Le rappeur Weld El 15 vient d’être condamné à deux ans de prison par un tribunal Tunisien. Son crime est d’avoir composé une chanson où il dénonce les exactions de la police. Aujourd’hui à Tunis, les rappeurs sont la voix du peuple, de la jeunesse, des plus démunis qui n’ont pas les moyens de résister à l’appareil d’Etat qui broie chaque jour des vies. Ils sont également les enfants d’une jeunesse démographiquement largement majoritaire mais privée d’un avenir faute de logement, de travail, de démocratie.
Cette jeunesse fait face à une police qui profite d’un pouvoir politique de plus en plus faible pour continuer à réprimer les manifestations, insulter, voire tabasser ceux qui la croisent. A la révolution Facebook succède la répression Facebook quant c’est la propre page Facebook de la police qui publie des menaces de mort à l’encontre du rappeur Weld El 15 ou encore un « best of » des descentes policières sur le terrain.
Au delà du symbole Weld El 15, les arrestations se succèdent. Pour son clip Bastardo dénonçant l’hypocrisie d’Ennahda et son utilisation de la religion à des fins politiques le rappeur Phenix, a rejoint en prison son ami d’enfance Alaa Eddine. Rien qu’en 2012, les rappeurs Weld El 15, Phenix, Madou et Emino ont passé entre six et neuf mois derrière les barreaux. Aujourd’hui, ils dénoncent la violence policière et critiquent un gouvernement, qui ne change rien au système répressif dont il a hérité.
Ce mardi 25 juin aura lieu le procès en appel de Weld El 15. Cette date risque si l’on y prend garde de marquer un tournant pour l’ensemble des acteurs de l’EUROMED. Des masques vont tomber…
Engagé depuis plus de deux ans pour la mobilité méditerranéenne au travers de l’Erasmus Euromed et de WD15, Sauvons l’Europe ne peut que rappeler le rôle historique des garanties de l’Habeas Corpus qui sont le socle de toute expérience démocratique durable. Cette expérience fonde encore le projet européen mais doit désormais également irriguer toute ambition EUROMED. Le Parlement Européen devrait y songer, qui décerne chaque année le prix Sakharov pour la liberté de pensée.
Par Henri Lastenouse & Arthur Colin
Il n’y a pas que les rappeurs. D’autres artistes comme des médias ont eu à se confronter à ce genre de pression. Le cas des Femen est à mon avis le plus significatif car il touche à une question de fond et appelle à percevoir avec plus de netteté la frontière entre religiosité traditionnelle et islamisme aux accents fascisants ce qui renvoie les Tunisiens, les citoyens à leurs propres blocages dans l’instauration des libertés. Pour illustrer, un exemple : la frontière serait la même en Le Pen et le Lepenisme ambiant.
Sur les Femen j’ai publié ce texte diffusé au sein du PE
« Je serais tenté de commencer mon commentaire en me démarquant de l’action de la Femen tunisienne, Amina, en particulier et des Femen en général pour mieux dire ensuite ma réprobation sans trop choquer. Mais foin des précautions oratoires ou scripturales, compte tenu de la signification profonde de cette forme de protestation. Et autrement plus significative est l’absence de réaction, sinon en sourdine, de ceux qui d’ordinaire affirment à longueur de messages postés sur le net ou dans les médias classiques leur crainte d’un étouffement des libertés nouvellement acquises en Tunisie. Silence gêné dans la Tunisie civile, silence embarassé dans la plupart des milieux européens d’ordinaire prompts à pointer du doigt toute sortie des rails démocratiques.
L’affaire des Femen est pourtant en train de monter dans l’actualité et finira par appeler chacun à préciser sa conception de la liberté. Les Tunisien(ne)s partagés entre désir de liberté et un conservatisme social encore bien ancré paraissent graduellement prendre conscience mais encore faiblement.
En Europe, les principales réactions sont venues du seul Parlement européen, plutôt de quelques parlementaires socialistes (surtout Veronique de Keyser) et de la Gauche (Marie-Christine Vergiat). La présidence du Parlement européen pourtant si prompte d’ordinaire observe un pieux silence.
