L’Europe des Lumières entre guerre et paix

« Nous ne sommes pas en guerre. Mais nous ne sommes pas non plus en paix. » Le constat est celui du Premier ministre suédois et vise d’abord son pays, aux avant-postes dans la Baltique. Mais qui peut encore douter qu’une telle formule vaut aujourd’hui pour l’ensemble de l’Union européenne ?

Naturellement, les Européens – du moins les Vingt-Sept, ne sont « juridiquement » pas en guerre avec Moscou. Mais l’atmosphère est lourde des métastases d’une « guerre hybride », non encore totalement assumée par Bruxelles et la plupart des capitales européennes.

Or, la Russie vient de se doter d’une doctrine de politique étrangère désignant l’Occident comme « une menace existentielle » et dont Moscou doit combattre « la domination ». Plus de cinquante actes d’hostilité envers l’UE ont été recensées entre 2022 et 2024. La Russie teste la défense des infrastructures stratégiques des Européens et cherche à provoquer le chaos au sein de l’UE. Cela va d’actes de sabotage dans la Baltique à des opérations de déstabilisation, d’ingérences et de désinformations lors des scrutin électoraux.

Dans le même temps, « l’Occident » — enfant des Lumières et de l’Etat de droit — que diabolise à l’envi Vladimir Poutine, vient d’être dynamité par Donald Trump en ce mois de janvier 2025.

La plupart des observateurs le confirment : Trump dit ce qu’il va faire et le fait. Donc, Trump aimera se mettre en scène avec Poutine et Xi Jinping pour se partager le Monde et ses ressources, que l’on sait maintenant limitées…

Dans le quotidien Le Soir, l’historien britannique Timothy Garton Ash explique qu’avec le retour de Trump, « les Etats-Unis rejoignent ce monde des grandes puissances transactionnelles. Ce n’est donc pas seulement un Monde divisé, c’est aussi un Ouest divisé ».

Sidérée, l’Europe découvre que le reste du globe est prêt à tous les deals, comme le faisaient les pays européens au XIXe siècle. Imaginons : « Poutine obtient l’Ukraine ; Trump, le Groenland, le Canada, le canal de Panama ; et Xi Jinping, Taïwan ». Or, justement, l’Europe a tiré de sa propre histoire une vision du Monde basée sur des principes intangibles, garantis par le Droit et jugés légitimes, car adossé aux Droits de l’Homme.

Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

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5 Commentaires

  1. Bonjour Monsieur LASTENOUSE.

    Bon article mais vous n’en tirez pas de conclusion ?

    Exception faîte du dernier article de Monsieur MENNERAT, comme d’habitude à SAUVONS L’EUROPE, on discute mais on ne propose rien, on agit pas, continuons longtemps ainsi, il ne nous restera que les yeux pour pleurer.

  2. L’Europe est hilarante. D’ailleurs son petit numéro de stand-up fait beaucoup rire à l’étranger. La « jungle » se moque du « jardin ». Ainsi que l’auteur le rappelle entre les lignes, l’Europe a été longtemps une féroce prédatrice, elle se partageait le monde et le mettait en coupe réglée… On ne parlait pas alors de « principes universels », mais d’apporter « les lumières de la civilisation » à des « peuplades arriérées ». La raison du plus fort était la meilleure.
    Aujourd’hui, l’Europe n’est pas la plus forte. Les forces s’équilibrent. Alors plutôt que de pontifier avec nos « valeurs universelles » (qui, curieusement, nous donnent toujours raison), il va falloir apprendre à négocier, c’est à dire à comprendre les motifs en face et à trouver des compromis.
    Bien sûr, c’est moins agréable. Il faut parfois mettre le poing en poche. Jouer les 3e violons au lieu du chef d’orchestre. Pourtant les Européens ont des atouts à faire valoir. Mais ils devront quitter leur morgue habituelle et leurs petites attitudes méprisantes pour discuter d’égal à égal. C’est ce que demandent depuis longtemps Chinois, Africains, Russes et autres. Rien de plus, mais rien de moins.

  3. Je pense que par son histoire l’Europe est la pointe avancée de l’aventure humaine. Pour le meilleur et pour le pire. Après s’être ignominieusement vautrée dans le pire au cours de la première moitié du XXè siècle – autant dire hier – l’Europe se devait de donner dans le meilleur vis-à-vis du reste du monde. Devenir une « soft power », une puissance d’influence majeure, non par la force mais par l’émulation. Un espace modèle de paix, de prospérité, et d’éthique. A cet égard, ceux qui fuient le malheur se dirigent vers l’Europe et d’une manière plus générale, vers l’Occident. Et nullement vers d’autres pays qui prétendent contrer l' »hégémonie occidentale », en pratiquant la dictature, l’iniquité, la barbarie, la realpolitik. Toutefois ce projet, en rien utopique, est resté inachevé, « a half-baked project » du fait qu’il n’est pas compris par les Européens eux-mêmes. Pire, il est dénigré et il semble que ce soit avec une certaine gourmandise que l’on se dirige vers des politiques régressives (national-souverainisme, protectionnisme, soit le « chacun pour soi et tous noyés ». Mit der Dummheit steben die Götter selbst vergenbens » (face à la bêtise, les dieux eu-mêmes sont impuissants) faisait dire Schiller à l’un de ses personnages. Come what may: advienne que pourra!

    • Vous avez tout dit, quand agirons nous avec des actions diverses, multiples, répétitives (pétitions, manifestes, articles presse, harcèlement positif de nos élus, etc, etc…) auprès de la gouvernance européenne et nationale pour avoir enfin un vrai état européen ?

      Vous écrivez, pas compris, je pense qu’il était compris par beaucoup d’entre nous, il a été détourné par des bonimenteurs qui s’en sont mis plein les poches, qui sont responsables de la situation actuelle.

      S’en sursaut, ou allons nous ?

  4. Merci Henri pour ton constat lucide d’une situation actuellement très, très préoccupante, qui nous invite à mon avis à un « sursaut européen » plutôt qu’aux critiques et railleries de certains commentateurs. Un bémol cependant à propos des « droits de l’homme » que l’Europe soutient à juste titre, contre vents et marées, mais dont elle n’a pas toujours été une championne (n’est pas toujours une championne)

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