Le coup de périscope : volume 8

Tour d’horizon de l’actualité européenne du 1er au 10 décembre 2021

NB : il convient de préciser qu’outre la lecture de la presse écrite et le suivi des médias audiovisuels les informations présentées – certes de manière sélective – dans cette rubrique puisent principalement leurs sources dans les communiqués de presse des institutions de l’UE ainsi que dans les publications quotidiennes des deux précieuses agences de presse qu’incarnent l’Agence Europe et Euractiv. Des articles publiés par le think-tank EuropaNova fournissent aussi des éclairages intéressants occasionnellement pris en compte.

 

Institutions

A l’approche de l’installation de la France dans le fauteuil de la « présidence tournante » du Conseil de l’UE pour toute la durée du premier semestre 2022, son chef d’Etat, Emmanuel Macron, a présenté, le 9 décembre, les priorités qu’il entend promouvoir au titre d’un mandat placé sous le triptyque « relance, puissance et appartenance ». Dans cette perspective, le président français a défini les objectifs suivants, eux aussi articulés autour de trois axes ainsi mis en exergue :

  • une Europe plus souveraine, nourrie par des ambitions telles que : le renforcement de l’espace Schengen, la protection de ses frontières, la maîtrise des migrations et une politique d’asile améliorée ; une capacité d’agir en matière de sécurité et de défense grâce à une « boussole stratégique » ; la stabilité du voisinage de l’UE, dont un réengagement dans les Balkans et une refondation de la relation avec l’Afrique
  • un nouveau modèle européen de croissance, pour, notamment, faire de l’Europe un grand continent de production, de création d’emploi, d’innovation et d’excellence technologique, tout en conciliant développement économique et ambition climatique ; ce à quoi s’ajoute la nécessité de repenser le cadre budgétaire de l’Union et de faire de celle-ci une puissance du numérique
  • une Europe humaine, à l’écoute des préoccupations de ses citoyens, en particulier dans le cadre privilégié de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui se clôturera sous la présidence française – une Europe du futur fondée sur des valeurs à promouvoir par de nouveaux outils favorisant l’encouragement plus que la sanction.

Le président français entend par ailleurs mettre en place un fonds de soutien au journalisme indépendant et œuvrer à une législation européenne sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Il souhaite également lancer un grand chantier sur l’histoire de l’Europe pour contrer « les tendances révisionnistes ».

C’est également le 9 décembre que le Conseil, emboîtant le pas à une évaluation effectuée par la Commission, a adopté des conclusions constatant formellement que la Croatie, dernier Etat ayant adhéré à l’UE, avait désormais satisfait à toutes les conditions permettant une application intégrale de l’acquis de Schengen à ce pays.

 

Instruments financiers

Le 2 décembre, la Commission a publié son rapport annuel de synthèse sur la mise en œuvre des instruments financiers au titre des Fonds structurels et d’investissement. Portant sur l’exercice 2020, le document montre que ces instruments ont en particulier soutenu les petites et moyennes entreprises – dont 375000 microentreprises – ainsi que d’autres bénéficiaires, pour un montant total de 29 milliards d’euros. Selon la Commission, leur utilisation, notamment via le Fonds européen de développement régional, a contribué singulièrement à atténuer les répercussions négatives de la crise sanitaire.

 

Etat de droit, démocratie et droits humains

Le 2 décembre, la Commission a lancé une consultation publique dont les résultats devraient éclairer la préparation, en 2022, de son rapport annuel sur l’Etat de droit dans l’UE. Ouverte jusqu’au 24 janvier, cette procédure, qui sollicite la société civile en général et le monde judiciaire en particulier, porte sur des éléments tels que l’indépendance de la justice, la lutte contre la corruption ou l’équilibre global des contre-pouvoirs dans les Etats membres.

C’est également le 2 décembre que Maros Sefcovic, vice-président de la Commission chargé des relations interinstitutionnelles, a participé à une conférence de haut niveau consacrée à l’amélioration de la réglementation européenne. Rappelant les initiatives récemment prises par la Commission pour progresser dans ce chantier – communication d’avril 2021 invitant à unir les forces pour améliorer la législation [COM (2021) 219] ; lignes directrices pour une meilleure réglementation [SWD (2021) 305], elles-mêmes assorties d’une « boîte à outils » – le commissaire a mis en évidence trois objectifs sur lesquels devraient porter de nouveaux efforts : trouver un équilibre dans l’application du principe de compensation dit « one-in, one out » consistant à substituer à tout nouveau coût lié à une initiative législative la suppression d’un coût existant ; s’assurer que la réglementation permet de bien affronter l’avenir, notamment à la lumière des leçons à tirer de la crise sanitaire qui a montré la nécessité de mieux anticiper les défis se profilant à l’horizon ; veiller à l’engagement des parties prenantes à tous les niveaux, un facteur crucial pour permettre la réussite de l’agenda « mieux légiférer » et pour façonner une Europe plus forte et plus résiliente.

Dans un registre voisin, la Commission a présenté, le 9 décembre, une communication visant à étendre la liste des infractions pénales dans l’UE aux discours et crimes de haine [COM (2021) 777]. Elle considère que ces deux phénomènes constituent des domaines de criminalité particulièrement graves, qui n’ont cessé de se propager en raison de diverses évolutions économiques, sociales et technologiques, la crise sanitaire ayant elle-même contribué à une telle montée en puissance. Cette démarche de la Commission pourrait se traduire par une initiative législative à entériner par le Parlement européen et le Conseil.

Sur le terrain de la démocratie, on relèvera que, le 1er décembre, dans une intervention devant les membres du Comité des régions, le président de la République française, Emmanuel Macron, a fait valoir l’importance qu’il attache au rôle que les régions pourraient être amenées à jouer dans la consolidation de cette valeur au sein de l’UE, par exemple au niveau de la politique de cohésion et des défis sociaux. Dans son esprit, cette perspective permettrait de valoriser l’application du principe de subsidiarité.

