La rigueur c’est pour les Etats, la croissance c’est pour l’Europe 

Interview de Lorenzo Consoli par Henri Lastenouse

Lors de la réunion de Rome, ils étaient donc quatre autour de la table…

 

Oui, ce n’est plus « Merkozy. C’est incontestablement un «plus» que la disparition de ce duo qui imposait aux autres européens des compromis toujours assez mauvais. En effet, Sarkozy acceptait les rigidités allemandes et Merkel la dérive intergouvernementale de Sarkozy. C’est une preuve de la volonté de Hollande de revenir progressivement à la méthode communautaire. Mais maintenant que le cercle est élargi, le fédéralisme de Merkel est audible !

 

Audible…comme le débat sur la croissance lancé par Hollande…

 

Merkel a mis pour la première fois l’accent sur la croissance comme un enjeu en soi et non comme une conséquence automatique et vertueuse de la rigueur. L’idée que la rigueur budgétaire ne crée pas la croissance fait son chemin. Et avec Merkel, les principes ont besoin d’une traduction en action. On a donc parlé de « project bond » et de recapitalisation de la BEI.

 

Alors, Hollande 10/10  ?

 

Non Hollande doit maintenant faire sienne la devise de l’ancien ministre italien des finances Tommaso Padoa-Schioppa : « la rigueur c’est pour les Etats, la croissance c’est pour l’Europe ». Si l’on veut de la croissance, il faut augmenter le budget européen, il faut un budget fédéral. Actuellement, seul l’Italie s’oppose clairement au gel du budget européen !

Rappelez vous aussi le rapport du FMI sorti par Christine Lagarde quelques jours auparavant qui plaide aussi à sa manière pour des eurobonds et la recapitalisation directe des banques par les fonds de sauvetage, FESF ou MES. Cette mesure semble évidente à tous sauf pour nos amis allemands. Il faut bien casser le cercle vicieux par lequel les états prêtent aux banques qui à leur tour prêtent aux états…C’est le cas irlandais dont les finances et l’économie sont tombées victime du système bancaire. Le Tigre irlandais aura été dévoré par ses banques !

 

 La question des banques reste donc la priorité en Europe ?

 

Mario Draghi a bien résumé la situation lors de son intervention au Parlement Européen. L’Europe traverse actuellement une rivière avec de très forts courants et surtout en plein brouillard. On ne peut rien pour le courant, mais on peut dissiper le brouillard afin d’apercevoir dès maintenant l’autre rive. Disperser le brouillard revient à donner un cap à dix ans à l’Europe. La première étape est l’Union bancaire qui est réalisable à court terme et acceptable sous condition par l’Allemagne.

L’Allemagne pourrait accepter la mise en place d’un fond européen qui garantirait les dépôts des particuliers en Europe jusqu’à 100.000€, à condition qu’il existe en parallèle un mécanisme européen unique et exclusif de surveillance des banques, que ce soit via la BCE ou l’EBA (European Banking Authority).

Le troisième pilier de cette union bancaire serait un fonds de résolution des crises bancaires financé par le secteur lui-même et intervenant automatiquement selon des critères clairement définis pour sauver les groupes « too big to fail ».

 

Que peut on attendre du prochain sommet concernant cette Union Bancaire ?

 

L’Union Bancaire sera certainement « in fine » une « Union financière », plus facile « à vendre » aux citoyens devenus assez allergiques à tout ce qui touche au mot « banque » ! Pourtant, il s’agit bien de l’intérêt de tous que ce ne soit plus les Etats, donc les citoyens, qui paient pour les banques…

Rien n’interdit d’espérer que le Conseil européen de la fin de semaine n’accouche au sujet de l’Union Financière de l’équivalent d’un « comité Delors » comme ce fut le cas en juin 1988 pour la genèse de l’Euro.

Une première impulsion forte vers l’Union Financière sur la base des propositions de M.Draghi et de la Commission traduirait enfin une vision à dix ans au delà des obstacles présents.

Pour finir, la presse italienne relaie depuis vendredi l’idée d’un projet de « serpent européen anti spread »

 

Il faut comprendre le contexte italien. M.Monti est toujours supporté par le centre gauche et le centre droit, malgré les dernières agitations de Berlesconi qui s’est interrogé récemment sur l’opportunité de revenir à la Lire…

Monti vient lui de réussir à la fois à sécuriser le budget italien (qui dégagera l’année prochaine un excédent primaire), à réformer le régime des retraites et le marché du travail (ce sera voté ce mardi).

Mais pour tirer les bénéfices de leurs sacrifices, les italiens ont besoin que l’Euro retrouve sa crédibilité. Le travail au niveau national a été fait, mais l’Italie et l’Espagne empruntent toujours 4 à 5 fois plus cher que l’Allemagne.

