La semaine dernière, le gouvernement Israélien a acté que ses buts de guerre étaient la conquête de Gaza dans la perspective d’un départ de sa population palestinienne. Il s’agit d’un tournant fondamental dans cet affrontement sanglant. La guerre ne vise plus à la libération des otages, à la destruction du Hamas ou la simple réduction des capacités du Hamas. Elle vise à conquérir le territoire d’un autre peuple.
L’Europe est paralysée par ce conflit qui réveille ses culpabilités les plus profondes, au point de ne pas pouvoir s’approcher du consensus nécessaire pour agir. Le Parlement européen a même refusé sous prétexte d’encombrement de la session de porter la question de la nouvelle politique israélienne à son ordre du jour pour ne pas avoir à en débattre. A l’exception de quelques mots bien faibles, la crise de Gaza, de fait, a été le domaine des diplomaties nationales. Certaines pro-Israéliennes, presque par obligation historique. Et d’autres propalestiniennes.
Sauvons l’Europe a eu une ligne claire dès le début en refusant tout manichéisme : Frappé par une attaque effroyable du Hamas, Israël avait bien entendu le droit de se protéger, de riposter et de porter des coups au Hamas. Mais ceci n’était pas un viatique pour s’en prendre aux populations civiles, qui devaient au contraire être protégées ; nous appelions en particulier à sacraliser les programmes d’aides européens. Plus d’un an après, on ne peut que constater le désastre. Au moins cinquante mille morts, dont une part extrêmement importante de civils pour un conflit de ce type. Une ville rasée. Des coupures de l’accès à l’eau et à l’alimentation qui se traduisent aujourd’hui par tous les signes d’une famine. Un chef de gouvernement Israélien recherché pour crime contre l’humanité.
Et à présent une visée d’appropriation de ces terres. Avec un peuple invité à partir – et vers où ? – de son propre mouvement tout d’abord pour quitter les ruines, sous la pression montante pour fuir la mort sinon. Les Européens doivent surmonter leur paralysie collective et mettre en œuvre les moyens dont ils disposent pour s’opposer à cette perspective.
Nous savons ce qu’il en est. A force de directives sur les colorants alimentaires et l’harmonisation des droits des passagers dans les transports par bus, on en vient à oublier que l’Europe est dans ses moelles un projet de paix. Pas la construction de relations économiques sur la base d’une bonne entente préalable mais la volonté farouche de mettre fin aux guerres entre des peuples qui se haïssaient. Après que les nazis ont été vaincus sur le champ de bataille, nous avons mis en commun le charbon et l’acier pour museler l’industrie militaire. Nous avons appris dans nos écoles les langues des autres, jumelé nos communes, échangé nos visites. Et petit à petit, nous avons éteint les haines. L’idée même de prendre les armes les uns contre les autres nous semble aujourd’hui risible.
Il est vain d’imaginer que Palestiniens et Israéliens se tombent demain dans les bras spontanément. C’est le travail de plusieurs générations pour inventer une paix entre eux. Et la première marche est de reconnaître le territoire de l’autre, de s’accorder sur des frontières. Aujourd’hui encore, c’est une condition fondamentale pour adhérer à l’Union européenne. Israël et la Palestine ne connaîtront pas de paix tant que le nœud territorial ne sera pas délié et la colonisation lente de la Cisjordanie interdit de prendre comptant les arguments sécuritaires à Gaza.
L’Europe doit porter cette exigence simple que les guerres de conquête ne sont pas acceptables et que les populations civiles doivent être protégées. Ce n’est ni se ranger aux côté du Hamas, ni trahir ou nier les victimes du 7 octobre.
Nous avons des moyens d’agir, et les mobilisons d’ailleurs à l’occasion puisque le Parlement européen, dans le cadre de la décharge sur le budget, a exigé de conditionner les aides à la reconstruction à un amendement réel du contenu des manuels scolaires palestiniens (qui appellent au martyre) et à la libération des otages. Nous sommes un partenaire commercial essentiel d’Israël. Ne pouvons nous pas imaginer des sanctions ciblées ? Les produits issus des colonies illégales doivent-ils circuler librement en Europe ? Les poursuites de la Cour pénale internationale ne devraient-elle pas induire des sanctions personnelles conservatoires ? Benjamin Netanyahou s’en prenant à son système judiciaire pour se protéger de poursuites en matière de corruption, ne pouvons-nous pas suspendre certains programmes d’assistance comme nous le faisons avec la Hongrie ? Dans les livraisons militaires européennes, pouvons-nous distinguer celles qui ont un caractère défensif de celles qui sont purement létales? Pouvons-nous renforcer nos liens d’échange avec les universités, la scène culturelle et les ONG qui sont les lieux de résistance ? L’heure des faibles communiqués est passée.