Les 9 et 10 décembre, s’est tenu, en mode virtuel, un Sommet pour la démocratie, à l’initiative du président des Etats-Unis. La présidente de la Commission et le président du Conseil européen y ont pris part au nom de l’UE. Pour Mme von der Leyen, qui a mis en évidence l’apport de l’UE et de ses Etats membres en tant que donateurs de premier plan pour le soutien à la démocratie dans le monde, il importe d’entretenir cette valeur politique et d’œuvrer à ses progrès, notamment à la lumière des agissements de ses adversaires, qui n’hésitent pas à user de nouveaux instruments pour l’attaquer. La présidente de la Commission a par ailleurs souligné l’intérêt d’une volonté commune en vue de renforcer une telle valeur pour le plus grand bénéfice des peuples, en s’appuyant, notamment, sur la promotion de l’égalité au sein des sociétés. Pour sa part, le président du Conseil européen, Charles Michel, a axé son intervention sur le défi que représentent la transformation numérique et l’approche de l’UE en faveur d’un internet gratuit, sûr et fondé sur des valeurs, tout en n’ignorant pas les manipulations de l’information que le numérique peut encourager. Il a également fait valoir les avancées que doivent permettre la législation européenne sur les services numériques et la réglementation applicable à l’intelligence artificielle en regard de la préoccupation majeure que constitue, sur le terrain de la démocratie, la cybersécurité, y compris en matière de cyberdéfense.

De fait, à la veille de ces interventions des deux dirigeants européens, l’Union s’était concrètement engagée dans la mise en œuvre du plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie approuvé par le Conseil en novembre 2020 dans le prolongement d’une initiative conjointe de la Commission et du haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité en date du 25 mars 2020 [JOIN (2020) 5]. A cet effet, un montant de 1,5 milliard d’euros a été affecté à la promotion des valeurs universelles pour répondre à un ensemble de cinq lignes d’action : protéger et responsabiliser les individus ; bâtir des sociétés résilientes, inclusives et démocratiques ; promouvoir un système mondial pour les droits de l’homme et la démocratie ; tirer parti des possibilités offertes par les nouvelles technologies ; obtenir des résultats grâce à une approche collaborative.

Sur le terrain spécifique des droits de l’homme, diverses initiatives ont été prises au cours de la décade sous revue. Ainsi :

  • le 6 décembre, le Conseil a prorogé jusqu’au 8 décembre 2022 le régime des sanctions à l’encontre des personnes et entités responsables de graves violations des droits de l’homme et de graves atteintes à ces droits partout dans le monde. Ce régime, mis en place le 7 décembre 2020 [règlement (UE) 2020/1998 et décision (PESC) 2020/1999 – JOUE L 110 I, 7.12.2020], prévoit notamment une interdiction de pénétrer sur le territoire de l’Union pour les personnes physiques et un gel des avoirs tant pour les personnes que pour les entités**
  • le 10 décembre, jour de la célébration de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, le haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union, Josep Borrell, a publié une déclaration au nom de l’UE : celle-ci rappelle notamment les actions entreprises directement par l’Union tout au long de l’année 2021 à l’égard de la Chine, de la Corée du Nord, de la Libye, du Soudan du Sud, de l’Erythrée et de la Russie, voire, dans le cadre des Nations unies, vis-à-vis de l’Afghanistan, de la Biélorussie, du Burundi, de l’Ethiopie et de la Birmanie. Il a également souligné le renforcement du soutien accordé aux organes de la société civile et aux défenseurs des droits de l’homme
  • c’est également en considération de la date hautement symbolique du 10 décembre que, ce jour-là, la Commission a publié son rapport annuel sur l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’UE [COM (2021) 819]. Il s’agit du premier rapport faisant suite à la stratégie visant à renforcer cette mise en œuvre, présentée en décembre 2020 [COM (2020) 711]. Le document s’articule en cinq grands volets : relever les défis liés à la modération en ligne face à des contenus illicites ; protéger les droits fondamentaux en cas d’utilisation de l’intelligence artificielle ; combler la fracture numérique accentuée par la crise sanitaire ; protéger les personnes travaillant par l’intermédiaire des plateformes numériques ; superviser la surveillance numérique en regard de pratiques injustifiées.

 

Coopération judiciaire et coopération policière

Le 1er décembre, la Commission a adopté plusieurs initiatives en vue de la numérisation du système judiciaire de l’Union. Elle donne ainsi corps à l’une des priorités énoncées dans sa communication sur ce thème publiée il y a un an [COM (2020) 710]. Ce « paquet » s’articule autour des éléments suivants :

  • une proposition de règlement relatif à la numérisation de la coopération judiciaire et de l’accès à la justice en matière civile, commerciale et pénale entre Etats membres [COM (2021) 759]. Elle vise à : permettre aux parties de communiquer avec les autorités compétentes par voie électronique ou d’engager une procédure à l’encontre d’une partie se trouvant dans un autre Etat membre ; autoriser le recours à la visioconférence lors des audiences ; garantir la possibilité d’un transfert numérique des demandes, des documents et des données entre les autorités et les juridictions nationales. L’initiative est en outre assortie d’une proposition de directive modifiant, à cet effet, divers autres textes législatifs [COM (2021) 760]
  • une proposition de règlement portant sur l’échange d’informations numériques dans les affaires de terrorisme [COM (2021) 757], dans le but de lutter contre ce phénomène, en s’appuyant, notamment, sur l’action d’Eurojust
  • une proposition de règlement en vue d’établir une plateforme de collaboration destinée à soutenir le fonctionnement des équipes communes d’enquête [COM (2021) 756]. Les travaux de ces dernières – créées par au moins deux Etats membres pour mener des investigations spécifiques en matière de criminalité transfrontière – ayant été confrontés à des difficultés techniques, l’initiative vise à permettre le stockage local de communications sécurisées non traçables sur les appareils des utilisateurs, de même que l’échange d’informations et de preuves liées aux opérations, ainsi que la traçabilité des preuves.

Le 8 décembre, la présidence du Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur une proposition de règlement relatif au système e-CODEX, que la Commission avait présentée en décembre 2020 [COM (2020) 712] dans le but de permettre la numérisation de la communication judiciaire transfrontière et de faciliter l’accès des citoyens et des entreprises à la justice en matière civile et pénale. L’objectif est de fournir au système un cadre juridique durable, dont le développement sera confié à eu-Lisa, une agence chargée de la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice.

