Le Coup de périscope : volume 16

Tour d’horizon de l’actualité européenne du 9 au 14 mai 2023

NB : il convient de préciser qu’outre la lecture de la presse écrite et le suivi des médias audiovisuels les informations présentées – certes de manière sélective – dans cette rubrique puisent principalement leurs sources dans les communiqués de presse des institutions de l’UE ainsi que dans les publications quotidiennes des deux précieuses agences de presse qu’incarnent l’Agence Europe et Euractiv. Des articles publiés par le think-tank EuropaNova fournissent aussi des éclairages intéressants occasionnellement pris en compte.

S’agissant d’un travail de « mémoire » et de synthèse et non d’un « reportage » en temps réel, c’est de manière délibérée que les développements qui suivent ont entendu privilégier un certain recul par rapport à la date des actes juridiques, prises de position et faits pris en considération.

Sur l’agenda, à la page du 9 mai

Toute personne qui porte un intérêt à la construction européenne a en mémoire la date du 9 mai, jour où, en 1950, Robert Schuman a prononcé la « déclaration » marquant le point de départ de la démarche qui, à travers des étapes et des dénominations successives, conduira à l’« Union européenne » d’aujourd’hui. Du reste, les fonctionnaires et autres agents des institutions « communautaires », qui bénéficient d’une journée de congé à cette date, ont baptisé celle-ci « la Saint Schuman »… et ce bien avant que le « Père fondateur » ne soit en instance de « béatification », comme c’est actuellement le cas auprès du Vatican.

En fait, en 2023, le 9 mai est loin d’avoir été un jour chômé, en particulier du côté du Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg. C’est d’ailleurs cette date hautement symbolique que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a choisie pour se rendre à nouveau à Kyiv, toujours au centre du conflit russo-ukrainien.

Dans une déclaration formulée à l’intention de la presse à l’occasion de cette visite aux côtés du président Zelensky, outre l’évocation de différents volets de coopération entre l’UE et l’Ukraine (v. ci-dessous, rubrique « Ukraine »), la présidente de la Commission, saluant la décision de son interlocuteur de faire du 9 mai la « Journée de l’Europe » également en Ukraine, a souligné que celle-ci était l’occasion de célébrer la paix et l’unité en Europe, de se souvenir de l’histoire et de s’engager à laisser un avenir meilleur aux prochaines générations. Elle a par ailleurs rendu hommage à la résistance du peuple ukrainien « qui se bat pour les valeurs européennes, alors que les envahisseurs ont été sortis de prison et pris dans la rue pour être envoyés au front ». Elle a en outre tenu à affirmer que, dans ce combat, l’UE et ses Etats membres se tiennent fermement aux côtés de l’Ukraine, car le 9 mai symbolise également la solidarité.

Pour sa part, toujours le 9 mai, le chancelier allemand, Olaf Scholz, prenant la parole à Strasbourg devant les eurodéputés, a plaidé en faveur de l’affirmation d’une « Europe géopolitique » dans un monde multipolaire. Selon lui, cette dimension doit permettre non seulement de faire face à la « mégalomanie impérialiste » de Vladimir Poutine mais aussi de s’ouvrir sur le monde par le biais de partenariats entre égaux avec l’Afrique et l’Amérique latine, tout en assurant la sécurité alimentaire et en luttant contre la pauvreté et le changement climatique. Dans l’esprit de M.Scholz, cette Europe devrait par ailleurs être en mesure de réformer son fonctionnement interne – notamment sur le terrain du vote à la majorité qualifiée dans des domaines aussi sensibles que les affaires étrangères et la fiscalité ; le chancelier estime toutefois souhaitable que de telles adaptations précèdent tout élargissement aux Balkans occidentaux ainsi qu’à l’Ukraine, à la Moldavie et à la Géorgie, étant entendu que les pays candidats à l’adhésion sont eux-mêmes appelés à poursuivre leurs propres efforts de réforme. Le chancelier allemand a également mis en évidence la nécessité de trouver des solutions à des questions aussi clivantes que celle de la gestion des flux migratoires, et ceci sans trahir les valeurs de l’UE tout en répondant au besoin urgent de main-d’œuvre au sein de l’Union.

