Politique étrangère et diplomatie britanniques à l’horizon 2023

« Nous sommes en paix, nous sommes prospères et nous vivons sur une île – alors pourquoi nous embêtons nous à faire de la politique étrangère ? » Le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly, a prononcé le 12 décembre 2022 un discours au Foreign Commonwealth and Development Office exposant sa vision de la politique étrangère du Royaume-Uni. Deux ans après l’instauration du Brexit, Kévin Lognoné (analyste en capacités partenariales, managériales et d’innovation) en a traduit les grandes lignes, édifiantes de l’état d’esprit qui règne maintenant en Grande-Bretagne…

« Pourquoi ai-je visité le Kenya et l’Ethiopie la semaine dernière et la Pologne et la Roumanie la semaine d’avant ? Pourquoi les ministres de ce ministère voyagent-ils partout dans le monde, pourquoi avons-nous des fonctionnaires partout dans le monde ?

Pendant la plus grande partie de notre histoire, la force a toujours eu raison, et le pouvoir était tout ce qui comptait. Les nations au cours des siècles semblaient cruellement obligées de justifier l’avertissement de Shakespeare : Pouvoir en volonté, volonté en appétit ; et l’appétit, un loup universel, si doublement secondé de volonté et de puissance, doit forcément faire une proie universelle et se dévorer en dernier.

Ainsi, une génération de dirigeants clairvoyants a construit un ensemble de règles et d’institutions internationales destinées à faire du droit – et non du pouvoir seul – l’arbitre des relations entre États.
La Grande-Bretagne s’est jointe aux États-Unis d’Amérique, à la France et à près de 50 autres nations pour créer les Nations Unies. Et l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une Déclaration universelle des droits de l’homme sans un seul vote dissident, proclamant – et je cite – le « droit inaliénable de tous les membres de la famille humaine ».

Malgré toutes les tragédies et les effusions de sang des huit dernières décennies, la vérité remarquable est que, selon les normes historiques, ce système a fonctionné. Et une seule fois depuis la fondation de l’ONU, un pays membre a été rayé de la carte, avec tout son territoire national annexé par un autre. Cet acte d’agression commis par l’Iraq contre le Koweït en 1990 a été rapidement annulé.

Considérez un instant le monde alternatif auquel aspire Vladimir Poutine. Il mène une guerre de conquête impériale du XIXe siècle, dégradant délibérément la conduite internationale, méprisant totalement les valeurs d’aujourd’hui. Et en attaquant l’un des plus grands producteurs mondiaux de nourriture et d’engrais, il fait grimper les prix mondiaux et inflige des difficultés encore plus grandes à certaines des personnes les plus pauvres du monde. C’est donc le Premier ministre Modi qui a dit à Poutine en face, et je cite : « Je sais que l’ère d’aujourd’hui n’est pas l’ère de la guerre ».

Nous devons avoir une endurance stratégique, une volonté de nous engager dans des relations pour les décennies à venir. Et cela signifie apprendre de nos concurrents et toujours penser 10, 15, 20 ans ou plus à l’avance.

Maintenant, l’heure de la confession. Malgré tous mes efforts, je suis prêt à admettre qu’il est peu probable que je sois ministre des Affaires étrangères dans 25 ans, ce qui est dommage car c’est un travail que j’aime.

L’objectif principal des puissances futures est de générer de la croissance, de créer des emplois et de satisfaire les aspirations de leur jeunesse. Et cela signifie attirer des investissements, cela signifie tirer pleinement parti de leurs propres ressources naturelles et cela signifie exploiter la puissance des nouvelles technologies. Cela signifie décarboner leurs économies d’une manière qui répartit les gains et minimise les pertes, réalisant ainsi une « transition énergétique juste ».

Dans tous ces domaines et bien d’autres, notre opportunité est de montrer que le Royaume-Uni peut être et sera un partenaire fiable, digne de confiance et à long terme.

Nous continuerons donc à développer des offres britanniques claires, convaincantes et cohérentes, adaptées à leurs besoins et à nos atouts, couvrant le commerce, le développement, la défense, la cybersécurité, la technologie, le changement climatique et la protection de l’environnement. Parce que nous savons que dans les décennies à venir, il y aura des chocs économiques, que le changement climatique aura ses effets néfastes, et que les pays voudront de la technologie, du financement et de l’accès aux marchés pour soutenir leur développement.
Lorsque des États puissants comme la Chine rejettent les alliances défensives comme une « politique de bloc », soit ils comprennent mal le désir de chaque nation de vivre en paix, sans crainte d’agression ; ou ils fournissent peut-être un signal d’intention, particulièrement effrayant de la part d’un pays qui se militarise à un rythme que le monde a rarement vu auparavant.