Dans le domaine de la police, la Commission a proposé, le 8 décembre, l’établissement d’un cadre de de coopération policière de l’UE afin de renforcer la collaboration entre les services concernés des Etats membres et de fournir aux policiers de l’Union des outils plus modernes en matière d’échange d’information. Les mesures préconisées reposent sur :

  • une recommandation relative à la coopération policière opérationnelle [COM (2021) 780], établissant des normes communes pour la collaboration transfrontière, de nature à promouvoir une culture commune grâce à des formations conjointes, y compris en matière linguistique
  • une proposition de directive relative à l’échange d’informations entre les autorités répressives des Etats membres [COM (2021) 782], prévoyant, par exemple, la mise en place d’un point de contact unique
  • une proposition de règlement destinée à réviser les règles applicables à l’échange automatique de données [COM (2021) 784], dans le but d’améliorer, de faciliter et d’accélérer ce type d’échange ainsi que de contribuer à l’identification des criminels, grâce, notamment, à l’instauration d’un dispositif central (« routeur ») auquel les bases de données nationales peuvent se connecter.

 

Défense

Le 7 décembre, à l’occasion de la conférence annuelle de l’Agence européenne de défense, le président du Conseil européen, Charles Michel, a souligné à quel point les questions de défense constituaient une préoccupation majeure pour les dirigeants européens, face aux nombreux défis qui rendent le monde instable et imprévisible. D’où la priorité accordée par son institution à une capacité accrue de l’Union à agir de manière autonome pour défendre ses valeurs et contribuer à façonner l’avenir de ce monde.

Dans ce contexte, Charles Michel a mis en évidence la place éminente que le Conseil européen accorde à l’accélération des travaux concernant l’élaboration d’une « boussole stratégique », instrument au service de l’autonomie, voire de la souveraineté, de l’Union – de même qu’au partenariat stratégique avec l’OTAN. Il a par ailleurs insisté sur le poids de deux défis cruciaux :

  • d’une part, l’innovation, en présence des avancées rapides dans des secteurs comme l’intelligence artificielle ou les technologies numériques : de telles évolutions exigent des réponses en matière tant de recherche et de technologie que d’exploitation des capacités industrielles, y compris civiles ; elles justifient également les missions assignées au Fonds européen de défense, inauguré le 30 juin dernier
  • d’autre part, la cybersécurité, considérée comme un enjeu politique fondamental en raison des « cybermenaces », multiformes et impliquant souvent des pays tiers puissants. D’où l’impératif de renforcer la coopération européenne face à cette hypothèque, qui justifierait la création d’une « unité conjointe de cybersécurité », telle que préconisée par la Commission européenne. D’où, par ailleurs, la nécessité de renforcer la cyberprotection des infrastructures de sécurité et de défense de l’UE : selon son président, le Conseil européen entend l’encadrer par de nouvelles orientations et en assurer le pilotage.

Au cours de la même conférence, le haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, s’est prononcé lui aussi en faveur d’un investissement collectif accru dans l’innovation de défense.

 

Numérique

Non sans lien avec les considérations exposées ci-dessus en matière de défense, Le Conseil a arrêté, le 3 décembre, une « orientation générale » en regard de la proposition que la Commission avait présentée en décembre 2020 en ce qui concerne des mesures destinées à assurer un niveau élevé de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union [COM (2020) 823] – projet dit « SRI 2 ». Dans le but d’améliorer la résilience et les capacités de réaction aux incidents affectant aussi bien le secteur public que le secteur privé, cette initiative vise à remplacer l’actuelle directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (SRI) entrée en vigueur en 2016 [directive (UE) 2016/1148 – JOUE L 194, 19.7.2016].

La position du Conseil comporte des dispositions supplémentaires destinées à garantir la proportionnalité des mesures, un niveau plus élevé de gestion des risques ainsi que des critères permettant de déterminer les entités couvertes par la nouvelle législation – dont les secteurs de la défense et de la sécurité publique, des services répressifs et du pouvoir judiciaire sont exclus. Il appartient maintenant au Conseil et au Parlement européen de se mettre d’accord sur un texte final.

Le 9 décembre, la présidence du Conseil et des représentants du Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur la prolongation du système d’itinérance sans frais supplémentaires jusque 2032, que la Commission avait proposée en février dernier [COM(2021)85]. L’initiative a pour but de permettre qu’à l’expiration, au 30 juin 2022, de l’actuelle règlementation en la matière [règlement (UE) n° 531/2012 – JO L 172, 30.6.2012] les citoyens puissent continuer à passer des appels, envoyer des SMS et surfer sur le web lorsqu’ils sont en voyage dans d’autres pays de l’UE sans craindre une surfacturation.

 

Concurrence

Le 7 décembre, à Washington, la Commission européenne, représentée par Margrethe Vestager, vice-présidente chargée de la politique de concurrence, ainsi que la présidente de la commission fédérale du commerce américaine et le procureur général adjoint préposé à la lutte antitrust au sein du ministère de la Justice des Etats-Unis ont lancé le « dialogue politique conjoint sur la concurrence dans le secteur des technologies ». Ce processus de partage des expériences et des idées avait été conçu en juin dernier, parallèlement à la création d’un « Conseil pour le commerce et les technologies » réunissant les deux partenaires de la coopération transatlantique. Il a pour vocation de développer des approches communes et de renforcer la collaboration en matière de concurrence dans ce secteur caractérisé par des évolutions très rapides.

Le 9 décembre, la Commission a lancé une consultation publique, ouverte jusqu’au 24 février 2022, sur un projet de lignes directrices relatives à l’application du droit de la concurrence de l’UE aux conventions collectives concernant les conditions de travail des prestataires de services indépendants n’employant pas de salariés.

 

Commerce et politique économique

Le 6 décembre, la Commission a adopté une communication révisée sur l’assurance-crédit à l’exportation à court terme [C (2021) 8705] apportant des ajustements ciblés à une initiative antérieure présentée en 2012. L’objectif est de permettre aux Etats membres de fournir une assurance publique aux exportateurs européens lorsque le marché ne produit pas à lui seul les résultats escomptés. Cette révision modifie notamment les critères d’admissibilité en faveur des petites et moyennes entreprises.

