5 raisons de ne pas croire dans les méga-bassines

Benoit Biteau, paysan, agronome et député européen Europe Ecologie Les Verts, publie un argumentaire en cinq points pour abandonner le projet des méga-bassines.

Pour comprendre cette nouvelle séquence de la lutte contre les méga-bassines, malgré la mobilisation historique à Sainte-Soline le 25 mars dernier et le rejet, par le Conseil d’Etat, de la dissolution des Soulèvements de La Terre souhaitée par un gouvernement qui, plutôt que de constater que la température monte sur le front du climat et de l’acceptation sociétale de cette fuite en avant financée par beaucoup trop d’argent public, préfère casser le thermomètre, voici quelques éléments de compréhension :

1. Non, ces méga-bassines ne sont pas remplies par de l’eau de pluie…

… mais par des pompages en nappes souterraines, provoquant des rabattements de nappes trop sévères pour satisfaire en été les autres usages de l’eau comme la fourniture d’eau potable, le bon état des milieux aquatiques, ou encore la pérennité d’activités comme l’emblématique, l’authentique, l’identitaire production d’huîtres de Marennes-Oléron.

2. Non, ces méga-bassines ne sont pas indispensables pour satisfaire la souveraineté alimentaire.

L’irrigation, qu’elle soit réalisée en prélevant l’eau dans les nappes ou les méga-bassines, n’est pratiquée que par 6% des agriculteurs, et les méga-bassines ne permettent pas d’élargir l’accès à l’eau à de nouveaux irrigants, malgré les enveloppes publiques pharaoniques mobilisées. Elles ne permettent que de sanctuariser des autorisations d’usage de l’eau historiques. Refusons ensemble le discours insultant, dégradant, méprisant des Ministres de ce gouvernement et du Président de la République, à l’endroit des 94% d’agriculteurs qui n’irriguent pas, qui souvent sont créatifs dans les solutions agronomiques, et qui seront potentiellement les premières victimes de cet accaparement, cette confiscation de l’eau par une minorité, répétant à l’envi qu’il n’y a pas d’agriculture sans irrigation.

3. Non, ces méga-bassines ne sont pas la condition incontournable du maintien de l’élevage.

Plutôt que de nourrir des herbivores avec du maïs pauvre en protéines, exigeant de compléter la ration avec du soja importé de l’autre coté de l’Atlantique et participant à la déforestation du poumon de la planète, nourrissons-les avec de l’herbe. Et pour les filières nécessitant encore du maïs, préférons le maïs population, mis au point par les paysans eux-mêmes qui ressèment leurs propres graines, retrouvant ainsi leur autonomie génétique et semencière, et surtout n’ont pas besoin d’irriguer pour le produire. L’irrigation du maïs représente 60% des prélèvements d’eau réalisés par l’agriculture. Imaginez si demain nous retirions ces volumes de l’équation à résoudre du partage de l’eau ?

4. Non, les méga-bassines ne sont pas une solution d’adaptation au dérèglement climatique et d’endiguement de l’effondrement de la biodiversité.

C’est même l’exact inverse, tant elles s’adressent aux agriculteurs les plus impactant sur le climat et la biodiversité en raison de leur addiction aux pesticides, aux engrais de synthèse et ……à l’eau ! Ceux qui veulent des bassines, financées par l’argent public, sont précisément ceux qui depuis des décennies se sont acharnés à arracher les haies, les arbres, ont retourné les prairies, les ont drainées, supprimant ainsi leur capacité à stocker l’eau l’hiver et au printemps, et ont effacé les méandres des cours d’eau, les ont recalibrés pour qu’ils deviennent des « autoroutes » de l’eau, l’évacuant toujours plus vite vers la mer, et qui hurlent aujourd’hui que l’eau rejoignant la mer est de l’eau perdue. Des pompiers pyromanes ! Qui pourraient pourtant comprendre, en considérant que seul le stockage souterrain de l’eau est pertinent pour pouvoir satisfaire tous les usages, que la sollicitation de l’argent public devrait en priorité absolue être mobilisée pour réaménager les territoires afin que tout soit mis en œuvre pour retenir, ralentir l’eau sur les bassins versants, permettant son infiltration et le rechargement des nappes souterraines, et donc restaurer un fonctionnement efficace du grand cycle de l’eau, a fortiori dans ce contexte de dérèglement climatique qui impose l’urgence à agir !

5. Non ces méga-bassines ne sont pas conformes aux réglementations sur l’eau et les milieux aquatiques en vigueur en France et en Europe.

Tous les recours déposés par les associations ont été gagnés devant les juridictions françaises. La communauté scientifique, qui a éclairé ces jugements, affirme également que les conditions de la réussite d’une bonne gestion, d’un juste partage de l’eau ne sont pas réunis dans ces projets. La mobilisation citoyenne importante illustre également que l’acceptation sociétale des contribuables qui voient leurs impôts engloutis dans cette fausse bonne idée, cette fuite en avant, n’est pas au rendez-vous.

