Le facteur Renzi complique encore un peu plus l’équation politique italienne

Après plusieurs mois de rumeurs et d’interrogations, l’ancien Premier Ministre Matteo Renzi aura donc finalement décidé de quitter le Parti Démocrate pour fonder son propre mouvement.  Force est de reconnaître qu’en dehors de son timing un peu étrange, cette nouvelle n’aura guère surpris les observateurs et les analystes de la vie politique italienne. Pourtant, à y regarder de plus près, les choses ne sont pas si évidentes. Matteo Renzi déclare ne jamais s’être vraiment senti à sa place dans ce parti : il l’a pourtant dirigé pendant cinq années soit le plus long bail d’un secrétaire général depuis la création du PD, dont il est d’ailleurs le seul à avoir été élu deux fois à sa tête. Mieux encore, c’est sa victoire fin 2013 lors des primaires internes pour le leadership du Parti Démocrate qui lui  a ouvert les portes du Palais Chigi. Alors certes, Renzi est ouvertement centriste et social libéral, il est l’héritier d’une pensée chrétienne démocrate et n’a jamais été un socialiste ni même un social démocrate mais c’est l’histoire même du Parti Démocrate que d’avoir réuni, dans un mariage étonnant mais qui a dans l’ensemble plutôt bien fonctionné, les héritiers de Peppone et de Don Camillo c’est à dire les anciens du PCI devenus sociaux démocrates et l’aile gauche de la démocratie chrétienne. Loin d’être un outsider, Renzi est en fait un pur produit de cette histoire, se distinguant davantage par son style et sa jeunesse que réellement sur le fond. Paradoxalement c’est d’ailleurs lui, l’ancien démocrate chrétien, qui aura tranché en 2014 la vieille querelle de l’appartenance européenne en décidant que le PD rejoindrait le Parti Socialiste Européen, offrant ainsi un succès à l’aile sociale démocrate qui réclamait ce geste depuis la création du parti.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’un certain nombre de cadres du Parti Démocrate dénonce un geste égoïste et une aventure purement personnelle. Force est de constater qu’en effet, pour l’instant, le programme de son nouveau parti Italia Viva reste très flou et centré sur sa personne. Il n’a réussi à attirer qu’une quarantaine de parlementaires parmi les plus fidèles comme Maria Elena Boschi ou la ministre de l’agriculture Teresa Bellanova, ce qui démontre bien qu’une grande partie de l’aile centriste du PD ne l’a pas suivi. Le Parti Démocrate a toujours su faire place aux divers courants le composant, si bien que l’élection du social démocrate Nicola Zingaretti à sa tête n’avait en rien empêché des chrétiens démocrates tels que les anciens premiers ministres Enrico Letta ou Paolo Gentiloni de le soutenir ce qui explique finalement le relatif échec, en terme de troupes, de la scission de Renzi. Il est toutefois possible qu’un certain nombre d’anciens « renzistes » ne se placent prudemment en position d’attente afin de voir comment les choses vont évoluer.

Le vrai souci reste surtout le timing de cette scission. Renzi a été l’un des principaux promoteurs de l’alliance rouge jaune et il a assuré qu’il continuerait bien évidemment à la soutenir mais il n’en demeure pas moins vrai qu’un parti supplémentaire complique la donne. Divisé en plusieurs mouvements, le centre gauche aura également davantage de difficultés à peser et à parler d’une seule voix face aux grillinistes dans le rapport de force interne au sein du gouvernement même si il est vrai que le M5S semble être, lui aussi, assez loin de l’entente interne parfaite. Il sera intéressant d’observer les prochains arbitrages dans les politiques qui seront mises en œuvre par le gouvernement Conte.

S’il n’a pas encore de programme précis, l’objectif du mouvement de Renzi est clairement établi : rassembler les centristes et faire de Salvini le principal ennemi. Le second objectif est louable mais il n’est pas certain qu’un mano à mano entre les deux Matteo tourne au désavantage de Salvini tant l’impopularité de Renzi est encore assez importante. Le premier but peut être le seul véritable point intéressant de la création d’Italia Viva : effectivement, si Renzi récupère des électeurs jusqu’au centre droit et les agglomère ensuite à une coalition de centre gauche lors des prochaines élections, ce sera une bonne chose dans la perspective du duel attendu face à la coalition Lega-Fratelli-Forza Italia. Cette situation justifie à elle seule le fait que le Parti Démocrate ne doit surtout pas rompre les ponts avec Renzi pour, au contraire, envisager une alliance avec son mouvement en vue des prochaines élections. Néanmoins, il faut bien reconnaître que pour l’instant, Italia Viva n’a attiré que peu d’élus du centre droit – une seule députée de Forza Italia a suivi Renzi – et plafonne à 6% dans les sondages, principalement aux dépens des autres forces du centre gauche. Ce qui est pour le moins décevant même si il est encore trop tôt pour savoir si le pari de Renzi se soldera par un échec ou sera au contraire utile dans la lutte contre Salvini.

Sebastien Poupon
Sebastien Poupon
Membre du bureau national de SLE, chargé de l’analyse politique.

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3 Commentaires

  1. Pas très utile essayer d’imaginer les objectifs de Renzi. Car en Italie il n’existe pas un tissu sociale, une conscience sociale, une strategie de pays . La vie sociale évolue au pas de chacun pour soi, en politique. Les députés en général sont attachés aux intérêts personnels.

    Les politiciens ont des mauvaises habitudes. Ils n’ont pas l’obligation d’être cohérents ou honnêtes …

    CHACUN FAIT CE QU’IL VEUT. Tous ensemble ils vont couler ! C’est le cadre de l’Italie sociale.

    Disponible pour un témoignage.

    Ulrico Reali ulrich33@orange.fr

    • Et alors ?… Et alors ?

      Eh ! Eh ! (peut-être que) Silvio va arriver
      Sans s’presser…

      Il pourrait alors prétendre qu’il en rit, Salvator…

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