Le Coup de périscope : volume 13

Tour d’horizon de l’actualité européenne du 16 au 22  janvier 2023

NB : il convient de préciser qu’outre la lecture de la presse écrite et le suivi des médias audiovisuels les informations présentées – certes de manière sélective – dans cette rubrique puisent principalement leurs sources dans les communiqués de presse des institutions de l’UE ainsi que dans les publications quotidiennes des deux précieuses agences de presse qu’incarnent l’Agence Europe et Euractiv. Des articles publiés par le think-tank EuropaNova fournissent aussi des éclairages intéressants occasionnellement pris en compte.

S’agissant d’un travail de « mémoire » et de synthèse et non d’un « reportage » en temps réel, c’est de manière délibérée que les développements qui suivent ont entendu privilégier un certain recul par rapport à la date des actes juridiques, prises de position et faits pris en considération.

Institutions

Lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, du 16 au 19 janvier, les suites à donner à l’affaire dite du « Qatargate » impliquant certains de ses membres soupçonnés de corruption ont fait l’objet de débats entre les eurodéputés.

Ainsi, le 17 janvier, les groupes politiques, dans leur grande majorité, ont réservé un accueil favorable aux propositions formulées par la présidente de l’assemblée, Roberta Metsola, en vue de renforcer l’intégrité au sein de l’institution ainsi que son indépendance. Mais certains députés ont plaidé par ailleurs pour des progrès supplémentaires, tels que la création d’un « organe éthique interinstitutionnel », doté de moyens de contrôle et de sanctions importants – et ce en  prenant le pas sur les travaux pour le moins prudents que la Commission européenne a entrepris pour sa part sur ce terrain. L’intérêt de décider de mesures rapides assorties d’un calendrier précis a également été souligné.

Le même jour, le règlement intérieur du Parlement a fait l’objet d’amendements dans la perspective de la levée de l’immunité des parlementaires mis en cause dans l’affaire.

Le 18 janvier, Marc Angel, eurodéputé socialiste luxembourgeois, a été élu au fauteuil de 5e vice-président du Parlement, en remplacement d’Eva Kaili impliquée dans le Qatargate. Le  groupe des socialistes et démocrates (S & D) a en outre exclu de ses rangs le député belge Marc Tarabella,  visé lui aussi par une enquête pour corruption en lien avec l’affaire. Le groupe a également désigné deux personnalités extérieures pour piloter une enquête interne sur les dysfonctionnements révélés dans le cadre du scandale : l’ancien eurodéputé travailliste britannique Richard Corbett  et la présidente de l’antenne espagnole de l’ONG « Transparency International », Silvina Bacigalupo.

En complément de ces informations de nature institutionnelle, on ajoutera que, le 22 janvier, à l’occasion du 60e anniversaire du traité franco-allemand de l’Elysée, s’est tenu un conseil des ministres conjoint des deux gouvernements concernés. A l’issue de la réunion, le président français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholz, ont souligné leur communauté d’objectifs en vue d’ « une Europe plus souveraine, plus unie, plus solidaire et maîtrisant pleinement son destin ». De même, ils ont manifesté leur appui à la ligne défendue peu avant au Forum économique mondial de Davos par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, face à la loi américaine IRA (Inflation Reduction Act),  très protectrice des investissements étatsuniens à l’étranger tout en ménageant les intérêts du Canada et du Mexique. Sur le terrain proprement institutionnel, les deux dirigeants se sont déclarés « ouverts » à la révision des traités européens, notamment dans la perspective de futurs élargissements de l’Union. A un horizon plus rapproché, ils ont souhaité l’extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil.

Etat de droit, démocratie et droits de l’homme

Le 18 janvier, évoquant les graves menaces qui pèsent sur les droits humains et la démocratie dans le monde, le Parlement européen a appelé l’UE à s’engager de manière ambitieuse et constante à faire automatiquement de la protection de ces droits un point central de toutes ses politiques et  à renforcer la cohérence entre ses politiques internes et externes en la matière. D’où, entre autres préconisations, la nécessité de faire en sorte que les dialogues avec les pays tiers conduisent à l’inclusion de clauses fermes à cet égard dans les accords négociés avec ces pays, y compris au niveau des procédures à suivre en cas de violation des droits considérés.