Dans le but de préserver le droit de l’UE et des Etats membres de faire des choix d’ordre stratégique et d’empêcher toute ingérence de pays tiers dans leur souveraineté, la Commission a proposé, le 8 décembre, la création d’un nouvel instrument anti-coercitif [COM (2021) 774 et COM (2021) 775]. Son utilisation devrait reposer sur un mécanisme de « double détente » : dans un premier temps, l’Union entamera un dialogue direct avec le pays tiers concerné pour mettre un terme à l’intimidation économique ; si celle-ci ne cesse pas immédiatement, le nouvel outil ouvre la voie à une possibilité de réaction rapide en apportant dans chaque situation une réponse sur mesure, qui peut aller de l’instauration de droits de douane et de la limitation des importations jusqu’à des restrictions applicables aux services ou aux investissements.

On notera par ailleurs que, le 2 décembre, la Commission a engagé des poursuites contre 18 Etats membres qui n’ont pas assuré une bonne transposition des règles de l’UE concernant le contrôle de la proportionnalité des nouvelles réglementations des professions [directive (UE) 2018/958 – JOUE L 173,9.7.2018] permettant de faciliter l’accès aux activités réglementées et leur exercice dans l’ensemble de l’Union. Cette procédure contentieuse s’inscrit dans la concrétisation des objectifs fixés par le plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et à faire respecter les règles du marché unique [COM (2020) 94 – 10.3.2020].

 

Santé

Dans une communication du 1er décembre [COM (2021) 764], la Commission a préconisé une approche coordonnée au sein de l’UE pour faire face à la résurgence du Covid-19 sous la forme de son variant « Omicron » dans plusieurs Etats membres. A cet effet, elle recommande un certain nombre d’actions telles qu’un contrôle quotidien des restrictions applicables aux voyages à destination de l’Union, la poursuite et l’extension des campagnes de vaccination ou la mise en place de mesures ciblées en vue de limiter la propagation du virus et d’atténuer la pression sur les systèmes de santé. Elle invite par ailleurs le Parlement européen et le Conseil à adopter d’urgence le « paquet » législatif visant à mettre sur pied une véritable « Union européenne de la santé ».

Dans une déclaration du 6 décembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait le point sur l’action de l’Union en vue d’un partage équitable des vaccins anticovid au niveau mondial. Tout en soulignant que l’UE demeure, en tant que telle et avec ses Etats membres, le plus grand donateur sur ce terrain, elle estime que des efforts supplémentaires appellent à être consentis, notamment en intensifiant le soutien à l’Afrique.

Dans le souci de pallier l’impact économique de la crise sanitaire, la Commission a autorisé, le 7 décembre, une nouvelle mesure d’assouplissement des normes de concurrence en faveur d’une aide d’Etat de 133 millions d’euros accordée par la Suède et destinée à soutenir les opérateurs de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises touchés par la pandémie.

 

Relance

Le 2 décembre, la Commission a versé à la Roumanie un montant d’1,8 milliard d’euros de préfinancement au titre du programme NextGenerationEU. Conformément à une pratique établie pour ce genre d’appui, ce montant représente 13 % de la dotation financière de 29,2 milliards d’euros allouée à ce pays dans le cadre de la facilité pour la relance et la résilience. Le 3 décembre, par le biais d’une évaluation préliminaire pratiquée pour la première fois, la Commission s’est prononcée favorablement sur une demande, formulée en l’occurrence par l’Espagne, en vue d’un paiement d’un montant de 10 milliards d’euros de subventions au titre de cette facilité. Cette étape de procédure est appelée à constituer un jalon important dans la mise en œuvre du dispositif.

Prenant la parole devant le Comité économique et social européen, le 9 décembre, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a mis de nouveau en évidence le rôle crucial que les transitions écologique et numérique étaient appelées à jouer dans les efforts de reprise post-pandémie – étant entendu que l’emploi et les compétences professionnelles en constituaient un élément central. Evoquant par ailleurs les problèmes d’approvisionnement en semi-conducteurs, elle a annoncé la préparation d’une initiative destinée à y faire face (« European Chips Act »).

 

Energie

Le 8 décembre, dans le cadre de la mise à jour de sa stratégie industrielle, annoncée en mai dernier [COM (2021) 350], la Commission a lancé, sous l’appellation d’Energy and Industry Geography Lab, un nouvel outil en ligne visant à fournir des informations géospatiales aux entreprises et aux planificateurs d’infrastructures énergétiques. Sa vocation est de permettre la gestion, la visualisation et l’analyse de données relatives à l’énergie et à l’industrie, dans le but d’aider les décideurs politiques à planifier les changements clés nécessaires à la décarbonation de l’économie. L’instrument a été mis au point par le Centre commun de recherche de la Commission.

 

Climat, environnement et développement durable

Le 1er décembre, la présidence du Conseil et des négociateurs du Parlement européen sont parvenus à un accord politique provisoire au sujet du 8ème programme d’action pour l’environnement, destiné à orienter l’élaboration ainsi que la mise en œuvre des politiques européennes en matière de climat et d’environnement jusqu’en 2030 – et que la Commission a proposé en octobre 2020 [COM (2020) 652]. Les représentants des deux institutions sont notamment convenus des éléments suivants: examen à mi-parcours (2024), par la Commission, des progrès accomplis dans la réalisation d’objectifs thématiques prioritaires, tels que la réduction des gaz à effet de serre, une ambition « zéro pollution » ou la protection et le rétablissement de la biodiversité ; un renforcement des incitations positives et la suppression des subventions préjudiciables à l’environnement, en particulier celles en faveur des combustibles fossiles ; l’élaboration d’un tableau de bord récapitulatif et d’un ensemble d’indicateurs permettant des mesures « au-delà du PIB ».

Le 2 décembre, la Commission a décidé de saisir la Cour de justice de l’UE à l’encontre de trois Etats membres, en considération d’un certain nombre de manquements : l’Espagne, pour mise en œuvre insuffisante de la directive de 1991 sur les nitrates ; l’Allemagne, pour défaut de protection suffisante des prairies riches en fleurs sur les sites classés « Natura 2000 », contrevenant ainsi aux exigences de la directive « Habitats » de 1992 ; la Roumanie, pour non-respect de la législation de l’UE relative à la pureté de l’air (une directive de 2010 sur les émissions industrielles et une directive de 2016 concernant la réduction des émissions nationales de divers polluants atmosphériques).

