Migrants, l’Europe préfère-t-elle dîner avec le diable ?

Parmi les formules chocs du pape François, lors de son périple marseillais, il y a notamment : « L’indifférence ensanglante la Méditerranée. Nous sommes à un carrefour de civilisations. Que chacun fasse le choix entre la culture de l’humanité et celle de l’indifférence ». Une interpellation qui interpelle naturellement l’Union européenne, mais qui ne relève peut être pas uniquement de la dialectique entre l’Ethique et la politique…

Revenons au début de l’été

En Juillet dernier, l’accord conclu par Ursula von der Leyen et Giorgia Meloni avec le président tunisien, nous fut présenté comme un nouveau modèle à suivre dans la politique de l’Europe visant à empêcher l’entrée de nouveaux migrants sur son sol.

La clé de l’accord avec la Tunisie était la promesse européenne de financer la lutte contre l’immigration illégale, en versant directement quelque 105 millions d’euros à la Tunisie, et en promettant 150 millions d’euros supplémentaires en soutien budgétaire.

Deux mois plus tard, le gouvernement tunisien s’est plaint de ce que l’argent n’était pas encore arrivé… Dans le même temps, d’aucuns soupçonnent le président tunisien de déplacer les migrants de la ville de Sfax vers les zones côtières, afin de faciliter leur départ vers l’île italienne de Lampedusa, située à moins de 150 kilomètres.  Sans surprise, la Tunisie a bien compris comment jouer avec l’Europe. Il s’agit de la politique déjà été appliquée avec succès par le Maroc et la Turquie.

Ainsi, il y a fort à parier que les derniers événements de Lampedusa ne soient pas uniquement le fait d’une météo favorable au large des côtes tunisiennes… Au-delà d’une mer d’huile, propice à prendre la mer, se profile sans une démarche assumée qui encourage la migration vers l’Europe afin de faire payer les Européens, ou tout au moins leur rappeler leurs engagements.

Au fond, est-il exagéré de considérer qu’avant même d’accueillir le pape à Marseille, l’Europe, au travers de ses accords avec la Turquie, et la Tunisie, dînait déjà avec le diable ?

Peut-on imaginer que le débat des européennes ose se détourner du sujet ?

Tant que les gouvernements européens se sentiront coincés entre perdre le pouvoir face à leur extrême-droite et conclure des accords sordides avec des autocrates qui ne le sont pas moins, qui monnaient au-plus haut leur assistante tarifée pour dissuader les migrants de mettre leur barque à la mer vers l’Europe, l’immigration restera non seulement un naufrage éthique, mais également ici-bas le talon d’Achille politique de l’Europe dans le monde.

Peut-on imaginer que le débat des européennes ose se détourner du sujet ? Que chacun fasse ses choix… bien au-delà de l’interpellation du pape François.

Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

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11 Commentaires

  1. Parfaitement, que chacun fasse ses choix…
    Nonobstant cela, la culture de l’humanité se perd effectivement pour l’élite politique et sa base, sapée par le culte ambiant du consumérisme et faire miroiter des millions d’euros à de sordides autocrates ressemble à une farce de…pigeon (européen bien sûr !) ou au mieux à des tractations entre marchands de tapis.

  2. Chacun est dans son rôle. Il est normal que le pape tienne sa position et on pourrait s’étonner qu’il ne le fasse pas. Il est normal que la Commission cherche à réguler les flux de migrants. Il est souhaitable que les orientations de la commission ET des Etats membres soient guidées par les exhortations de fraternité du pape, qui ne fait que relayer l’inspiration née des sources spirituelles de l’Europe, et que les décisions prises puissent concilier volonté d’accueil, capacités d’accueil et souci d’un développement local réduisant l’exil..

  3. Pourquoi ce point d’interrogation dans le titre, c’est bien à une vaste tartufferie ignoble à laquelle on assiste sous la pression de pays comme la Hongrie, la Pologne, l’Italie et de bien d’autres encore, là où l’extrême droite est tapie pour prendre le pouvoir. Quant à Macron, il préfère ânonner la phrase la plus stupide que Michel Rocard (dans sa période blairiste) ait prononcé. En effet, la misère du monde, elle se réfugie, en sa grande majorité, dans les pays limitrophes aux Etats où règnent faim, torture, guerre sanglante, dictature et, bien souvent, le tout à la fois. J’espère que lors des prochaines élections des partis auront le courage de défendre un accueil humain des populations qui arrivent dans nos contrées au péril de leur vie. J’espère aussi que SLE les défendra, en quittant la posture macronophile qu’elle a adoptée lors des précédents scrutins.

  4. Comment expliquer que l’Europe préfère dîner avec le diable ? Comment expliquer que l’immigration restera non seulement un naufrage éthique, mais également ici-bas le talon d’Achille politique de l’Europe dans le monde ? À la place qui est faite à la beauté et à l’ordre et à la façon de concevoir l’une et l’autre ? « ¡Mueran los intelectuales ! » ou, selon les versions, « ¡Muera la inteligencia ! » (l’ordre), ainsi que « ¡Viva la muerte ! » (la beauté) ?

  5. Bonjour.

    On ne peut que souscrire à l’article et à vos divers commentaire.

    Encore une fois, on ne peut que constater la désunion de nombreux pays concernant l’immigration, comment rester de marbre quand on constate les multiples noyades en méditerranée, les morts de soif dans les déserts africains.

