Mercosur : les bonnes intentions ne suffisent plus !

La libération des échanges a été la plus grande source de lutte contre la pauvreté dans le monde, et des pays comme le Bangladesh, hier connu pour sa misère, ont, à partir de l’industrie textile, acquis un niveau de développement moyen.

Dans le même temps, nous ne sommes pas naïfs sur certaines pratiques des multinationales européennes à l’étranger, en particulier d’optimisation fiscale, de moins-disant social et d’exploitation environnementale. Pour balayer devant notre propre porte, les lois françaises sur la taxation des activités numériques ou sur la responsabilité des multinationales sur leurs sous-traitants sont une première démarche qui mériterait d’être approfondie et étendue au niveau européen.

Les accords de commerce nouvelle génération vont au-delà des baisses douanières, pour harmoniser les normes sur les produits et services qu’on s’échange. Logiquement, ceci oblige à ne commercer qu’avec des pays ayant un niveau de normes sociales, environnementales et sanitaires très élevées ou à réintroduire toutes les normes européennes dans le traité, sauf à abandonner notre niveau de protection européen. Aussi, Sauvons l’Europe appelle à l’intégration des conditions sociales et environnementales (conformément à la Déclaration de Namur) dans les futurs traités commerciaux qui est pour nous une condition évidente de leur signature. L’Europe n’est réellement une puissance internationale qu’en matière commerciale, mais dans ce domaine elle est la superpuissance mondiale. Mettons cette force à profit !

On voit que le traité CETA avec le Canada, pourtant aussi proche que possible de nos valeurs et de nos normes, a une adoption particulièrement chaotique du fait des craintes qu’il soulève. Un protocole a été annexé qui n’écarte pas toutes les interrogations. Le traité Mercosur, avec le pendant sud-américain de l’Union européenne, soulève ces questions frontalement, compte tenu du niveau de développement social, environnemental et sanitaire des pays concernés. Or ce projet de traité est le premier à contenir des normes sociales et environnementales. Qu’en est-il ?

En matière commerciale, l’accord prévoit un mécanisme d’arbitrage, en d’autres termes un tribunal, dont la décision s’impose aux Etats signataires du traité, avec éventuellement des mesures coercitives. En matière de développement durable, l’approche est différente. Les gouvernements se consultent d’abord, puis éventuellement font appel à un panel d’experts qui proposent des recommandations publiques.

Ainsi, on observe une dichotomie. Sur les sujets commerciaux, l’arbitrage d’experts doit conduire à la mise en place des mesures correctrices (« must bring »), avec possibilité de mettre en place des mesures coercitives par les Etats pénalisés. Sur les sujets sociaux et environnementaux, il s’agit de recommandations publiques, qui peuvent être suivies (« they can be followed »), et non d’une obligation.

Ce constat ne doit pas empêcher d’avoir un regard plus favorable sur ce projet d’accord, par rapport aux traités précédents. Une condamnation diplomatique par un panel d’experts reste bien plus positive que le contenu du CETA et les autres accords de libre-échange, et même que l’accord de Paris dont il faut rappeler qu’il n’apporte aucune obligation aux Etats signataires. Pour ne prendre qu’un exemple, l’impact d’une condamnation de l’ouverture d’une mine à la Montagne d’Or en Guyane française par « an independent panel of experts » aurait évidemment eu une résonance politique et médiatique en France.

Mais l’insuffisance de ces stipulations apparaît clairement avec la destruction de la forêt amazonienne par le gouvernement brésilien. Elle a été jugée suffisamment inacceptable pour que la France bloque l’entrée en vigueur du traité. Ceci signifie-t-il que de tels actes devraient pouvoir conduire à des sanctions, voire une suspension de l’application si celui-ci avait déjà été ratifié ? Sauvons l’Europe propose donc trois améliorations :

  • Reconnaître aux citoyens le droit de saisir le panel, et non plus seulement aux Etats.
  • Permettre la mise en place de mesures de rétorsion douanières ou de réduction de quotas si les recommandations du panel ne sont pas suivies. Le niveau maximum des mesures de rétorsion possible serait défini par le panel d’experts.
  • Une condition sur les rétorsions douanières pourrait être ajoutée : le produit des droits douaniers concernés devrait aller à un fonds finançant des actions environnementales et sociales sur le territoire concerné, ou dans les territoires couverts par l’accord  ayant un niveau de revenu plus réduit que la moyenne.

