De Fontainebleau à Maastricht, l’héritage européen de Mitterrand

L’Europe reste l’héritage le plus certain de la présidence de François Mitterrand. Quand il veut retenir sur quoi lui rendre hommage, Jacques Chirac citera son ambition «d’une Europe dans laquelle la France, réconciliée avec l’Allemagne et travaillant avec elle, occuperait une place de premier rang  ».

L’engagement européen de François Mitterrand est bien antérieur à mai 81 et prend ses sources dans le tumulte de la guerre. Dès 1948, il assiste au Congrès de La Haye où les pères fondateurs de l’Europe côtoient Winston Churchill. Il portera toujours la conviction que« l’Europe vivra parce qu’elle va dans le sens de l’Histoire », et rappelle qu’à l’exception de la Communauté européenne de défense, il en a voté toutes les étapes. Au-delà des questions politiques à trancher à tel ou tel point de l’histoire, l’adhésion au principe européen est inconditionnel et incontournable.

Ne varietur, dès 1965, à l’élection présidentielle, il fait de l’Europe un des chevaux de bataille de sa campagne malgré les positions anti-européennes de ses alliés communistes. Devenu premier secrétaire du Parti socialiste, il impose à ses amis politiques trop tièdes une ligne plus favorable à la construction européenne. Président de la République enfin, il choisit de maintenir la France dans le système monétaire européen contre ceux qui préconisent le repli national et la solution protectionniste. Face à l’impossibilité du socialisme dans un seul pays, la construction à l’échelle du continent s’impose.

C’est désormais une marche vers un système européen plus intégré. François Mitterrand accompagnera toujours le renforcement des pouvoirs de la Commission comme ceux du Parlement européen, et accepta en 1982 d’en finir avec le pouvoir de veto des Etats membres en 1982 puis avec l’Acte Unique en 1986. Les péripéties du chèque britannique débouchent sur un nouvel axe Mitterrand-Kohl, industrialisé à partir de 1984 : définition d’un compromis franco-allemand, proposé puis adopté par les partenaires européens avec l’aide de Jacques Delors, nouveau président de la Commission européenne. Il aboutira à un élargissement de l’Europe au-delà du marché : politiques structurelles; politiques communes dans l’environnement, l’audiovisuel, la santé, la culture, la formation des jeunes avec notamment Erasmus, naissance de l’espace Schengen.

La chute du mur de Berlin remettait au premier plan les ombres mal lavées de la guerre. Confronté aux tentations de Kohl sur un dégel de l’ordre territorial, François Mitterrand lui réclama comme prix de l’unification de l’Allemagne son insertion dans une Europe stabilisée. En trois ans, Kohl, Mitterrand et Delors jetèrent les bases du traité de Maastricht et de la future Union européenne et surtout de l’euro !

Dans sa dernière adresse au Parlement européen, en janvier 1995, Mitterrand dresse en creux de son bilan à appel à avancer : restent à faire l’harmonisation fiscale, la coordination des politiques économiques nationales, une politique sociale plus audacieuse, un statut pour les services publics européens ! Autant d’inachèvements sur lesquels le projet européen et la gauche française allaient bientôt se fissurer…

[author title= »Arthur et Henri » image= »http:// »]Arthur et Henri écrivent beaucoup pour Sauvons l’Europe, et parfois à quatre mains ![/author]

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4 Commentaires

  1. Comme vous le signalez, FM n’a pas voté pour la CED en 1954. Je l’ignorais : je pensais que le rejet était l’oeuvre commune du PC et des gaullistes. Personnellement j’estime que c’était une grande erreur. On peut déplorer qu’ensuite, dans la construction européenne, l’économie ait toujours pris le pas sur la politique ; mais on ne peut pas s’en étonner. Pour corriger cette faute originelle, il faudra encore des décennies.

    • A ma connaissance cette information est inexacte. Mitterrand a bien signé l’adoption du traité instituant la CED à l’époque où il était ministre de Mendes France. En tout cas c’est ce qu’indique le site Wikipedia consacré à la CED.

  2. on s’est bien fait entourloupé , sur fond de questions politiques on a ligoté les économies les unes aux autres , enlevant a chacun sa pleine souveraineté , et tout ça pour aboutir a un naufrage social de la France (chomage massif , pauvreté alarmante ect…)CONTRAIREMENT A CE QUI AVAIT ETE PROMIS , BIEN SUR ……ON S’EST BIEN FAIT NIQUER PAR LES EURO-ISLAMISTES !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    • (de la part d’un nostalgique de François Mitterrand):

      Laissons à Claude Gazengel la sympathique mais bien naïve illusion de se raccrocher aux chimères de l’ « engelisme » cultivant le mythe d’une souveraineté qu’en particulier dans le domaine emblématique de la monnaie les dures réalités de l’impuissance nationale n’ont fait que démentir de dévaluation en dévaluation du franc. Heureusement pour les citoyens, « z’euro » est arrivé… plus ou moins sans stresser (sauf les éternels pessimistes aux œillères bien accrochées).

      Aussi, à titre de complément et pour contribuer à rafraîchir la mémoire sur cette question ô combien sensible de l’ « indépendance »/ »puissance » nationale à l’aide d’une analyse plus en profondeur, ne serait-il sans doute pas exagérément « à côté de la plaque » de rappeler l’article que « Sauvons l’Europe » a publié le 9 octobre 2020 sous le titre « Souveraineté et suzeraineté nationales »:

      https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2020/10/SLE-Souveraineté-Suzeraineté -10-20.pdf

      Les réflexions qui le ponctuent n’avaient d’autre ambition que de remettre quelques pendules à l’heure là où les chimères nationalistes ne peuvent que pétrifier davantage, comme le disait le grand poète Aragon, « cette heure arrêtée au cadran de la montre ».

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