance et la chute du mur grandir plutôt que s’amenuiser.

En 2010, l’élection présidentielle a clairement matérialisé cette partition du pays:

Ukraine 2010

Notons en outre que les taux de participation sont les plus forts – et très nettement – aux deux extrémités géographiques du pays.

La candidate malheureuse à la présidentielle, Ioulia Tymotchenko et l’ensemble de ses proches alliés et hauts fonctionnaires ayant mis en place sa politique quand elle était premier ministre, sont poursuivis sous des accusations de corruption diverses et emprisonnés. La manoeuvre politique est tellement claire que même la Russie a été obligée de faire des appels publics à y mettre fin. La situation économique est par ailleurs très précaire, l’Ukraine étant en situation de cessation de paiement. Ses deux créanciers principaux sont le FMI et la Russie à travers les importations de gaz.

C’est dans ce contexte qu’a débuté il y’a quelques mois la négociation d’un accord de partenariat avec l’Union Européenne. Les négociateurs européens avaient assorti leurs propositions de conditions sur la libération des opposants politiques, que le gouvernement ukrainien a refusées pour se tourner vers une offre économique concurrente de la Russie. Et les manifestations ont commencé à Kiev. Pas pour un accord commercial. Pas pour une intégration institutionnelle avec l’UE. Mais parce que l’Europe symbolise la démocratie qui leur fait défaut, les libertés publiques qui leurs sont refusées, une économie moderne qui ne soit pas aux mains de la famille des membres du gouvernement. Tout ce pour quoi en somme le bloc européen a été constitué à la sortie de la guerre.

L’escalade de la violence a transformé une simple manifestation en mouvement insurrectionnel, rejoint par les éléments les plus durs et notamment les troupes de choc des ultranationalistes ukrainiens d’extrême-droite, sans doute en première ligne face aux policiers. Tout indique cependant que le mouvement de la place Maidan n’est plus un épiphénomène mais qu’il est désormais soutenu par une part importante de la population.

Vers quoi allons-nous? Un étouffement du soulèvement à Kiev? D’autres foyers vont-ils s’allumer ailleurs en Ukraine, demandant le départ du gouvernement? Existe-t-il un gouvernement de rechange acceptable, une possibilité d’Union nationale de transition?

Les ministres des affaires étrangères européens se sont accordés hier soir pour un premier lot de sanctions contre « ceux qui sont tâchés de sang », avec des privations de visa et des saisie des avoirs des responsables de violences dans les deux camps. Diplomatiquement, ceci permet d’éviter de prendre totalement parti et de condamner un camp en particulier. Néanmoins cet équilibre est factice: que craignent une poignée d’extrémistes plus ou moins néo-nazis difficiles à identifier au milieu des autres manifestants, par rapport à des oligarques dont la liberté de déplacement et l’immense patrimoine sont bien menacés?

L’Europe doit aller plus loin et se forger une religion pour la suite: faut-il en appeler à des forces d’interposition de l’ONU? Faut-il peser pour un processus institutionnel de rétablissement de la démocratie et des libertés publiques? Faut-il se préparer à une partition de l’Ukraine, anticipée par le pouvoir russe? Comment vivre avec la menace permanente de la coupure du gaz par la Russie?

Sachons où nous allons, la Géorgie nous a rappelé récemment que les chars russes ne sont pas un souvenir jauni.

Arthur Colin

 

 

Arthur Colin

 

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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6 Commentaires

  1. Une bonne analyse, à la suite d’autres sur le même sujet. L’alliance contre nature entre démocrates et extrême-droite n’est pourtant pas un problème négligeable, car elle fait penser à d’autres cas devenus préoccupants : Syrie, Egypte, Lybie… et peut-être bien chez nous aussi.

    Sur un plan plus léger, je n’aime pas l’écriture « ceux qui sont tâchés de sang » : cet accent circonflexe vient-il des ministres ou de l’auteur, entachés qu’ils sont de ne pas respecter leur tâche d’écrire en français ? Je suis un peu énervé par la tendance des journalistes actuels à confondre les mots dès qu’ils utilisent une image. Exemple : « le soufflet est retombé ».

