Les territoires, acteurs du plan de relance européen : l’exemple de la Wallonie

L’Europe a fait naître les idées des Lumières avant de se propager dans le reste du monde. Aujourd’hui encore, notre continent incarne une troisième voie, entre un modèle consumériste d’une part et un modèle autocrate d’autre part, où les libertés individuelles sont régulièrement bafouées.

Pendant des décennies, le pari européen qui consistait à offrir aux futures générations un avenir plus radieux a été tenu. Ce pari est aujourd’hui menacé par des défis majeurs comme le dérèglement climatique, le défi éducationnel ou encore le risque de déclin social.

En 2021, l’Union européenne a franchi une étape cruciale et historique dans son histoire. En s’engageant sur la voie d’une dette européenne commune, les Etats membres ont surpassé leurs divergences dans l’intérêt général de la population européenne.

Au niveau de la Wallonie, en tant que Ministre-Président, j’ai la charge de la coordination du Plan de Relance de la Wallonie, dont plus d’un milliard d’euros est financé par l’Union européenne (1,3 milliard dont 1,1 financé par la Facilité pour la Reprise et la Résilience et 177 millions d’euros par REPowerEU).

Ce Plan de Relance permet de répondre à un triple enjeu : l’enjeu social, environnemental et économique.

Une société progressiste qui repose sur la connaissance

En Wallonie, pendant très longtemps, la prospérité collective reposait sur nos richesses souterraines. Le charbon, véritable or noir pour notre région, a permis à toute une industrie et une classe de travailleurs de prospérer pendant des décennies. Dans les années 1970, la Wallonie a vu des pans entiers de son économie disparaitre avec l’émergence de la pétrochimie.

Cette réalité ne fut pas facile. Il fallut dans un premier temps stopper l’hémorragie et stopper le déclin de notre région. Des efforts considérables furent alors réalisés pour diversifier notre économie. De nouveaux secteurs innovants comme les biotechnologies, le pharmaceutique, ont émergé et nous sont désormais enviés par le reste de l’Europe.

Ces évènements historiques nous ont amené à tirer un enseignement fondamental en Wallonie. Notre société ne peut prospérer qu’en investissant dans les talents, les cerveaux qui feront la société de demain. Il n’est pas sain de se reposer exclusivement sur un avantage qui peut très vite devenir un avantage du passé.

C’est pour cela que la Wallonie investit dans le cadre de son Plan de Relance dans la formation mais également dans la recherche et l’innovation dans des secteur d’avenir. Pour ces deux politiques, la Wallonie a réservé dans son Plan de Relance pas moins de 1,133 milliard d’euros. Ainsi, la Wallonie développe de nouvelles filières dans le domaine de l’hydrogène ou du spatial.

L’émancipation de notre jeunesse passe aussi par l’apprentissage des langues étrangères. La population francophone wallonne est minoritaire en Belgique. Un plan langues a été mis sur place pour financer des bourses d’immersion linguistique de longue durée (un semestre ou un an) dont les montants peuvent aller jusqu’à 8 000 euros.

Enfin, en tant que scientifique de formation, j’accorde une importance toute particulière à l’apprentissage des mathématiques et des sciences en tant que savoirs de base. Pas seulement pour un jour devenir eux-mêmes des scientifiques (même s’il nous en faut plus), mais surtout pour être des citoyens utiles à l’ensemble de la société. Ces connaissances permettent aux jeunes wallonnes et wallons de développer une rigueur scientifique, un esprit critique et une capacité à mener des raisonnements logiques. C’est fondamental pour créer une société où les citoyens peuvent mieux vivre ensemble. L’orientation et la promotion des métiers scientifiques est donc aussi un objectif du Plan de Relance.

Une transition écologique inclusive

Les premières victimes du dérèglement climatique sont souvent les populations les plus pauvres. Pour les personnes les plus précaires, c’est souvent la double peine. Non seulement les publics les plus précaires sont moins responsables du dérèglement climatique que les classes sociales qui se sont enrichis grâce à un capitalisme débridé, mais en plus de cela, ils sont souvent les premiers à être exposés aux conséquences du dérèglement climatique.

En Wallonie, les premières victimes des inondations qui ont dévasté notre région en juillet 2021 étaient très souvent des personnes qui vivaient dans des zones moins bien protégées et plus vulnérables aux conséquences des intempéries.

