La « majorité vénézuélienne », composée du PPE, des Conservateurs et des deux groupes d’extrême droite (les Patriotes et les Souverainistes) qui jusqu’à présent s’était parfois exprimée lors de votes sur des questions secondaires, a maintenant commencé à décider de la législation du Parlement européen.
Le tournant a été le vote en séance plénière jeudi 13 novembre à Bruxelles, lorsque le Parlement a approuvé sa position de négociation sur les modifications proposées par la Commission européenne dans le paquet « Omnibus 1 ». La première révision législative majeure du Pacte vert, avec 382 voix pour, 249 contre et 13 abstentions.
Les amendements consistent en « une simplification », avec une réduction significative des obligations imposées aux entreprises, de deux directives déjà approuvées par la précédente législature européenne : la première sur « le reporting de durabilité » environnementale et la seconde sur « le devoir de diligence » dans le contrôle du respect des normes environnementales et des droits humains et sociaux dans les chaînes de valeur.
La fin du « cordon sanitaire » avec l’extrême droite définitivement actée ?
172 députés européens du PPE — tous présents, sauf une abstention et un vote contre —, tous les conservateurs (71), tous les patriotes (76) et tous les souverainistes (23), plus quelques « tireurs d’élite » parmi les libéraux de Renew (17) et parmi les socialistes et démocrates (15), et 8 députés non affiliés, ont voté en faveur de ce recul. Recul beaucoup plus significatif que ce que la Commission avait proposé en février et, sur certains points, même comparé à la position du Conseil de l’UE, traditionnellement moins « environnementaliste » que le Parlement.
Ce vote marque la fin du « cordon sanitaire », l’accord conclu entre les groupes centristes (PPE et Renew), les socialistes (S&D), les Verts et la Gauche, qui excluait l’extrême droite des négociations politiques et législatives. Le groupe ECR (Conservateurs) le tolérait, sans jamais l’accepter. Il pourrait également sonner le glas de « la majorité Ursula », de plus en plus fragile et incertaine. Autrement dit, la plateforme des groupes pro-européens (PPE, Renew, S&D, avec le soutien extérieur des Verts) qui avait soutenu la réélection d’Ursula von der Leyen pour un second mandat.
« Aujourd’hui, au Parlement européen, pour la première fois, une majorité de centre-droit – composée du Parti populaire, des Conservateurs européens, des Patriotes et des Souverainistes du Parti socialiste européen (ESN) – a adopté un acte législatif. C’est une première absolue car, jusqu’à présent, des majorités comme celle du Venezuela avaient déjà été observées, par exemple lors de la remise du prix Sakharov à l’opposition vénézuélienne. Des votes avaient déjà eu lieu sur des points budgétaires, mais jamais auparavant un acte législatif n’avait été adopté par une majorité de centre-droit », a déclaré Nicola Procaccini (FdI), chef du groupe ECR, immédiatement après le vote. « Et c’est un acte législatif d’une importance capitale », a-t-il ajouté, « car il renforce la compétitivité en simplifiant la vie de l’industrie européenne en général. Le vote sur le paquet de mesures de diligence raisonnable dit « Omnibus » a permis de lever une série de contraintes paralysantes, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Ainsi, grâce notamment au rôle des conservateurs européens, qui font le lien entre les différents groupes de centre-droit, le bon sens fait son retour au Parlement européen. Le chemin est encore long, mais en résumé, nous faisons enfin nos premiers pas dans la bonne direction. »
Pour les Patriotes, c’est la liesse : « Une grande victoire pour les travailleurs, les agriculteurs et l’industrie », ont-ils écrit sur le compte X du groupe, revendiquant ce résultat : « Aujourd’hui, les Patriotes pour l’Europe ont brisé l’impasse de l’ancienne coalition et ouvert la voie au remplacement du carcan du Pacte vert par un programme axé sur la compétitivité. Nous avons démontré qu’une autre majorité, et une autre politique pour l’Europe, sont possibles. Ce n’est qu’un début. »
Conséquence directe : la suppression des modèles économiques compatibles avec l’Accord de Paris sur le climat
Suite aux amendements approuvés, les obligations de reporting en matière de durabilité environnementale et de diligence raisonnable concernant le suivi des chaînes de valeur, telles qu’exigent les deux directives en question, ne s’appliqueront plus qu’aux grandes entreprises. De plus, elles ne pourront plus exiger des PME de leurs chaînes de valeur des informations allant au-delà de celles prévues par les normes volontaires. Par ailleurs, l’obligation pour les entreprises d’élaborer des plans de transition visant à rendre leurs modèles économiques compatibles avec l’Accord de Paris sur le climat sera supprimée.