  2. Vous dites que, « pour faire simple », l’Ukraine serait coincée entre Russie et Pologne…
    Trop simple en effet !
    Si vous reprenez l’histoire moderne de l’Europe disons depuis les siècles XVI, XVII, XVIII, vous pourrez aisément distinguer les repères historiques qui montrent en effet le changement incessant des frontières du pays l’Ukraine. En fait l’Ukraine était la Pologne du Sud. Et si on est « sudiste » on est incité à penser en tout bien tout honneur et pacifiquement : la Pologne était l’Ukraine du Nord.
    Ensuite au XVIII siècle Ukraine et Russie ont signé un Traité d’Amitié éternelle…
    Cela veut dire que quand Napoléon à l’occasion de « la Guerre des Nations » a voulu lancer son offensive sur les trois fronts : MOSCOU, ST PETERSBOURG, UKRAINE, en pensant que si ST PETERSBOURG tombait, les Ukrainiens allaient « arrêter le combat » afin « être libérés de Russie !!! !!!!!!! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!! » il n’avait pas reçu d’un bon Professeur encore, la leçon des relations historiques au long cours entre MOSCOU et KIEV, etc. (j’arrête…]
    Un peu plus tard, les nations d’Europe ont essayé de faire échec diplomatiquement à la Pologne en l’enserrant entre quatre points limites symbolisées par quatre villes (+ peut-être une cinquième piste…] et la Pologne est devenue une Terre-Martyr aux mains de Diplomates de différentes nations d’Europe de l’Ouest qui se l’échangent comme une poupée gigogne… et vous vous continuez !… ?
    Et avez-vous oublié qu’après l’agression de Napoléon à l’Est de l’Europe, la Prusse a été tellement choquée qu’elle a décidée de s’immiscer dans les affaires de l’Europe, si bien qu’il y a eu la partition de la Prusse entre quatre régions près de la mer Baltique, plus une cinquième peut-être plus au Sud et comme une promesse…
    Je suggérerais volontiers de dessiner une « théorie des jeux » 5 et 4 Sud ou Nord…

  3. En suite de mon message précédent, je vous rappelle la parole du Ministre français des Affaires Etrangères en 1979 au moment du coup d’Etat militaire en POLOGNE par le Général JARUSELSKI : « il est bien clair que nous n’interviendrons pas dans les affaires de la POLOGNE !!!.. »
    Pour un Ministre des Affaires Etrangères qui avait renouvellé le genre de son exercice en prônant le parler-Vrai (il s’agissait de Claude CHEYSSON…], cela nous rappelle à tous l’ignorance coupable que nous citoyens des pays d’Europe de l’Ouest avons bien trop souvent des histoires des nations de l’Est et leur apport à l’Histoire de l’Europe.
    Oublions-nous que l’Ukrainien d’origine Georges CHARPAK a donné à la France un Prix Nobel de Physique ?
    Oublions-nous que Milton FRIEDMAN qui – pour le meilleur et pour le pire, vu qu’il n’a fait que remettre au goût du jour scientifique mathématique la Théorie Quantitative de la Monnaie qui avait été créée par l’Evêque de Normandie ORESME six ou sept siècle avant lui – était oroginaire de RUTHENIE ?
    Nous qui en France vantons tant les Entrepreneurs et donc l’apôtre de la « destruction créatrice » Joseph SCHUMPETER, nous rappelons-nous qu’il est né dans une Région de l’actuelle Autriche qui à son époque appartenait à l’Ukraine ?
    NE COMPRENONS-NOUS DONC PAS A QUEL POINT L’UKRAINE EST D’EUROPE ??? ??
    Et puis aussi votre carte du vote est certes intéressante pour les Instituts de Sondage par Petit Temps Pour La Navigation… mais il y a eu aussi des soulèvements dans les villes situées à l’Est, et par capillarité le mouvement peut vite se diffuser…
    Donc je vous invite s’il vous-plaît à parcourir mon message suivant ; bien à vous,

