L’UE et la République « Démocratique » du Congo : une relation à construire ?

La France intervient militairement au Mali depuis bientôt deux semaines. Si les objectifs, avoués et inavoués, de cet engagement demeurent flous, il n’en demeure pas moins que cette initiative du Président François HOLLANDE est soutenue par une majeure partie de la communauté internationale. L’Union européenne (UE) a ainsi lancé une mission de soutien à l’armée malienne le 17 janvier, et a débloqué 20 millions d’euros d’aide destinés aux victimes de cette guerre (malnutrition, déplacements de population…) : l’UE confirme par là son rôle de défenseur des droits fondamentaux.

Rappelons qu’elle a reçu cette année le prix Nobel de la paix, prix qui a rendu hommage au combat qu’elle mène depuis des années en faveur des droits de l’Homme sur son territoire et dans le monde. Cette lutte, concrétisation des valeurs prônées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, se traduit en partie par le versement d’une aide humanitaire conséquente. L’UE demeure le premier donateur à l’échelle internationale, un bailleur de fonds important pour de nombreux pays, à l’instar du Mali… et de la République démocratique du Congo.

Paralysé par des décennies de guerre, dont les ravages sont tels qu’on ne peut à ce jour les chiffrer, (de 2 à 10 millions de morts) l’ex-Zaïre connaît un regain de violence depuis le printemps 2012. Indépendant depuis 1960, cet Etat en construction a connu 30 années de dictature sous l’autorité du général Mobutu, soutenu sans discrétion par certaines démocraties occidentales en dépit des exactions commises à l’encontre des Congolais.

La région du Kivu, à l’Est de cet immense pays (le 2ème plus grand d’Afrique après l’Algérie), est aujourd’hui en proie à des violences dont l’ampleur ne diminue pas : viols (une arme de guerre particulièrement redoutable pour détruire l’équilibre des sociétés, quand on sait que 48 femmes sont violées par heure dans cette zone), massacres de masse, destruction d’habitations et de récoltes…

Cette tendance s’accroît, notamment depuis la genèse du Mouvement du 23 mars (23 mars) au printemps de cette année, une milice de plus parmi les rebelles de l’Est du pays, l’ensemble de ces mouvances étant armé grâce aux détournements de fonds et au pillage des ressources naturelles en minerais dont regorge la RDC… principalement à l’Est du pays.

La situation est telle qu’aujourd’hui l’aide internationale, qui s’élève à 14 milliards de dollars depuis 5 ans, représente la moitié du budget de ce pays, l’ONU y déploie sa plus importante opération de maintien de la paix et les alertes des ONG sur cette situation dramatique ne cessent de se multiplier (Médecins Sans Frontières, Human Rights Watch…). Toutefois, les résultats sont bien loin d’être à la hauteur des moyens financiers mis en œuvre et les violations des droits de l’Homme y sont monnaie courante, ce dont ont conscience les bailleurs de fonds. Certains en témoignent à leur manière, ainsi que l’illustre l’attitude du Président français François HOLLANDE, lors du Sommet de la Francophonie qui s’est déroulé le mois dernier à (Ô douce ironie) Kinshasa, la capitale congolaise. Celui-ci a fait preuve d’une indifférence marquée à l’égard de Joseph KABILA, l’actuel Président congolais, « réélu » en 2011 à l’issue d’un scrutin entaché d’irrégularités… non dissimulées.

Au-delà de l’apport de l’aide internationale, c’est son usage qui pose problème, et le silence assourdissant des bailleurs de fonds, dont l’Union européenne, à ce sujet. Sans une pression conjointe exercée sur Kinshasa en RDC et sur Kigali au Rwanda, ce dernier étant accusé de soutenir officieusement le M23, la reconstruction post-conflit ne saurait aboutir. Plus qu’une « gestion de crise », il s’agit ici de résoudre un conflit ancré dans l’histoire de la RDC et de rétablir le dialogue politique entre les pays frontaliers du Kivu.

Lors du Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Kinshasa en Octobre 2011, François HOLLANDE s’était engagé à œuvrer pour l’intégrité de deux pays : le Mali et la RDC. Pour le premier, la promesse est tenue au vu des récents événements. Cela signifie-t-il qu’il en sera de même dans le futur pour le second ? De nombreux Congolais se posent la question et espèrent que l’Union européenne finira par s’investir davantage (doux euphémisme) dans leur Etat, dont la situation se révèle être bien plus dramatique qu’au Mali d’un point de vue humanitaire.

Sans parler d’intervention militaire ni d’accroissement des fonds octroyés, il pourrait s’agir de renforcer le contrôle, la gestion et la dépense de cette aide, de consolider les mécanismes de gouvernance démocratique : évolution progressive des mentalités quant à la représentation de l’autorité, lutte contre la corruption, professionnalisation de l’armée… Ce qui paraît simple à dire, et si complexe à mettre en pratique, pourrait aboutir à la mise en place d’une Haute Autorité (indépendante) de contrôle des ressources de la RDC, une « CECA » africaine qui s’assurerait que ses richesses naturelles profitent en premier lieu à la population congolaise , au lieu d’alimenter les guerres et la corruption en étant l’enjeu de luttes permanentes pour leur appropriation.

Loin d’être une terre « maudite » sans cesse présentée comme une victime, la République démocratique du Congo pourrait alors devenir actrice de son propre développement, une puissance africaine importante. Cela implique de repenser la distribution de l’aide et de mieux accompagner les réformes en cours sur le thème de la « bonne gouvernance » dont l’Union européenne se veut la garante, bien au-delà de ses propres frontières.

 

Sulena

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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