 

Politique agricole commune (PAC)

Après le feu vert définitif donné fin novembre par le Parlement européen, dans le prolongement d’un accord politique intervenu en juin au terme de neuf mois de négociations entre les deux institutions, le Conseil a formellement approuvé la réforme de la PAC, le 2 décembre. Celle-ci, initiée par des propositions présentées par la Commission en juin 2018, est appelée à couvrir la période 2023-2027. Elle ouvre la voie à un dispositif considéré comme « plus juste, plus vert et davantage fondé sur les résultats » dans la poursuite de trois objectifs : garantir un avenir plus durable aux agriculteurs, assurer un soutien plus ciblé aux petites exploitations et laisser aux Etats membres une plus grande marge de manœuvre pour adapter aux conditions locales, en coopération avec les parties concernées, les mesures découlant de cette politique. A cet effet, l’introduction de « plans stratégiques » au niveau national constitue un élément clé. Un lien plus étroit est par ailleurs établi avec les préoccupations environnementales, dans la mesure où un quart des paiements directs sera désormais réservé aux pratiques agricoles écologiques. C’est également la première mouture de la PAC à inclure une dimension sociale visant à assurer des conditions d’emploi adéquates aux travailleurs agricoles.

La réforme s’est traduite par l’adoption de trois règlements en date du 6 décembre 2021 [(UE) 2021/2115, (UE) 2021/2116 et (UE) 2021/2117] publiés au Journal officiel de l’UE L 435 du 6 décembre 2021.

 

Domaine social

Le 6 décembre, le Conseil a arrêté une position commune sur deux propositions législatives relatives aux questions salariales :

  • l’une porte sur une future directive établissant un cadre européen visant à promouvoir des niveaux adéquats de salaires minimaux légaux ainsi que le renforcement des capacités des partenaires sociaux à prendre part à la négociation collective pour leur fixation. La proposition à cet effet avait été adoptée par la Commission en octobre 2020 [COM (2020) 682]
  • l’autre, dont la Commission avait pris l’initiative en mars dernier [COM (2021) 93], concerne la transparence des rémunérations, dans le but de lutter contre la discrimination existant en la matière sur le lieu de travail et de combler l’écart salarial entre les hommes et les femmes – et ce en prévoyant des mesures contraignantes

Dans les deux cas, les orientations ainsi dégagées donnent à la présidence du Conseil un mandat pour entamer des négociations avec le Parlement européen afin de parvenir à un accord sur un texte final.

Pour sa part, le 9 décembre, la Commission est également intervenue dans le domaine social par le biais de deux propositions :

  • d’une part, s’appuyant sur l’initiative pour l’entreprenariat social lancé en 2011[COM (2011) 682], elle a présenté un plan d’action [COM (2021) 778] destiné à stimuler l’ «économie sociale » européenne – dont les acteurs opèrent dans un large éventail de secteurs, allant des services de soins au recyclage, et revêtent diverses formes, des coopératives aux entreprises sociales comme les mutuelles, tout en contribuant à la création d’emplois. Le plan d’action vise plus spécifiquement à : créer les conditions propices à l’essor de ce type d’économie, en jouant notamment sur la fiscalité, les marchés publics et les aides d’Etat ; ouvrir aux organisations de ce secteur des possibilités pour démarrer et se développer, grâce, par exemple, à la mise en place d’un « portail de l’économie sociale » et d’un « Centre européen des compétences pour l’innovation sociale » ; améliorer la visibilité du secteur ainsi que la reconnaissance de son travail et de son potentiel. En cohérence avec deux objectifs au cœur de son action, la Commission lance aussi un « parcours de transition » destiné à faciliter la transition écologique et numérique de l’économie sociale
  • d’autre part, elle a préconisé un ensemble de mesures visant à améliorer les conditions de travail des personnes opérant via une plateforme de travail numérique. Cette initiative s’articule en trois éléments : une communication exposant l’approche de l’UE en la matière [COM (2021) 761] ; une proposition de directive visant à garantir que les personnes concernées se voient accorder un statut correspondant à leurs modalités réelles de travail [COM (2021) 762] ; un projet de lignes directrices précisant l’application du droit européen de la concurrence aux conventions collectives des travailleurs indépendants sans salariés [C (2021) 8838] (voir aussi plus haut, rubrique « Concurrence »).

Le 8 décembre, la Cour des comptes européenne a publié un rapport spécial [25/2021], dans lequel elle plaide en faveur d’un meilleur ciblage des mesures prises pour combattre le chômage de longue durée. Elle recommande notamment à la Commission d’insister auprès des Etats membres pour que ceux-ci adoptent une approche individualisée d’aide aux personnes concernées – et ce au moyen du nouvel instrument « FSE + » lié au Fonds social européen pour la période 2021-2027. Elle l’invite également à évaluer l’efficacité des mesures d’accès à l’emploi pour cette catégorie sociale.

 

Education, formation, jeunesse

Le 6 décembre, le Parlement européen et le Conseil ont marqué leur accord à titre provisoire sur l’initiative présentée par la Commission le 14 octobre dernier dans le but de faire de 2022 l’Année européenne de la jeunesse [COM (2021) 634], comme la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, en avait esquissé le projet dans son discours sur l’état de l’Union du 15 septembre 2021. L’accord ainsi intervenu a permis de surmonter l’ultime difficulté, liée au financement du programme : c’est finalement sur un montant de de base de l’ordre de 8 millions d’euros que les colégislateurs se sont entendus, tout en ménageant la possibilité de trouver des ressources complémentaires dans les budgets du programme Erasmus + et du Corps européen de solidarité.

Le 9 décembre, s’est tenu par visio-conférence le 4ème Sommet européen de l’éducation. Il a été inauguré par un discours d’ouverture prononcé par la présidente de la Commission, qui, mettant en évidence la valeur du partage comme fondement de l’éducation, a insisté sur l’opportunité de réaliser un Espace européen de l’éducation réellement opérationnel d’ici 2025, dans le sillage d’une communication présentée par son institution en septembre 2020 [COM (2020) 625].