    Oui, en ne construisant pas une nation européenne, nos politiques sont responsables et complices, j’ai déjà dénoncé dans mes multiples commentaires cette situation et bien d’autres.

    Des journalistes, des experts, des politiques qui ne sont pas forcément d’extrême droite osent parler en notre nom, ils suggèrent que nous ne serions pas d’accord pour finaliser cette nation européenne fraternelle avec tous ses attributs, de quels droits font-ils cela ?

    La vérité est qu’ils nous manipulent, font preuves d’une très grande cupidité, s’enrichissent sur notre dos et sur celui de ces pauvres migrants, quelle honte ?

    Ils passent des accords avec versement de fonds avec des Etats voyous, des Etats ou la corruption est un érigé en mode de gouvernance, avec des Etats ou la vie n’a aucune valeur ?

    La vérité, est qu’il nous faut tous prendre conscience que nous devons changer ce modèle de société actuel, il nous amènera vers le gouffre, c’est inéluctable.

  6. Je suis tout à fait d’accord qu’il faut impérativement changer de politique en matière de migration et prendre pleinement conscience de notre responsabilité envers les autres humains, d’où qu’ils viennent. D’autant plus que nous continuons à profiter de leur pauvreté pour leur acheter le moins cher possible le cacao, le café, les bananes, les avocats… sans parler de l’exploitation minière pour nos téléphones mobiles et autres appareils dont personne ne veut plus se passer. Et puis, c’est facile de critiquer les pays de transit des migrants comme la Turquie, mais il faut quand-même souligner le fait que ces pays ont accueilli un nombre important de migrants dans les dernières décennies, alors que les pays européens se plaignent déjà d’un taux beaucoup moins important de migrants. Alors encore une fois, beaucoup d’hypocrisie des différents côtés…

    • Bonjour Madame ABO-MOSTAFA.

      Les pays occidentaux ont une très grande responsabilité dans la crise migratoire actuelle, on ne peut pas non plus ignorer le rôle de certains pays qui utilise ces flux migratoires comme une arme, ceux qui détournent les fonds pour eux même, ceux qui ont un régime plus ou moins dictatorial, etc, etc…..

      Oui, vous avez raison, il y a une exploitation des plus pauvres par les plus riches, c’est pourquoi dans mon commentaire je parle d’un changement de modèle de société.

  7. Comment sortir en effet du dilemme si bien souligné par Henri Lastenouse, sans pour autant rester dans des généralités? Une autre phrase du Pape François pourrait servir de guide à cette recherche patiente d’une autre stratégie migratoire pour l’Europe  » Le phénomène migratoire n’est pas une crise momentanée alimentant les propagandes alarmistes , mais un fait de notre temps , un processus où trois continents sont engagés, et qui doit être géré avec une sage prévoyance, avec des responsables européens capables de faire face aux défis objectifs. » C’est en effet un bon guide pour répondre aux inquiétudes légitimes des Européens et prendre en compte les besoins des Etats du Sud . Cela suppose aussi coopération avec ces Etats comme avec les diasporas .

  8. Rien à dire sur l’approche des questions migratoires dont la dimension européenne est évidente. Mais article et titre très choquant du point de vue de la laïcité. Ce n’est pas le pape ni un imam qui doivent fixer les orientations ou les priorités des politiques publiques. C’est une brèche inacceptable dans le principe de laïcité dans laquelle les extrémistes de droite ne manqueront pas de s’engouffrer; Non Jérôme Vignon, je ne partage pas cette approche  » Une autre phrase du Pape François pourrait servir de guide à cette recherche patiente d’une autre stratégie migratoire pour l’Europe »; La stratégie migratoire publique ne se définit pas à partir de ce que dit le Pape ! « Sauvons l’Europe » doit se ressaisir !

    • Vous semblez faire preuve d’une conception bien rigide, sinon passéiste, de la laïcité… et ignorer notamment les écrits du pape François au sujet de ce concept qui, d’une certaine façon, nourrit son combat contre un cléricalisme qu’il estime dévoyer la mission de l’Eglise.

      Rappelons en outre qu’il s’est déclaré séduit par la devise « liberté, égalité, fraternité », tout en appelant à donner davantage de lumière à l’idée de « fraternité »… une notion au coeur de son encyclique « Fratelli tutti », toute en cohérence avec son autre combat, celui, illustré dès l’aube de son pontificat, en faveur des migrants.

      Quant à l’emploi du terme « fixer » (les politiques publiques) que vous croyez déceler dans les propos de Jérôme Vignon, il me semble qu’il s’agit là d’une interprétation quelque peu excessive… dans la mesure où non seulement ce terme ne figure pas dans le commentaire, mais encore, comme le souligne son auteur, il s’agit de « guider » la réflexion de l’Europe – et même au-delà de notre continent- sur un terrain particulièrement sensible. Un peu comme l’étoile orientant les Mages en route pour Bethléem ?

      La sagesse consisterait donc à voir avant tout dans le discours de François l’expression d’une autorité morale indépendamment de toute croyance. Evoquant une autorité morale, je crois devoir aussi mentionner que le Dalaï Lama – lui-même pourtant victime de l’exil – a tenu des propos moins « ouverts » en regard de la tragédie de la migration.

      Bref, est-ce seulement à « Sauvons l’Europe » de se ressaisir ?

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