Ces améliorations permettraient d’envisager sereinement la signature d’un accord : l’échange économique, adossé à des conditions environnementales et sociales fortes et exigeantes, reste facteur de paix et progrès. Le protectionnisme et la fermeture des frontières doivent être réservés à des Etats à mettre au ban de la communauté internationale.

La politique de Bolsonaro ne peut être un argument définitif pour ne pas signer le traité, car ce dernier ne concerne pas uniquement le Brésil même si ce dernier constitue aujourd’hui l’essentiel du Mercosur. Il s’agit en revanche d’une invitation claire à consolider la mise en œuvre des conditions sociales et environnementales présentes dans ce traité, par des mécanismes impératifs, comme ceux que nous proposons. Et qui le jour venu pourraient conduire à des sanctions, voire une suspension du Brésil tandis que la situation actuelle n’offre guère de moyens de pression.

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9 Commentaires

  1. L’idée générale est cohérente, mais le voile trompeur mis sur la différence entre la décision d’une cour de justice et un arbitrage en cas de conflit d’intérêt doit être reçu comme une alerte rouge. En la matière, la France sait …

    • Tout à fait d’accord avec vous. De plus on sait que ces « machins » sois-disant régulateurs sont à la merci des lobbys. Sachant que plus de 50 agriculteurs se suicident annuellement en France à cause des politiques aveugles agricoles, et que beaucoup gagnent 250 à 350€/mois avec des endettements colossaux qui donnent de facto leurs terres aux banquiers, il est plutôt temps d’aider notre agriculture plutôt que celle voulue par la finance internationale. Plus je lis les textes de Sauvons l’Europe, plus j’ai l’impression
      que ce sont des écrits de fonctionnaires théoriciens en chambre, jamais confrontés aux vraies luttes de la vie.

        • A Benoît B: je vous rejoins tout à fait en ce qui concerne la fin du commentaire signé Balland.

          Contribuant souvent à des articles ou des commentaires sur le présent site, il m’est difficile d’oublier les années que j’ai vécues dans une cité HLM ni de passer sous silence les contacts que j’entretiens aujourd’hui avec les dures réalités d’un terroir situé dans les Hauts de France. Si je dois passer pour un théoricien en chambre, que dire alors des caprices de diva de ceux qui relaient davantage des préjugés que des réflexions fondées sur l’observation directe des faits ?

  2. A quoi bon tous ces traités soi-disant contraignants! Quand on voit comme je l’ai vu hier soir sur Fr.2, comment, en France, on contrôle l’impact des installations industrielles autour de l’étang de Berre (Marseille) p.ex., avec des employés techniciens chargés de faire des mesures, pour montrer l’impact evironnemental des activités des ces entreprises sur la santé humaineet la nature, parlant le visage caché parce que sous chantage de leur patron, raconter comment les contrôles sont programmés 24 h à l’avance, et reconnaître que oui, les nombres fournis sont bidouillés… on comprend vite que les gros trusts, et les grands patrons se moquent éperdument de la santé humaine, ici comme à l’autre bout du monde, et que tous ces « grands machins » comme disait De Gaulle ne servent pas à grand chose, et je commence à penser que mes espoirs (qui furent si grands) sur l’Europe, la politique et et toutes ces belles associations ne sont vraiment que cela… des illusions. Pardon si je fais baisser les bras á ceux qui me liront.
    Danielle Foucaut Dinis

