A défaut d’un vrai budget européen, un fond européen de relance de l’activité ?

 

La crise européenne et en Europe n’en finit pas : austérité, budget en baisse, méfiance de l’opinion, absence de visibilité dans les médias…

Les réflexions pour remettre de la solidarité dans un environnement politique crispé sur des enjeux uniquement nationaux vont bon train. Le Think Tank « Notre Europe – Institut Jacques Delors » propose ainsi un fonds contracyclique pour organiser des transferts entre les pays européens..

Ce projet repose sur la définition de position conjoncturelle par « l’output gap », c’est-à-dire la différence entre la croissance structurelle (de longue période) et la croissance observée une année donnée.

Ce projet paraît bon : les pays dont la position conjoncturelle serait plus négative que la moyenne européenne recevraient des fonds en provenance de ceux dont la position conjoncturelle serait meilleure que la position conjoncturelle européenne. Mathématiquement, les positions conjoncturelles sont neutres sur longues périodes. Sur longue période, aucun état ne serait ni gagnant, ni perdant.

Mais ce projet présente deux défauts majeurs.

Pour qu’une réforme politique soit acceptée, il faut qu’elle soit simple. C’est d’autant plus vrai sur l’Europe, avec une opinion qui ne croit plus aux institutions. Toute chose complexe sera vue comme un monstre dont il faut se méfier.

Or la formule proposée pour les transferts d’un pays est aussi simple (ou pas) que :

Ti = a * ((yEZ – y*EZ) / y*EZ – (yi – y*i) / y*i) * y*i

On peut également ajouter que le niveau des transferts dépend de la méthode de calcul de la croissance structurelle. Cette dernière repose sur des hypothèses macroéconomiques plus ou moins justes et varie entre les différentes organisations (FMI, OCDE, Commission européenne, OFCE…).

Cette proposition a le mérite d’organiser des transferts en cas de divergence dans la position conjoncturelle de chaque pays. Un pays avec 4% de croissance structurelle et 3% de croissance une année donnée serait en situation négative du point de vue de la position conjoncturelle. La même année, un autre pays a une croissance de 1% pour une croissance de long terme de 0%. Sa position conjoncturelle est positive. C’est donc le pays avec la croissance faible qui devrait transférer de l’argent au pays avec une croissance à 3%. Cet exemple est le deuxième défaut majeur de cette proposition : c’est un fonds dont l’objet n’est pas la solidarité et qui peut même amener des transferts des pays pauvres vers les pays riches.

Cette proposition met ensuite totalement de côté la vraie question : quelle politique européenne contracyclique ? Si on exige de la rigueur, voire de l’austérité, aux états-membres, la relance doit se faire au niveau européen. Cette relance pourrait se faire par un fonds spécifique ou par le budget européen financé par un impôt propre. Cette ressource propre permet ainsi de rembourser les déficits liés aux périodes de vaches maigres. On peut très bien imaginer que seule une partie des Etats-membres souhaitent mettre en place ce mécanisme de lissage de l’activité. C’est tout à fait possible via le mécanisme des coopérations renforcées.

Pour les pays en difficulté, l’enjeu est d’assouplir les conditions d’accès aux mécanismes européens de stabilité : tant que le pays s’engage à réduire ses déficits structurels, il doit pouvoir s’endetter à coût réduit auprès de ce MES pour financer des situations de crise. Le MES doit donc devenir une banque et pouvoir s’endetter directement auprès de la BCE.

 

Benoît Bloissere

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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12 Commentaires

  1. Bonjour,

    Lorsque vous écrivez « c’est un fonds […] qui peut même amener des transferts des pays pauvres vers les pays riches », vous commettez une sérieuse erreur conceptuelle.

    La richesse est un stock, dont le PIB est l’évolution. Le PIB, qui est la dérivée de la richesse, est un flux.

    La croissance est la variation du PIB, et donc la dérivée seconde de la richesse d’un pays.

    Les pays dont la croissance est la plus élevée ne sont pas nécessairement les pays les plus riches. Bien au contraire, ce sont les pays les plus pauvres qui doivent afficher la croissance la plus élevée, pour rattraper les pays les plus riches à long terme.

    L’Allemagne est un pays riche de la zone euro, et sa croissance est structurellement autour de 0%. Il n’y aurait rien d’anormal à ce qu’elle transfère de l’argent à la Grèce, même si celle-ci a une croissance plus élevée, mais un output gap négatif. CQFD.

    • Bonjour,

      Pas entièrement d’accord avec votre exposé didactique, évidemment d’accord avec votre second point. Notez bien cependant que l’auteur s’en prend à l’éventualité qu’un pays pauvre subventionne un pays riche, ce qui est parfaitement possible et même nécessaire avec le système présent puisque son but est l’équilibre des transferts à terme. En l’occurence, vous cherchez une sous-exception à l’exception qu’il met en en exergue.

