« Pour l’Allemagne la leçon grecque est digérable, une victoire du FN en France beaucoup moins ! »

Entretien entre Henri Lastenouse, Secrétaire général de Sauvons l’Europe et Lorenzo Consoli, journaliste à Bruxelles pour ASCA news, ancien président de l’association de la presse internationale à Bruxelles, visiting lecturer en communication européenne à l’IHECS.

Qui est le nouveau Président de la République élu ce samedi en Italie ?

Sergio Mattarela est le frère d’un président de la Région Sicile assassiné par la Mafia il y a 35 ans ! Cela pose le personnage. Un démocrate chrétien de gauche d’une intégrité absolue et qui a permis à Matteo Renzi de ressouder toute la gauche italienne, y compris ses propres frondeurs tout en divisant la droite italienne ! Même la gauche de la gauche italienne a suivi Renzi. Un succès retentissant pour ce dernier qui, avec les reformes économiques de « droite » de son gouvernement et l’accord avec Berlusconi sur les reformes institutionnelles avait perdu tout crédit à gauche récemment.

La victoire de Mattarella est une reconnaissance trans-parti de la qualité de l’homme qui a osé démissionner de son poste de ministre plutôt que d’accepter la mainmise de Berlusconi (avec la loi Mammì) sur les média il y a 30 ans ! Renzii est maintenant prêt pour rencontrer Tsipras ce mardi…

Qui sont les alliés de Tsipras en Europe ?

Le premier c’est sûrement PODEMOS qui est le frère jumeau de SYRIZA, mais en plus populiste, avec je dirai un côté « Grillo » de gauche. Mais pour l’instant PODEMOS n’est pas aux affaires en Espagne. Donc, avant tout, Renzi peut être un allié de Tsipras dans l’organisation de l’opposition aux politiques d’austérité au sein du concert des gouvernements européens. Aujourd’hui Renzi joue un peu le rôle que beaucoup ont attendu en vain de Hollande après 2012. Tsipras a besoin d’alliés au centre du pouvoir européen tout de suite. Il va chercher d’abord à s’entendre non seulement avec Renzi, mais aussi avec Hollande. L’autre question est de savoir si Varoufakis, le ministre des finances grec peut travailler avec Padoan, le ministre italien des finances qui pèse au sein de l’Eurogroupe tout en assumant son héritage keynésien.

Et comme l’on n’est jamais mieux servi que par soi même, Tsipras va essayer de faire nommer le commissaire grec actuel, Avramopoulos, comme Président de la République grecque afin de pouvoir nommer un homme à lui au sein de la Commission européenne. Il pourrait ainsi donner des gages à l’opposition grecque en leur offrant la Présidence de la République, tout en plaçant un Commissaire qui lui soit proche et tout un nouveau cabinet à lui fidèle à Bruxelles.

La Grèce peut elle diviser l’Europe sur le dossier Russe ?

Les européens sont en fait déjà divisés derrière les positions de façade. Il y a les ultra anti-russe autour des polonais, et là se pose la question du rôle de Tusk qui ne fait pas dans l’équilibre…notamment par rapport à la haute représentante Mogherini qui laisse ouverte la porte du dialogue. La nouvelle donne grecque ne change donc pas à elle seule la donne du dossier ukrainien, comme le prouve le vote grec ce jeudi en faveur de la reconduction des sanctions, mais sans nouvelles sanctions supplémentaires.

La Russie n’est pas la priorité de Tsipras qui cherche surtout à rester dans l’euro tout en indexant le remboursement de la dette grecque, et en particulier le paiement des intérêts, à la croissance en Grèce. Une question de bon sens : ne pas continuer à s’endetter juste pour continuer à payer de plus en plus d’intérêts et à creuser sa propre dette puisqu’il n’y a pas de croissance,…bref, consacrer les ressources publiques disponibles à faire repartir une vraie croissance avec des jobs, et non pas à payer les intérêts!

Quel jeu va jouer la Commission Européenne ?

