Et en même temps, l’Europe

Que faut-il lire derrière les images de la geste du président Macron débutant sa campagne européenne devant le Parlement européen à Strasbourg, passant ensuite une soirée auprès des Français et des mânes de Philippe Séguin à Épinal, avant d’obliquer vers Berlin pour retrouver une chancelière dont le quatrième mandat cherche encore son souffle ?

D’abord, que l’engagement européen d’Emmanuel Macron dépasse les seules obligations et contingences politiques de sa charge de président français. Comme François Mitterrand, il assume une relation personnelle à l’histoire. Et, au-delà même de l’histoire, il ambitionne de faire de sa vie « une oeuvre », à l’exemple du Général de Gaulle, qui nous en livra même une traduction littéraire. Or, tout mémorial à venir passe par un réenchantement européen, l’Europe représentant in fine un cadre bien plus adéquat que le seul cadre national pour confronter un destin à l’histoire.

L’Europe est également au coeur du dispositif politique d’Emmanuel Macron en ce qu’elle paraît indissociable de la désormais célèbre formule « et en même temps ». En effet, cette formule, pour se réaliser, exige de disposer de deux lieux complémentaires pour des actions simultanées. Le pari quasi existentiel d’Emmanuel Macron peut se lire comme la volonté de réussir dans le même temps un projet de libéralisation des énergies en France et un projet de reconquête collective de souveraineté et de solidarité à l’échelon européen. Une France délivrée de ses démons colberto-étatistes pourrait imposer au partenaire allemand une Europe des transferts de solidarité qui consoliderait et rénoverait, à l’échelle d’un continent, et avec une nouvelle efficacité, les promesses de solidarité de l’après-guerre.

Plus largement, le positionnement résolument proeuropéen de Macron, lors de sa campagne électorale, réaffirmé lors de son discours programmatique de la Sorbonne fin septembre 2017, est soutenu par une conviction forte. Selon lui, le problème central de nos sociétés ne réside pas dans une marge de manoeuvre des États réduite au profit de l’Union européenne, et l’UE joue au contraire un rôle décisif dans la résolution commune des défis majeurs dans les domaines politiques importants (migration, énergie, numérisation, etc.). Si l’Union dans son fonctionnement actuel n’est pas en mesure d’assurer ses missions, il faut en exiger une refonte profonde afin de la rendre plus efficace et plus transparente. Beaucoup partagent notamment le constat que, faute d’un budget suflsant et de mécanismes de solidarité financière inhérents à toute zone monétaire, la zone euro ne fonctionne pas correctement.

Ainsi, d’un côté, « la France se réinvente » et Emmanuel Macron applique son programme de réformes de façon rigoureuse. Mais, s’il veut ardemment sortir la France de la crise, il souhaite tout autant gagner la confiance de ses partenaires européens dans la capacité du pays à se réformer. « Et en même temps », il poursuit un agenda ambitieux pour l’Europe et la zone euro avec comme « but de guerre » celui de faire sauter le glacis allemand.

La période qui s’ouvre arbitrera entre deux programmes possibles pour l’Europe. D’une part, celui porté par Emmanuel Macron avec l’ambition de « réformes d’inspiration libérale au niveau national et en même temps l’amorce de transferts de solidarité au niveau européen ». D’autre part, celui porté par le gouvernement allemand et ses alliés nord-européens, scrupuleusement attachés à voir des réformes tangibles au niveau des États de la zone avant d’imaginer dans un second temps la mise en place de mécanismes de solidarité financière entre Européens… si tant est que cette solidarité soit encore nécessaire au sein d’un club devenu si vertueux…

Ces deux conceptions traduisent les contraintes politiques de chacun des deux partenaires. Le président français est un « destin » qui se nourrit de sa capacité à tenir en même temps deux promesses apparemment contradictoires. La chancelière allemande, elle, a décidé de jouer tout son crédit sur l’accueil d’un million de migrants, avec pour conséquences politiques l’arrivée d’une centaine de députés populistes, voir extrémistes au Bundestag. Elle n’est, de ce fait, plus guère en mesure de faire la pédagogie de la solidarité européenne à sa propre majorité politique, voire à la nation allemande. Or, il n’est pas du tout certain que les dirigeants allemands et leurs administrés puissent être convaincus qu’une bonne partie de leurs propres problèmes intérieurs trouveront leur solution dans l’Europe renouvelée d’Emmanuel Macron.

Une première version de cet article a été publiée par nos amis de Témoignage Chrétien

[author image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2011/09/henri-lastenouse.jpg » ]Henri Lastenouse, Secrétaire général de Sauvons l’Europe[/author]

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3 Commentaires

  1. Ne estas Macron, kiu gajnu konfidon el Eŭropo, sed ni, Francoj, tiun de Eŭropanoj.
    Ce n’est pas Macron qui doit gagner la confiance de l’Europe, mais nous, Français, celle des Européens.
    Nicht Macron……

  2. Le seul fait que Madame Merkel ait décidé d’accueillir plus d’un million de migrants sans en référer aux autres pays montre que l’Europe dysfonctionne; d’autant plus que beaucoup d’européens venant des pays les plus pauvres auraient été contents de migrer en Allemagne…mais le but non avoué de cette Europe actuelle est de déstabiliser les peuples européens. Tout cela va très mal finir, c’est juste une question de temps, 25 ans tout au plus.

  3. Le seul fait que Madame Merkel ait décidé d’accueillir plus d’un million de migrants sans en référer aux autres pays montre que l’Europe dysfonctionne; d’autant plus que beaucoup d’européens venant des pays les plus pauvres auraient été contents de migrer en Allemagne…mais le but non avoué de cette Europe actuelle est de déstabiliser les peuples européens. Tout cela va très mal finir, c’est juste une question de temps, 25 ans tout au plus.

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