Les autres partis, de droite (PPE, Libéraux, etc.) se taisent, logiquement. Le plus surprenant est le silence des Verts sauf quelques positions dosées comme on proscrirait un médicament aux effets secondaires nuisibles. Non à la condamnation, plutôt contre la lourdeur de la condamnation que son principe même. Et puis, chaque fois un petit rappel de l’aspect « excessif » de l’acte de dénuder sa poitrine pour une femme. Un dosage, si peu subtil en fait, qui affaiblit la portée de toute réprobation d’une atteinte à la liberté d’expression.
Plutôt embarrassée comme attitude, le silence total aurait peut-être été préférable. C’est la voie choisie par la « diplomatie » européenne, sauf peut-être quelques observations de façon timorée, ambigüe. Certain(e)s en Tunisie comme ailleurs vont même jusqu’à les condamner en rejoignant ainsi le camp des conservateurs, avec de vieux relents de puritanisme et d’hypocrisie sociales. Les islamistes n’en parlons pas. Mais dans l’ensemble, tous sont complices de la vision du monde qu’ont les forces rétrogrades. Ils les confortent dans cette vision.
L’affaire, insistons à le dire, n’est pourtant pas juste celle de la vue d’un sein nu, ce qui, en tant que « crime », n’est ni taper dans la caisse de l’Etat ni tuer des gens comme Chokri Belaid le leader assassiné.
C’est fondamentalement une affaire de libertés individuelles. Laisser passer ça même si on n’est pas d’accord avec les Femen risque d’avoir des conséquences pour tous dans tous les domaines. On peut rappeler le rappeur « weld el-15 » et le caricaturiste accusé de blasphème.
De petit compromis en petit compromis avec « la tradition et les bonnes mœurs » ou les bonnes manières, on finira mal. Il faut savoir dire stop dès ce stade. Les vrais vulgaires ne sont pas ces filles qui crient à leur manière le désespoir qui guette toutes les femmes tunisiennes et musulmanes.
Pour rappel, qu’avait fait Bourguiba avec le sefssari ? A l’époque dévoiler le visage d’une femme c’était aussi grave de voir ses fesses ou ses seins et on le sait le port du voile blanc a fini par signifier que celle qui le porte est une prostituée (sikritou). Changement de moeurs et de sens. Rien n’est figé, il ne faut pas laisser figer ce qui est porteur d’atteinte aux libertés.
Regardez les images TV sur l’Iran dont on peut tirer une conclusion : l’islam comme toute religion est comme le sida. Si on l’attrape on n’en guérit pas. On reste toute sa vie «islamopositif» ou « théopositif ».
Personnellement et pour être clair, je ne suis pas pro-Femen mais pro-libertés individuelles à respecter même – surtout – si on n’est pas d’accord. C’est cela la liberté. Ça ne se partage en petites portions, les unes acceptées, les autres rejetées.
je partage totalement l’analyse de Fathi B’CHIR et je viens d’enrichir mon dictionnaire de citations : « la religion, c’est comme le SIDA, si on l’attrape, on n’en guérit pas ». J’ajouterai pour ma part que, comme le SIDA, la religion empêche d’avoir des rapports non protégés. Sans vouloir rassurer Fathi B’CHIR, je lui répondrai que la situation serait la même en France si on laissait faire les bons catholiques. Heureusement, nous avons notre préservatif : la laïcité. Et là encore, une similitude avec le SIDA : il ne faut jamais l’oublier, même si certains vous disent que la protection n’est pas parfaite.
D’accord pour soutenir, avec Sauvons l’Europe, les artistes tunisiens poursuivis et emprisonnés: les rappeurs, les Femen, Amina… et tant d’autres moins exposés médiatiquement sans doute.
Une pétition circule (change.org), demandant à François Hollande de rappeler lors de sa très prochaine visite en Tunisie, le caractère imprescriptible pour l’UE des droits de l’homme, qui ont nom liberté d’opinion et d’expression entre autres.
Sauvons l’Europe pourrait diffuser cet appel.
Liberté pour les artistes, liberté d’expression en Tunisie !