C’est aussi dans l’enceinte du Parlement européen que, le 10 mai, le président de la République portugaise, Marcelo Rebelo de Sousa, a insisté sur l’urgence d’une action de l’UE face à un certain nombre de défis, comme l’ont mis en relief tant la crise sanitaire que le conflit russo-ukrainien. Ainsi a-t-il préconisé l’impératif de prévenir de nouvelles guerres et de donner un nouvel avenir à ceux qui vivent dans l’incertitude économique et sociale. A ses yeux, sur le plan international, il importe de consolider l’unité de l’UE pour lui permettre de jouer un rôle fort dans le monde ; de même, sur le plan interne, il estime que la politique européenne devrait être guidée par une définition plus claire de la gouvernance économique et financière à moyen et long termes. Le président portugais a en outre appelé le Parlement européen à se concentrer davantage sur les préoccupations quotidiennes des citoyens, jeunes ou moins jeunes.

Ukraine

Dans sa déclaration du 9 mai à Kyiv, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, après ses propos solennels sur la symbolique de la date choisie (v. ci-dessus), a évoqué les discussions menées avec le président Zelensky et a développé plus spécifiquement quatre volets :

  • priorité essentielle, la contribution à la fourniture de munitions, concrétisée selon une triple démarche : une livraison immédiate à partir des réserves des Etats membres, action à laquelle 1 milliard d’euros ont été consacrés ; une enveloppe de même montant au titre de la « facilité européenne pour la paix » (instrument créé en 2021) en vue de recourir à des marchés publics destinés à encadrer la livraison de certains types de munitions ; une aide aux Etats membres de l’UE pour accroître et intensifier la production en ce domaine
  • la poursuite du soutien financier dans le cadre d’une enveloppe de 18 milliards d’euros pour l’ensemble de l’année 2023 afin de contribuer à combler le déficit budgétaire de l’Ukraine
  • la politique de sanctions à l’encontre de la Russie, un onzième train de mesures étant près d’être adopté en privilégiant notamment la lutte contre le contournement des sanctions grâce à un nouvel outil à mettre en œuvre après analyse des risques
  • dans une perspective plus lointaine, les efforts à déployer sur la voie de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE : ceux-ci devraient être répartis sur plusieurs étapes que ce pays doit franchir avant que la Commission puisse recommander aux Etats membres de lancer les négociations d’adhésion – ces dernières étant vivement souhaitées par les autorités ukrainiennes.

C’est également le 9 mai que s’est tenu à Kyiv un « sommet sur l’établissement des responsabilités » en regard du « crime d’agression contre l’Ukraine ». Dans le cadre de sa participation à l’événement, la présidente de la Commission européenne a mis en lumière l’importance de la coopération avec la Cour pénale internationale pour collecter les preuves en vue d’éventuels procès contre les dirigeants russes et s’est déclarée en faveur de la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes d’agression.

Sur le terrain commercial, des tensions sont apparues au sujet des exportations ukrainiennes de céréales. En avril, cinq Etats membres limitrophes de l’Ukraine (Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie et Slovaquie) avaient interdit l’importation de tels produits en provenance de ce pays ; pour contourner les difficultés en découlant, la Commission avait proposé d’accorder une aide de 100 millions d’euros aux agriculteurs des Etats membres concernés ainsi que de prendre des mesures de sauvegarde temporaires. Dans une déclaration du 9 mai, le président Zelensky a préconisé une levée des restrictions, estimant, entre autres, que celles-ci renforçaient les capacités de « l’agresseur russe ». Le lendemain, toutefois, 13 Etats membres de l’UE (Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, France, Grèce, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas et Slovénie) se sont adressés à la Commission pour solliciter une clarification urgente de ce dispositif considéré comme engendrant des traitements différenciés au sein du marché unique. En présence de ces divergences, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, n’a pas exclu l’activation d’une clause de sauvegarde permettant de restaurer des droits de douane sur certaines importations.

Par ailleurs, dans le souci d’aider les jeunes entreprises ukrainiennes à accéder au marché unique et à mieux se conformer au cadre réglementaire européen, la Commission a annoncé avoir sélectionné, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, les partenaires d’un consortium chargé de mettre en œuvre une initiative de soutien aux entreprises de haute technologie ukrainiennes, sous l’égide du Conseil européen de l’innovation (EIC).

