Et si la finance servait l’industrie, l’innovation et l’économie?

Dans le cadre de son initiative de modernisation des aides d’Etat, la commission européenne a lancé un réexamen des lignes directrices concernant le capital-investissement qui établissent les critères permettant d’évaluer la compatibilité des mesures de soutien du secteur public dans ce domaine.

Le capital-investissement est une activité financière permettant à une société de gestion d’entrer au capital d’entreprises, généralement non cotées en bourse, qui ont besoin de fonds propres pour financer leur création, leur développement, leur revente.

Le capital-investissement doit être un outil permettant l’industrialisation d’un pays.

En effet, le chef d’entreprise qui souhaite développer son entreprise peut soit faire appel à une banque soit vendre une partie de son capital afin de financer son projet industriel.

Si le système bancaire considère l’opération trop risquée, le chef d’entreprise s’adresse aux sociétés de gestion en capital-investissement. Ces sociétés ont pléthore de candidats et ne sélectionnent qu’un 1% des dossiers.

Quel est le critère majeur pour qu’une société de gestion sélectionne un projet ?

C’est relativement simple le projet doit garantir un retour sur investissement supérieur aux autres investissements réputés moins risqués par exemple boursiers, obligations d’état, placement monétaires.

Le rendement pour les opérations les plus rentables, celles utilisant au maximum l’effet de levier financier, promet des rendements de 20% à 25%.

On pourrait penser que les 20% à 25% du rendement obtenus sont essentiellement le résultat de la réussite du projet industriel.

En fait, il n’en est rien.

Généralement, la société de gestion utilise un mécanisme financier dénommé Leverages Buy-out (LBO) qui grâce à la création d’une holding et à l’utilisation de prêts bancaires permet après 5 ans d’obtenir 20% à 25% annuels sur les sommes investies mais interdit une vraie politique d’investissement et de développement de l’entreprise.

Le capital-investissement est naturellement  une activité qui sous le couvert d’industrialisation du pays permet au contraire aux seuls apporteurs de capitaux de générer des revenus importants.

Par exemple en France, l’association de défense des sociétés de gestion (AFIC ) indique que sur 1000 investissements FCPI entre 1997 et 2009 seules 18 ETI ont été créées.

Sans politique publique, le capital investissement ne permet donc pas une vraie industrialisation mais permet une valorisation importante des capitaux investis dans un petit nombre d’entreprises.

En Europe l’industrie du capital investissement n’est pas uniforme. Très développée au Royaume-Uni, elle existe en France et en Allemagne et est presque inexistante dans les autres pays européens.

Chaque pays ainsi que la commission européenne peuvent utiliser deux moyens de soutien au capital investissement :

–         L’incitation via des dégrèvements fiscaux qui ont pour but de permettre aux sociétés de gestion d’attirer les fournisseurs de capitaux généralement des personnes physiques fortunées.

–         L’intervention par la délégation de fonds aux sociétés de gestion.

Ces deux modes d’interventions sont plus ou moins utilisés par chacun des pays. La commission européenne du fait de son incapacité à effectuer des dégrèvements fiscaux utilise uniquement l’intervention via le fond européen d’investissement.

Le Royaume-Uni privilégie fortement l’incitation via les dégrèvements fiscaux.

Par contre, la France utilise les deux moyens et est un bon modèle des forces et des faiblesses de chacun de ses moyens d’action.

En France, l’incitation via les dégrèvements fiscaux  (800 M€/an) pèse le double de l’intervention (450 M€/an).

Les dégrèvements fiscaux sont analysés par le conseil des prélèvements obligatoires et l’inspection générale des finances comme étant des moyens de ré-industrialisation inefficace. Une société de gestion attire les personnes fortunées en utilisant l’argument fiscal, pour compenser le risque de perte en capital, mais finance de ce fait, de façon laxiste son activité : intéressement important aux gestionnaires, frais généraux surélevés. Si la personne fortunée se plaint d’une absence de rendement des sommes investies, la société de gestion lui rétorque les risques inhérents à cette activité.

Avec l’incitation fiscale l’état et la personne fortunée se trouvent face une société de gestion que l’on peut qualifier de boîte noire. Ils n’ont pas la capacité de vérifier la nature du projet industriel et de contrôler les méthodes de gestion.

En France, l’intervention par délégation de fonds est mise en œuvre par la caisse des dépôts et consignation. Les sociétés de gestion doivent donc solliciter des fonds à cet organisme et en contrepartie accepter la participation de représentant de la CDC aux conseils d’investissements.

De ce fait, la CDC contrôle la nature des investissements et les méthodes de gestion des sociétés.

La commission européenne a développé également un fonds européen d’investissement qui sous la tutelle de la banque européenne d’investissement joue un rôle essentiel dans la création des PME innovantes.

Ce mode d’action permet également de rassurer l’investisseur et d’attirer les fonds privés.

L’intervention par délégation de fonds publics est donc doublement vertueuse par sa capacité à contrôler l’activité des sociétés de gestions et par sa capacité d’attraction de fonds privés.

La France et les autres pays européens doivent prendre modèle sur l’action de l’Europe.

Une intervention par délégation de fonds publics est indispensable au capital investissement. Cette politique publique permettra de développer des projets industriels qui possèdent un intérêt économique.

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1 COMMENTAIRE

  1. très interessant sur la distinction de favoriser l’innovation : via des sociétés privés ou par délégation auprès du public.

    pour améliorer ma connaissance du sujet, l’auteur a t’il le lien vers le rapport du considère le dégrevement fiscal comme inefficace ?

    toujours dans le sujet de l’innovation, une étude a montré que la suppression des brevets n’avait aucun impact sur la croissance… (http://www.mshparisnord.fr/controverses-PI-XIX/notices/not_aboBIPB_1869.html). En plus d’une gestion publique des fonds d’investissements, faut’il aller vers la suppression des brevets ? that’s the question…

    Ben

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