Santé

Le 17 janvier, la Commission a alloué 242 millions d’euros à la Finlande dans le cadre de la réserve stratégique « RescUE » liée au mécanisme de protection civile de l’UE institué en 2001. Il s’agit de la première application du système  à l’intérieur de l’Union – lui-même renforcé à l’occasion de la crise de Covid 19 – dans les domaines chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN), à mettre en œuvre dans les situations d’urgence sanitaire. La nouvelle réserve recouvre des éléments tels que des vaccins et des antidotes, des dispositifs médicaux et du matériel d’intervention sur le terrain ainsi que la formation du personnel. Des réserves du même type avaient également été récemment mobilisées pour venir en aide à l’Ukraine.

L’Agence exécutive pour la santé et le numérique (HaDEA), instituée en 2021 en vue de contribuer à reconstruire l’Europe de l’après-Covid, a lancé, le 19 janvier, huit nouveaux appels à participation pour financer des projets de recherche en  rapport avec la santé. Cette initiative s’inscrit dans la mise en œuvre du programme-cadre « Horizon Europe » 2021-2027, établi par le règlement (UE) 2021/695 du 28 avril 2021 (JOUE L 170, 12.5.2021).

Climat, environnement et développement durable

En cette mi-janvier, les préoccupations environnementales ont été à l’ordre du jour de diverses institutions de l’UE ainsi que d’autres acteurs dans des cercles plus restreints ou plus larges.

Ainsi, au cours de la session plénière du Parlement européen, les eurodéputés se sont prononcés, le 18 janvier, sur la proposition de règlement que la Commission avait présentée le 17 novembre 2021 [COM (2021) 709] dans le but de réformer les règles de l’UE en matière de transferts de déchets, notamment quant à leur origine et à leur destination, tant à l’intérieur de l’Union que vers « les pays non membres de l’OCDE », périphrase qui vise notamment les pays en développement. Si le soutien de l’assemblée au texte initial est acquis dans l’ensemble, celle-ci a néanmoins préconisé d’en durcir certaines règles telles que celles relatives à l’exportation de déchets plastiques. La proposition de la Commission doit encore faire l’objet d’une prise de position du Conseil.

Le 18 janvier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’est adressée au Parlement européen pour esquisser les grandes lignes d’un plan industriel. Ce dernier s’inscrit dans le contexte du « pacte vert » présenté par son institution en décembre 2019 [COM (2019) 640] dans le but de rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050. Le nouveau plan – que la présidente du Collège avait également exposé la veille au Forum économique mondial de Davos – est appelé à reposer sur quatre piliers :

  • l’environnement réglementaire : celui-ci devrait permettre un déploiement rapide d’actions concrètes et la création de conditions favorables aux secteurs essentiels à la réalisation de l’objectif « zéro émission », tels que les énergies éolienne et solaire ou le  système de stockage. Il conviendra en particulier de simplifier et accélérer les procédures d’agrément des nouveaux sites de technologies propres (dont l’hydrogène)
  • l’investissement dans ces technologies propres et le financement de leur production, notamment par le biais d’une adaptation temporaire des règles en matière d’aides d’Etat et le recours à un soutien financier rapide et ciblé
  • le développement des compétences nécessaires pour mener à bien la transition vers les nouvelles technologies, une priorité considérée comme source d’emplois et qui s’inscrit dans la dynamique de l’ « Année européenne des compétences » désignant l’objectif assigné au millésime 2023
  • la promotion d’un commerce équitable et ouvert, reposant sur des chaînes d’approvisionnement solides et résilientes, d’où la perspective de conclure de nouveaux accords commerciaux avec des pays tels que le Chili, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Inde et l’Indonésie.

