A bientôt, 9 mai

● Une fois par an, nous sommes très fiers d’être Européens, avant de revenir aux agendas nationaux.
● Le projet européen ne progressera pas en brandissant les couleurs européennes ou en plaçant des drapeaux au fronton des mairies.
● Tant que nous ne serons pas prêts à donner plus de sens à l’Europe, nous donnons la parole à ceux qui prétendent qu’elle n’en a pas.

Le 9 mai est encore loin d’être un jour férié à l’échelle européenne – la plupart de ces États refuseraient d’accorder ce statut à un nouveau jour en mai – mais il ne manque pas de spectacle européen. Je ne parle pas de la demi-finale du concours de l’Eurovision le soir du 9 : tout au long de la journée, que ce soit sur les chaînes de télévision, à la radio, dans les journaux, nous assistons à un spectacle politique mettant l’Europe en scène. Des discours visionnaires sont prononcés au Parlement européen, des tribunes de gauche et de droite revendiquent le fédéralisme et les réseaux sociaux sont inondés du bleu de l’Europe (plus le bleu français malheureusement) et de nos selfies pris devant ou à l’intérieur du Parlement européen.

Où est l’Europe les 364 autres jours ?

Quelques jours plus tard, le feu d’artifice européen ne se fait plus entendre qu’à distance, chacun retournant à son agenda national. De nouvelles élections se préparent sur le continent. Comme cela a déjà été le cas en France, quand ça sera nécessaire, l’idée d’Europe fédérale passera du registre de l’engagement ferme à celui d’élément subsidiaire dont on peut se débarrasser. Nous l’avons vu lors des élections législatives françaises dans le programme d’EELV, et nous le verrons à nouveau lors des futures élections – pas en 2024 bien sûr, car presque tout le monde brandira des drapeaux européens et sera vraiment « engagé » en faveur d’une Europe fédérale.

Ces élections de 2024 seront de nouveau une compétition entre programmes européens, mais regardons comment les choses se passent en réalité : après les élections nationales allemandes de 2021, les Sociaux-démocrates, les Verts et les Libéraux ont formé une coalition (oui, c’est possible partout, sauf en France). La section du programme de coalition consacrée à l’avenir de l’Europe se lit comme une copie de la vision de Volt pour l’Union européenne : utiliser la Conférence sur l’avenir de l’Europe pour soutenir les réformes des traités. Établir une convention pour une Constitution européenne. Faire évoluer l’Allemagne vers un Etat fédéral européen, organisé de manière décentralisée et fondé sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Qu’il s’agisse de promouvoir le droit d’initiative légale pour le Parlement européen ou d’harmoniser les élections européennes, je ne peux pas demander beaucoup plus. Mais en regardant de l’autre côté de la frontière, je ne pourrais pas être plus déçu – tout comme une grande partie de l’opinion publique allemande qui, dans un récent sondage, a exprimé son mécontentement à l’égard d’un gouvernement allemand qui ne fait pas avancer le projet européen.

En France, nous sommes également très doués pour brandir les drapeaux européens, en plus du pavoisement sur les façades mairies, mais lorsqu’il s’agit de faire réellement avancer le projet européen, Emmanuel Macron et Olaf Scholz marchent main dans la main – pour une fois – sans avancer vraiment.

La souveraineté est une réalité limitée

Le problème est simple : la souveraineté est limitée. Et tous ceux qui prétendent que nous avons besoin d’une Europe plus souveraine ne disent que la moitié de l’histoire, car cela signifiera des États membres moins souverains.

Que sommes-nous prêts à concéder à l’Europe pour la rendre plus autonome et plus souveraine ? Une armée européenne ? Le Fonds européen de défense dispose d’un budget de 8 milliards d’euros pour la période 2021-2027. La seule France dépensera 413 milliards d’euros entre 2024 et 2030 et est loin d’être le pays ayant les dépenses militaires les plus élevées. La politique étrangère ? Est-ce Ursula von der Leyen qui s’est rendue en Chine avec le président Macron ou l’inverse ? Au moins, cette fois-ci, il y avait des chaises pour tout le monde. Un budget européen qui ne dépende pas des contributions et de l’influence des États membres ? Une solution européenne au problème de la migration ? Des majorités qualifiées ? La réalité est que nous avons une Union européenne économique qui manque d’une dimension démocratique et sociale pour devenir légitime. Plus nous attendons et tergiversons, plus l’importance géopolitique de l’Europe sera négligeable.

