Unis dans la diversité – y compris la diversité de sexe et de genre

A quelques jours de la Marche des Fiertés 2023 à Paris, et dans le cadre du mois des Fiertés, Flora Bolter, codirectrice de l’Observatoire LGBTI+ (Fondation Jean-Jaurès) revient, dans cet article, sur les droits LGBTI+ et l’Europe.

Retrouvez l’intervention complète de Flora Bolter lors de l’événement organisé par Sauvons l’Europe le 24 mai dernier
en cliquant ici.

En juin 2023, la guerre consécutive à l’invasion russe en Ukraine fait toujours rage, entre bombardement du barrage de Kakhovka et offensive importante de l’Ukraine pour regagner son territoire.

En juin 2023, en plein dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler « le mois des fiertés » à l’échelle internationale, la Douma vote en première lecture une loi interdisant la transition de genre et les accompagnements médicaux correspondants, tandis qu’en Ukraine, Volodymir Zelenskiy envisage la possibilité d’ouvrir la reconnaissance des couples de même sexe à la suite d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme.

La mise sur le même plan de ces deux réalités pourrait sembler absurde, voire scabreuse. Et pourtant, ce qui se joue sur le front des droits des personnes lesbiennes, gaies, bi, trans, intersexes et au-delà (LGBTI+) entre l’Ukraine et la Russie est une petite pierre de touche d’une opposition plus générale et frontale qui touche aux valeurs fondamentales de nos démocraties libérales – et qui engage la vision que nous nous faisons du projet européen.

Car en se posant comme le dernier bastion des « valeurs culturelles et familiales » face à « l’idéologie anti-famille de l’Occident », pour reprendre les mots du vice-président de la Douma d’État, le régime de Poutine ne fait pas que flatter les instincts haineux d’une majorité de l’opinion russe s’agissant des LGBTI+, il consolide également une dichotomie entre la pureté patriarcale, autoritaire et nationaliste qu’il souhaite incarner et sur laquelle il veut fédérer à l’international, contre un « occident » présenté comme décadent, faible, efféminé.

Et ce discours ne s’adresse pas à n’importe qui : c’est avant tout les pays de l’ancienne URSS et du Pacte de Varsovie qui sont sommés de ne pas se rapprocher de l’Europe et de l’OTAN – rapprochement incarné au plus haut degré par l’Ukraine post-Yanoukovitch.

Et Poutine n’est pas le seul entrepreneur politique mondial qui compte sur les haines envers les LGBTI+ pour faire son beurre, toujours au détriment d’un « occident » fantasmé : outre ses succédanés hongrois et polonais, outre les mouvements religieux du Sud mondial, un nouvel acteur s’affirme de plus en plus sur ce front, principalement malgré lui : les Etats-Unis voient se multiplier des initiatives législatives anti-LGBTI+ de manière effrénée et parfois victorieuse, dans une frénésie (491 propositions ou projets de loi dans les différents États au 16 juin 2023) qui inquiète même l’ONU.

Ne serait-ce que par défaut, l’Europe (l’Union aussi bien que le Conseil de l’Europe) se retrouve donc désignée comme le principal champion mondial des LGBTI+. Si la Commission a compris ce rôle et l’assume, notamment en mettant au point une ambitieuse Stratégie pour l’égalité LGBTQI 2020-2025, elle est également ralentie dans ses ardeurs par les atermoiements interminables autour des procédures d’article 7 à l’égard de la Pologne et de la Hongrie, qui cristallisent ses tiraillements internes sur la question. Et les Etats membres, comme leurs opinions, sont traversés par des mouvements « anti-genre » qui refroidissent les ardeurs des politiques.

Pourtant, les droits des personnes LGBTI+ relèvent des droits humains fondamentaux, de la société libre et ouverte qui est consubstantielle au projet européen car les libertés individuelles ne sont pas des éléments secondaires du modèle démocratique. Il importe de porter ces droits avec force et fierté – les Ukrainiennes et les Ukrainiens, eux, l’ont bien compris.

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19 Commentaires

  1. Certains en Europe pensent peut-être vivre dans une société libre et ouverte…comparativement pourquoi pas…? Et en Ukraine on comprend bien que cette illusion collective et provisoire puisse faire rêver. Le rêve c’est l’opium du peuple ! Quand aujourd’hui, la majeure partie de nos actes participent à notre future disparition en tant qu’espèce. Ne serait-il pas plus important de porter un droit à pouvoir continuer de vivre sur la Terre, droit dont nous nous privons chaque jour un peu plus ?