      Merci de votre réaction, et amitiés européennes

    • Bonjour,

      Deux éléments de réponses :

      Selon une source de l’OCDE (graphique 4, page 12), la croissance potentielle de l’Allemagne est comprise entre 1% et 2%. Elle n’est donc absolument pas autour de 0%.
      http://www.oecd.org/fr/eco/49616876.pdf

      Entre une situation où je serais propriétaire d’une maison à 1 million (stock) et j’aurais le RSA (le flux) et une situation où je ne serais pas propriétaire, mais où j’aurais un revenu à vie de 15000 euros, je choisis évidemment la deuxième solution.

      C’est pareil pour un pays : lorsqu’on parle d’un pays riche, on parle donc bien de son revenu (du PIB) et non de son stock (son patrimoine).

      Benoît Bloissere.

      • Au temps pour moi, si l’Allemagne a entre 1% et 2% de croissance potentielle nous sommes finis, car il est clair qu’elle ne les tiendra pas à moyen terme, et donc elle engouffrera les fonds européens…

        Concernant votre exemple, si vous considérez que dans le premier cas proposé la personne a déjà remboursé l’emprunt immobilier, alors elle peut emprunter en hypothéquant sa maison pour investir dans une entreprise, ou spéculer sur l’incapacité des pays européens à rembourser leurs dettes…
        Sinon, il s’agit de quelqu’un qui se contente de peu et cultive son jardin, et à un certain point pourquoi pas…

        Et pour le « revenu à vie » de 15000 euros, il y a peut-être un effort à fournir en contrepartie, non ? A moins qu’il ne s’agisse d’une rente, auquel cas vous avez oublié de mentionner le patrimoine préalablement détenu dans le deuxième cas…

        Je veux bien raisonner sur des concepts purs et abstraits, mais je refuse que l’on utilise les conclusions dans la réalité.

  2. Je ne veux pas d’une Europe allemande…y est-on condamné ? si oui, il faut à mon sens sortir de l’euro..

  3. Le POI se prononce dans son manifeste pour la rupture avec l’Union Européenne qu’il présente comme étant un ensemble d’« institutions réactionnaires et antidémocratiques […] qui vise à provoquer divisions et luttes fratricides artificielles entre populations pour détruire tous leurs droits collectifs », notamment à cause de l’article 87 du traité de Maastricht qu’il dénonce d’avoir pour seul et unique but la défense de la concurrence libre et non faussée du marché, poussant aux privatisations, aux délocalisations et à la casse des statuts ou des droits des travailleurs. À cette Europe, il oppose « L’union libre des peuples et des nations libres de toute l’Europe […] pour la construction d’un avenir de paix, de travail, fondé sur la défense de tous les acquis sociaux arrachés par la classe ouvrière de nos pays »[4] et c’est pourquoi il est membre de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples et du Comité pour une Entente européenne des travailleurs..

    • Vision intéressante, mais peut être un peu absolutiste. Je suppose que l’EITP et le CEET ne sont pas affiliés à la confédération européenne des syndicats?

  4. La haute technicité des solutions européennes a toujours été la marque de fabrique de l’Europe; elle a permis de contourner (comme ici) des obstacles, parfois même de résoudre des difficultés. Elle a contribué aussi à obscurcir , voire à rendre haïssable l’image de l’Europe.
    Je ne viens pas ici combattre les initiatives du think tank Delors, mais qui ne voit qu’il faut aussi, d’abord(?), avant tout (?) s’engager politiquement. Si les élections européennes sont gagnées par la gauche, une autre politique est possible, en particulier une révision des moyens budgétaires.
    Mais qui ne voit que ces élections pour une Europe de gauche seront perdues si nous ne savons pas montrer ce qu’une telle Europe change pour les peuples et ce dès à présent (et pas 3 semaines avant le vote quand les listes seront finalement faites et sur des argumentaires formatés). Notre Europe, c’est une Europe de gauche, c’est cela avant tout qu’il faut faire advenir, c’est le véritable objectif.L’espace public européen est déficient dans les institutions, mais on peut le construire dans les consciences. C’est une des leçons du Forum des militants du PSE qui veint de se tenir à Budapest. C’est cela qui est politique. Le reste est technique , avec les limites cf mon début) de la technicité.

    • Ha bon et quels obstacles a-t-elle évitée cette Europe ? L’Europe est avant tout technique parce qu’elle a refusé d’être démocratique. Elle vit dans le tourment pour justifier son non sens, c’est tout !

  5. Simplement pour préciser: il ne s’agit pas ici de « combattre » les initiatives de Notre Europe, bien au contraire, mais de souligner que leur proposition s’inscrit dans le recherche d’une solution politiquement consensuelle. Cet article pointe qu’elle est potentiellement consensuelle parce que hors correction du cycle, il ne s’agit pas d’un mécanisme de transfert entre riches et pauvres.

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