Va-t-elle finalement s’aligner sur les positions de la précédente Commission Barroso ? Il faut se souvenir que cette nouvelle Commission est le produit d’un accord avec les socialistes européen. Elle ne va peut être pas se contenter de mettre un timbre sur la position allemande. D’ailleurs, très, très lentement, on commence à voir évoluer certaines positions en Allemagne ; certains responsables, y compris la chancelière Merkel, comprennent enfin que nous risquons de basculer en Europe d’une crise sociale à une crise politique, notamment en cas de victoire du Front national en France en 2017. Si la leçon grecque est somme doute «digérable » une victoire du FN – anti européen – en France le serait beaucoup moins… surtout si on rajoute à ça le risque d’un référendum anti-européen au Royaume Uni. Le vent a tourné. Le parti de l’austérité est désormais sur la défensive et va devenir de plus en plus faible, alors que la vraie stratégie européenne va devenir celle d’une vraie politique de croissance keynésienne. Dans ce sens vont les clauses de flexibilité adoptées par la Commission en janvier sur les investissements publics, encore plus que le plan stratégique Juncker pour les investissements de 300 milliards d’euro. Les conditions sont finalement favorables : le quantitative easing de la BCE, le plan Juncker, la baisse de l’euro et du prix du pétrole…

Le nouveau gouvernement grec arrive à temps; c’est bien maintenant le moment de sortir de l’austérité.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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5 Commentaires

  1. La situation en Grèce est désormais sous le contrôle de la « Troïka » et des USA: Tsipras s’est prosterné devant eux. Il restera dans les clous: c’est bien joué, pour le moment.
    Le risque, c’est la réaction d’autres pays comme l’Espagne? Mais l’Espagne sera aussi sous contrôle si le dirigeant de Podemos se retrouvait « élu ».
    J’aime beaucoup l’attitude de Tsipras qui voulait tout foutre par terre et qui va chercher ses directives à Bruxelles et Washington…
    Le FN, si jamais il arrivait au pouvoir, ferait tout pour rester dans l’UE et l’euro, et l’OTAN… Mais il faudrait vraiment que les autres partis français continuent à jouer le jeu du FN en lui faisant de la publicité en répétant qu’il veut sortir!
    Le FN a plus souvent dit qu’il ne voulait pas en sortir et ne l’a JAMAIS écrit, dans quelque déclaration officielle… Ce sont ses « adversaires » complices qui le répètent en permanence, ainsi que les « journalistes »… Ils feraient mieux de prendre à bras le corps tous ces sujets qui inquiètent les Français et qu’ils laissent au FN… Mais non.
    Il ne devrait y avoir que des racistes xénophobes au FN; ses auyres propositions politiques et économiques seraient mieux traitées par d’autres… Oui, le FN propose de bonnes solutions théoriques pour satisfaire et flatter les racistes… Mais pas plus… Et jamais il ne pourra appliquer ce qu’il propose. Un parti « leurre »… Tiens, un de plus. Si on réfléchit bien, Syriza en est un autre!

    • Et en 1940, n’auriez-vous pas souhaité que la « France Libre » change de nom ?
      Aussi modeste qu’il soit, le site de « Sauvons l’Europe » constitue, à sa fa

    • Et, en 1940, vous auriez sans doute souhaité que la « France Libre » change aussi de nom ?
      Aussi modeste qu’il soit, le site de « Sauvons l’Europe » peut être apparenté à une sorte de « Radio Londres » face au défaitisme des négationnistes qui s’acharnent à dénigrer la construction européenne.
      signé: (Furax)Pierre- mini-Dac

  2. Sur le sujet de l’austérité, quoi que l’on dise nous avons besoin de faire des reformes de fond en France – dans le coût énorme de notre administration au niveau de l’état et des territoires, sur notre outil de l’éducation nationale qui me semble mal nous préparer pour les défis de l’avenir, sur notre code de travail alambiqué, sur la fiscalité excessive de nos PMEs etc.

    OK pour keynes, mais n’oublions pas que cela ne change pas la donne fondamentale que nous devons nous adapter au monde réel et ses changements incontournables.

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