      • Vous avez raison, l’un n’empêche pas l’autre mais pourquoi avoir admis des pays qui n’ont pas les mêmes valeurs ?

        Pourquoi envisageons nous d’intégrer de nouveaux pays qui n’hésiterons pas à renier leurs engagements ?

        La priorité des priorités n’est-elle pas la finalisation de la construction européenne pour définir un socle commun et définitif, le reste viendra ensuite, bien sûr.

        Comme le signale Monsieur Rahlf, en ne les sous estimant pas, on aborde certains sujets qui semblent être des leurres pour éviter d’aborder des thèmes qui sont fondamentaux.

        • Je partage votre point de vue. Et je ne suis pas sûr que les L, G, B, T soient d’accord entre eux. En revanche, que chacun ait la sexualité qu’il souhaite, c’est la moindre des choses, l’évidence même. C’est une part de la liberté. La dignité des femmes et leur considération comme des humains à part entière me semble aussi fondamentale : je n’ai pas l’impression que ce soit si à l’ordre du jour que cela dans les hautes instances européennes, qui trouvaient le hijab beau et symbole de liberté, ce qui est vraiment se moquer !

          • Comme très souvent, je partage moi aussi les points de vue exprimés par Mylord.

            Cela dit, puisque, de votre côté, vous évoquez une appréciation éthico-esthétique émanant des « hautes instances européennes », je serais très intéressé de pouvoir disposer de la référence précise d’une opinion.aussi surprenante. Merci d’avance pour votre éclairage.

    • le droit de continuer à vivre sur terre est essentiel mais aucunement opposé au projet d’y vivre dans une société libre et ouverte plutôt que dans une société inégalitaire, injuste, dictatoriale… !!!

      • Une société réellement libre et ouverte devrait connaître le principe de la vie pour ne pas s’autodétruire. De mon point de vue nous sommes très loin d’un tel projet de société, les deux modèles évoqués nous menant au même point, d’une autre manière je vous l’accorde mais de façon beaucoup moins schématique que vous les mettez en opposition. Dans les deux cas, la violence appellera la violence.

  2. Je reponds à M. Vernier : vous savez très bien de quoi je parle. Vous n’avez pas oublié non plus le tollé qu’avait provoqué en France du moins une petite fille voilée pour je ne sais plus quelle utilisation autour de l’edication. Oui, cela venait d’une instance européenne qui a fini, je crois sans certitude, par renoncer à cette image. Et puisque je m’intéresse à la dignité des humains, j’espère que ce grand demicrate qu’est Zelinski interdira la vente des ventres de femmes lukrainiennes (pas les plus riches, cela ba de soi)

      • Hélas ! Non, je ne sais pas de quoi vous parlez. Je réitère donc ma demande: merci d’indiquer une source précise – et si possible hors presse « pipole » – des propos que vous rapportez.

        • (post scriptum)
          On peut être compréhensif au sujet de vos corrections: cela nous arrive à tous de commettre des « coquilles »… surtout si l’on s’empresse de vouloir répondre au pied levé.

          Comme je viens de mentionner le mot « pied », j’oserais même, avec votre permission, ajouter que ma sympathie va aussi à un jeu de mots sans doute involontaire, lorsque vous écrivez: « (cela) ba de soi ».

          Pour revenir sur le fond – et toujours dans l’attente d’une réponse à la question que j’ai posée peut-être naïvement au sujet de l’identité des personnes visées et de vos sources – certains pourraient en relativiser la portée en considérant que les propos prêtés aux responsables européens auxquels vous faites allusion relèvent en partie de l’anecdote. Si je devais entrer à mon tour dans le jeu, j’observerais que le foulard si souvent stigmatisé remplit aussi, pour ainsi dire, une fonction de « kit mains libres »: au-delà de sa valeur de symbole, il s’avère en effet très pratique pour caler un GSM – je l’ai souvent constaté dans la rue en croisant de sympathiques musulmanes en pleine conversation téléphonique…

          • Mes amis musulmans et croyants ne pensent pas que le voile soit vraiment si « musulman » que cela.Et c’est etrange: aucun homme ne s’en sert comme d’un instrument commode. J’écris de mon téléphone et je ne parviens pas à voir ce que j’écris. Veuillez excuser les coquilles. Je lis « Le Monde Diplo »et « Marianne ». Pas la presse People, et je le répète, vous savez de quoi je parle. Cette campagne du Conseil de l’Europe, financée par l’UE, en partie, a été retirée, avec de confuses excuses.