Ce fut également le cas lors de la crise énergétique qui a suivi la guerre en Ukraine. Les factures d’énergie des classes sociales les plus défavorisées ont explosé car elles vivent dans des logements plus vétustes et moins bien isolés.

Je ne suis par conséquent pas en faveur d’une écologie punitive mais plutôt incitative, qui prend en compte la dimension sociale. Pour réussir le pari de la transition, il faut pouvoir créer de l’adhésion autour de l’enjeu climatique. La transition doit être également un moyen de lutter contre les inégalités et d’augmenter le pouvoir d’achat et la qualité de vie des plus précaires.

Le Gouvernement de Wallonie a donc décidé de faire de la transition écologique et sociale une priorité du Plan de Relance.

Un des projets majeurs porte sur la rénovation énergétique de minimum 20 000 logements publics avec un budget de plus de 700 millions d’euros.

Un grand volet dédié aux primes à l’isolation et la rénovation pour les particuliers a également été mis sur pied. Les primes peuvent aller jusqu’à 90% des coûts sans audit énergétique préalable, pour des travaux de rénovation et l’isolation de toitures. Le montant des primes est inversement proportionnel aux revenus des bénéficiaires. Elles augmentent lorsque les ménages candidats ont des revenus plus faibles. Des primes existent également pour le remplacement de systèmes de chauffages anciens par des pompes à chaleur. Des prêts à taux zéro sont également disponibles pour des travaux d’isolation de plus grande envergure.

Je pourrais également citer la construction d’un millier de logements publics exemplaires d’un point de vue environnemental (100 millions d’euros), la quasi-gratuité des transports en commun pour les jeunes et les ainés ainsi que l’augmentation de l’offre de transports en commun.

Le plan de relance est donc une opportunité pour les classes sociales défavorisées. Le Plan de Relance, en répondant à l’enjeu climatique, permet aussi de construire une société plus soucieuse de l’environnement, avec une qualité d’air améliorée et une alimentation de meilleure qualité.

Lutter contre la fracture sociale

Étant le fils de migrants italiens venus travailler en Belgique et d’une mère analphabète, je sais ce que je dois à l’État et à la société belge. C’est pourquoi je me suis toujours battu contre le conditionnement social et en faveur d’une société d’égalité des chances.

Le Plan de Relance permet d’accroitre nos ambitions dans ce domaine, notamment en créant 3 143 nouvelles places d’accueil pour la petite enfance d’ici 2026 (120 millions d’euros) avec une priorité dans les communes les plus défavorisées et qui ont dans leur population un taux de familles monoparentales élevé.

Nous luttons aussi contre la fracture territoriale, en soutenant le développement de zones rurales, peu desservies par les services publics. Un exemple serait le développement de la connectivité dans les zones dites « blanches », non desservies par des connexions à haut débit.

Enfin, l’accès au logement reste un enjeu majeur. Un des projets consiste à renforcer le crédit social. Plus d’un tiers des crédits sont alloués à des familles monoparentales. En favorisant la propriété aux travailleurs, avec des taux réduits, ils peuvent devenir propriétaires de leur propre logement pour ne plus payer de loyers lorsqu’ils seront pensionnés et, un jour, transmettre leur bien à leurs enfants.

Le Plan de Relance permet de donc de répondre à l’enjeu de la triple transition de la Wallonie : environnementale, sociale et économique.

La plupart des mesures ont un effet simultané sur ces trois transitions. L’exemple de la rénovation énergétique de bâtiments vétustes est un exemple très parlant. Cela permet aux familles les plus précaires de réduire leur facture d’énergie et d’augmenter leur pouvoir d’achat. Cela permet aussi de créer de l’emploi dans le secteur de la construction et à la Wallonie de se rapprocher de ses objectifs climatiques.

L’Union européenne nous soutient financièrement dans ces efforts. C’est fondamental qu’elle puisse continuer à le faire et nous encourager à accélérer les enjeux de la transition. L’Union européenne a besoin de ses régions pour atteindre ses objectifs socio-économiques et environnementaux MAIS les régions ont aussi besoin du soutien financier de l’UE pour continuer à accroitre les efforts.

Crédit photo (portrait d’Elio Di Rupo) : © European Union / Fred Guerdin

Elio Di Rupo
Elio Di Rupo
Ministre-Président de la Wallonie, ancien Premier Ministre belge & membre du Comité européen des régions.

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