Ce ne sera jamais le bon moment pour réformer les traités, car nous n’aurons jamais 27 gouvernements pro-européens; même les gouvernements pro-européens ont du mal à joindre les actes à leur parole. Si nous voulons faire de l’Union européenne l’entité qu’elle devrait être aujourd’hui, les concessions sont inévitables. L’Europe a besoin de plus que les drapeaux du 9 mai et les déclarations sans lendemain. Elle a également besoin de beaucoup plus que d’annoncer l’adoption d’une loi sur l’harmonisation de l’organisation des élections européennes, en étant pleinement consciente qu’il faudra 26 autres pays pour que l’on puisse parler de listes véritablement transnationales. L’Europe a plus que jamais besoin de réformer ses traités.

Alors que 2024 s’approche, nous devrions donner nos voix et nos votes à ceux qui souhaitent agir, plutôt qu’à ceux qui se contentent de promettre et de brandir des étendards.

[author title= »Sven Franck » image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2023/05/hpYsdQjS_400x400.jpg »]Sven Franck est co-président de Volt France.[/author]

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8 Commentaires

  1. Merci et bravo pour cette prise de position, que je partage presque entièrement.
    « Lorsqu’il s’agit de faire réellement avancer le projet européen, Emmanuel Macron et Olaf Scholz marchent main dans la main – pour une fois – sans avancer vraiment » : ils se tiennent la main, peut-être, mais ne marchent pas. Comme Mitterrand et Kohl, ils contemplent le passé, ici le traité de 1963, qui a fait son temps ; ils ne peuvent plus revendiquer de gouverner l’Europe seuls, sans les 25 autres et surtout, surtout sans les citoyens européens.
    Réformer « les » traités ? Quels traités, entre qui et qui ? Des traités internationaux, inter-gouvernementaux, par-dessus la tête des citoyens. Ce n’est pas, ce n’est plus, peut-être depuis longtemps, hélas, avec des traités internationaux, même réformés, que l’on achèvera l’Europe démocratique. Pas plus qu’avec un « traité constitutionnel » remarquable oxymore qui n’avait choqué personne il y a bientôt vingt ans. Le temps est venu d’une constitution européenne, une vraie, élaborée par leurs représentants légitimes (les eurodéputés) avec les citoyens européens. Pour que les citoyens s’approprient l’Europe, pour qu’ils l’arrachent des mains des gouvernements nationaux, il faut les laisser se donner une constitution. C’est une condition inévitable pour que la démocratie vive au niveau européen. Les gouvernements nationaux, légitimes chez eux, ne le sont pas au niveau européen.
    Nous sommes déjà plus que quelques-uns à penser de la sorte. Travaillons-y ensemble, voulez-vous ?

  2. Exact M. Mennerat. J’ajouterai aussi que si l’analyse est bonne quel dirigeant en UE souhaite agir ??? Le problème est que dans ce périmètre aucun dirigeant national n’est porteur d’une vision soutenable et souhaitable pour un avenir partagé avec ses compatriotes, sans même parler d’un avenir européen…Et là aussi, la France et l’Allemagne marchent main dans la main : toutes les décisions annoncées sont des effets de manches, destinées à vernir des bilans de mandature. Toujours favorables au Marché mais la plupart du temps néfastes en termes de vie sociale voire du Vivant, ces décisions sont des trompes l’œil qui augmentent notre difficulté à nous projeter dans un avenir commun quand on comprend qu’elles ne seront pas forcément applicables…ni appliquées au futur.