Le 12 mai, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, appuyé par plusieurs de ses homologues ministres, dans le cadre d’une réunion organisée à Stockholm, a réaffirmé que l’Union contribuerait à soutenir l’Ukraine « jusqu’à la victoire », un soutien qui, à moyen terme, pourrait revêtir un caractère pluriannuel. Il a par ailleurs plaidé en faveur de la création d’un tribunal international pour se prononcer sur les crimes de guerre perpétrés par la Russie. La question du contournement des sanctions a également été à l’ordre du jour de la réunion.

Etat de droit, démocratie et droits de l’homme

S’inscrivant dans une tradition instaurée en 1950 dans le but de récompenser « des personnalités ou institutions se distinguant en raison de leur contribution exceptionnelle à l’unité de l’Europe ou l’union de ses Etats », le prix Charlemagne 2023 a été remis, à Aix-la-Chapelle, le 14 mai, au président ukrainien Volodymyr Zelensky.

A l’occasion de cette cérémonie, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est exprimée une nouvelle fois  au sujet de l’Ukraine. Soulignant que le récipiendaire du prix « a la conviction inébranlable que ceux qui se battent pour quelque chose seront toujours plus forts que ceux qui se battent pour imposer leur loi », elle a estimé que son pays incarnait « tout ce qui anime l’idée européenne : le courage des convictions, la défense de valeurs et de la liberté, l’engagement en faveur de la paix et de l’unité ». D’où sa conviction « que l’Ukraine vaincra, qu’elle conquerra la paix et qu’elle fera de sa destinée européenne une réalité » – et ce en démontrant, face aux sceptiques, que l’idée européenne repose sur la nécessité de « s’unir pour faire advenir l’impossible, envers et contre tout ». La présidente de la Commission s’est également saisie de l’occasion pour fustiger une fois de plus un président de la Russie « qui cherche à défaire tout ce qui a été accompli depuis les événements de 1989 et dans les décennies suivantes, qui ont vu les peuples d’Europe abattre le rideau de fer et changer de visage à tout jamais ».

C’est également à Aix-la-Chapelle que, le 12 mai, a été décerné le prix Charlemagne pour la jeunesse européenne 2023 – une tradition en vigueur depuis 2008 sous la houlette, notamment, du Parlement européen, afin de récompenser des projets entrepris par des jeunes qui soutiennent la démocratie européenne et favorisent la coopération et l’entente aussi bien en Europe qu’au niveau international. Le premier prix a été attribué cette année aux promoteurs belges d’AILEM, la toute première application linguistique conçue pour les réfugiés et les demandeurs d’asile dans le but d’éliminer les malentendus interculturels et de proposer aux personnes concernées des informations sur leur pays d’accueil en vue de faciliter leur intégration. Le musée mobile du climat (Lituanie) et le « correspondant européen » (Pays-Bas) se partagent le deuxième prix : le premier vise à encourager les citoyens à adopter un mode de vie respectueux du climat ; le second rassemble plus de 140 jeunes journalistes ayant choisi d’axer leur production d’informations sur des thèmes européens.

Dans le domaine des médias, le 9 mai, les eurodéputés ont tenu à manifester leur inquiétude face à l’hésitation des Etats membres à transposer dans leur ordre législatif interne la directive (UE) 2018/1808 (JOUE L 303, 28-11-2018) révisant, à la lumière de l’évolution des réalités du marché, le dispositif applicable aux services de médias audiovisuels (DSMA). Ils déplorent en outre les lenteurs de la Commission européenne dans le suivi de la mise en œuvre de cette réglementation.

En matière de démocratie participative, il n’est pas indifférent de mettre en évidence que, le 11 mai, de nombreux parlementaires ont par ailleurs souhaité exprimer leur soutien à l’initiative citoyenne européenne visant à mettre un terme au commerce des ailerons de requins au sein de l’UE et validée par la Commission le 11 janvier dernier. Une réponse est attendue de la part de cette dernière en juillet prochain.

