Heureusement… la Turquie était là !

Incroyable, ça marche ! Il y a de moins en moins de migrants qui arrivent de Turquie en Grèce. On entend déjà le soupir de soulagement dans les chancelleries européennes, où l’on avait signé l’accord euro-turc en se bouchant le nez. Ca marche, donc. Mais qu’est-ce que cela prouve ? Principalement que les migrants, pour être désespérés n’en sont pas idiots. Puisque les européens ont promis de les renvoyer en Turquie, pourquoi prendre le risque de périr en Méditerranée ?

Juste de quoi donner meilleure conscience aux responsables européens qui pourront prétendre que grâce à leur accord des familles venues de Syrie ou d’Irak ont évité la noyade en mer Egée… De quoi soulager aussi les Grecs qui n’en peuvent plus de cette situation, dans laquelle les autres pays d’Europe, après les avoir étranglés financièrement, se déchargent sur eux de leurs responsabilités, au prétexte qu’ils sont un point d’entrée des migrants en Europe. La Grèce ne pouvait plus faire face à l’afflux de migrants… Elle respire.

Mais les dirigeants de l’Union européenne auraient tort de se satisfaire de ce résultat obtenu au prix d’un renoncement historique. D’une capitulation devant le populisme. La réalité est bien là : le droit d’asile n’existe plus en Europe ! Le Havre des pourchassés, menacés, tyrannisés, a fermé ses portes. Tiré le rideau ! Direction la Turquie !

On a payé pour qu’ils parquent chez eux les migrants qui dérangent nos équilibres savants. Qui donnent du grain à moudre, bien malgré eux, à nos populistes, et donc menacent de fait notre démocratie, et nos libertés… Après tout, se consolera-t-on, si demain Marine Le Pen arrivait au pouvoir, ce serait encore pire pour les migrants…

Pour être juste il faut bien dire que tout le monde en Europe n’est pas à loger tout à fait à la même enseigne, au panthéon de la lâcheté. Au pinacle bien sûr on portera les européens de l’Est, qui ont déjà tout oublié de leur passé d’oppression, de la générosité de l’Europe qui leur tendit la main, et sortent les chevaux de frise hérités des grands frères soviétiques pour protéger leurs frontières.

On réservera un traitement de faveur à l’Allemagne et à sa chancelière qui seule contre tous tenta un temps de défendre nos valeurs communes contre vents et marées, en ouvrant grand les portes de son pays. Elle le payera probablement dans les urnes. Parce qu’elle a été lâchée, par tous les autres, en commençant par la France. D’ailleurs à combien en sommes nous déjà ? Combien de Syriens fuyant l’horreur avons nous accueillis sur le territoire national ? 1000 ? 10000 ? Un peu plus ? Quand on compte outre-Rhin en centaines de milliers… « Mais ils préfèrent l’Allemagne…» rétorqueront les Ponce-Pilate. Vrai, hélas ! Les réfugiés ont maintenant compris que la France n’était plus une terre d’asile.

L’histoire retiendra en tout cas, que lorsqu’il fallut défendre les valeurs dont nous nous glorifions d’être les héritiers… la France était aux abonnés absents ! Heureusement que la Turquie était là !

Michel Lepinay

Soutenez notre action !

Sauvons l'Europe doit son indépendance éditoriale à un site Internet sans publicité et grâce à l’implication de ses rédacteurs bénévoles. Cette liberté a un coût, notamment pour les frais de gestion du site. En parallèle d’une adhésion à notre association, il est possible d’effectuer un don. Chaque euro compte pour défendre une vision europrogressiste !

Articles du même auteur

6 Commentaires

  1. Bien sûr beaucoup de citoyen-ne-s de ce pays ont mauvaise conscience. Mais que faire ? Comment faire ? Comment font les Allemands pour gérer toutes les contraintes contradictoires ?
    Il me semble absolument exclu d’accueillir des migrants en les parquant tous ensemble dans des endroits où ils seront logés, nourris, chauffés, blanchis, et resteront les bras ballants. C’est inepte, parce que l’accueil n’a pas de sens s’il n’y a pas insertion, et que l’insertion dans ce pays ne se fait que par le travail. Et c’est une erreur tragique que nous voulons éviter (pour l’avoir déjà commise) de laisser groupées ensemble des personnes qui n’ont déjà que trop tendance naturelle et évidente à rester entre elles et constituer ainsi un ghetto.
    L’insertion des migrants, concrètement,, c’est à peu près aussi difficile que la réinsertion de ceux qui sortent de prison, comme eux sans argent, comme eux sans attaches, parce que pour réussir ça doit être traité cas par cas, individu par individu. A cela s’ajoutent éventuellement la difficulté de langue, et de plus les coutumes vestimentaires, alimentaires et autres par lesquelles les migrants tiennent souvent à se différencier, sans faire trop attention aux réactions négatives voire hostiles que cela suscite.
    Alors si les Allemands ont trouvé la méthode qui marche à l’échelle de 2 ou 300000 migrants par an, analysons-là, adaptons-là, adoptons-là, et nous pourrons sortir de notre situation honteuse; Personnellement je suis comme st Thomas, j’ai besoin de toucher du doigt avant de croire…