S’agissant de l’action récente de la Commission européenne, cette dernière a présenté, le 16 janvier, le premier rapport sur l’état d’avancement du « nouveau Bauhaus européen ». Evoqué le 16 septembre 2020 par Ursula von der Leyen dans son discours sur l’état de l’Union, cette initiative représente la dimension culturelle du pacte vert pour l’Europe. Après une phase de conception, sa mise en place a fait l’objet d’une communication de la Commission en date du 15 septembre 2021 [COM (2021) 573]. Le projet a donné le jour à une importante communauté composée d’organisations et de citoyens constituant un réseau transnational tourné vers l’art, le patrimoine culturel, l’éducation, la science. Le rapport indique que plus de 100 millions d’euros de fonds européens ont déjà été attribués au titre du nouveau Bauhaus.  Un montant du même ordre devrait être alloué durant la période 2023-2024.

Au niveau interinstitutionnel, dans le sillage d’un accord politique convenu en décembre 2022, les négociateurs du Parlement européen et du Conseil ont clôturé, le 18 janvier, la phase technique de leurs discussions en vue de la création d’un Fonds social pour le climat, que la Commission avait proposée le 14 juillet 2021 [COM (2021) 568].  L’objectif du projet est d’apporter une aide aux citoyens les plus vulnérables confrontés à des problèmes d’énergie et de transport. Les discussions entre les deux colégislateurs ont essentiellement porté sur le financement du nouveau Fonds. Il leur appartient maintenant d’en valider les résultats.

De son côté, la Cour des comptes européenne s’est prononcée, dans un document d’analyse rendu public le 16 janvier, sur la gestion des déchets dangereux (médicaments, véhicules endommagés, substances chimiques ou minérales) au sein de l’UE, dont le volume n’a cessé d’augmenter depuis 2004 (+ 26 %).  Face aux lacunes constatées dans cette gestion, la Cour a préconisé plusieurs solutions : identifier clairement les déchets concernés et partager une classification européenne ; pourvoir à une meilleure traçabilité des produits ; utiliser moins de substances nocives ; accroître  les capacités de recyclage. La publication du rapport n’a pas été tout à fait étrangère à la position de fermeté que le Parlement européen a adoptée dès le lendemain sur la question du transfert de déchets (v. ci-dessus).

En-deçà du niveau institutionnel propre à l’UE dans son ensemble, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg et les Pays-Bas ont communiqué, le 20 janvier, un document informel appelant la Commission à présenter dans les meilleurs délais une proposition de révision des normes de CO2 pour les nouveaux véhicules lourds, en visant ainsi à favoriser une transition vers des véhicules à zéro émission à l’horizon de 2050.

Au-delà du cercle de l’UE – et dans le cadre du Forum économique mondial de Davos – la Commission et les Etats membres ainsi que 26 pays partenaires de l’Union ont lancé, le 19 janvier, « la coalition des ministres du commerce pour le climat ». Cette dernière a pour vocation d’encourager le commerce et les investissements dans les biens, les services et les technologies qui contribuent à atténuer le changement climatique et à s’y adapter. Elle est notamment conçue pour soutenir les pays en développement les moins avancés ainsi que les pays les plus vulnérables confrontés à des risques majeurs sur ce terrain. L’UE figure parmi les chefs de file de la coalition, aux côtés de l’Equateur, du Kenya et de la Nouvelle-Zélande.

Energie

Le 16 janvier, s’est tenue la première réunion officielle du comité directeur de la plateforme énergétique de l’UE, établie par la Commission le 7 avril 2022, sur la base d’un mandat du Conseil européen. Cette instance a pour objectif de répondre à la nécessité, pour l’Union, de  diversifier ses fournisseurs afin de s’affranchir du gaz russe et d’aider les Etats membres à assurer leur approvisionnement en gaz au cours de l’hiver 2023-2024. Présidée par Maros Sefcovic, vice-président en charge du portefeuille de l’énergie au sein de la Commission, la réunion a permis de discuter du processus de création d’un ou plusieurs consortiums ouverts aux entreprises et aux consommateurs en vue de négocier avec les fournisseurs internationaux de gaz.  On rappellera que le renforcement de la solidarité européenne en la matière a été encadré par le règlement (UE) 2022/2576 du Conseil du 19 décembre 2022 (JOUE L 335, 29.12.2022).