C’est le PPE qui apparaît comme le véritable protagoniste de ce tournant, et en particulier son chef de groupe, l’Allemand Manfred Weber, ainsi que le rapporteur du Parlement européen pour le paquet Omnibus 1, le Suédois Jörgen Warborn, qui a mené les négociations législatives. « Promesse faite, tenue et accomplie ! Aujourd’hui est le jour de la « Fin de la bureaucratie européenne », a écrit Weber sur X, dans un style trumpien (seuls les mots en majuscules manquaient). « Le groupe PPE, a-t-il ajouté, avait promis de réduire la bureaucratie, de simplifier les règles et de supprimer les charges inutiles pour les entreprises. Nous l’avons fait. Pour un avenir européen radieux pour ses innovateurs, ses travailleurs et ses entrepreneurs ! »
Warborn est également très satisfait, bien sûr, d’autant plus que ce résultat intervient après une récente défaite, lorsque les amendements qu’il avait acceptés (ou plutôt imposés) avec « la majorité Ursula » ont ensuite été rejetés en séance plénière par une faible marge de neuf voix (309 pour, 318 contre, 34 abstentions) lors d’un premier vote en séance plénière le 22 octobre à Strasbourg. Probablement en raison de plusieurs « tireurs d’élite » socialistes qui n’ont pas apprécié sa manière péremptoire : soit vous votez pour ce texte, soit nous nous tournerons vers la droite avec des amendements que vous aimeriez encore moins, avait-il essentiellement dit (selon ce que rapportent les Verts) aux négociateurs S&D et Renew.
Le compromis rejeté correspondait en grande partie au texte du mandat de négociation déjà approuvé par les gouvernements au sein du Conseil européen, lequel relevait notamment de manière significative les seuils d’effectif et de chiffre d’affaires pour lesquels les entreprises sont soumises à l’obligation de vigilance, ainsi que le seuil de chiffre d’affaires requis par la directive sur le reporting environnemental. Dans le texte approuvé par la majorité de droite, les seuils du Conseil sont désormais confirmés, sauf dans un cas où ils étaient même dépassés.
La gauche a commis une erreur d’appréciation
Il est vrai, cependant, que les socialistes qui ont rejeté ce compromis amer ont, pour le moins, commis une erreur d’appréciation. À l’instar des Verts (qui avaient voté à l’unanimité contre), ils s’étaient bercés d’illusions en pensant avoir bloqué un texte trop à droite, croyant ainsi pouvoir le renégocier en lui donnant une orientation légèrement plus écologique. En réalité, c’était un piège, le prétexte que Warborn et Weber cherchaient à utiliser pour faire basculer la majorité : en se tournant vers les conservateurs, et, sans plus hésiter, même vers l’extrême droite.
« Nous avons constaté lors de la dernière session plénière qu’un précédent compromis conclu entre le Parti démocrate et la gauche avait échoué, tandis que celui conclu aujourd’hui avec les groupes de centre-droit a été approuvé par la Chambre », a rappelé l’autre représentant conservateur italien de premier plan, le chef de la délégation FdI, Carlo Fidanza. « Cela nous amène à dire que même pour les prochaines étapes de la simplification, pour le prochain texte Omnibus que la Commission proposera avec le soutien de nombreux gouvernements européens, le cadre doit rester le même. Il ne peut en être autrement : la seule façon de progresser véritablement sur la voie de la simplification pour nos entreprises, de restaurer leur compétitivité, dont nous savons tous qu’elle souffre actuellement face aux géants américains et chinois, est de voter à la majorité, au sein du centre-droit, en faveur d’une véritable simplification. La gauche est l’ennemi des entreprises, l’ennemi des PME, l’ennemi de la simplification bureaucratique dont tout le monde parle, mais qui est en réalité l’objectif de cette législature. Par notre travail et notre persévérance, nous avons contribué à ce que le vote d’aujourd’hui y contribue », a conclu Fidanza.