Appel bienvenu à un réveil de l’Europe, face à l’horreur de la situation à Gaza, au-delà de la difficulté à trouver un « consensus parfait » entre Etats membres, sur cette question
Bonjour, j’ai de la sympathie pour votre excellent article, très mesuré et équilibré. Pour autant, je me pose les questions suivantes : à cause de qui en sommes-nous là : à cause de Netanyahu ou du Hamas? Nous nous étions tous réjouis lorsque les Israéliens avaient quitté Gaza en 2003. Qu’est-ce que les Gazaouis ont fait entre ce jour-là et le 7 octobre? Quel Etat pourrait accepter de vivre aux côtés d’un territoire dont les dirigeants ont pour seul objectif l’anéantissement de cet Etat? On peut être en faveur de la création d’un Etat palestinien – comme d’ailleurs je le suis. Mais peut-on discuter d’une telle perspective (votre article n’en parle pas mais je veux aller un peu plus loin dans la réflexion) pour Gaza, au risque de récompenser des terroristes pour avoir massacré 1.700 Israéliens? Au lieu de s’en prendre au gouvernement israélien ou même au Hamas, pourquoi ne pas s’interroger sur la manière dont on pourrait renverser le régime des Mollahs , bailleur de fonds du Hamas, et faire cesser le soutien financier du Qatar à ce même Hamas? Certes, Netanyahu s’est nourri de l’existence du Hamas pour justifier sa politique mais sans le sourien de l’Iran et du Qatar, le Hamas n’existerait pas. Quelle alternative au Hamas pour gouverner Gaza? Enfin, est-on certains que les Gazaouis ne seraient pas mieux ailleurs? Ne devrait-on pas faire pression sur Israël pour qu’en échange du contrôle de Gaza il accepte la création d’un Etat palestinien en Cisgiordanie et uniquement là? Ce sont là autant de questions que je me pose suite à l’impasse du dossier israélo-palestinien depuis que je suis né.
Je partage une partie de vos interrogations. Mais sur le plan des responsabilités, vous les faites pencher du côté du Hamas de façon excessive selon moi. Netanyahou n’a-t-il pas aidé au financement, donc au développement et à l’armement du Hamas? Ne s’est- il pas toujours opposé à la solution des deux états ? N’a t-il pas ainsi contribué à désespérer les palestiniens modérés ? Enfin, n’a-t-il pas dégarni militairement la zone fragile entre Gaza et Israël pour expédier des troupes en Cisjordanie pour aider les colons dans leurs exactions?
Tout ceci pèse lourd dans ce qui a conduit à la sotuation actuelle
Je ne vois que des avantages à « s’interroger sur la manière dont on pourrait . . . » ; autrement dit je ne vois que des avantages à ne pas s’interdire de se poser toutes les questions, même et surtout celles qui fâchent et nous scandalisent. Donnons-nous malgré tout, la chance de pouvoir le faire.
Bonjour,
Nous avons essayé de ne pas trop aborder la pesée des responsabilités, sujet très passionnel et qui finalement oriente peu les solutions possibles. La référence à ce que la paix s’est construite en Europe après la victoire sur les nazis n’est pas neutre, mais comme toujours comparaison ne vaut pas identité de situations.
Le sujet de la reconnaissance d’un Etat Palestinien est important; nous avons choisi de ne pas le séparer de l’accord sur les frontières, qui de fait suppose deux Etats. Le reste est affaire de stratégie diplomatique….