Sur le plan international, on notera que, le 10 mai, le Parlement européen a donné son feu vert à la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Ce document, signé à Istanbul en 2011, doit être encore entériné par le Conseil pour engager l’UE en tant que telle. On notera qu’à titre individuel, six Etats membres (Bulgarie, République tchèque, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie) ne l’ont toujours pas ratifié.

Le 11 mai, les eurodéputés ont adopté trois résolutions concernant des pays tiers :

  • une demande invitant toutes les institutions de l’UE ainsi que les Etats membres à condamner ouvertement la répression de la liberté de la presse en Algérie
  • un appel aux autorités du Belarus en vue de faire cesser les mauvais traitements infligés à l’ancien candidat à la présidence, Viktar Babaryka, et à d’autres prisonniers politiques dont le Parlement réclame la libération immédiate et sans condition
  • une condamnation du régime instauré par la junte militaire au pouvoir au Myanmar/Birmanie, qui a récemment décidé de dissoudre quarante partis politiques et d’emprisonner des personnalités politiques. La résolution exhorte en outre l’UE et ses Etats membres à augmenter considérablement l’aide humanitaire en faveur de la population et des réfugiés du Myanmar, y compris la minorité Rohingya. Les députés souhaitent également que l’Union instaure des sanctions ciblées supplémentaires contre l’armée birmane et ses intérêts commerciaux.

Budget

Dans le sillage d’un accord interinstitutionnel convenu en décembre 2020 entre le Parlement, le Conseil et la Commission et comportant une « feuille de route » en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres au profit du budget de l’UE, la Commission avait proposé, le 22 décembre 2021 [COM (2021) 566], l’instauration de trois nouvelles sources de recettes : celles tirées du système d’échange de quotas d’émission de CO2 (SEQE-UE) ; celles générées par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE ; des contributions nationales calculées sur la part des bénéfices résiduels des multinationales à ré-attribuer aux Etats membres. Ces derniers n’ont pas encore adopté le train des mesures ainsi proposées.

Prenant les devants, le Parlement européen a préconisé, le 10 mai, une série de nouvelles ressources, parmi lesquelles celles fondées sur l’impôt des sociétés, la taxe sur les transactions financières et sur les cryptomonnaies, un nouveau mécanisme d’ajustement aux frontières plus équitable, une redevance imposée aux grands fournisseurs de contenus numériques ainsi que des contributions nationales basées sur des statistiques. A l’appui de leur initiative, les eurodéputés ont invoqué l’apparition de nouveaux défis tels que le choc économique et social découlant du conflit russo-ukrainien ou les lourdes répercussions de l’inflation sur le budget de l’UE. Ils ont souligné que le Parlement devrait jouer un rôle accru dans le processus décisionnel relatif aux ressources propres « afin d’assurer la visibilité, la légitimité et la responsabilité démocratique des finances publiques de l’UE. »

C’est également le 10 mai que le Parlement européen a approuvé l’exécution du budget 2021 pour les différentes institutions et agences de l’UE, à l’exception du Conseil européen – comme cela a été le cas pour chaque exercice depuis 2009 – en considération du non-respect du rôle du Parlement dans la procédure de décharge.

Relance économique

Dans le contexte de ses travaux consacrés aux finances publiques (v. ci-dessus, rubrique « budget »), le Parlement européen a élargi le débat à d’autres aspects.

C’est ainsi que, le 9 mai, les eurodéputés se sont penchés sur la réforme du « Pacte de stabilité » préconisée par la Commission sur la base d’une communication du 9 novembre 2022 [COM (2022) 583] et d’une proposition de règlement du 26 avril 2023 [COM (2023) 240]. A l’instar du Conseil qui, le 23 mars, avait formulé des conclusions globalement favorables aux orientations exposées dans la communication de la Commission, les parlementaires européens ont considéré, sous certaines réserves, l’initiative comme un point de départ approprié en vue de futures négociations interinstitutionnelles sur le sujet. Les quelques clivages ont essentiellement porté sur l’ordre des priorités : privilégier d’abord l’assainissement des finances publiques dans les Etats membres ou accorder la primauté aux investissements dans les deux volets d’actualité que constituent les transitions climatique et numérique. Intervenant dans le débat, la présidence suédoise du Conseil a manifesté son intention de faire avancer le dossier aussi loin que possible avant le terme de son mandat à la fin du mois de juin.