Détricotage des seuils de diligence raisonnable et reporting de durabilité
Examinons plus en détail ces changements, en nous limitant aux plus significatifs et quantifiables, approuvés par le Parlement européen. La Commission a présenté sa proposition en février, qui allégeait déjà considérablement les obligations existantes. Concernant le reporting de durabilité, elle a relevé le seuil d’assujettissement à 1 000 employés (contre 250 auparavant), ce qui devrait réduire d’environ 80 % le nombre d’entreprises concernées. En revanche, l’autre seuil, fondé sur le chiffre d’affaires, est resté inchangé à 50 millions d’euros.
La proposition de la Commission n’a cependant pas modifié les seuils de la directive relative au devoir de vigilance (1 000 salariés, 450 millions d’euros de chiffre d’affaires). Elle a en revanche allégé les obligations des grandes entreprises en matière de vérification du respect des normes environnementales et des droits sociaux par leurs partenaires ayant une relation directe dans la chaîne de valeur, et a davantage limité (aux seuls cas « d’informations plausibles ») le contrôle des entreprises ayant une relation plus indirecte. Par ailleurs, la fréquence des rapports d’évaluation du devoir de vigilance a été portée de 2 à 5 ans.
Le Conseil de l’UE avait demandé beaucoup plus en termes de réduction du champ d’application : des seuils de 5 000 employés (au lieu de 1 000) et de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires (au lieu de 450 millions) pour la directive sur le devoir de vigilance, et de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires (au lieu de 50 millions) pour la directive sur le reporting de durabilité, laissant l’autre seuil (1 000 employés) inchangé par rapport à la proposition de la Commission.
Le Parlement européen a maintenu les seuils de diligence raisonnable inchangés par rapport au texte du Conseil (5 000 employés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires), mais a relevé l’un des deux seuils de la directive sur le reporting de durabilité à 1 750 employés (contre 1 000 pour le Conseil et la Commission), tout en conservant le seuil de chiffre d’affaires du Conseil (450 millions d’euros, un montant nettement supérieur aux 50 millions d’euros actuels, que la Commission n’avait pas modifiés). Ce même seuil de 1 750 employés s’appliquerait également à l’obligation de publier des informations sur les critères de classification (ou « taxonomie ») des investissements pouvant être qualifiés de « durables ».
L’abandon d’un système européen uniforme en contradiction avec la remise en cause du Pacte vert
Par ailleurs, la demande susmentionnée de suppression de l’obligation pour les entreprises d’établir des plans de transition environnementale dans le cadre de leur processus de diligence raisonnable — seuls les plans volontaires seront maintenus — est rejetée. Comme la Commission l’avait déjà proposé, les entreprises ne seront plus soumises à un régime de responsabilité civile européen pour les dommages subis ; les régimes nationaux, différents dans chaque État membre, seront maintenus, sans même la clause de révision prévue pour remédier aux problèmes engendrés par cette fragmentation. Dans ce cas précis, l’abandon d’un système européen uniforme contredit clairement le principe de simplification au nom duquel le Pacte vert est remis en cause.
Les rapports de développement durable exigeront moins de détails qualitatifs, et les grandes entreprises ne pourront plus demander d’informations supplémentaires aux PME avec lesquelles elles travaillent, sauf en dernier recours, au-delà de celles déjà disponibles ou exigées par les normes volontaires. Enfin, en faisant preuve de diligence raisonnable, les grandes entreprises seront tenues d’adopter une approche fondée sur les risques pour identifier et atténuer tout impact négatif de leurs activités sur les droits humains et sociaux, la santé et l’environnement de leurs partenaires de la chaîne de valeur, plutôt que de leur demander systématiquement des informations. Les négociations du Parlement européen sur le paquet Omnibus 1 avec les gouvernements des États membres et la Commission (trilogue) débuteront le 18 novembre, avec pour objectif de parvenir à un accord définitif sur toutes les modifications législatives d’ici 2025.
Première publication dans la newsletter Europa Building du 15 novembre éditée par l’agence de presse Askanews.