Faut-il vous rappeler que le conflit israélo-palestinien n’a pas démarré le 7 octobre et que le Hamas est la création des gouvernements israéliens pour créer au sein de l’OLP une scission à laquelle il est parvenue avec les conséquences que l’on a connu par la suite et dont les bons penseurs en font leurs choux gras. C’est aussi des années d’apartheid documentées par toutes les grandes ONG occidentales devant lesquelles le mutisme européen a été la règle que ce soit à droite comme pour une partie de la gauche. Et, Je ne parle pas des manifestations pacifiques réprimées dans le sang par des tireurs embusqués. En fait le non respect par l’état israélien, devenu un état juif, des traités et des règles internationales a été du pain béni (si je puis dire) pour toutes celles et ceux qui détestent Israel et en particulier la dictature fanatique iranienne. Je suis consterné qu’il faille attendre des mois pour voir surgir quelques indignations dans les rangs occidentaux et dans votre journal. En fait il s’agit là d’une grande hypocrisie il suffit de voir, entendre tous ces hommes politiques et experts qui se précipitent sur les plateaux TV pour pleurer sur la catastrophe du 7/10 (qui en est une) et qui détournent la tête quand il s’agit des enfants de gaza sous prétexte du Hamas. En fait la détestation du monde arabe est bien plus forte que le respect des principes des droits de l’homme d’où ce 2 poids 2 mesures en France. Faut-il aussi rappeler que lors de la création d’Israel les principaux chefs des mouvements sionistes étaient considérés comme des terroristes et que certains d’entre eux ont perpétré des massacres de civils arabes dans plusieurs villages. Faut-il aussi rappeler que ce sont des pays dits civilisés et des gens qui écoutent Bach ou Mozart qui ont déporté des juifs et que les palestiniens n’y sont pour rien. L’étonnant de cette histoire qui entache notre honneur c’est que nous ne sommes même pas conscients que nous faisons porter la responsabilité de la faute à ceux qui sont les victimes d’une colonisation non reconnue car nous avions besoin de nous racheter des fautes commises et des persécutions séculaires que nous avions fait subir à ceux considérés comme juif. Oui les gens du Hamas sont des salopards mais qu’en est-il en face ? On peut ajouter à ces éléments le fait que la population israélienne vote largement pour des partis de droite qui ne se cachent pas de vouloir expulser les palestiniens de leur territoire pour en prendre possession par tous les moyens. Quant au domaine militaire, mettre sur le même plan un mouvement doté d’un armement des plus vétuste et une armée dotée des solutions militaires les plus sophistiquées est inquiétant sur notre capacité à évoluer la menace quand nous voulons investir des milliards. Mais c’est un autre débat
En conclusion il me semble que le plus simple est d’en revenir a ce qui n’aurait jamais dû nous quitter c’est à dire l’application réelle du droit international y compris par des mesures coercitives et non pas se contenter de déclarations sans lendemain dont nous sommes les champions du monde toute catégorie.
Cherchez Gaza ou Palestine dans le moteur de recherche du site ?
Pour le reste, il semble difficile de dire que tout découle d’un seul des deux acteurs et que les Européens sont déterminés par leur culpabilité historique; la moitié des pays européen ont reconnu la Palestine en tant qu’Etat et inversement la plupart des pays Arabes ont aujourd’hui une position parfaitement comparable à celle des occidentaux.
Le droit international condamne sans détour le crime de génocide et sa mise en œuvre. C’est là ou nous sommes désormais.
L’ONU devrait avoir la responsabilité de faire appliquer la loi internationale en obligeant Israel à respecter ses résolutions.
La colonisation devrait, ainsi, être combattue sur le terrain par l’interposition d’une force de paix. Mais, au delà, le retour des réfugiés de 1948 devrait être acté et les palestiniens autorisés à revenir dans leurs logements.
Pour Gaza, l’obtention d’un cessez-le-feu est un préalable qui doit conduire à la libération des otages, alors que les israéliens eux-mêmes n’en parlent même plus !!!
La solution à deux états, si « vaillamment » prônée par certains responsables, n’est qu’un pansement sur une jambe de bois, pour la simple raison que personne ne peut imaginer Israel laisser la Palestine se doter d’une armée nationale, ce qui est , pourtant, la première des dotations régaliennes.
Le problème tient au fait que personne ne parle du colonialisme israélien devenu à ce point là excessif qu’il engendre -désormais un génocide. ce colonialisme doit être combattu par tous les moyens, comme ce fut le cas avec succès en Afrique du Sud.
Et, sinon, il faudra se résoudre à envoyer une force armée internationale sous l’égide de l’ONU 2.0, pour aller libérer Israel de son « cancer » sioniste, comme les alliés ont libéré l’Europe de son « cancer » nazi en 1945.