On ajoutera qu’en marge des discussions sur le budget proprement dit, les eurodéputés ont aussi exprimé des inquiétudes quant aux options limitées dont dispose l’UE pour vérifier la manière dont les fonds provenant de la Facilité pour la reprise et la résilience, dotée d’une enveloppe de 723,8 milliards d’euros et entrée en vigueur le 19 février 2021, sont utilisés : instauré « sous contrainte de temps » dictée par la crise sanitaire, cet instrument appelle, selon les parlementaires, à renforcer les contrôles afin de prévenir et de détecter la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts au niveau des Etats membres.

Plus largement, les eurodéputés se sont déclarés « profondément préoccupés par le fait que, sans des mesures nécessaires, l’augmentation des coûts d’emprunt de l’instrument de relance de l’Union risque de limiter gravement la capacité du budget de l’UE à financer les priorités et les politiques de l’Union et à répondre aux besoins émergents. » La traduction concrète en serait que les programmes liés à l’éducation (Erasmus+), à la santé (EU 4 Health) ou à la démocratie (« citoyenneté, égalité, droits et valeurs ») seraient susceptibles d’être exposés à des restrictions de financement, tandis que l’inflation élevée réduit la valeur réelle de la totalité du budget de l’UE.

Sur le terrain opérationnel, diverses actions ont été mises en œuvre au cours de la période considérée. C’est ainsi que :

  • le 9 mai, la Commission a levé 9 milliards d’euros sur les marchés internationaux de capitaux afin de contribuer à nouveau au financement du programme de relance « NextGenerationEU » destiné à l’octroi de dons et de prêts aux Etats membres au titre de la « Facilité pour la reprise et la résilience », précitée, ainsi que d’un programme d’assistance macrofinancière au profit de l’Ukraine
  • le 12 mai, la Commission a conclu à une évaluation positive du plan pour la reprise et la résilience modifié de l’Estonie – et ceci afin de tenir compte de facteurs tels que la très forte inflation observée en 2022 (la plus élevée de la zone euro), les perturbations causées aux chaînes d’approvisionnement par le conflit russo-ukrainien, ainsi que la révision à la baisse de l’allocation maximale de subventions accordées au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience. L’un des points majeurs des amendements ainsi apportés au plan initial a consisté à ajouter un chapitre « REPowerEU » dans le but d’accélérer l’utilisation des énergies renouvelables dans le contexte d’une transition écologique orientée vers le soutien à la réalisation des objectifs climatiques. Le Conseil dispose d’un délai de quatre semaines pour approuver l’évaluation de la Commission.
  • le 12 mai également, la Commission a autorisé le Danemark à soutenir un nouveau « Fonds d’investissement et d’exportation » doté d’une enveloppe de plus de 4 milliards d’euros et conçu pour remédier aux défaillances du marché et stimuler le développement économique, la compétitivité, l’innovation et la croissance des entreprises danoises.

Domaine social ; asile et immigration

Le 9 mai, le Parlement européen a entériné un rapport visant à approuver une demande d’aide de l’Espagne en faveur de travailleurs licenciés dans le secteur de la production d’aluminium en Galice – et ce dans le double contexte de la crise sanitaire et du conflit russo-ukrainien. L’aide dont il s’agit, d’un montant de 1,2 million d’euros, serait éligible au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, instauré par le règlement (UE) n°1309/2013 (JOUE L 347, 20-12-2013). Elle est essentiellement orientée vers la recherche de nouveaux emplois au bénéfice des personnes concernées.

Le 10 mai, les eurodéputés, soutenus par la Commission européenne, se sont majoritairement prononcés contre les procédures d’externalisation des demandes d’asile. Cette approche, prônée par une minorité de parlementaires, consisterait à confier le traitement de telles demandes à des pays tiers, à l’instar de ce que pratique le Royaume-Uni. Dans le cadre de ce débat, des élus ont plaidé entre autres pour la poursuite des travaux sur le projet de « Pacte asile et migration » présenté par la Commission européenne en septembre 2020 [COM (2020) 609].