L’instauration de la plateforme a également été mentionnée par la présidente de la Commission lors de son intervention du 18 janvier en session plénière du Parlement européen, déjà évoquée (v. ci-dessus, rubrique « climat, environnement et développement durable »).  Mme von der Leyen a par ailleurs tenu à souligner que l’Union avait fait preuve de beaucoup de détermination pour remplacer les combustibles fossiles russes et faire baisser le prix du gaz à un niveau aujourd’hui inférieur à celui en cours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Politique de cohésion

Le 19 janvier, la Cour des comptes européenne a présenté une analyse comparative des dispositifs de la politique de cohésion et de la «Facilité pour la reprise et la résilience ».  Cet instrument de relance temporaire établi par le règlement (UE) 2021/241 du 12 février 2021 (JOUE L 57, 18.2.2021) est destiné à atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19 et à rendre les économies et les sociétés européennes plus durables, plus résilientes et mieux préparées aux défis liés aux transitions écologique et numérique ainsi qu’aux possibilités qu’offrent ces dernières. Par cette initiative, la Cour entend contribuer à la préparation des cadres financiers de l’après-2027, en décrivant les similitudes et les différences caractérisant les deux approches. Ainsi, tout en relevant que celles-ci n’ont pas la même finalité, notamment en termes de temporalité, la Cour considère néanmoins qu’elles poursuivent globalement des objectifs similaires. Elle estime en conséquence qu’une certaine coordination s’avère cruciale dans une optique de complémentarité et de préservation vis-à-vis de doubles financements.

En lien avec le tissu régional au cœur de la politique de cohésion, on mentionnera que, le 17 janvier, la Commission a  publié une communication intitulée « Mettre à profit les talents dans les régions européennes » [COM (2023) 32]. Le mécanisme de valorisation ainsi encouragé constitue une manifestation clé lancée dans le cadre de l’initiative consacrant 2023 comme « Année européenne des compétences », qui vise entre autres à donner un nouvel élan à la reconversion et au perfectionnement professionnels. Dans ce document, la Commission propose des solutions territorialisées, dont l’utilisation de fonds existants de l’UE pour soutenir les régions les plus touchées par la transition démographique en cours et pour prévenir l’apparition de disparités nouvelles et accrues au sein de l’Union.

S’agissant précisément des aspects démographiques, la Commission a publié, également le 17 janvier, un rapport sur les conséquences de l’évolution démographique, qui passe en revue les  tendances en ce domaine et leurs implications à la lumière d’éléments récents comme le Brexit, la crise sanitaire ou la guerre en Ukraine.  D’où, selon elle, la nécessité de relever un certain nombre de défis tels que le vieillissement et le déclin de la population ou la fracture entre les zones urbaines et les zones rurales.  Dans le même registre, la Commission a proposé, le 20 janvier, de mettre à jour et d’améliorer le cadre juridique régissant les statistiques européennes relatives à la population européenne et au logement, afin de permettre aux services concernés de répondre efficacement aux nouveaux besoins d’information de l’Union et d’encourager les innovations statistiques face aux changements démographiques, migratoires, économiques et sociaux  [COM (2023) 31].  La modernisation ainsi préconisée vise à établir une approche de long terme et plus flexible favorisant les évolutions nécessaires à l’harmonisation accrue des statistiques européennes concernant la population.

Commerce

Le 16 janvier, l’Autorité européenne des marchés financiers a lancé une action de surveillance commune à destination des autorités nationales compétentes en ce qui concerne l’application des règles d’information en matière de communication commerciale. L’objectif est d’examiner si les comportements de « marketing », y compris la publicité, sont « justes, clairs et sans tromperie ».  La réglementation en la matière, plutôt prolifique, repose fondamentalement sur la directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les services portant sur des instruments financiers fournis par les entreprises (JOUE L 173, 12.6.2014). Cette initiative, communément désignée sous l’appellation de « MIFID II » (Market in Financial Instrument Directive) a succédé à une réglementation initiale remontant à 2002 (directive 2002/92/CE).