  3. Tout en restant sur ma faim dans l’attente d’une réponse précise à la question que j’ai posée à Mme Ascari – à moins que celle-ci se soit simplement contentée de relayer une vague rumeur – je complète mes propos concernant les prises de position émanant de « hautes instances européennes » sur la question très sensible des droits LGBTI+. En suivant en effet une pratique familière à celles et ceux qui l’ont précédé dans l’exercice de ses responsabilités, l’actuel vice-président de la Commission en charge des Affaires étrangères de l’UE et ancien président du Parlement européen, Josep Borrel, s’est exprimé le 17 mai dernier (Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie)

    Je me permets de citer quelques passages de sa déclaration:

    – « l’Union européenne rend hommage à la diversité humaine dans toute sa richesse et au droit de chaque personne humaine d’être fière de qui elle est, de définir sa propre identité et d’aimer la personne de son choix »
    – « l’UE est fermement résolue à lutter contre l’impunité dans le cas de violations des droits humains, de discrimination et d’abus dont font l’objet les personnes LGBTI de par le monde »
    – « L’UE et ses Etats membres respecteront les engagement pris au titre des lignes directrices visant à promouvoir et garantir le respect de tous les droits fondamentaux des personnes LGBTI et des orientations de l’UE dans le domaine des droits humains relatives à la non-discrimination dans l’action extérieure ».

    Bref, qu’il s’agisse de l’action interne ou externe de l’UE, il semblerait que les intentions sont clairement affirmées. Celles-ci ont, du reste, également fait l’objet d’une récente intervention au sein du Parlement européen. Au nom d’un intergroupe de l’assemblée, 157 eurodéputés ont tenu à rappeler leur combat pour la surveillance politique des droits LGBTI dans l’Union, y compris la pression exercée pour que la législation européenne englobe ces droits ainsi que les dispositions relatives à l’égalité.

    • (post-scriptum… encore un !)
      Pour être le plus exhaustif possible sur le terrain institutionnel, on se doit d’ajouter que le Conseil s’est prononcé, le 9 juin, sur la sécurité des personnes LGBTI.
      En fait, le projet de « conclusions » soumis aux ministres n’ayant pu recueillir l’accord de la Hongrie et de la Pologne, c’est sous la forme de « conclusions de la présidence » (suédoise) que le texte a été adopté avec l’assentiment des 25 autres Etats membres. Ceux-ci s’engagent à renforcer la lutte contre toutes les formes de violences touchant la communauté LGBTI, sujette à des menaces croissantes, y compris sur le terrain numérique. La Commission et le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité sont en outre invités à tenir compte du respect des droits fondamentaux des personnes concernées dans les relations de l’Union avec des pays tiers.

      • Bonjour Gérard, merci pour les rappels. Mais tout cela, les droits humains, c’est quelque chose de bien fragile et circonstanciel…
        Les droits se remplacent par d’autres quand les représentants élus par nos sociétés changent et ce qui était un droit peut alors se transformer en un délit. Souhaitons que les personnes qui croient en leurs droits dans notre contexte actuel, en soient conscientes car je ne suis pas sûr que ce soit toujours le cas.

  4. Hélas ! je ne sais toujours pas à quoi Mme Ascari se réfère – même si elle a légèrement entrouvert… le voile. Quelle campagne du Conseil de l’Europe financée en partie par l’UE ? Si je reste sur ma faim, d’autres éprouvent peut-être la même soif de connaissance. Si, donc, ce n’est pas pour éclairer ma petite lanterne, ce serait un geste sympathique à leur égard que d’étayer quelque peu les affirmations mises en avant.

  5. Bonjour Monsieur VERNIER, Bonjour Madame ASCARI.

    Vous avez raison Monsieur VERNIER, quand on pose une question qui est fondée, il est logique d’attendre une réponse, Madame ASCARI, svp, faîte le nécessaire, nous avons tous soif de connaissance, merci d’avance.

    • Merci, cher Mylord, pour cet appui à mes interrogations… qui restent tout à fait sincères, n’en déplaise à Mme Ascari. Nous approchons de la mi-juillet… et je suis peiné de constater que cette dernière n’a toujours pas répondu avec les précisions simples mais nécessaires à une question formulée le 22 juin. Il me semblait – naïvement ? – que SLE avait été, dès l’origine, conçu comme non seulement comme un site d’information, mais aussi comme un forum de dialogue. On ne peut donc que regretter que certain.e.s (j’espère ne pas déformer les lois de l’inclusivité) parmi la communauté des lecteurs/lectrices refusent de jouer le jeu.

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