Le débat ainsi engagé à Strasbourg a en outre conduit à l’adoption, le 11 mai, d’une résolution portant sur une « Feuille de route pour une Europe sociale », dans le sillage des objectifs fixés par le sommet de Porto en mai 2021. A cet effet, les eurodéputés, invoquant l’urgence du pilier social parallèlement à celle des aspects économiques et environnementaux, ont invité la Commission à concrétiser par des actes législatifs les engagements souscrits en 2021. La Commission et les Etats membres ont en outre été conviés à prendre des mesures de nature à atténuer les répercussions des crises sur les citoyens et sur les marchés du travail nationaux afin de maintenir les taux d’emploi et les contributions sociales à un niveau élevé par la création d’emplois de qualité.

Environnement, climat et développement durable

Dans un discours prononcé le 11 mai à l’occasion de la rencontre « Accélérer notre réindustrialisation » organisée à l’Elysée, le président de la République française, Emmanuel Macron, a appelé à faire une pause réglementaire européenne susceptible de contribuer à une réindustrialisation de la France et de l’UE. La législation environnementale en constituerait une cible privilégiée, objectif qui a suscité des réactions divergentes, notamment parmi les parlementaires européens. Le chef de l’Etat a également plaidé la nécessité de faciliter les investissements dans l’« industrie verte ».

Dans l’optique de futures tractations avec le Conseil qui, pour sa part, a adopté un mandat de négociation le 3 mai, le Parlement européen a défini sa propre position le 11 mai au sujet de la proposition de directive destinée à promouvoir des produits plus durables et lutter contre l’écoblanchiment [COM (2023) 166] présentée le 22 mars dernier. La proposition vise notamment l’interdiction des publicités trompeuses et des mentions environnementales « génériques » (du type « respectueux de de l’environnement » ou « neutre pour le climat ») si ces allégations ne sont pas accompagnées de preuves détaillées ; elle a également en ligne de mire la lutte contre l’obsolescence programmée. On rappellera que cette initiative fait partie du premier paquet législatif sur l’économie circulaire présenté par la Commission le 30 mars 2022, qui comporte par ailleurs des propositions concernant l’écoconception [COM (2022) 142] et les produits de construction [COM (2022) 144] ainsi qu’une stratégie pour les textiles durables [COM (2022) 141]. Elle ouvre en outre la voie à une nouvelle directive sur les allégations écologiques [COM (2023) 166] proposée le 22 mars 2023 par la Commission.

Le 12 mai, en complément d’un appel à contributions lancé à la fin de 2022, la Commission a organisé une nouvelle consultation publique en vue d’une meilleure application du principe du « pollueur-payeur ». Par cette initiative, elle entend évaluer la manière dont le principe est mis en œuvre par les Etats membres – et ce en réponse à un audit critique publié par la Cour des comptes européenne en juillet 2021.

On notera que, le 9 mai, l’Agence européenne de l’environnement a publié une note d’information s’inquiétant de l’état de la nature en Europe. Cette mise en garde revêt d’autant plus de sensibilité à un moment où une proposition de règlement sur la restauration de la nature en Europe présentée par la Commission le 22 juin 2O22 [COM (2022) 304] suscite quelques appréciations divergentes au sein du Parlement européen, au nom, notamment, de la sauvegarde de l’agriculture européenne et de la sécurité alimentaire.

Energie

Le 10 mai, la Commission a lancé le premier appel pour l’achat conjoint de gaz en recourant à la plateforme énergétique de l’UE instaurée le 25 avril dernier. Les fournisseurs internationaux sont invités à y répondre. Ouverte jusqu’au 15 mai et destinée à couvrir les livraisons de gaz entre juin 2023 et mai 2024, cette sollicitation mise sur « la force collective de l’UE pour améliorer sa sécurité énergétique et s’atteler aux prix élevés du gaz et de l’électricité », selon les propos de Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission, aujourd’hui chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective, et antérieurement détenteur du portefeuille de l’énergie.