Pour sa part, la Grande-Bretagne démontrera son engagement à long terme envers l’Indo-Pacifique, notamment en rejoignant l’accord de libre-échange transpacifique dès que possible. Mais en fin de compte, toutes nos fortunes dépendront d’un ordre international stable et pacifique.

Le Royaume-Uni doit maintenant travailler avec ses alliés internationaux et ses nouveaux partenaires pour maintenir le meilleur de cette réalisation, qui vise à protéger chaque pays et à créer le cadre permettant à chacun de prospérer.
C’est pourquoi nos diplomates et nos experts en développement font l’effort ; c’est pourquoi je prends l’avion quelque part presque chaque semaine, c’est pourquoi je m’efforce de construire les partenariats du futur, pour que notre pays puisse s’épanouir, aux côtés de nos amis, anciens et nouveaux. »

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11 Commentaires

  1. Quel est l’intérêt de cet article dans Sauvons l’Europe ? Le mot Europe est absent de ce texte ! La Pologne et la Roumanie ont été mentionnées pas la CEE ? Ce discours aurait pu être tenu par Farage lors de son dernier discours dans le Parlement Européen ! Qui, même en Grande Bretagne, prendra ce discours au sérieux ?

    • Ce que vous dites est exact. À lire le discours, c’est comme si, quand la Grande-Bretagne s’est retirée de l’Union Européenne, cette dernière avait cessé d’exister. En anglais ça s’appelle du wishful thinking. Comme dit Gollum dans le seigneur de Anneaux : « We hates them. We don’t want them to exist ».

    • Entièrement d’accord ! Ce discours ne veut rien dire, sinon que la GB ne sait pas dans quelle direction aller maintenant que le Brexit a coupé l’accès à l’UE dans de nombreux domaines… Un désastre qui lui coûte de plus en plus cher !

  2. C’est très bien que le gouvernement anglais a compris les enjeux climatiques et économiques mais aussi la nécessité d’alliances pour la paix. Toutefois il ne semble pas encore avoir réalisé qu’une alliance économique européenne est tout aussi importante pour stabiliser nos économies et nous donner du poids envers les États-Unis ou la Chine.
    Il me semble que ce discours tend surtout à conforter les citoyens anglais dans leurs ambitions de jouer un rôle majeur dans l’économie mondiale sans avoir recours à l’Union européenne. C’est dommage et surtout arrogant !

  3. Qui pouvait attendre un discours britannique pro-européen en période de crise post-Brexit ? C’est déjà pas mal de constater un accord sur les principes fondamentaux du droit international.
    Penser que Farage pourrait tenir ce discours, à une période où le Royaume-Uni s’engage clairement en faveur de l’Ukraine, relève du canular.
    En revanche, la faiblesse des dirigeants du Labour face à l’échec annoncé (et réalisé) du Brexit est consternante.

  4. On y croit…
    Sauvons l’Europe est maintenant l’organe officiel de l’Empire anglo-saxon. Bravo !
    Un peu comme les Verts allemands qui appellent maintenant à une intervention militaire de l’OTAN en Ukraine. Guerre causée principalement par sa faute (comme celles précédentes au Moyen-Orient/ sans compter toutes les « opérations spéciales » de la Guerre froide). Vous aviez déjà appelé à voter le néolibéral Macron, c’était louche. Mais alors là, chapeau. Votre site devrait plutôt s’appeler Enterrons l’Europe. C’est d’une tristesse sans nom.

  5. Bonjour.

    Pour moi, ce discours est surtout destinés aux britanniques, il me paraît assez pitoyable car ce genre de propos cache les errements et l’incompétence des divers gouvernements d’après BREXIT.

    Je ne vois pas dans ce texte ou Sauvons l’Europe prend parti, il semblerait qu’il nous le communique pour que nous en faisions nous même notre propre analyse, est ce que je commets une erreur de compréhension ?

    • Nous tenions en effet, à travers cette traduction, a montré l’irrespect envers l’UE que ce ministre des Affaires Etrangères ne cite volontairement jamais. Exaspérant.

  6. Comme d’autres commentateurs le disent, je ne vois pas ce que ce discours vient faire ici. Je m’attendais à une analyse. Or il n’y en a pas. Peut-on l’espérer?

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