Triomphe conservateur et petits pas socialistes en Grèce

Tout annonçait pourtant une élection extrêmement compétitive. Les sondages, d’abord, qui prévoyaient un écart limité entre les deux principales formations à savoir les Conservateurs de Nouvelle Démocratie d’une part et Syriza d’autre part, offrant ainsi une éventuelle possibilité de coalition à gauche autour de ces derniers qui engloberait également le PASOK et le petit parti de Yanis Varoufakis. Ce scénario était d’ailleurs dans toutes les têtes, y compris, bien sur, celles des stratèges du PASOK, qui, à vrai dire, ne trépignaient pas forcément de joie à l’idée de devenir le partenaire junior de Syriza, sans même parler du risque posé par les options plus radicales de l’ancien Ministre des Finances de Alexis Tsipras. D’autre part, le Premier Ministre sortant Kyriakos Mitsotakis se trouvait empêtré dans un certain nombre de scandales, avec en premier lieu une affaire d’écoute et d’espionnage ayant en son temps couté extrêmement cher à un Président Américain bien connu. Son incapacité à moderniser le réseau ferroviaire grec était également pointé du doigt suite à la dramatique collision du 28 février dernier coutant la vie à 57 personnes, des jeunes étudiants en grande majorité. Les signaux n’était donc pas forcément au vert pour Mitsotakis. Hormis, finalement, sur les fondamentaux.

Il m’est arrivé, au cours de mes différents comptes rendus électoraux, de remettre en cause la fameuse règle du « It’s the economy, stupid », non pas sa pertinence globale mais le fait qu’elle souffrait aujourd’hui davantage d’exceptions que dans les années 1990. Ce qui s’est passé en Grèce constitue en revanche un cas d’école dans son application froide et rationnelle. Au vu des difficultés du Premier Ministre sortant, on avait eu tendance à oublier l’essentiel: après des années de crises sans précédent, la Grèce était devenu le meilleur élève de la zone Euro en terme de croissance. Et on ne perd pas une élection avec de tels chiffres. Bien que l’inflation soit extrêmement élevée et la crise du logement loin d’être contenue, les électeurs n’étaient décidément pas d’humeur à prendre le risque de se débarrasser du Premier Ministre aux 5.5% de croissance en 2022. Et cela quand bien même ils n’ont pas un jugement très positif quant à la personnalité et au sens moral de Mitsotakis. Nouvelle Démocratie obtient donc près de 41% des suffrages, ce qui constitue sensiblement la même performance qu’en 2019. Considérant le fait que le gouvernement sortant est souvent sanctionné en Grèce, il s’agit d’un score remarquable, surtout si on le met en parallèle avec l’effondrement de Syriza.

En effet, le parti dirigé par Alexis Tsipras dépasse à peine les 20%. Il s’agit d’une surprise de taille car la plupart des sondages lui donnaient aux alentours de 30%, c’est-à-dire grosso modo son score de 2019. L’effondrement de Syriza peut sans doute être expliqué par une relative distorsion entre une ligne plutôt social démocrate lors de l’exercice du pouvoir et un discours beaucoup plus radical dans l’opposition. Même si Tsipras a démontré sa capacité à diriger la Grèce, il n’en demeure pas moins que son parti n’est jamais parvenu à se purger des éléments plus extrémistes. On peut supposer que Syriza paie sa stratégie de ne pas avoir assumé clairement sa mue sociale démocrate. Il n’est pas certain, toutefois, que cette défaite l’aide en ce sens car elle pourrait à contrario sonner le glas de Tsipras au profit d’une direction plus idéologiquement marquée. Il sera intéressant, à ce titre, de voir quel sera le sort de Syriza lors de l’élection de juin, celui plus personnel de son leader étant évidemment lié aux résultats futurs du 25 juin.

En attendant les élections du 25 juin

Finalement, les déboires de Syriza auront bénéficié à la nouvelle alliance dirigée par le PASOK. Sans être spectaculaire, le score des Socialistes est tout à fait honorable. L’arrivée au leadership d’une nouvelle génération semble avoir changé la donne et permis de rompre avec l’image, en partie injuste mais réelle, d’avoir été considéré comme le parti principalement responsable de la crise économique. Le PASOK gagne 19 députés, ce qui est prometteur. Et surtout, il n’est pas impossible que les Sociaux Démocrates parviennent à pousser leur avantage aux dépens de Syriza pour se rapprocher voire dépasser ce parti et devenir la principale opposition lors des élections de juin. Les premiers sondages semblent aller dans ce sens avec Syriza qui poursuivrait son effondrement et le PASOK, quant à lui, qui continuerait à renforcer ses positions.

Coté gauche radicale, il convient également de noter d’une part l’incapacité du M25 de Varoufakis à passer le seuil d’entrée au Parlement et, d’autre part, la progression assez significative du KKE. La percée communiste ne constitue pas une bonne nouvelle si l’on considère les positions particulièrement extrémistes de ce parti qui n’a toujours pas rompu avec un marxisme léninisme des plus orthodoxes et qui préconise la sortie de la Grèce à la fois de l’UE et de l’OTAN. A voir si cela se confirmera dans un mois.

Car oui, il y aura bien de nouvelles élections anticipées. Bien qu’obtenant 146 députés, Nouvelle Démocratie ne parvient pas à franchir la barre des 150 qui lui aurait offert une majorité. Mitsotakis a donc décidé de convoquer un nouveau scrutin pour le 25 juin, espérant cette fois dépasser ce seuil fatidique. Le risque est tout à fait calculé car cette nouvelle élection se déroulera en vertu de la règle de la prime de 50 sièges accordée au parti arrivé en tête. Il est donc tout à fait probable que Nouvelle Démocratie obtiendra une majorité confortable, qui lui permettra de gouverner à sa main pour les quatre prochaines années. Le véritable enjeu de cette élection devrait donc se situer plutôt derrière.

Sebastien Poupon
Sebastien Poupon
Membre du bureau national de SLE, chargé de l’analyse politique.

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2 Commentaires

  1. Et en Espagne, que va-t-il se passer ?
    Sanchez anticipé le jeu au vu des résultats régionaux et municipaux…

  2. Nous ne voulons pas de cette Europe ultra-libérale qui se vautre dans le lit du fascisme basé sur l’idiotcratie d’imbéciles incultes avec la complicité des sociaux-démocrates fossoyeurs du Socialisme. Après les ex pays du bloc de l’Est, l’Italie, la Grèce, l’Espagne, la Scandinavie, les Pays-Bas… à qui le tour ? Bientôt la France ou l’Allemagne ? La politique économique européenne recouvre peu à peu la C.E d’une peste brune nauséabonde qui la perdra.

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