D’où cette proposition d’une activation automatique du futur ESM pour qu’il puisse intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines européennes dans le cadre de marges de spread définies et acceptées préalablement par l’ensemble des Etats Membres.

Aujourd’hui, le paradoxe vient que tout recours aux mécanismes prévus par le FESF ou le MES, que ça soit pour recapitaliser les banques ou pour acheter des titres de dette souveraine, provoque pour l’Etat en crise une aggravation de sa situation. Les marchés interprète aussitôt cet appel comme un « quasi bailout ».  D’où la suggestion du FMI d’une recapitalisation directe des banques où l’idée italienne d’un accord pour une intervention européenne automatique dès que les marchés joueraient l’éclatement des spreads de la zone euro.

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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12 Commentaires

  1. L’ « entourage » de François Hollande lui conseillerait de travailler à faire chuter Angela Merkel en 2013, ce qui le conduirait à refuser aujourd’hui la main tendue politiquement par la chancelière et par son Ministre francophile et europhile Wolfgang Schäuble.

    Il suffit de suivre quotidiennement ce qui se passe dans l’opinion publique allemande et dans les relations des Verts et du SPD avec la chancelière pour comprendre qu’une telle logique est vouée à l’échec et favorisera plutôt la perte du SPD aux prochaines élections législatives allemandes (!).

    Le SPD et les VERTS viennent de signer le pacte de stabilité et ne reviendront pas en arrière. Tout rapprochement trop voyant avec le P.S. sera utilisé électoralement par A.Merkel.

    L’avenir est dans un vrai rapprochement politique franco-allemand, sans arrière-pensée et sans condition, et alors, en s’engageant dans une coopération responsable, confiante et équilibrée, le P.S. pourra faire valoir les valeurs démocratiques et sociales de cette nouvelle union solidaire européenne. Il y a urgence !

    Tout le reste ne conduira qu’à des fanfaronnades arrogantes, à des gesticulations stériles, et risquent plutôt de déconstruire rapidement (dans les cinq ans à venir) ce qui a péniblement été tissé depuis plus de 60 ans….

    Bernard DELADERRIÈRE, militant « éclairé » et actif des relations franco-allemandes depuis 45 ans, au niveau local, régional et national, Vice-Président du Mouvement Européen France, chargé des Relations internationales.

    • Cher ami, Voici bientot 20 ans que nous avons adopté un nouveau système économique, la Pensée-Unique, de son vrai nom, le Monétarisme. En réalité, il est adopté depuis que les socialistes et les gaulistes l’ont adopté, soit une dizaine d’année de plus. Et ce système nous enfonce dans la pauvreté et du peuple et des états. Il y a un vice quelque part. Lisez l’article 56 du traité de Maastricht, et vi=ous comprendrez. Ce système économique est incompatible avec la Démocratie.
      Pierre.Bellenger@wanadoo.fr

      • La « pensée unique »,ce n’est pas le monétarisme, c’est la financiarisation de l’économie avec toutes ses techniques (titrisation, etc) qui ont conduit à privilégier le court terme sur le long terme qu’exige tout investissement industriel ou en R&D… Cette financiarisationconduit à un système où l’économie virtuelle prend le pas sur l’économie réelle… Voilà ce qu’est la Pensée unique qui n’a reçu de mise en oeuvre concrète et complète qu’aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
        Il faut veiller à ce que l’idéologie ne conduise pas à dire –involontairement ?– des choses inexactes.

        • pardonnez moi, mon raisonnement pêche. Le monétarisme est une défiance envers l’état qu’il empêche de se financer auprès de sa banque centrale et…. contraint à se financer sur les marchés (auprès des banques). Avec les effets que l’on connait.
          Les deux choses sont tout à fait liées

  2. Cher ami,
    Nous voudrions garder pour les états le système économique de la Pensée-Unique et en même temps, nous voudrions que l’Europe adopte un système opposé. C’est impossible.
    Car cela n’enlèvera rien à l’hémoragie dont sont victimes les états et l’Europe, grâce au Traité de Maastricht et particulièrement, de son article 56.
    Pierre.Bellenger@wanadoo.fr

    • Qu’appelez-vous précisément « système économique de la Pensée Unique » ?
      Dans un débat d’idées, il est en effet nécessaire de définir les concepts que l’on emploie, sinon cela ressemble à l’emploi de slogans..!
      Pour vous aider à préciser votre pensée, êtes vous pour l’économie administrée? pour la nationalisation de tous les moyens de production ? Pensez-vous que le seul modèle économique alternatif valable est celui de la Corée du Nord? Ou celui de la Grèce d’avant la crise, qui a conduit à la crise qu’a connu ce pays ?
      Par ailleurs, le Traité de Maastricht n’a empêché ni l’Allemagne ni la Finlande ni d’autres pays membres de l’€urozone de réussir leur mutation économique tout en préservant l’essentiel de leur modèle social.
      Dans tout débat, mieux vaut éviter d’avoir des « fixations » qui ont besoin du recours aux boucs émissaires (le Traité) pour masquer l’absence d’arguments…

  3. F. Hollande voudra-t-il être un vrai européen capable de relancer la construction européenne ou emportera-t-il une voie moyenne ayant comme priorité la satisfaction des différentes tendances de son parti? La nomination de ses minisres (affaires étrangères et européennes) me laisse perplexe. Le choix européen réclame une cohérence constante… même dans les détails!