    • Je vous suis totalement. A quoi bon tous ces traités ?
      L’Europe «pourrait» être une superpuissance commerciale, avec près de 500 millions d’habitants, et se suffire à elle-même. Mais elle ne l’est pas.
      L’Europe n’est, hélas, qu’un «nain» sous haute pression des lobbyistes de tous poils qui profitent de nos divisions et du manque de vision commune.
      L’Europe n’a jamais été en mesure d’imposer quoi que ce soit, à personne.
      Sa crédibilité est faible et son pouvoir est quasi nul.
      On n’arrête pas de nous répéter chaque jour qu’il faut «privilégier» le local «pour une gestion responsable, durable, pour la santé, pour la sauvegarde de notre planète,…etc, etc».
      Et l’on n’arrête pas de signer des traités avec les autres bouts du monde, sans garanties, sans concessions, sans nécessité aucune.
      Pendant ce temps nous asphyxions nos agriculteurs, nous abandonnons nos entreprises et notre savoir-faire. Nous ne sommes bientôt plus capable de recoudre un bouton de chemise…
      Qui s’en soucie ?
      J’ai déjà eu l’occasion de dire ici, dans un autre commentaire, tous les grands espoirs que j’avais placés en l’Europe. Vous avez raison : que de désillusions !
      Et tant pis si je fais baisser les bras à ceux qui me liront…

    • Eh oui, lucidité rime souvent avec découragement, abandonner ses rêves, ses illusions et voir la réalité en face est source d’inconfort, d’inquiétude, d’incertitude.

      Lorsqu’on me parle de « normes environnementales » en même temps que de « traités de libre-échange », qui s’apparentent plutôt, comme je l’ai dit en d’autres occasions, à des escroqueries internationales en bande organisée, on révèle l’hypocrisie, la tartuferie de la proposition.

      Alors qu’on ne trouve plus dans les bacs des grandes surfaces, en matière de fruits et légumes, qu’une pléthore de produits venus, à grands coups d’avions ou de porte conteneurs, d’Espagne, d’Égypte, de Nouvelle Zélande, du Pérou, d’Afrique du Sud, la grande majorité de la population française réclame des produits français, locaux et bio, et de rémunérer convenablement nos agriculteurs, pendant que ceux-ci se suicident ou acceptent de travailler l’œil rivé aux cours mondiaux des denrées ou inquiets des prix que leur imposent les multinationales de l’agro-business, voilà qu’on se félicite d’accroître encore les volumes des importations/exportations…

      Nous avons perdu la place de première agriculture de l’Europe, perdu les bonnes pratiques respectueuses de l’environnement, des bêtes, des consommateurs, perdu notre autosuffisance, pour s’imposer, conformément aux traités avec « l’union », une agriculture intensive, industrielle, chimique dont la « productivité » doit s’accroître indéfiniment et qui place la chimère des exportations comme le Saint Graal à atteindre.

      Et dans ce carcan, nous voilà à parler de « bonnes pratiques », de « normes », de « développement durable », tout en laissant libre cours au mercantilisme mondial et à la recherche frénétique de profits.

      Ne pas y voir toutes ces contradictions relève de l’aveuglement.

  3. marre des discours de bonnes intentions des actes = si ces pays seFOUTENT DE L’AVENIR DE LA PLANETTE POUR LEURS INTERETS FINANCIER ..boycott ..LES ISOLER ET IMPOSER une agriculture comme une productions legumes plus saines

    SI LES POLITIQUES S’EN CONTRE FOUTENT = ALORS SEULS LES CITOYENS EN CONSOMMANT LOCAL EN REFUSANT LA NOURRITURE DITES ELABOREE PAR LES INDUSTRIES DE TRANSFORMATION(BOY COTT DE TOUT SA)
    ALORS Là SA CHANGERA
    MOI J’Y SUIS POUR

  4. Pour s’ouvrir à la concurrence mondiale il faut être fort et défendre ses intérêts comme la chine ou les USA, L’UE est une vraie passoire et n’impose pas ses exigences, son refus des OGM que l’on refuse en France par ex, des pesticides…On parle d’UE, d’union européenne alors qu’il n’y a aucune union entre les pays d’Europe,On ferait mieux de parler d’FE, de foire européenne où chaque état ne défend que ses intérêts,A quand les EUE, états unis d’Europe, plus démocratique (tout le pouvoir aux élus du peuple et non à des technocrates grassement payés par nos impôts, la fin du droit de veto qui bloque tout changement…) sociale et écologique) Un président européen qui parle au nom de toute l’Europe, une diplomatie européenne, une armée et surtout une stratégie économique à 20 ans comme la chine. L’UE n’est pas créatrice mais réactive à court terme. Pour sauver l’Europe il faut la transformer sinon comme les dinosaures elle disparaîtra par éclatement, pourrissement et par la montée des populismes, des nationalismes!

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