  2. Mais ne pourrait-on pas donner à la Grèce les milliards destinés à la Turquie (et dont on n’est guère certains de ce qu’elle va faire) pour construire en Europe des camps d’accueil décents pour les syriens réfugiés en attendant de les trier ? Ils sont nombreux à vouloir retourner chez eux une fois la situation redevenue supportable.

  3. La France – Terre d’Egalite, Fraternite et Liberte – a ete lache, frileuse, et egoiste a l’heure de recevoir ceux qui fuyaient, et fuient encore, l’horreur d’une guerre fratricide. C’est triste. L’Allemagne a repris la flamme de la dignite et responsabilite.

  4. la lorgnette n’est hélas pas votre exclusivité, Michel Lepinay, mais vous la maniez comme à l’habitude ceux qui ne posent pas le problème et par conséquent ne peuvent lui trouver de solution.
    1. L’Europe peut-elle accepter des réfugiés par millions?
    Moins encore dans les pays en crise, mais accueillir des réfugiés induit de les loger, de les nourrir, d’éduquer leurs enfants, et idéalement de les aider à revenir lorsque la guerre prend fin.
    Donc évidemment l’Europe ne peut pas accueillir sans limites et contraintes.
    2. En Europe la France doit-elle montrer l’exemple?
    Oui, dans la contrainte ci-dessus.
    3. L’Allemagne a-t-elle agi au nom des grands principes?
    Non! L’Allemagne favorise depuis 15 ans l’immigration choisie pour compenser sa pyramide des âges. L’accueil spectaculaire de plus d’un million de personnes était habillé de vertu, sa réalité plus prosaïque.
    4. Que doit faire l’Europe face à cette crise des migrants, issus de pays en guerre (via la Turquie) ou migrants économiques (via Libye et Turquie)?
    Contribuer aux dépenses des pays de transit, Turquie, Jordanie et Liban pour l’Orient, Libye et Maghreb pour l’Afrique. Contribuer avec d’autres, l’ONU devrait être dans ce rôle. Les réfugiés ont vocation à revenir, la proximité en est un élément, les migrants économiques sont en aller simple…
    5. L’Europe devrait-elle adopter une politique et des moyens afférents?
    Oui! mais la Turquie a interdit les « hot spots » sur son territoire, jusqu’aux 6 mds € exigés de l’UE.
    6. Heureusement la Turquie est là, écrivez-vous; et les autres?

  5. « Heureusement… la Turquie était là »: Force est de constater que – que cela nous plaise ou non – cette frase a été prononcée non seulement par nos dirigéants, mais par tous ceux et celles que voyaient dans la crise de réfugiés un détonateur de l’implosion de la UE. On a evité le pire donc?
    Pas tellement sûr, puisque personne ne peut garantir que la Turquie continuera à apliquer l’accord – qui, rapellons-le au passage, n’a aucun valeur juridique du moment – si la UE continue à maintenir son attitude hostile à l’ élimination de la visa pour les citoyens turcs.
    Constitue -t-elle, la crise des refugiés une véritable ménace pour la UE? Du point de vue économique aurait été ridicule de le prétendre, du moment que le Liban et la Jordanie, avec à peine 4 millions d’ habitants chacun, ont déjà reçu plus de deux millions de réfugiés syriens, leur assurent la survie, la scolarité de leurs enfants, l’accès aux services de santé. Qui aurait le culot de prétendre que l’UE des plus de 500 millions d’habitants n’a pas les moyens d’ offrir refuge à deux millions de syriens?
    Et pourtant ils sont nombreux à le prétendre. Et leurs mensonges trouvent écho à la population européénne – de même que leur discours raciste et xénophobe qui n’a comme simple objectif les « terroristes musulmans » mais aussi les « grecs paresseux », les polonais et les bulgares « qui veulent mettre en faillite le système de la sécurité sociale » etc. – simplement parce que les politiques néoliberales des dernières 25 ans ont mis en danger tout ce qu’il s’appèlle « aquis communautaire ».
    Nous-voilà de retour aux sources du problème qui a des fortes chances à provoquer l’implosios de la UE.

    Yannis Chryssoverghis

  6. Merci d’assurer un minimum de publicité à cette question cruciale qui reste d’actualité ( le nombre de morts ne cesse de progresser) et que les médias ont consciencieusement mis sous le boisseau.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

A lire également