Le 17 janvier, le Parlement européen a appelé la Commission à créer  une « capitale européenne du commerce local » investie de la mission d’accueillir chaque année des manifestations portant sur des questions d’actualité en rapport avec le commerce – et ce dans une approche de promotion de la diversité des régions européennes tout en soutenant les petites et moyennes entreprises locales.

Le 20 janvier, la Commission a lancé une consultation publique sur les pratiques de paiement tardives ou déloyales et sur les comportements de paiement dans les transactions commerciales. Cette initiative, qui se concentre sur les transactions entre entreprises, se situe dans la perspective d’une révision de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 (JOUE L 48, 22.2.2011) régissant actuellement la matière. La consultation a notamment pour but de tenir compte des améliorations résultant de l’utilisation des outils de paiement numériques.

Au niveau international, l’UE s’est engagée à verser 1 million d’euros au mécanisme de financement sur la pêche, qui fait partie de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), conclu en 2022, sur les subventions à ce secteur. Cet instrument, destiné aux pays en développement et aux pays les moins avancés, vise à soutenir la durabilité de la pêche et à éliminer les subventions considérées comme préjudiciables aux échanges.

Défense

Dans une résolution du 18 janvier, le Parlement européen a encouragé l’UE à conforter sa souveraineté stratégique et à accélérer ses efforts conjoints en vue de développer les capacités de défense nécessaires ; dans cette optique, il insiste notamment sur le besoin de solidarité entre les Etats membres, en particulier en considération de ceux qui sont directement exposés, en raison de leur situation géographique, à divers périls et problèmes imminents au niveau terrestre, maritime ou aérien. A cet effet, il souligne l’importance d’accroître les dépenses communes requises et soutient par ailleurs l’examen et le renforcement des missions et opérations liées à la politique de sécurité et de défense commune de l’Union pour faire en sorte qu’elles correspondent davantage aux besoins réels des pays concernés. Le Parlement plaide en outre pour la consolidation, lorsque cela est pertinent sur le plan stratégique, des partenariats en matière de sécurité et de défense avec des partenaires partageant les mêmes valeurs dans le monde. Il considère enfin comme nécessaire qu’il soit lui-même associé plus activement à la prise de décision dans le domaine de la politique de sécurité et de la politique industrielle de défense.

Ukraine

Dans sa résolution du 18 janvier évoquée ci-dessus (rubrique « Défense »), le Parlement européen a tenu à mettre en avant « la détérioration spectaculaire de la sécurité européenne » due aux opérations menées par la Russie contre l’Ukraine, ainsi que « la réponse sans précédent et unie » de l’UE, notamment sous la forme de fourniture d’équipements militaires au pays agressé. Dans ce contexte, il invite l’Union à intensifier et accélérer ses efforts et se félicite de la décision du Conseil de mettre en place, à sa demande, une mission d’assistance militaire pour soutenir l’Ukraine. Le Parlement condamne par ailleurs  « les annexions illégales » de territoires entreprises par la Russie ainsi que les menaces, proférées par cette dernière, d’utiliser des armes nucléaires. Il exhorte également l’Union et ses Etats membres à réduire considérablement l’écart entre l’assistance militaire « promise » et celle « livrée » à l’Ukraine.

La veille, la Commission a versé une première tranche de 3 milliards d’euros sur l’enveloppe de 18 milliards prévue pour 2023 au titre de l’assistance macro-financière+ (AMF +) en faveur de l’Ukraine instaurée par le règlement (UE) 2022/2463 du 14 décembre 2022 (JOUE L 322, 16.12.2022).  Dans une optique de prévisibilité et de constance, cette aide devrait mettre l’Ukraine en mesure de continuer à payer les salaires et pensions et de maintenir le fonctionnement des services publics essentiels tels que les hôpitaux et les écoles ; elle devrait également lui permettre de préserver une stabilité macroéconomique et de rétablir les infrastructures critiques dans les domaines de l’énergie, de l’eau et des transports.

