Plaidoyer pour une taxe européenne de civilisation

Le collectif Qui va payer, dont Sauvons l’Europe est un membre fondateur, publie aujourd’hui sur Libération.fr une tribune pour une taxe européenne de civilisation.

Aujourd’hui, quelles illusions reste-t-il encore à la jeunesse européenne à l’heure où elle se voit implicitement proposer le Yalta générationnel suivant: «la dette pour les juniors, le patrimoine pour les seniors». Pendant une décennie, l’Euro a servi de tapis sous lequel dissimuler les difficultés. La crise financière a tiré brutalement le tapis. La question est désormais sur la table: qui va payer la dette d’aujourd’hui et les investissements de demain?

Déjà au cœur d’un Verdun économico-social, la jeunesse européenne contemple aujourd’hui un état-major sur le point de léguer aux générations futures une dette publique énorme. Cette dette ne sera pas réduite ni par la taxe inflationniste, ni par la monétisation durable des dettes, ou par la restructuration des dettes publiques. Ainsi, des zones urbaines sensibles au cœur même des entreprises, ce sont plusieurs générations d’Européens qui se vont se retrouver au front, avec de moins en moins de munitions. De stages non rémunérés en jobs mal payés ces soutiers de nos économies posent maintenant la question de confiance. Il s’agit de la question générationnelle, avec ses deux composantes : celle de la solidarité et celle de l’investissement.

Dans le même temps et malgré les efforts de son Parlement, l’Union européenne bute sur la question d’une fiscalité européenne faute de lui trouver un sens qui soit acceptable par une large frange de son opinion publique. Défendre la mise en place d’une fiscalité fédérale au seul motif d’une plus grande intégration européenne rencontre non seulement l‘enthousiasme modéré des Etats Membres (et du Conseil européen…) mais aussi le scepticisme, voire le refus, de bien des populations européennes vieillissantes.

Si la dynamique européenne est bien née dans le contexte d’une Europe de « l’après-guerre », portée par sa jeunesse et entièrement tournée vers la reconstruction économique, elle rencontre aujourd’hui une tout autre démographie. Voici venu le temps de sociétés de plus en plus âgées. Largement tournées vers la sauvegarde de leur patrimoine, elles vont consacrer l’essentiel des marges de manœuvre financières encore disponibles au financement de l’allongement de la vie, progrès majeur de l’humanité. D’où l’image d’une Europe figée dans un «sous-fédéralisme » duquel s’échappe progressivement toute ambition autre que le maintien des acquis. Ainsi l’Euro sert la rente et la belle idée de libre circulation est travestie dans le refus de traiter rationnellement les défis de l’immigration. Angoisse et statut quo nourrissent alors cette perception d’un lent déclassement relatif, nid de tous les Euro populismes.

Voilà donc la question générationnelle au cœur du défi européen. Pourquoi les mêmes jeunes sont-ils créateurs de richesse ailleurs dans le monde et réduits au rôle de supplétifs bon marché au sein de l’Euroland? ; ou même, comment y diriger sa propre vie quand on ne peut pas se loger par soi-même ? La crédibilité même de la zone Euro est en jeu car tout continent ne vit que par sa capacité de création et de renouvellement. La turbulence frappant l’Euroland ne s’explique pas seulement par la légèreté budgétaire d’une génération. Elle révèle surtout un manque total de visibilité sur les dynamiques futures de développement. A eux seuls, les Etats-Unis concentrent la quasi-totalité de la révolution Internet et disposeront bientôt d’un quasi-monopole en matière de contenu digital. Beaucoup de jeunes talents européens y auront très largement contribué ! De même, champions en matière d’engagement écologique, laisserons-nous le leadership de la révolution verte à d’autres continents plus confiants en leur avenir?

Un déclic mental s’impose qui passe par la mobilisation absolue de l’Europe au service d’un passage de témoin «win-win» entre seniors et nouvelles générations. Le temps presse. La jeunesse européenne ne peut s’engager sans moyens dans la bataille du désendettement. Le compteur tourne! Pourtant les énergies sont là. Le déclic salutaire est celui d’une Euro Taxe Inter-générationnelle construite avec tous nos contemporains pour répondre au basculement de civilisation en train de s’accomplir. Cette «Euro Taxe de Civilisation», par le débat qu’elle ouvre, constitue le grand défi européen des décennies à venir, capable d’emporter l’adhésion des populations et des gouvernements.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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5 Commentaires

  1. Tout à fait d’accord. Mais il faut revoir la façon d’attribuer ces ressources finanicères : il faut repartir des objectifs principalement en matière d’éducation : l’objectif du départ d’un fonctionnaire sur deux n’en est pas un car il ne part pas des besoins. Si nous ne faisons pas cela, nous allons tous nous enfoncer et la dette publique grossir !

  2. Bien que retraité (faisant donc partie de cette population qui n’a plus à se soucier de trouver du travail, et qui est très souvent conservatrice), je partage totalement les idées de l’article. Je suis révolté de la place faite aux jeunes (ou plutôt de l’absence de place). Une civilisation qui rejette sa jeunesse va droit au déclin.Idem en ce qui concerne le rejet de l’immigration par la fermeture aux étrangers : elle est une richesse et non une charge. En tant que français, j’ai honte d’un pays qui renie tout ce qui fait la richesse de son histoire : rejet de l’étranger, racisme envers les roms, casse du service public, trahison des droits de l’Homme.

  3. Bel article et bonne idée, ancrés en dans les fondements mêmes de la civilisation européenne : circulation, solidarité, paix ont sous-tendu son histoire, par-delà guerres et tempêtes.

    Il n’est plus besoin de rappeler que l’échange, l’accueil et l’inventivité se lisent en transparence dans le nom même d’une princesse orientale, enlevée par un animal plus prodigieux qu’effrayant, non seulement pour immigrer – d’ailleurs plutôt de gré que de force – sur le premier rivage grec, mais surtout pour élever un futur continent à la hauteur de son propre nom : car la jeune Phénicienne, soeur des techniques nautiques et de l’art alphabétique dont l’Eur-Ope est née, s’appelait précisément « Vaste-Vue »…

    EUROPE nous appelle donc plus que jamais à faire corps entre rives et générations, ou plutôt à relayer son énergie et incarner, sans nous lasser, sa jeunesse. Or, pour mettre en oeuvre une taxe européenne de civilisation, il faut aimer le visage d’Europe et envisager ensemble sa réalisation.

    • Bel article donc et bonne idée, ancrés dans les fondements mêmes de la civilisation européenne !

      Voilà corrigée la coquille précédente; j’en profite pour ajouter que la TAXE signifie en grec, par l’étymologie, le bon ordre, entre autres militaire et politique, voire le poste occupé par chacun, dans l’AXE du bien commun, pour contribuer à la paix, toujours à conquérir, élargir, à cultiver ensemble.

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