  3. De Gaulle avait, à mon sens, raison de vouloir faire l’UE de l’Atlantique à l’Oural. De plus il s’était éloigné des USA en quittant l’OTAN (qui est dans les seuls mains des USA). La guerre en Ukraine est loin d’être fini, et celle ci continue à enrichir les Etats Unis, mais de cela on en parle pas. Alors quid de notre avenir? A mon sens ce conflit va continuer à s’étendre, on ne fait rien pour calmer les choses.
    Il ne faut pas oublier que lorsque GORBADCHEV à cassé le rideau de fer, il y avait une contrepartie, que les pays de l’ex URSS ne rentrent pas dans l’OTAN, tout en pouvant rentrer dans l’UE. Poutine, en refusant l’indépendance de l’Ukraine, avait vu ce qui s’était passé avec les pays Baltes. Et aujourd’hui d’autres pays de l’UE font la même démarche.
    Alors quid de notre avenir? A mon sens ce conflit va continuer à s’étendre, on ne fait rien pour calmer les choses. Notre avenir est loin d’être serein, et nous devons nous attendre au pire, avec des états islamistes qui feront tout pour aggraver la situation en mettant en marche des actions anti laïcs sur nos territoires européens, ravivant de la sorte les flammes religieuses de toutes sortes.

  4. Je suis globalement d’accord avec cette prise de position. Mais pourquoi le 9 mai qui ne correspond à rien ? Je me suis laissé dire que c’était pour ne pas déplaire aux Allemands ! Ceux-ci n’auraient-ils pas renié leur passé nazi ? Le 8 mai me semblerait beaucoup plus approprié pour commémorer la victoire sur l’extrême droite ! Et là, il y a du boulot en U.E., que ce soit en Pologne, en Hongrie, en Italie, en Suède, en Flandre belge (et bientôt en France ?).

  5. PUISQUE DANS CETTE EUROPE ON OUBLIE LES CYTOYENS DES PAYS MEMBRES je pense que chacun rentrera dans sa propre monaie et ses interet ..cessons de multiplier par 27 les problêmes l EUROPE C ‘EST LES PAYS FORTS ..LES AUTRES DOIVENT SUIVRE OU QUITTER

  6. Je ne sais par qui vous vous êtes laissé dire cela, mais certainement par une personne qui ignorait que la toute première pierre d’une Europe pacifique, souveraine et un tout petit peu démocratique (à peine) fut posée le 9 mai 1950 par Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement français de l’époque. Pour le reste, cherchez et trouvez vous-même.
    Il serait souhaitable d’abolir le jour férié du 8 mai dont il est difficile de dire ce qu’il commémore. Vous dîtes la victoire sur le nazisme, ce fut auparavant la victoire sur l’Allemagne, tout simplement. Nous voyons aujourd’hui que la victoire sur le nazisme n’est pas acquise, et l’Allemagne est pacifique, voire pacifiste. Il a, en outre, l’inconvénient de tomber un même jour de la semaine que le 1er mai. Il vaudrait mieux rendre férié le 9 mai, et positiver en célébrant l’espérance persistante en un meilleur avenir pour l’Europe et ses citoyens. Cela aurait en outre l’avantage de lever toute ambiguïté à l’usage de certains pays, en manifestant que cette date est la célébration de l’avenir de l’Europe plutôt que celle de la victoire sur le nazisme de la seule URSS, qui fut, en réalité, et au-delà de ses millions de morts, grandement aidée par les Américains, elle aussi.

    • Cher François, je partage entièrement votre commentaire. D’une part, oser prétendre que le 9 mai (1950) ne correspond à rien est un pied de nez à l’Histoire de l’Europe ! Geste significatif, le fait que l’Ukraine ait récemment décidé de se rallier pour son propre compte à cette date consacrée comme « Journée de l’Europe » montre, au contraire, que le symbole qu’elle porte n’en est que plus éloquent pour un pays confronté aux dérives (le mot est faible) de l’ « envahisseur ». D’autre part, la commémoration du 8 mai mérite effectivement d’être débattue. Si elle reste d’actualité en France – pour autant que, comme le 11 novembre, elle revête encore une signification pour les jeunes générations – elle ne donne plus lieu, par exemple, à un jour férié en Belgique. Puis-je simplement ajouter que j’ai gardé de mes souvenirs d’écolier que le 8 mai fut également le jour où Jeanne d’Arc – déjà symbole d’un esprit de « résistance » – « bouta l’Anglois » hors de la bonne ville d’Orléans ?

  7. Bonjour.

    J’adhère bien sûr à la plupart des commentaires et à l’article, nos gouvernants actuels, nationaux et européens, sont des pantins, des cupides, des menteurs, de très grands hypocrites.

    Nous savons tous que la finalisation de la construction européenne est primordiale, eux font semblant mais ils n’en veulent pas, leurs prérogatives disparaitraient, ils torpillent le destin des générations futures.

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