Compensation carbone : se boucher les yeux devant le changement climatique ou passer par une solution européenne ?

Romain Blachier, adhérent de Sauvons l’Europe, s’interroge sur la compensation carbone qui peut sembler une solution séduisante, mais apporte-t-elle de véritables bénéfices climatiques ?

Dans le monde des affaires, la neutralité carbone est devenue une promesse séduisante. Les Accords de Paris, signés en 2015, ont introduit le concept de crédits carbone, qui permettent aux pays de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre en investissant dans des projets qui réduisent les émissions ailleurs.

Cependant, l’efficacité de ces crédits est maintenant remise en question.

Des entreprises européennes comme Gucci ou EasyJet ou américaines comme Netflix, et bien d’autres, essaient d’atteindre cet objectif grâce à des projets de compensation carbone. De plus, plusieurs régimes dont l’économie est basée sur la production et l’exportation d’énergies carbonées affichent pour objectif le zéro carbone en 2060 voire en 2050. C’est le cas des Émirats arabes unis, dont les émissions de CO2 par habitant sont cent fois celles du Liberia. .

 Le Liberia, justement, l’un des pays les plus pauvres de la planète, est sur le point de céder 10% de sa superficie à une entreprise émiratie nouvellement créée, Blue Carbon LLC, pour la production de crédits carbone. Cet accord, négocié dans le plus grand secret, soulève de profondes inquiétudes. Les droits des populations locales qui vivent dans les territoires ciblés par le projet pourraient être violés, et les bénéfices financiers pour le pays et les populations concernées semblent minimes. Les ONG locales et européennes sont extrêmement inquiètes de cette situation.

Pendant ce temps, une enquête menée par de grands titres de la presse européenne comme The Guardian, Die Zeit et l’association de journalistes d’investigation SourceMaterial révèle que la majorité des crédits carbone, censés compenser les émissions de gaz à effet de serre, ne correspondent à aucun bénéfice climatique réel. Seulement 5,5% de ces crédits étaient réels, le reste, soit près de 95%, sont des « crédits fantômes » qui s’échangent sur le marché sans correspondre à aucun bénéfice climatique.

L’expérience de l’entreprise Jadora en République démocratique du Congo (RDC) est un exemple frappant de l’échec de la compensation carbone. Malgré les promesses de protection de la forêt et de bénéfices pour la population locale, le projet a été abandonné, laissant derrière lui des questions et des doutes.

Alors que le monde se bat pour contenir la hausse des températures mondiales, il est crucial de répondre à ces questions. La compensation carbone peut sembler une solution séduisante, mais si elle n’apporte pas de véritables bénéfices climatiques, elle pourrait s’avérer être une promesse de catastrophe, un moyen de se boucher les yeux devant le réchauffement climatique. Face à cela, la régulation ne peut être uniquement nationale, ce serait inefficace mais est forcément de la responsabilité d’un front commun européen.

[author title= »Romain Blachier » ]Romain Blachier est adhérent de Sauvons l’Europe.[/author]

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8 Commentaires

  1. Tel qu’on lit l’article, on ne comprend pas en quoi le niveau de décision européen serait le plus approprié. Il me semble plus judicieux que la responsabilité soit située au niveau de chaque Etat car ceux-ci sont très habitués à fonctionner en autonomie. Sur cette base, il apparaitrait alors que le niveau européen soit celui du contrôle. Autrement dit, il faut que les Etats coopèrent entre eux ainsi qu’ils l’ont déjà brillament fait avec le programme Airbus, lequel n’est pas le résultat d’une politique européenne mais l’expression de la volonté partagée de plusieurs Etats désireux de coopérer.

    • Si les Etats ont des politiques différentes au niveau carbone, alors on est morts. Il y a plusieurs Etats mais une seule Europe et une seule planéte

  2. Bonjour.

    Utopie, utopie, utopie.

    La lutte contre le changement climatique est pour l’instant un leurre, que ce soit au niveau des Etats et de l’Europe (existe t’elle vraiment ?).

    Rien n’est posé correctement, planifié, pas de communication sérieuse, c’est un déni constant, navrant.

    La solution pour lutter contre le changement climatique est mondiale, l’Europe pourrait en être le fer de lance mais nos gouvernants actuels sont des lâches et des cupides, ils ont adoptés semble t’il la devise « Après nous le déluge », pensent ‘ils à leurs descendances ?

    • Bonjour Mylord, concernant nos gouvernants et leurs descendants je crois qu’ils font confiance à la capacité d’adaptation des espèces et à leurs propres capacités d’adaptation…Ce qui ne cesse de m’étonner de la part de personnes, me semblait-il, habituées à la complexité du monde actuel. Mais peut-être préfèrent-elles les simplifications ??? Car nos supposées capacités d’adaptation n’ont jamais été prouvées lors d’événements externes rapides et brutaux comme peuvent l’être ceux qui adviennent et qui s’annoncent. Concernant la compensation carbone je dirai que nos riches pays développés, qui exploitent les pays majoritairement du Sud, s’achètent une «bonne conscience» comme l’Espagne jadis envoyait «en même temps» (déjà !) des Jésuites avec les conquistadors pour évangéliser les Incas. Nous n’avons pas encore dépassé le stade du colonialisme, ou plutôt nous l’avons dépassé dans un mauvais sens, puisque aujourd’hui nous colonisons même la nature et l’espace. Quand on est lucide ou qu’on se souvient des fables de La Fontaine ou d’Esope, on ne peut que trouver effrayant cette capacité collective à ne rien retenir ni apprendre de nos erreurs passées, à vouloir outrepasser notre place dans l’Univers et cette volonté de destruction, même si celle-ci a déjà pu profiter à l’Occident. Je pense toujours que notre unique Paradis est sur la Terre et que malheureusement nous parviendrons à nous en chasser nous mêmes pour ne pas avoir su interpréter nos connaissances (notamment celles de l’arbre…duquel nous descendons ?) ni «relire/relier» l’ensemble de nos expériences passées.

  3. Et comme vous trois, je souscris complétement à ce que dit Rahlf. Nous les Occidentaux, avons trop longtemps usé et abusé du reste du monde, et cela continue hélas, il n’y a qu’à voir ce que deviennent nos déchets « recyclables » et nos plastiques, et nos vieilles fringues, qu’on expédie par containers en Afrique, en Asie, sans nous soucier du mal et de la destruction des milieux que l’on provoque ainsi. La sobriété dans nos consommations s’impose, il faut arrêter cette gabegie, réapprendre à vivre avec bcp moins, changer l’orientation de ce que nous considérons comme indispensable, et redéfinir intelligemment ce que nous référons comme existence enviable et génératrice de bonheur. Je recommande comme urgent d’écouter toutes les prises de parole de Jean-Marc Jancovici, qui a depuis un bon moment mis au clair ce que l’Europe devrait mettre en marche pour réellement aller dans le bon sens.
    Je continue à vouloir une Europe salutaire et novatrice, non pas pour aller sur Mars ou sur la Lune, mais pour s’occuper vraiment de ce qui va M as l sur cette planète.
    On a déjà commencé à bien polluer notre espace stratosphérique avec tous ces engins qui tournent, pour nos communications, mais là ça suffit !!! L’emprunte carbone est une réalité qu’on ne peut plus ignorer.
    Je pense que vous en serez d’accord…

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