Alors comment faire, a fortiori pour un élu, quand on est viscéralement attaché aux valeurs de la République et à sa justice, à la démocratie, à l’Etat de droit et aux éclairages de la communauté scientifique, quand ce gouvernement cynique piétine sans complexe les décisions de justice, les expertises scientifiques, la démocratie et les attentes citoyennes ?

Il nous reste les mobilisations, et c’est l’objectif de ce convoi de l’eau auquel je m’associe sans réserves. Et ne serait-ce pas la place de l’ensemble des élus se revendiquant attaché à l’Etat de droit ?

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26 Commentaires

  1. Merci pour cet article très riche, rigoureusement argumenté. Petit bémol pour le titre. Il ne s’agit pas de croire ou de ne pas croire (comme en Dieu, par exemple) mais d’une démonstration que les méga-bassines sont une fausse bonne solution, destructrice de notre environnement.

  2. C’est la première fos que je lis un article de Sauvons l’Europe qui n’est pas écrit par l’un de ses membres et qui n’est même pas commenté .
    Il y aurait qq même pourtant énormément de choses à dire sur les affirmations inexactes voire mensongères dont ce pamphlet est truffé depuis l’origine.
    Dire que seuls 6% des agriculteurs pratiquent l’irrigation, c’est peut-être vrai à l’échelon national, mais pas à Sainte Soline où, si mes souvenirs sont bons, plus de 200 irriguants sont à l’origine de cette bassine, irriguants dont la surface d’exploitation moyenne d’exploitation est de 67ha . Question Gros Propriétaires, il y a mieux!
    Mais le mensonge le plus gros se tient au début de l’article ( c’est un procédé bien connu) : non, les pompages ne se font pas dans les nappes en été mais bien en hiver ou au printemps quand celles-ci débordent. Vous me direz, une nappe ne peut pas déborder, eh bien si, car celles-ci ont un profil bien particulier, lié à la présence de calcaire fissuré dans le sous-sol. L’eau ne peut pas s’y stocker et coule directement vers la mer en qq jours.
    Tout ceci est clairement expliqué par le BRGM, mais votre auteur n’a pas pris la peine de se documenter. Au lieu de ça, il préfère « mobiliser » les opposants pour un combat qui s’avérera rétrograde et antisocial. Bravo la « gauche ».

  3. très bien, la situation de nos terres est bousculée par les changements climatiques et l’héritage de nos pratiques vis à vis de la biodiversité. Nous ne pouvons plus continuer avec les méthodes des années 70 et faire appel au même genie civil ( nos geometres ou autres hydrologues d’une autre decennie), d’autres expertises et savoir faire doivent être mobilisés pour faire face à nos défis.

  4. Bonjour,
    Nous nous sommes rencontrés lors de ta venue à Mouans Sartoux
    Attac 06 et le collectif 06 stop accords de libre échange va participer à une foire « bio et local » à Antibes. Est-ce que je peux diffuser ce texte ?
    Merci

    Michèle Muratore

  5. Les explications sur les méga bassines sont particulièrement claires et bien évidemment, nous devons ne pas laisser faire.
    La megabassine est vraiment le symptôme de la dérive de l’agriculture intensive.
    STOP.

  6. C’est incroyable de voir ce gouvernement agir comme il veut et ignorer l’opinion d’une grande majorité des citoyens et des experts scientifiques.
    La solution ? Il est primordial, à côté des manifestations, de renforcer les partis de gauche et écologiques, afin de ne pas avoir une fois de plus le choix ultime entre un candidat libéral et une candidate d’extrême droite. Pour cela, il faudrait absolument se tourner envers ceux qui ne se sentent pas impliqués par la politique, en particulier les citoyens des couches sociales faibles. Ils font partie de notre pays et peuvent changer la mise. Donc prenons le temps de les convaincre !

  7. Bravo Benoît ! Un avis censé sur les mégas bassines d’un élu agriculteur qui a gardé la tête sur les épaules et ses pieds dans la terre qu’il cultive. Contrairement à plusieurs de nos représentants qui ne défendent, bec et ongles, que des intérêts privés à grand renfort d’argent public, malheureusement pour la collectivité. Cela « les citoyens des couches sociales faibles » ne le comprennent pas, voire leur est égal, n’étant plus assujettis à l’impôt sur le revenu. Et pourtant ce captage et cette distribution d’argent public (impôts et taxes) se fait actuellement au détriment du plus grand nombre et accélère le dérèglement climatique.

    • Vous devez bien le connaître si vous m’appelez Benoît mais détrompez vous M biteau parle beaucoup mais l’état de ses champs ressemblent plus à des friches qu’à des cultures pouvant être récoltées et je pense qu’entre les excès des années 80-90 et le modeles que veut nous imposer les écolos, il y a un canyon !!!

  8. Que vient faire ce plaidoyer anti-mégabassines dans un site consacré à l’Europe? Sauvons l’Europe ou sauvons les écolos? Il y a beaucoup d’écolos, notamment en Vendée, qui ne voient pas d’inconvénients à ces mégabassines, mais on ne les entend jamais.