Pêche / politique de cohésion

Le 9 mai, le Parlement européen a plaidé en faveur de la mise en place d’un cadre réglementaire volontaire non contraignant en matière de cogestion de la pêche. Ce dispositif censé répondre à des préoccupations d’harmonisation permettrait en particulier de promouvoir une meilleure gestion des quotas de pêche entre les régions ultrapériphériques – telles que les départements français d’outre-mer – et les Etats membres dont elles relèvent.

En matière de politique de cohésion, la Commission européenne a annoncé, le 12 mai, l’approbation d’une modification de la carte des aides régionales pour la Hongrie au titre de la période 2022-2027. Cette décision, prise dans le cadre des lignes directrices concernant les aides d’Etat à finalité régionale (JOUE C 153, 29-4-2021), devrait permettre à cet Etat membre d’augmenter les montants maximaux des aides à l’investissement dont les territoires défavorisés peuvent bénéficier.

Marché intérieur

Le 9 mai, le Parlement européen a adopté un rapport d’initiative sur la stratégie de normalisation dans l’UE. Tout en saluant les perspectives dessinées à cet effet par la Commission en février 2022 [COM (2022) 31], les eurodéputés invitent à prendre davantage en compte les parties prenantes – au premier rang desquelles les PME – dans les processus de standardisation. Ils mettent également en évidence le besoin d’harmoniser les travaux des organismes de normalisation afin d’éviter des contradictions de normes entre les Etats membres.

Brexit

Le 9 mai, le Parlement européen a donné le feu vert à trois propositions de règlement destinées à faciliter la vie des citoyens et des entreprises d’Irlande du Nord après le Brexit :

  • une proposition relative à des règles spécifiques concernant les médicaments à usage humain [COM (2023) 122
  • une proposition concernant des règles spécifiques applicables à l’entrée en Irlande du Nord d’un certain nombre de productions (biens de consommation, végétaux, machines agricoles) en provenance d’autres parties du Royaume-Uni [COM (2023) 124]
  • une proposition de modification de la règlementation relative à des mesures de contingentement [COM (2023) 125].

On notera que les diverses initiatives ainsi proposées s’inscrivent dans le sillage d’un accord trouvé le 27 février dernier (« cadre de Windsor ») entre le Premier ministre britannique et la présidente de la Commission européenne.

Défense

Saluant la « Feuille de route sur les technologies critiques pour la sécurité et la défense » présentée par la Commission européenne le 15 février 2022 [COM (2022) 61], les eurodéputés ont considéré, le 9 mai, que la démarche stratégique ainsi préconisée représentait la voie à suivre, en particulier à la lumière de l’aggravation de la situation sécuritaire sur le continent européen. D’où, à leur avis, la nécessité d’intensifier et de mieux coordonner les efforts pour investir dans ce type de technologies, que l’Agence européenne de défense est également invitée à prendre en compte dans son examen annuel consacré aux questions de défense.

Actions et relations extérieures

Si le conflit russo-ukrainien occupe depuis février 2022 une place spécifique au cœur de l’action internationale de l’UE, cette dernière n’en a pas moins poursuivi le cheminement classique de sa présence sur la scène mondiale au cours de la période sous revue.

En fait, parmi les diverses pistes suivies sur ce terrain, les préoccupations humanitaires occupent de nouveau une place non négligeable.

Ainsi, le 10 mai, tenant compte des besoins vitaux dus au conflit qui fait rage au Soudan depuis le 15 avril, l’Union a lancé un pont aérien permettant de transporter 30 tonnes de   produits de première nécessité (articles relatifs à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène ainsi que du matériel pour les abris). Cette aide en nature a été remise à l’UNICEF et au Programme alimentaire mondial. Son financement vient s’ajouter aux 73 millions d’euros déjà alloués au Soudan en 2023 au titre de l’assistance humanitaire européenne. Parallèlement à cette initiative, l’UE a exhorté toutes les parties au conflit à respecter pleinement le droit international humanitaire, dont –  au-delà de la protection des populations civiles – la sécurité des travailleurs humanitaires. La veille, des appels à un cessez-le feu immédiat avaient été lancés au cours d’un débat dans l’enceinte du Parlement européen à Strasbourg.