Cette perspective a également été soulignée par la commissaire en charge du secteur éducatif, Mariya Gabriel. Cette dernière a par ailleurs caractérisé la décennie en cours par une triple spécificité : une décennie plus numérique, accélérée par la réponse à la crise sanitaire et dans le prolongement du plan d’action en matière numérique mis à jour en 2020 – et ce avec des réalisations tangibles telles que le programme Erasmus + ou la création de la carte d’étudiant européenne, conçue pour faciliter la mobilité transfrontières de ses titulaires ; une décennie plus verte et plus durable, concrétisée notamment par la création, en décembre 2020, de la coalition « Education pour le climat » ou par la célébration, le 25 novembre 2021, d’une « Journée de l’éducation pour le climat » ; une décennie plus résiliente, assise sur une capacité de réponse collective à l’imprévu, dont la crise liée au covid-19 a montré l’utilité. Mme Gabriel a en outre souligné l’importance qu’elle attache au « Prix européen de l’enseignement innovant », qui a été décerné pour la première fois à un certain nombre d’enseignants et d’établissements scolaires au sein de l’UE.

Dans le domaine plus spécifique de la formation, la Commission a présenté, le 10 décembre, deux propositions de recommandations du Conseil en lien avec la réalisation de l’Espace européen de l’éducation : l’une porte sur la création de comptes de formation individuels [COM (2021) 773] pour les adultes en âge de travailler, dans le but de garantir à toute personne et à tout moment de sa vie un accès à des formations adaptées à ses besoins, même si cette personne est sans emploi ; l’autre initiative vise à promouvoir des « micro–certifications » [COM (2021) 770] destinées à valider les acquis d’un « petit apprentissage » (comme un cours ou une formation de courte durée) dans un cadre dépassant les frontières nationales et les dimensions sectorielles : l’idée sous-jacente est de parvenir à l’instauration d’un modèle commun de micro-certificats au sein de l’UE.

 

Migration et asile

Le 1er décembre, la Commission a proposé au Conseil d’adopter des mesures temporaires (d’une durée de 6 mois) de nature juridique et pratique dans le but de permettre à la Lettonie, à la Lituanie et à la Pologne de faire face à la situation d’urgence créée à leurs frontières par la Biélorussie jouant sur l’instrumentalisation des migrants [COM (2021) 752]. Les mesures préconisées, qui devraient faire suite à une initiative présentée en novembre à l’intention des opérateurs de transport susceptibles d’être impliqués dans le trafic des migrants [JOIN (2021) 32], portent notamment sur : une extension du délai d’enregistrement des demandes d’asile (4 semaines au lieu de 3 à 10 jours) ; une certaine latitude laissée aux Etats membres concernés pour aménager les conditions matérielles de l’accueil ; la simplification et l’accélération des procédures en matière de retour des personnes dont la demande de protection internationale aurait été rejetée. Les agences de l’Union compétentes dans le domaine de la migration et de l’asile pourront fournir un appui à la mise en œuvre de ces procédures dans le cadre d’une coopération étroite avec la Commission et les Etats membres.

Le 2 décembre, l’UE a alloué une enveloppe supplémentaire de 325 millions d’euros pour prolonger jusqu’au début de 2023 le plan d’aide sociale d’urgence (ESSN) lancé en 2016 pour financer des projets humanitaires en Turquie au profit des réfugiés vulnérables – parmi lesquels 331 000 Syriens – et leurs communautés d’accueil. Cette enveloppe fait partie du total de 3 milliards d’euros d’assistance qui avait été annoncé à l’issue du Conseil européen du 25 juin dernier.

Le 9 décembre – soit un peu moins d’un mois après le feu vert donné par le Parlement européen – le Conseil a approuvé à son tour la proposition de règlement instituant l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, qui vise à améliorer l’application de la politique d’asile au sein de l’UE en transformant l’actuel « Bureau européen en matière d’asile » (EASO) en une agence à part entière. On notera que sa création avait déjà été envisagée dès 2016, mais, plus récemment, elle a pris une autre dimension dans le contexte du « Pacte migration et asile » présenté par la Commission en septembre 2020 [COM (2020) 609]. Elle aura pour missions principales de fournir, via la mise à disposition d’experts, une assistance opérationnelle et technique renforcée aux Etat membres et de contribuer à une plus grande convergence dans l’évaluation des demandes de protection internationale.

 

Brexit

Le 6 décembre, la Commission a décidé d’allouer à l’Irlande un préfinancement de 920,4 millions d’euros au titre de la réserve d’ajustement au Brexit, dont ce pays est le principal bénéficiaire. Etabli en octobre 2021 [règlement (UE) 2021/1756 – JOUE L 357, 8.10.2021] avec une enveloppe globale de 5,4 milliards d’euros, ce fonds est destiné à fournir un soutien à tout Etat membre impacté par des retombées négatives de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, tout en se concentrant prioritairement sur les pays les plus affectés. En l’occurrence, le nouveau versement doit permettre à l’Irlande de financer des interventions à finalité régionale ou économique, y compris en vue de la création d’emplois et de leur protection.

Le 10 décembre, la Commission a indiqué qu’elle poursuivrait les négociations avec le Royaume-Uni dans le domaine des licences de pêche à attribuer aux navires français opérant dans ses eaux territoriales. A cette date, 95 % des autorisations sollicitées avaient été accordées.

 

Actions et relations extérieures

Le 1er décembre, la Commission européenne et le haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité de l’UE ont lancé une nouvelle stratégie sous la forme du Global Gateway [JOIN (2021) 30], conçu comme un portail/une passerelle destiné(e) à développer, sur le terrain de la connectivité, des liens « intelligents », propres et sûrs, dans les domaines du numérique, de l’énergie et des transports et à renforcer les systèmes de santé, d’éducation et de recherche dans le monde entier.

Cette stratégie doit permettre de réaliser des projets « soutenables » tenant compte des besoins des pays partenaires et assurant des avantages durables pour les communautés locales, tout en y associant le secteur privé des Etats membres à des fins d’investissement et en garantissant des normes élevées en matière d’environnement et de travail ainsi qu’une bonne gestion financière. Elle est par ailleurs censée répondre à l’engagement pris en juin dernier par les dirigeants du G7 de mettre en place un partenariat pour les infrastructures axé sur les valeurs, de même qu’aux objectifs de développement durable des Nations unies et à l’accord de Paris sur le climat.

