Allo l’Europe, ici Hambourg !

L’occasion était si belle pour Olaf Scholz de profiter de son discours devant les députés européens, le 9 mai au sein de l’Hémicycle strasbourgeois, pour enfin se faire « une place au soleil » du projet européen. Voir, reprendre à un Emmanuel Macron, quelque peu démonétisé au sortir du « hold up » des retraites, un peu de leadership dans l’agenda Européen. D’ailleurs, Olaf n’a pas lésiné sur la forme, mêlant citations de Robert Schuman à Willy Brandt, s’aventurant même sur le terrain littéraire avec Paul Valéry et Oscar Wilde : « L’avenir appartient à ceux qui reconnaissent les possibilités avant qu’elles deviennent évidentes ».

Formé et élu à Hambourg, le port de l’Allemagne sur le Monde, le chancelier fait sienne l’idée d’une « Europe géopolitique » à l’aune de son héritage hanséatique, naviguant vers une ambition « d’être au monde » où il est moins question d’autonomie stratégique que d’efficacité concrète notamment logistiques et économiques.

Dans la droite ligne du discours de Prague en septembre 2022, et de la Sorbonne lors des commémorations des 60 ans du traité de l’Élysée, le monde vu par Olaf,  n’est ni « bi- » ni « tripolaire » mais bien multipolaire, d’où une diversification nécessaire des alliances et accords : « il est plus que raisonnable de conclure de nouveaux accords de libre-échange : avec le Mercosur, le Mexique, l’Inde, l’Indonésie, l’Australie, le Kenya et en perspective avec bien d’autres pays, des accords équitables, qui encouragent le développement économique de nos partenaires plutôt que de le freiner ! »…

Bref, des bord de l’Elbe aux rives de la Seine, le voyage risque d’être long pour s’arrimer à la  souveraine barge élyséenne, analyse le Frankfurter Allgemeine Zeitung : « Olaf Scholz a expressément contesté la perspective d’un monde bipolaire ou tripolaire… Ce dernier est la conception de Macron pour un nouveau concert des puissances, global cette fois-ci… Au lieu de quoi, le chancelier allemand a plaidé en faveur d’une Europe qui ne cherche pas sa place au-dessus ou au-dessous d’autres pays, mais cherche à nouer des partenariats ‘entre pairs’ avec d’autres Etats, notamment en Asie, Amérique du Sud et Afrique, tout en continuant à considérer évidemment les Etats-Unis comme son ‘principal allié’. …

Reste l’engagement fort du chancelier allemand pour le passage au vote à la majorité qualifiée en politique étrangère et de sécurité commune, avec son club officiel : les « amis du Vote à la majorité qualifiée ». A ce stade, le « groupe des amis » rassemble l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie. Un groupe qui se veut « inclusif », ouvert donc à de futurs adhérents pour devenir majoritaire au sein du Conseil européen.

Et pourtant, loin des flots de la Baltique, au cœur de la forêt noire, le Badische Zeitung n’a pas manqué d’avertir ses 400 000 lecteurs : « Comment avancer dans le domaine d’une défense et d’un armement communs pour mettre plus de poids dans la balance, dans un partenariat équitable ? Comment réorganiser enfin le chaos des demandes d’asile pour éviter que ce litige continue à paralyser l’avenir de l’Europe ? Quant à la politique extérieure : comment passer du principe de l’unanimité à celui de majorité qualifiée ? Le chancelier a abordé ces carences sans proposer de solution. Cette contribution allemande à la perspective européenne est loin d’être suffisante.»

Avec le concours de Euro Topics / La revue de presse européenne
Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

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4 Commentaires

  1. l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie.cela fait 9, assez pour une coopération renforcée… mais sans la Pologne, ce sera dur

  2. Et la majorité qualifiée pour un régime commun fiscal et social ? Le sujet n’est même pas abordé. Au contraire, élargissons, élargissons malgré les disparités nationales qui font un marché capitaliste heureux. Lees dumpings social et fiscal ont encore de beaux jours devant eux…

    • Je ne sais si votre remarque concernant l’absence de majorité qualifiée pour un régime commun fiscal et social vise l »article d’Henri Lastenouse ou les propos du chancelier Scholz. En effet, selon mes sources, dans son discours du 9 mai, ce dernier a bien réitéré la position allemande en faveur de décisions prises à la majorité qualifiée au moins dans les affaires étrangères et la fiscalité.

      Cela étant précisé, je partage amplement votre allusion à un élargissement inconsidéré… qui fut la grave erreur politique commise en 2004 avec une ouverture prématurée à des pays d’Europe centrale et orientale insuffisamment préparés à rejoindre l’UE. Aujourd’hui, nous en payons le prix avec la Pologne et la Hongrie.

  3. Bonjour.

    La position de l’Allemagne est claire, c’est continuer d’imposer sa domination économique, exporter le plus possible, pour cela passer de nouveaux accords et continuer l’élargissement pour se trouver de nouveaux marchés ou de la main d’œuvre à bas coût.

    Sa balance commerciale continuera d’être positive, elle continuera grâce à sa puissance économique à maintenir son leadership sur l’Europe telle qu’il est actuellement.

    Pour moi, le discours d’Olaf Scholz nous montre clairement la vision européenne qu’on les Allemands, centré uniquement sur leurs propres intérêts au détriment de l’idéal européen.

    Ne nous trompons pas, si l’Allemagne a cette vision, c’est de notre faute, nous sommes incapable d’évoluer pour jouer à jeu égal avec elle.

    L’intégration d’autres nations seraient une catastrophe pour la construction européenne,
    la Pologne et la Hongrie en sont l’exemple comme le souligne Monsieur VERNIER, une opportunité pour elle.

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