  4. Je voudrais juste glisser un quatrième message sur votre billet d’aujourd’hui, en lien avec les aspects économiques.
    Premièrement méfions-nous d’une chose. On présente souvent les choses comme si les Ukrainiens devaient choisir entre la Russie et l’UE ? Or pourquoi pas les deux ? Ceci en arrière-figure du cadre de ce que justement l’UE pourrait apporter à l’Ukraine un droit des affaires plus clair, un droit des média idem, enfin un droit de la concurrence de préférence non faussée…
    En fait le Français Maurice LAURÉ avait inventé la Taxe sur la Valeur Ajoutée afin de faciliter les relations entre la Métropole la FRANCE et ses colonies – alors que pourtant toutes leurs relations n’étaient pas de nature exclusivement commerciale ! … – mais cela n’a pas été retenu et quelques années plus tard la CEE a utilisé cette taxe pour en faire la première ressource autonome de la CEE.
    Enfin maintenant puisque nous sommes obligés à la Convergence (euro, lutte contre les paradis fiscaux…], nous pouvons poser ce problème sans risque d’être trop « contrés » : en fait tous les pays du monde se sont inspirés de la TVA, mais on peut dire désormais : on va lutter internationalement – sinon cela n’aurait aucune efficacité… – contre l’évasion fiscale qui prend trois formes les plus importantes : fraude fiscale en particulier par rapport à patrimoines individuels, optimisation fiscale, et fraude à la TVA.
    Deuxième étape du raisonnement :
    on accuse les dirigeants ukrainiens d’être « corrompus », de « diriger une oligarchie » ; or la théorie économique montre que l’oligopole est la stratégie de meilleure réponse pour diriger le commerce international dans le cadre de brevets à protéger etc. Il y a fort à parier que le régime ukrainien – je ne le complimente en rien pour cela… – n’a fait que s’adapter à cette situation en mettant en place des Dirigeants politiques qui vont faciliter les investissements étrangers.
    Troisième étape du raisonnement :
    malheureusement une grande part de la corruption vient justement de nos pays ; vous savez que des multinationales françaises et belges ont investi dans des gazoducs et oléoducs contournant volontairement l’Ukraine afin de négocier directement avec la Russie.
    En bref et je suis fatigué de lister le numéro de mes arguments, dire que l’Ukraine va être séparée en deux parties est un peu « hard ».
    A) d’une part ils peuvent très bien effectivement faire « split » du fait de la stratégie-du-choc… tout en restant liés, à un niveau de jeu diplomatique hiérarchiquement supérieur, dans une solidarité au sujet des informations… ce n’est pas ce que je souhaite ; cela voudrait dire qu’il est déjà trop tard ; cela impliquerait que les Dirigeants de l’UE ont lamentablement échoué et certainement qu’ils sont mêlés personnellement à la Corruption…
    B) ce que je préférerais c’est que d’une part Russie et Ukraine discutent entre eux afin d’orienter la suite du calendrier en accord étroit avec la France et les autres… et que l’Ukraine n’ait pas le choix entre les deux mais restent dans les deux… tout en prenant petit-à-petit la tête des opérations…
    C) et enfin je justifie mon information située dans le registre de l’économie car je suis choqué que les commentateurs ne parlent quasiment que de cet aspect en faisant fortement remarquer :
    l’UE et la France ont maintenant l’obligation de lutter contre l’évasion fiscale et les complicités internationales liées à ce phénomène anti-coopératif : la technique d’organisations privées consistant à créer des systèmes d’information cachant de véritables fraudes à la TVA et noyant le poisson entre d’une part des comportements délictueux d’ordre privé et d’autre part l’optimisation fiscale des Firmes Mondialisées qui elle est une réponse administrative à l’extension mondialisée des marchés, n’aura plus lieu : on ne pourra plus jouer sur cette « queue » là : la faisant passer au fil des « néo-événements » pour de la « TVA dite sociale » – repoussant d’autant la reprise d’une Construction Européenne Active et Déterminée…
    Mais qu’est-ce qui empêche en même temps les Ukrainiens ou même les Russes, placés face à des interlocuteurs qui jouent double jeu, de créer un système douanier leur permettant au moins de ne pas laisser trop avancer les intérêts par trop commerciaux des occidentaux afin de marquer comptablement une frontière interne et externe… le temps que les occidentaux comprennent que rien ne sera possible sans ces pays indéniablement européens ??.. ?

  5. Bonjour a tous

    Je m’excuse d’avance sur mes faute d’orthographes, voila je suis russe et je vie en France depuis 15 ans, je regarde la télévision russe et française puis j’écoute aussi des gens qui ce trouve actuellement en Ukraine, des extrémiste dises que ce qui parle le russe en Ukraine on doit leur tirer une balle dans le tête, en France on dit pauvre Ukrainiens et on critiques les russes pour avoir placé l’armée en Ukraine, il faut savoir que Tymotchenko et Yanukovich les deux ne valent rien a part pompé les dernier source de l’Ukraine, les seul qui peuvent aider l’Ukraine ce sont les russes et surtout pas les Américain, et n’oublient pas aussi le génocide en Pologne par des membres de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne…

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