La stratégie sera mise en œuvre dans le cadre de l’approche dite « Equipe Europe » rassemblant l’UE, ses Etats membres et leurs institutions financières et de développement, dont la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Elle s’appuiera également sur les nouveaux instruments du cadre financier 2021-2027 de l’Union, tels que : l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI), dont le bras financier – le « Fonds européen pour le développement durable plus » (FEDD+) – débloquera jusqu’à 135 milliards d’euros au cours de cette période ; mais aussi d’autres outils comme l’instrument d’aide et de préadhésion (IAP), Interreg, InvestEU et Horizon Europe (le programme de recherche et d’innovation de l’UE). Au total, 300 milliards d’euros devraient être mis à la disposition du Global Gateway jusqu’en 2027.

Le 3 décembre – soit deux jours après le lancement de cette initiative – les dirigeants du G7 ont publié une déclaration y faisant en quelque sorte écho, dans le but de promouvoir un « partenariat pour les infrastructures et les investissements » : elle appelle à mettre en œuvre une nouvelle approche ainsi que des démarches concrètes pour réduire les écarts existant en ce domaine au niveau mondial ; l’objectif est notamment d’assurer une reprise vigoureuse en réaction à la crise sanitaire et d’honorer les engagements souscrits en matière de climat et d’environnement, y compris ceux récemment convenus dans le cadre de la COP 26.

Le 2 décembre, le Conseil a adopté une série de mesures d’assistance au titre de la Facilité européenne pour la paix, créée en mars 2021 pour financer les actions extérieures de l’UE ayant une dimension militaire ou de défense, dans le but de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité et la stabilité internationales. Les bénéficiaires de ces mesures sont la Géorgie (12,5 millions d’euros), la République de Moldavie (7 millions) l’Ukraine (31 millions) et le Mali (24 millions). L’assistance ainsi fournie en vue, selon le cas, du renforcement des capacités militaires, de l’interopérabilité des forces armées locales ou d’une contribution à l’amélioration de la résilience globale, reste conditionnée au respect des dispositions du droit international, notamment sur le plan des droits de l’homme et du droit humanitaire.

Le 7 décembre, s’est tenue par visioconférence la Conférence annuelle des ambassadeurs de l’UE – représentant l’Union en tant que telle auprès des pays tiers et organisations internationales – à laquelle ont pris part Ursula von der Leyen et Charles Michel.

Parmi les sujets évoqués par la présidente de la Commission, l’action de l’UE face à la crise sanitaire a été particulièrement mise en évidence, compte tenu du contexte mondial dans lequel elle s’inscrit. A cet égard, Mme von der Leyen a souligné l’importance de la dimension externe d’une telle action, une grande partie des dons de vaccins produits en Europe ayant été exportée ou partagée par l’Union, celle-ci s’affichant ainsi comme le premier donateur de vaccins contre le coronavirus au monde.

Mais la présidente a par ailleurs centré son intervention sur la valeur fondamentale que représente la démocratie dans les relations internationales. A cet égard, elle a déploré que le progrès démocratique soit réellement menacé partout dans le monde, y compris sur le continent européen, comme l’attestent la montée des démocraties « illibérales » et l’action déstabilisatrice de la Russie – d’où, en particulier, le soutien résolu de l’UE à l’Ukraine. D’un autre côté, selon Mme von des Leyen, la promotion de la démocratie demeure un objectif majeur de l’Union en raison de la propagation des progrès à laquelle elle peut contribuer, en particulier par le biais de la « double transition » au cœur de ses projets : d’une part, la transition numérique face aux grandes entreprises en mesure de contrôler les décisions dans toute la société – d’où l’ambition, pour l’UE, de jouer un rôle de chef de file de la réglementation en matière de technologie, à l’instar des initiatives déjà entreprises dans le domaine des services numériques et des marchés numériques ; d’autre part, la transition écologique, nourrie par l’élaboration du « pacte vert pour l’Europe », appelé à encadrer la lutte contre le changement climatique et la destruction de la nature : c’est en particulier le message que la Commission a récemment porté à la COP 26. C’est aussi dans le contexte de la double transition que le « Global Gateway » [voir ci-dessus] a été conçu, avec la primauté accordée aux normes, à la transparence et au partenariat : à l’égard de cet impératif de coopération, le rôle des ambassadeurs sur le terrain représente un facteur déterminant pour le succès de l’initiative.

De son côté, le président du Conseil européen a mis d’emblée l’accent sur les trois socles sur lesquels repose l’autonomie stratégique de l’UE, à savoir les valeurs, la prospérité ainsi que la sécurité et la défense. Il a par ailleurs évoqué les succès rencontrés en matière de renforcement de l’influence stratégique de l’Union dans le monde, de modération des conflits nés dans son voisinage et de réponse aux provocations à ses frontières.

Selon Charles Michel, en plus de l’impulsion donnée par l’UE dans le domaine des progrès vers la neutralité climatique, sa position dans le monde s’est trouvée confortée grâce aux mesures prises pour faire face à la crise sanitaire, en dépit des critiques de lenteur dont elle a pu faire l’objet au départ : le rôle moteur de l’Union dans les investissements soutenant la recherche orientée vers la production de vaccins, de même que la mise en place du mécanisme Covax pour garantir un accès équitable à ces derniers en représentent des exemples concrets. Le président du Conseil européen a en outre tenu à donner du relief à la perspective de l’ouverture, dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé, de négociations en vue de l’élaboration d’un traité international sur les pandémies dont il a été le premier à présenter publiquement l’idée et que les diplomates de l’UE en poste à Genève ont contribué à faire mûrir.

M. Michel a par ailleurs dépeint la réforme récente des règles fiscales internationales comme une illustration éloquente de l’influence géopolitique positive que peut exercer l’Union. Selon lui, celle-ci s’est également manifestée dans les réponses aux agissements de la Biélorussie en termes d’instrumentalisation des migrants. Le président du Conseil européen a aussi évoqué le futur sommet UE-Afrique appelé à se tenir en 2022 comme une excellente opportunité pour renouveler le partenariat entre les deux continents. L’ultime sujet qu’il a souhaité aborder a concerné les façons de travailler entre « Bruxelles » et ses ambassadeurs : une occasion de mettre en valeur la contribution que ces derniers peuvent apporter à la cohérence de l’action extérieure de l’Union – sans négliger le poids des relations personnelles qu’eux-mêmes et leurs équipes peuvent favoriser dans la conduite de cette action.