  4. la tribune de Lorenzo Consoli me paraît parfaitement claire :
    il faut parvenir à coopérer avec l’Allemagne d’aujourd’hui et non pas avec celle dont on rêverait pour 2014,
    parce qu’il ya urgence
    parce que ni la position du SPD, ni son avenir ne sont clairs, comme d’ailleurs ceux des Grünen.
    Il faut sortir du financement des profits bancaires sur le dos des contribuables européens. Ce dysfonctionnement institutionnel heurte le bon sens comptable autant que la démocratie.

    Sinon 10/10 en l’attente de résultats concrets, je mettrais pourtant une note élevée à Hollande, car il a fait entrer l’Union dans le paradigme de la croissance. C’est un véritable retournement après des années de dogme de la rigueur et du désendettement hors sol.

  5. Le paquet avalisé (augmentation du capital de la BEI, réorientation des Fonds strurturels, émission de projects-bonds)par les Quatre à Rome est en préparation depuis décembre dernier: il avait été prsenté par le tandem Merkozy au Conseil européen de 2011… présenter ce paquet comme une nouvelle initiative due à la ténacité de M. Hollande est donc plutôt…osé ..! Mais il n’y a qu’en France qu’on présente cela ainsi et qu’on affecte d’y croire..! 🙂
    Quant à la position allemande (les sociaux-démocrates comme Ms Merkel), elle n’est pas celle que l’on caricature en France pour y justifier l’absence de réformes: la rigueur, rien que la rigueur.! La position de tous les partis allemands est qu’il faut mettre en commun un certain nombre de responsabilités budgétaires au niveau européen pour donner un caractère strucurel et d’action à la solidarité… Ne plus se contenter d’une solidarité d’assistance dans l’urgence, payée in fine par le contribuable allemand car il serait le seul puyeur en dernier ressort (PDR) en cas de défaillance des autres Etats membres. Par ailleurs, ce schéma prévient collectivement tout risque de dérapage budgétaire au lieu d’interventions ex post aléatoires: en outre, il serait communautaire, donc transparent à l’égard du Parlement européen… La France n’en veut pas parce que depuis plus de teente ans, elle s’est montrée imcapable d’avoir une gestion efficace de son budget national et de ses budgets régionaux.. Mais aussi parce qu’elle n’a pas su réorienter son appareil productif comme a su le faire non seulement l’Allemagne, mais aussi la Finlande et les Pays-Bas, sans compter l’Italie redevenue exportatrice ce mois-ci…On voit bien là que ce n’est pas le traité de Maastricht qui est responsable de tout, mais l’incapacité des dirigeants français à anticiper les évolutions des appareils productifs dans le monde… Par ailleurs, si la france a peur de l’adoption de mécanismes de solidarité structurelle, c’est que son Président actuelle a peur des conséquences pour la cohérence…de son parti, divisé lors du référendum de 2005. Ceci s’appelle du patriotisme de part: est-ce à l’échelle des défis et problèmes ? That’s the question..!

  6. J’ai du mal à comprendre comment on peut arriver au dévelopement au niveau européen, toute en continuant les politiques de riguer au niveau national.
    J’ai l’impression que, ici et maintenant, nous devons proposer un projet complet des Etats Unis de l’Europe.
    Avec un parlement fédéral souverain et plénipotentiaire, ayant droit de désigner le gouvernment Européen, et de légiférer au niveau européen. Et qui, de tout droit, prendra toutes les décisions concernant la politique économique, que ça soit la rigueur ou les politiques d’expansion de l’économie.
    C’est moins utopique qu’il y paraît et, certainement, ne prendra pas plus de temps que d’instaurer une gouvernance économique commune sans aucune légitimation par le suffrage universel qu’on nous propose dernièrement. Il faut trancher; pour l’Europe, mais pas pour n’importe quelle Europe.

    • C’est la direction des premières propsitions allemandes que vous faites là…
      Elles ne vont pas encore aussi loin que ce que vous décrivez, justement pour tenir compte de la frilosité des élites politiques françaises à l’égard d’une mise en commun accrue des souverainetés nationales en échange d’une extension de la dimension démocratique de la construction européenne…

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