Mondialisation : Comment protéger les agriculteurs et l’environnement ?

L’Institut Veblen, le Think Tank de la Fondation Nicolas Hulot, et l’interprofession bovine INTERBEV ont publié un rapport visant à réformer la politique commerciale européenne. Ils défendent un règlement européen sur les importations, basé sur un principe de « mesures-miroirs ». Les règles imposées aux importations seraient équivalentes à celles existantes au sein de l’Union européenne. Un tel règlement limiterait les distorsions de concurrence et accroîtrait les exigences de santé publique et d’environnement sur les biens agricoles produits en dehors de l’Union européenne. L’institut Veblen a accepté que nous reproduisions ici les principaux extraits de la présentation de ce rapport et Sara Lickel, co-auteure du rapport et chargée de plaidoyer Commerce à l’institut Veblen, a accepté de répondre à quelques questions complémentaires.

Entre 2005 et 2019 l’importation de denrées agricoles et alimentaires a augmenté de 28%. Derrière ce chiffre se cache une seconde réalité : en important des produits agricoles issus d’élevages moins regardants sur la traçabilité et les normes ou bien cultivés avec des pesticides interdits dans l’Union européenne, l’UE ne tient pas ses engagements environnementaux et de santé publique et place les éleveurs et agriculteurs européens sur le terrain de la concurrence déloyale.

Il existe une dichotomie délétère des normes, entre les standards européens et les produits importés par le Vieux Continent.

En matière d’usage des pesticides, d’abord. La législation européenne applicable aux pesticides induit en effet une différence de traitement entre les denrées produites dans l’UE et les denrées importées qui conduit à abaisser les standards de l’UE sur le plan sanitaire et environnemental. Le Règlement limites maximales de résidus (LMR), quant à lui, montre de nombreuses limites : les cultures produites hors de l’UE peuvent avoir été traitées avec des substances non autorisées dans l’UE à la seule condition que les denrées importées respectent in fine les LMR fixées… qui peuvent être révisées à la hausse sur demande. Pour faire face à cette différence de traitement, les agriculteurs européens peuvent réclamer en retour des dérogations pour l’utilisation de produits dangereux dans l’UE, qui peuvent avoir des conséquences nuisibles sur l’environnement et la santé. Le rapport cite un cas d’école : la lentille canadienne.

En matière d’élevage ensuite. Si l’Europe a adopté de nombreuses réglementations en matière d’alimentation animale, de bien-être animal et de traçabilité, seule la réglementation interdisant le recours aux hormones de croissance s’applique à ce jour aux produits animaux importés. Rien ne bouge concrètement concernant l’usage des antibiotiques, les farines animales, le bien-être animal et notamment sur le temps de transport des animaux ou encore la traçabilité, exposant ainsi les consommateurs européens à des risques sanitaires accrus et les éleveurs à une distorsion de concurrence toujours plus importante, alors même qu’en France, ils traversent déjà une crise de revenu sans précédent.

Face à ce constat, l’Institut Veblen, la FNH et Interbev font une proposition : l’adoption d’un règlement européen sur les mesures miroirs pour que les standards de production européens s’appliquent aussi aux produits importés.

En ce qui concerne les pesticides, le rapport recommande de :

  • Interdire la mise sur le marché européen de denrées alimentaires traitées avec des substances non approuvées dans l’UE
  • Supprimer la possibilité d’octroyer des dérogations permettant l’usage de ces substances en Europe
  • Interdire la production, le stockage et la circulation de ces substances en Europe et de ce fait l’exportation à des pays tiers, à l’instar de l’interdiction adoptée par la loi EGALIM
  • Renforcer les contrôles sur les denrées alimentaires mises sur le marché au sein de l’UE
  • Prévoir des procédures de sanctions précises et dissuasives en cas de violations avérées, tant au sein de l’UE que dans le pays tiers

En matière d’élevage, il est nécessaire d’imposer à tout le moins les mesures suivantes :

  • Interdire la mise sur le marché de produits issus d’animaux traités avec des produits vétérinaires ou nourris avec des aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation
  • Interdire la mise sur le marché produits issus d’animaux dont il n’est pas attesté qu’ils ont bénéficié de certaines conditions minimales en matière de bien-être animal, notamment du transport
  • Renforcer les contrôles dans les principaux pays exportateurs
  • La suspension immédiate des importations en cas de violations avérées visant notamment les établissements non conformes

Enfin le rapport met en évidence un point majeur : les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ne constituent pas des obstacles insurmontables à la mise en place de l’ensemble des mesures miroirs envisagées.

L’analyse juridique présentée dans ce rapport atteste que les exceptions prévues dans l’accord SPS ainsi que l’article XX du GATT permettent l’adoption par l’UE d’un tel règlement, et qu’en cas de conflit à l’OMC, l’UE devrait gagner.

Suite aux interrogations de Sauvons l’Europe, l’Institut Veblen précise que la plupart des accords de libre-échange conclus par l’UE avec des Etats tiers (à l’instar du CETA) reprennent les principes du droit de l’OMC voire incorporent directement ces accords (GATT, accord SPS et accord OTC) et y font de nombreuses références. Ainsi, dès lors que les dispositions « miroirs » seront conçues de manière à être compatibles avec les principes du droit de l’OMC, elles devraient l’être également avec ces accords de commerce. Il ne sera donc pas nécessaire de les« rouvrir ». Cette précision permet, ainsi, de confirmer que l’introduction des dispositions miroirs nécessiterait un vote à la majorité qualifiée.

Sauvons l’Europe souhaitant également connaître les autres travaux en cours de l’Institut Veblen, Sara Lickel indique que des travaux sont en cours sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. L’objectif est de donner un cadrage à ce mécanisme, afin qu’il soit efficace pour la transition et éthique. Un autre travail important de l’Institut Veblen, en lien avec la Fondation Nicolas Hulot, fut la publication en 2019 d’un rapport avec 37 propositions pour la politique commerciale européenne. Ces 37 propositions, dont Sauvons l’Europe s’était fait l’écho, sont toujours d’actualité et le rapport sur les mesures-miroirs est la précision d’une de ces recommandations.

 

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2 Commentaires

  1. Merci pour cette information. Je ferai encore plus attention en achetant mes légumes/fruits.
    En principe, j’ai une préférence pour les produits : Français – Italiens – Espagnols – Grecs.
    Yvonne GIL

  2. Votre positionnement est logique ! On ne peut pas imposer des règles aux agriculteurs européens et importer des produits de pays sans règle ! C’est élémentaire. L’Europe manque de courage et déçoit mon beau rêve !

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