Pour ce qui est du domaine de l’alimentation, la Commission a annoncé, au cours du sommet « Nutrition pour la croissance » réuni à Tokyo le 7 décembre, une contribution de 2,5 milliards d’euros sur la période 2021-2024 dans le cadre de la lutte contre la malnutrition. Combinant aide humanitaire et aide au développement, cet appui est destiné aux pays d’Afrique, d’Asie, du Pacifique, d’Amérique latine et des Caraïbes qui comptent la nutrition parmi leurs priorités de coopération avec l’UE ; il couvre une large gamme de secteurs tels que l’eau, le système sanitaire, la protection sociale ou l’éducation – l’accent étant mis sur les catégories de population les plus vulnérables.

S’agissant des relations avec les pays géographiquement proches de l’Union, cette dernière et les pays des Balkans occidentaux ont tenu à Brdo pri Kranju (Slovénie), du 1er au 3 décembre, leur forum annuel consacré à la Justice et aux Affaires intérieures. Les échanges ont porté sur des sujets tels que la gestion des migrations et des frontières, la lutte contre le terrorisme et la radicalisation ainsi que le crime organisé, l’attachement à l’Etat de droit et les réformes judiciaires, y compris les actions de formation et de numérisation dans le domaine de la justice. Le 7 décembre, à l’occasion du 4ème Conseil de stabilisation et d’association UE-Kosovo, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité a appelé le partenaire concerné à poursuivre ses efforts de réforme et de normalisation de ses relations avec la Serbie.

Le 2 décembre, le Conseil a adopté une cinquième série de mesures de restriction à l’encontre de 17 personnes et 11 entités supplémentaires au regard de la situation en Biélorussie [décision (PESC) 2021/2125 – JOUE L 430 I, 2.12.2021].

S’agissant des relations entre les deux rives de l’Atlantique, le 2 décembre, des dirigeants d’Amérique latine et des Caraïbes ont tenu une réunion virtuelle avec Charles Michel (qui présidait la rencontre), Ursula von der Leyen et Josep Borrell. Parmi les sujets abordés, ont notamment figuré : la lutte contre la pandémie de covid-19, au titre de laquelle l’UE a fourni 3 milliards d’euros d’aide immédiate et exporté plus de 130 millions de doses de vaccins à destination des pays de la région ; le soutien à la reprise durable à long terme ; la priorité absolue à accorder à la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité ; la perspective d’une « alliance numérique » entre les deux groupes de partenaires ; la mise en œuvre du vaste réseau d’accords commerciaux et d’association conclus entre eux ; la coopération bi-régionale en matière de sécurité des citoyens, de criminalité organisée et d’Etat de droit ; la collaboration pour combattre les inégalités croissantes et promouvoir la cohésion sociale.

S’agissant des relations avec l’Asie, le haut représentant de l’UE et le ministre des Affaires étrangères du Pakistan sont convenus, le 7 décembre, de renforcer l’engagement mutuel entre ce pays et l’UE, notamment en matière de sécurité et de coopération régionale.

S’agissant des relations avec l’Afrique, l’attention portée au respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales a conduit le Conseil, le 9 décembre, à proroger d’une année supplémentaire (12 décembre 2022) les mesures restrictives existantes (gel des avoirs, interdiction de pénétrer sur le territoire de l’UE) à l’encontre d’une dizaine de ressortissants de la République démocratique du Congo [décision (PESC) 2021/2181 – JOUE L 443, 10.12.2021].

Au-delà de cette optique « punitive », le président du Conseil européen, Charles Michel, est longuement intervenu, le 6 décembre, à la tribune du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Se plaçant dans la perspective du prochain sommet entre l’UE et l’Union africaine à Bruxelles en février 2022, il a estimé qu’il convenait, à ce moment de l’histoire, de changer de paradigme dans le partenariat entre les deux continents, sur la base de trois principes : un respect plus affirmé de l’égalité entre les partenaires par une meilleure prise en compte de considérations liées à la diversité ; l’attention à accorder au respect de la dignité humaine ainsi qu’aux libertés et à la solidarité ; le souci d’effectivité, par le biais d’une évaluation du chemin parcouru pour faire en sorte que des résultats tangibles puissent être ressentis par les populations respectives des deux groupes de partenaires.

L’orateur a proposé en conséquence de convenir d’un nouvel engagement bâti autour d’un double « pacte » :

  • d’une part, dans le contexte des transitions écologique et numérique, un pacte pour la prospérité et le « développement inclusif » en tant nouveau logiciel économique et social pour l’avenir, sans négliger la dimension cruciale du financement du développement de manière à canaliser davantage les moyens vers l’économie réelle
  • d’autre part, un pacte pour la sécurité et la stabilité, dans le sillage de la présence de l’UE et de ses Etats membres en soutien à leurs partenaires dans des zones sensibles comme la Corne de l’Afrique, le Sahel et le Mozambique. D’où l’intérêt de la mise à disposition d’instruments flexibles, rapides et efficaces dans le cadre d’un dialogue entre dirigeants africains et européens – et ce avec le souci de prévenir les conflits, voire de les modérer et, en dernier ressort, de les résoudre par un travail politique et, si nécessaire, par un engagement militaire. D’où, aussi, la nécessité de veiller au caractère durable de la paix, une fois celle-ci installée.

Le président du Conseil européen a par ailleurs tenu à rappeler l’importance de l’action de l’Union – à la différence d’autres grandes régions du monde – dans le maintien massif des exportations de vaccins anti-Covid et le financement du mécanisme « COVAX » permettant d’assurer un accès équitable à la vaccination dans 200 pays du monde. Il a également évoqué l’engagement de l’UE auprès de pays tels que l’Afrique du Sud, le Sénégal ou le Rwanda en vue de développer la production locale de vaccins. M. Michel s’est enfin attaché à souligner, pour s’en féliciter, le soutien apporté par des dirigeants africains à son projet concernant la négociation d’un futur traité international destiné à prévenir les pandémies et permettre une meilleure préparation à la lutte contre ces dernières.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gérard Vernier
Gérard Vernier
Ancien fonctionnaire de la Commission européenne & enseignant à l'Université Libre de Bruxelles

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