En application de l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’Etat adopté par la Commission en 2022, cette dernière a autorisé, au cours de la période sous revue, deux régimes de soutien liés à la guerre en Ukraine :

  • le 16 janvier, en faveur de Chypre, en regard d’une aide de 500 000 euros en appui à ses producteurs d’agrumes
  • le 19 janvier, en faveur de l’Autriche, pour un montant de 100 millions d’euros destiné à soutenir la réduction des pics de consommation d’électricité entre janvier et mars 2023. Il s’agit de la première mesure visant un tel objectif au titre du mécanisme d’encadrement temporaire.

Actions et relations extérieures

Le 17 janvier, le Parlement européen a approuvé le récent accord entre Europol et la Nouvelle-Zélande, relatif à l’échange de données à caractère personnel aux fins de la lutte contre la grande criminalité et le terrorisme.

C’est dans un registre voisin que, le 19 janvier, la Commission a lancé une consultation publique portant sur le partage d’informations entre l’UE et les pays tiers.

Dans le sillage de la communication de la Commission du 10 mars 2021 [COM (2021) 110] préconisant de renforcer l’impact mondial de l’UE pour faire face à la forte augmentation des besoins humanitaires amplifiés par la crise de Covd-19, l’UE a adopté, le 18 janvier, son budget humanitaire annuel initial pour 2023, qui s’élève à 1,7 milliard d’euros.  Ce dernier se répartit de la manière suivante :

  • 207,8 millions pour les pays de l’Europe du Sud-Est et du voisinage européen, notamment en considération de l’impact du conflit russo-ukrainien
  • 181,5 millions pour les victimes de conflits, de déplacements forcés ou de chocs climatiques au Sahel, en République centrafricaine et dans le bassin du Lac Tchad
  • 330,7 millions pour financer des programmes en Afrique de l’Est et australe, destinés à répondre en particulier aux besoins des populations touchées par des conflits (République démocratique du Congo, Soudan, Soudan du Sud, Ouganda, Corne de l’Afrique)
  • 382,2 millions alloués au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord pour faire face à la crise régionale sévissant au Yémen et en Syrie ainsi qu’à la situation critique des réfugiés sahraouis
  • 237 millions en faveur des populations les plus vulnérables dAsie et d’Amérique latine exposées à des crises profondes, tels l’Afghanistan, le Venezuela ou Haïti

et, selon une approche non encore ciblée quant à l’identité des pays ou régions bénéficiaires :

  • 141,5 millions pour affronter des situations d’urgence soudaines
  • 122 millions pour répondre à des crises humanitaires imprévues
  • 108,2 millions destinés à des activités horizontales, des projets innovants et des initiatives stratégiques.
Gérard Vernier
Gérard Vernier
Ancien fonctionnaire de la Commission européenne & enseignant à l'Université Libre de Bruxelles

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4 Commentaires

  1. Merci pour ce tour d’horizon, il est navrant de constater que la Commission Européenne n’a pas encore compris la nécessité de mettre en place une véritable défense commune, qu’attend t’elle ?

    • On peut d’autant plus apprécier la légitimité de votre question qu’on ne peut a priori négliger le fait qu’avant de siéger dans le fauteuil de présidente de la Commission Ursula von der Leyen occupait les fonctions de ministre allemande de la Défense.

      En fait, la réponse à cette question mériterait à elle seule une chronique substantielle détaillant le long cheminement de l’édification progressive d’une politique européenne oscillant entre échecs avérés et avancées plus ou moins concrètes. Soucieux d’épargner aux lecteurs des développements hors de proportion avec un commentaire, je voudrais, à ce stade, surtout renvoyer les personnes intéressées par un tel sujet à l’excellente synthèse que « Toute l’Europe » a récemment présentée sur son site et à laquelle on peut accéder via le lien suivant:

      https://www.touteleurope.eu/l-UE-dans- le-monde/la-politique-de- securite-et-de-defense-commune