    • Parce que tout simplement l’Europe conteste la pertinence de cette solution au regard des infractions qu’elle présente sur 6 directives cadre européennes différentes. Il s’agit donc bien d’un sujet européen. Et les « écologistes » vendéens devraient réviser les réglementations européennes avant de s’afficher en soutien des fuites en avant et des fausses bonnes idées imaginées par la FNSEA. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PETI-CM-696618_FR.pdf

      • Merci pour votre réponse et le renvoi vers la pétition de Lucille Richard. Au lieu d’un plaidoyer antibassines partial et sans nuances, il eût été plus pertinent d’ouvrir le débat et de voir pourquoi la question de la gestion de l’eau est un sujet européen, ce qui n’est pas évident a priori.

  9. Bonjour.

    Bravo, bravo à Monsieur Benoit BITEAU, à vous les commentateurs.
    J’ai de plus en plus de plaisir à vous lire, encore merci.

  10. Je ne comprends pas pourquoi cet article sur « sauvons l’Europe » ? On aura du mal à faire avancer l’Europe en mélangeant tous les débats et en enfermant le débat français dans des débats franco français

    • Rien de franco-français, bien au contraire. L’eau se gère au-delà des limites administratives, et les infractions aux réglementations européennes ici ont des répercutions là-bas et vice versa. Et parce que tout simplement l’Europe conteste la pertinence de cette solution au regard des infractions qu’elle présente sur 6 directives cadre européennes différentes. Il s’agit donc bien d’un sujet européen. Et les « écologistes » vendéens devraient réviser les réglementations européennes avant de s’afficher en soutien des fuites en avant et des fausses bonnes idées imaginées par la FNSEA. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PETI-CM-696618_FR.pdf

    • Bonjour Monsieur GAMBIER, bonjour Monsieur BARDOT.

      Le débat sur les mégas-bassines se fait également au niveau européen, la commission européenne est intéressé par ce dossier puisqu’il aurait une atteinte à 6 DIRECTIVES EUROPEENNE ( Habitats, Oiseaux, Eaux souterraines, Eau potable, Dommages environnementaux, Accès du public à l’information en matière d’environnement, etc…).

    • Franco-français, ah bon ??? Allez voir en Espagne, en Italie, en Grèce, ces méga-bassines qui épuisent de manière mortifère les nappes phréatiques. Sortez de chez vous, Gambier !

  11. Cet article, interessant sur le fond, pèche par l’absence d’un contre argumentaire, cela en fait plus un plaidoyer qu’une enquète, c’est intéressant, mais c’est partial.
    Pouvez vous mettre en relief cet article avec un droit de réponse des partisans des bassines sur chacun des points soulevés ?
    Merci pour vos articles

    • Et quand on aura un article sur le réchauffement climatique, il faudra aussi absolument publier, avec la même taille, un article d’un climato-sceptique; de la même façon, si on publie un article sur les vaccins, il faudra aussi donner le micro à un anti-vax. C’est bien cela que vous voulez dire?

  12. En plus, il me semble qu’avec le changement climatique, nous aurons de plus en plus souvent des périodes caniculaires . Que fait l’eau? Et bien, elle s’évapore… elle se transforme en nuage et va mouiller ailleurs. Elle pompe la pollution aérienne , devient un nid à moustiques et autres bestioles… Le niveau de l’eau baisse dans la bassine (voir les lacs de barrage par exemple) … Elle est tellement mieux conservée dans sa nappe phréatique!!!

  13. Bien d’accord avec ce diagnostic sur l’état de l’agriculture. Il semble cependant que en effet des bassines fonctionnent en Vendée sur la base de prélèvements d’eau en surface directement liés aux pluies hivernales, avec une petite amélioration du niveau de la nappe. Certaines bassines peuvent donc être utiles, à condition de le faire en toute transparence avec des études scientifiques et avec l’accord de tous les acteurs professionnels et associatifs, et à condition, pour la rentabilité de l’investissement, que les pluies hivernales soient excédentaires, ce qui avec le changement climatique est loin d’être garanti. L’évolution des pratiques agricoles reste la solution d’avenir.

  14. Merci pour cet article. C’est vrai qu’il est un peu loin du thème principal de SLE…. Et c’est vrai aussi que les arguments présentés sont tous des sujets de controverse. Donc, vu la qualité des infos que présente habituellement SLE,il est probable que nous lirons prochainement , sur ce même site, un plaidoyer argumenté pro-bassine : nous sommes nombreux à l’attendre.

  15. Bonjour,

    Sauvons l’Europe s’intéresse à tous les sujets qui ont une résonnance européenne. En l’occurrence nombre de régulations relatives à l’eau sont européennes, et le débat à ce sujet ne s’arrête pas à nos frontières.

    A tous ceux qui s’interrogent sur la publication d’une prise de position tranchée sur un tel thème : Sauvons l’Europe rassemble toutes les familles progressistes pro-européennes, ce qui induit des désaccords et des échanges entre nous. Dans cet esprit, nous sommes régulièrement ouverts à la publication de tribunes.

    Enfin toutes nos excuses pour le retard de publication de certains commentaires : les robots anti-spam sont en cours de dressage !

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