La liberté de la presse en Europe

“Reporter sans frontières” publie son rapport 2020 sur la liberté de la presse dans le monde.

Bien que l’on puisse toujours contester la méthodologie d’un tel classement à l’échelle mondiale, celui de RSF est reconnu comme aussi représentatif que possible tant en valeur annuelle qu’en tendance pluriannuelle.

Une situation contrastée au sein de l’UE

Au sein de l’UE, le tableau de 2020 fait apparaitre le rang des 27 différents Etats membres (EM) sur un total de 180 Etats.

On constate notamment que :

  • dans le groupe de tête des 20 premiers Etats figurent onze EM de l’UE dans l’ordre suivant : FIN / DEN / SWE / NED / POR / GER / BEL / IRL / EST / LUX / AUST
  • trois grands EM se trouvent en dessous de ce seuil : ESP (29) / FRA (34) / ITA (41) – proches du RU (35)
  • parmi les treize EM issus des derniers élargissements, cinq figurent nettement plus bas (en dessous du 50ème rang) : CROA (59) / POL (62) / MALT (81) / HONG (89) / BULG (111)
  • tous les six Etats candidats se classent (très) au delà du 50ème rang : BOSN (58) / KOS (70) / ALB (84) / MACE (92) / SERB (93) / MONTE (105)

D’autre part :

  • trois petits Etats proches de l’UE figurent parmi les premiers rangs : NORV (1), SUIS (8), ISL (15)
  • deux grands Etats du voisinage de l’UE se situent en bas de classement : UKR (96) / TURQ (154)
  • en comparaison, le classement de cinq grandes puissances mondiales est le suivant : USA (45) / BRES (107) / INDE (142) / RUS (149) / CHINE (177)

Un décalage est/ouest persistant

Si, au fil des ans, la situation évolue (en bien ou en mal) assez lentement, de brusques écarts peuvent aussi se produire : c’est par exemple le cas de la Pologne passée du 18 ème rang en 2015 (année de l’arrivée du OiS au pouvoir) au … 89 ème en 2020. D’autre part, l’irruption d’une nouvelle forme éclatée de “presse” – en tout cas de fourniture/diffusion d’ “informations » – par la voie des « media sociaux” (Internet) relativise l’importance et le rôle des media traditionnels. Ceux-ci demeurent malgré tout un des meilleurs indicateurs de la santé démocratique des Etats.

Pour ce qui concerne l’UE dans son ensemble, le décalage persistant entre l’ouest et l’est de l’Europe en matière de liberté de la presse traduit une situation préoccupante. Et ce d’autant plus que l’influence ou la censure exercées sur la presse dans certains EM par les pouvoirs publics s’exerce souvent au détriment de l’image de l’Union dans l’opinion – comme c’est le cas par exemple en Hongrie ou en Pologne.

Mais on pourrait aussi citer le cas du RU où certains grands groupes de presse “indépendants” ont pendant des années mené une véritable campagne anti-européenne qui a largement contribué à l’issue finale du Brexit.

Les moyens limités de l’UE

Les traités ne fournissent pas aux Institutions de moyens directs pour garantir ou même protéger la liberté de la presse dans/par les Etats. Cette liberté peut cependant être considérée comme faisant partie intégrante de certaines des “valeurs” qui fondent l’Union au sens de l’article 2 TUE (“liberté », “démocratie”). Elle est plus précisément mentionnée dans la Charte des Droits Fondamentaux qui stipule “ La liberté des media et leur pluralisme sont respectés” (art; 11§2) (ou à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme)). D’ailleurs, la jurisprudence européenne s’avère assez limitée dans ce domaine

Si, sur ces bases, l’UE peut exercer certaines pressions (provisoires …) lors des négociations avec les Etats candidats, elle s’avère moins performante vis à vis des Etats membres eux-mêmes.

C’est donc plutôt un pouvoir d’influence que peut exercer l’UE (notamment par les résolutions du PE) pour défendre cette liberté  – très largement entre les mains des seuls régulateurs nationaux.

À cet égard, les rapports annuels fournis par RSF apportent une aide précieuse en dénonçant (“name and shame”) les abus les plus graves.

 

[author title= »Jean-Guy Giraud » image= »http://www.fenetreeurope.com/images/chroniques/giraud.jpg »]Successivement administrateur du Parlement européen puis conseiller du Président , Secrétaire Général de la Cour de Justice puis du Médiateur de l’UE , Directeur du Bureau du Parlement européen en France , Jean-Guy Giraud a été président de l’Union des Fédéralistes européens-France.[/author]

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7 Commentaires

  1. EM, TUE, PE : Un article qui fleure bon la langue de bois. Ce serait bien de remplacer les acronymes; mais on sent que l’auteur, à voir sa biographie impressionnante, doit parler comme ça au naturel.

    • Vous avez raison quant à la ligne de conduite que les auteurs d’articles devraient suivre lorsqu’ils sont censés s’adresser à un public plus large que l’ « entre-soi ».

      Cela dit, pour faire la part des choses, il me semble qu’en l’occurrence l’abréviation « UE » n’est pas totalement inconnue du citoyen et qu’à la 6ème ligne, celle se rapportant aux Etats membres (EM) est clairement explicitée.

      • Je n’ai pas parlé d’UE, mais de TUE (plus précisément l’article 2 TUE : mais qu’est-ce que cet article tue? ce n’est pas dit) et de PE (Pôle Emploi? Professeur des Ecoles?)

        • Certes… Encore une fois, je partage votre observation initiale – et ce d’autant plus que c’est une recommandation que, personnellement, je formule avec insistance à l’endroit des étudiants dont il m’arrive d’avoir la charge. Le minimum reste en tout état de cause, à la première occurrence, de préciser au moins entre parenthèses la signification des abréviations, comme l’auteur de l’article l’a fait en ce qui concerne le raccourci « EM » pour « Etats membres ».

          Quant à TUE, on pourrait se montrer un peu plus indulgent dans la mesure où le fait de l’accoler à un numéro d’article présume qu’il s’agit d’un traité… sans doute en rapport avec l’Union européenne. Cela dit, je pense que nous sommes grosso modo sur la même ligne. Et, pour ce qui est de langue de bois, on peut en effet considérer que, parfois, elle s’ajoute aux 27 langues officielles de l’Union européenne (UE). Mais est-ce l’apanage des pratiques « bruxelloises » ? Je crains que, sur ce terrain, il y ait une forte concurrence à d’autres niveaux du « millefeuille » européen – de l’échelle nationale à celle de l’Union en tant que telle.

  2. J’aimerai pouvoir lire un journal édité par l’Europe abordable par le commun des mortels. Ceci permettrait d’avoir une autre perception que celle éditée par le pays

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