      Juste quelques considérations ponctuelles en guise de points de repère:
      – après le naufrage de la Communauté européenne de défense en 1954, le chat échaudé s’est bien gardé de mettre la patte dans l’eau glacée de la Guerre froide, voire au-delà de la fin de cette dernière;
      – mentionnée dans le Traité de Maastricht de 1992, la politique de défense a véritablement été mise sur les rails à partir de 1999 au fil de jalons posés par le traité de Nice et par divers Conseils européens successifs réunis au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement;
      – c’est en fait avec le Traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009 que le thème de la défense connaîtra une impulsion déterminante, la « politique européenne de sécurité et de défense » (PESD) acquérant une certaine autonomie dans le cadre plus général de la politique extérieure de l’UE, dont elle continue de faire partie. En l’occurrence, la disposition de référence est l’article 42 du Traité sur l’Union européenne, qui précise notamment que les décisions relatives à la PESD « sont adoptées par le Conseil statuant à l’unanimité, sur proposition du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de de sécurité, ou sur une initiative d’un Etat membre ». Ce processus marque donc l’influence primordiale des Etats membres – jaloux de leurs prérogatives régaliennes – … une compétence étant cependant explicitement attribuée au « haut représentant » qui, tout en présidant les sessions du Conseil consacrées aux affaires étrangères, est aussi l’un des vice-présidents de la Commission (savante construction !);
      – sans entrer dans les détails, on peut néanmoins mentionner que, dans ce cadre, se sont développées différentes missions de terrain à l’extérieur de l’UE (Afrique, Bosnie-Herzégovine, Ukraine…). De même, en 2004, a été créée une Agence européenne de défense, et, en 2021 a été établie une « Facilité européenne pour la paix », parallèlement au lancement d’un Fonds européen de défense;
      – à tout cela, s’est ajouté récemment le concept de « boussole stratégique » de l’Union.

      Pour en revenir à la répartition des compétences, on soulignera que, dans cet enchevêtrement complexe, les capacités militaires mises à la disposition de l’UE relèvent du Conseil, tandis que les outils civils sont principalement du ressort de la Commission. – d’où, par exemple, l’importance que celle-ci attache à la mise en place d’une politique industrielle de la défense.

      En prenant un peu de recul par rapport à l’actualité récente, on pourrait établir un parallèle avec la crise sanitaire. C’est en effet avec cette dernière que des réflexions ont été entreprises pour édifier une véritable Union européenne de la santé. Le conflit russo-ukrainien ne constituerait-il pas de son côté le ferment d’une authentique Union européenne de la défense ?

      • Bonjour Monsieur VERNIER.

        Le ferment, il faut l’espérer, mais combien de temps lui faudra t’il pour prendre ?
        Ne sera t’il pas trop tard ?
        Il semblerait, que comme moi, vous constatiez un certain imbroglio dans diverses structures qui se juxtaposent, nuisant à une réelle efficacité.
        Toujours cette fameuse règle de l’unanimité source d’immobilisme, quand va t’on comprendre qu’il faut changer les règles du jeu, aller vers une véritable gouvernance obéissant à la règle de la majorité et non à celle de l’unanimité.

  2. (post scriptum)
    1 – je crains que la référence indiquée pour le dossier figurant sur le site de « Toute l’Europe » soit tronquée. A toutes fins utiles, le lien complet est le suivant:

    https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/la-politique-de-securite-et-de-defense-commune-psdc/

    2 – on a sans doute été étonné que je ne fasse aucune mention de l’OTAN dans mon commentaire. D’une part, je ne souhaitais pas allonger excessivement ce dernier, tout en étant bien conscient que cet élément constitue une pièce essentielle de ce que vous qualifiez, sans doute à juste titre, d’ « imbroglio ». D’autre part, il faut reconnaître que les prises de position à l’égard de cette organisation fluctuent quelque peu: par exemple, du diagnostic de « mort cérébrale », certains dirigeants sont passés à une forme de « réanimation » du patient… dont, toujours à la lumière du conflit russo-ukrainien, la revalidation semble encouragée par des « fortifiants » proposés par des pays affichant jusque là une prudente neutralité entre l’Est et l’Ouest. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.

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