En regard d’une autre aire géographique, la Commission a annoncé, le 11 mai, le déblocage de 8 millions au titre de l’aide humanitaire et de la préparation aux catastrophes en faveur des Philippines, du Népal et d’autres pays d’Asie du Sud-Est afin de secourir les populations touchées notamment par des catastrophes naturelles récurrentes et des conflits.

Le 9 mai, en lien avec la politique d’élargissement, la commissaire aux transports, Adina Valean, et la ministre moldave des infrastructures et du développement régional, Lilia Dabija, ont signé à Chisinau, capitale de la Moldavie, un accord associant ce pays au mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE). Cet instrument a été établi par le règlement (UE) 2021/1153 (JOUE L 249, 14-7-2021) dans le but de financer des réseaux de transport et d’énergie plus écologiques ainsi que des infrastructures numériques dans une optique de durabilité. L’accord ainsi conclu doit permettre aux promoteurs de projets moldaves – fortement touchés par le conflit russo-ukrainien – de demander un financement à Bruxelles pour des projets d’intérêt commun dans les secteurs concernés : le but recherché est d’améliorer la connectivité de la Moldavie avec ses voisins de l’UE tout en favorisant notamment son intégration dans le marché unique européen. C’est également le 9 mai que le Parlement européen a approuvé l’allocation d’une nouvelle assistance macrofinancière de 145 millions d’euros à ce pays candidat à l’adhésion à l’Union afin de l’aider à couvrir ses besoins de financement pour l’année en cours.

Au-delà de ces actions répondant à des situations d’urgence, le volet externe des politiques européennes s’est essentiellement concentré sur l’Extrême-Orient.

Ainsi, dans le cadre d’un processus baptisé « Gymnich » (du nom du château situé dans la commune allemande d’Erfstadt où se tint, en 1974, la première réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de la « Communauté » de l’époque), les ministres concernés se sont rencontrés, le 12 mai, à Stockholm (capitale de l’Etat membre présidant actuellement le Conseil de l’UE) et ont porté une attention particulière aux relations avec la Chine. Le sentiment qui a prévalu a été le souci de « recalibrer » ces relations, singulièrement à la lumière d’une double préoccupation mise en évidence dans les travaux préparatoires menés au sein du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) :

  • garantir la sécurité économique dans le sens d’un rééquilibrage destiné, entres autres, à améliorer l’accès des entreprises européennes au marché chinois en s’attaquant à des barrières commerciales spécifiques
  • garantir la sécurité stratégique dans le contexte du conflit russo-ukrainien, le souci de l’UE étant que la Chine « pousse la Russie à se retirer de l’Ukraine ». Quant aux tensions existant dans le détroit de Taïwan, l’UE se considère toujours engagée dans sa politique d’« une seule Chine » tout en affichant une certaine prudence à l’égard de toute modification unilatérale du statu quo, voire du recours à la force à cet effet.

Les discussions engagées lors de cette réunion informelle ont trouvé un écho plus officiel le lendemain à l’occasion de la deuxième édition du « Forum ministériel de l’UE pour la coopération dans l’Indo-Pacifique ». Organisée également à Stockholm, cette rencontre entre les représentants de l’Union et ceux de 26 pays appartenant à la région concernée a pris place dans le cadre de la stratégie de coopération esquissée en 2021 par la Commission européenne et le haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité [document JOIN (2021) 24, 16-9-2021]. Les participants – qui ne comptaient pas parmi eux la Chine, non conviée à la réunion – ont tenu à réaffirmer leur collaboration et ont appelé à ce que la région ne devienne pas « un autre théâtre de rivalités ». Tout en faisant état des progrès réalisés à la faveur de cette enceinte de coopération, ils ont également souligné l’existence de partenariats noués entre l’UE et plusieurs pays de la région dans des domaines aussi variés que le commerce, la gouvernance des océans, le numérique, la connectivité des transports ou l’aide humanitaire. Pour sa part, l’UE a entendu mettre en évidence son ambition d’établir une présence navale à l’échelle européenne dans l’Indo-Pacifique, voire de prendre part à des carrefours régionaux tels que les réunions des ministres de la Défense de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN Plus).

Gérard Vernier
Gérard Vernier
Ancien fonctionnaire de la Commission européenne & enseignant à l'Université Libre de Bruxelles

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