Les Roms : faux problème national, véritable sujet européen

Un spectre hante l’Europe : les Roms. Un ensemble de populations plus ou moins nomades que l’on rassemble sous ce vocable constitue la nouvelle grande peur du continent.

Plusieurs gouvernements, malmenés par la crise et la montée d’un chômage qu’ils ne parviennent pas à endiguer, cherchent à réaffirmer à bon compte leur autorité sur d’autres sujets. Identité nationale, immigration, délinquance sont les ingrédients du brouet que nous servent certaines droites européennes et les Roms en sont la dernière épice à la mode.

Nicolas Sarkozy a poussé cette logique au plus loin. S’en prenant nommément au Roms le Gouvernement français mène désormais une politique systématique de démolition de campements et d’expulsion de citoyens européens.

Les institutions européennes et internationales ont fortement réagi. La Commission européenne, par la voix certes maladroite de Viviane Reding, a dit son effarement devant la politique menée par la France et sa résolution à user d’une procédure en manquement. Le Président Barroso a depuis soutenu cette position, sinon la manière dont elle a été exprimée. Le Parlement européen a adopté début septembre à une forte majorité une résolution condamnant la France, la quasi-unanimité n’ayant tenu qu’à la mention explicite de notre pays. Le Conseil de l’Europe s’est élevé à plusieurs reprises contre cette situation et la Commission des droits de l’homme de l’ONU estime que « la nouvelle politique de Paris, ne peut qu’exacerber la stigmatisation des Roms et leur extrême pauvreté ». Seul le Conseil européen, qui rassemble quelques gouvernements plus ou moins coupables des mêmes travers, s’en est tenu à un silence très diplomatique.

Au-delà des échanges de propos vigoureux et parfois excessifs, une réalité lourde demeure : la France a menti aux institutions européennes sur l’existence d’une politique visant expressément les Roms, et dénie à « Bruxelles » toute légitimité pour intervenir au nom des droits de l’Homme sur un sujet prétendument national.

Nous, association pro-européenne et progressiste, ne pouvons accepter un tel dévoiement de notre caractère national et du projet européen. L’Europe n’est pas un Léviathan bureaucratique, inutile et tatillon. Elle n’est pas une enceinte où grands et petits pays se disputent le bout de gras des budgets communautaires. Et même quand elle se conforme quelquefois à ces descriptions, elle ne peut s’y réduire. L’Europe est d’abord et fondamentalement un mécanisme destiné à assurer la paix entre les pays, la prospérité partagée, la sécurité des minorités et l’application des droits de l’Homme. C’est là son ressort le plus profond et c’est le rôle qu’elle tient aujourd’hui. Nous mesurons, à l’aune de cet orphéon sécuritaire, combien l’approfondissement de la construction européenne et l’inclusion de la Charte des droits fondamentaux dans les traités européens étaient bienvenus, et à quel point l’existence des digues européennes reste nécessaire.

Mais au-delà des principes fondamentaux, du droit à la libre circulation des européens sur le territoire européen et de l’interdiction des discriminations, l’Europe est également le niveau auquel traiter certaines des questions relatives à ces populations discriminées, et qui pour une part se déplacent d’un Etat membre à un autre. En avril 2010, la Commission a publié une communication sur les Roms visant à inclure les difficultés qu’ils rencontrent dans l’ensemble des politiques d’éducation, de santé, de logement et de non-discrimination établies et soutenues par l’Union. Le Fonds Social Européen a investi plus de 320 millions d’euros entre 2000 et 2006 en faveur des Roms, sans même parler de l’importance des fonds régionaux et des divers fonds sociaux européens. Est-ce que Nicolas Sarkozy s’oppose aussi vertement à Bruxelles quand la France reçoit des subventions européennes en faveur de l’inclusion des Roms ? Afin de contrôler l’emploi de ces fonds, une Task Force Roms va désormais être crée par la Commission. Pour que l’évocation soit complète, rappelons enfin que les Etats membres se sont rassemblés dans le réseau EURoma pour discuter de ce sujet. La France ne fait pas partie de ses douze membres.

Sur ce sujet comme tant d’autres, l’Europe n’est pas une machine inutile à produire des déclarations. En distinguant les Roms sédentaires des nomades, ceux qui habitent à proximité des villes et ceux qui campent en campagne, l’Union européenne bâtit peu à peu un socle d’accès au logement, à l’emploi, à la formation, à la scolarisation, à la protection sociale. Il serait nécessaire d’y ajouter un recensement et une définition des espaces permettant d’installer ces populations avec un confort minimum. Ces initiatives sont financées par l’Union, et reposent autant sur les Etats membres et les collectivités locales que sur les associations et les Roms eux-mêmes. L’Europe s’attache à faire exister, concrètement et jour après jour, le droit de chacun à vivre de manière décente, à se déplacer librement et à ne pas subir de traitement discriminatoire.

C’est le combat pour lequel nous avons créé l’Europe, et nous devons continuer à le mener.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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11 Commentaires

  1. Merci pour cette prise de position, même si je la trouve fort « diplomatique » et tardive. Madame Reding a parlé clair et c’est bien pourquoi l’agité a été vexé : tant mieux! Quant à l’effet du discours de ce dernier dans notre pays, il est très clair : mes amis tziganes (une famille française de 5 vanniers) sont maintenant menacés « de prison » par les gendarmes, qui obéissent à un préfet représentant la République, dès qu’ils s’arrêtent plus de 24h dans un terrain vague, faute de l’aire prévue par la Loi, si mal exécutée.

    • Cette prise de position est effectivement d’une timidité relative, mais n’était pas destinée à représenter le point de vue de Sauvons l’Europe seule. Elle a en réalité été écrite à chaud, dans le dessein de rassembler un certain nombre d’associations sur une position commune et sa publication retardée. Nous la reprenons aujourd’hui à notre compte, certes un peu tardivement.

  2. Nous avons choisi un projet de construction de l’Europe sur la base de la Pensée-Unique. Ce fut une erreur. Il eut été plus intelligent de faire comme après la crise de 1929, amender le capitalisme. Avec cela, nous avons construit un mode de vie occidental que le monde entier nous envie, alors que nous le dfétricotons !
    Pauvre Europe ! Et vous n’en démordez pas. Quand donc comprendrez-vous que ça ne marche pas ?
    Faudra-t-il aller au paroxysme de l’erreur, pour comprendre ?

    • Ici, un désaccord sur votre interprétation de notre projet européen.

      Les institutions européennes ont été construites sur la base du consensus, pour partie sur une certaine forme de pensée unique et pour partie sur des compromis de fin de nuit. L’objectif de notre association est précisément de dépasser ce consensus en introduisant des mécanismes de décision démocratiques en Europe. C’est au peuple européen qu’il doit revenir de décider s’il souhaite libéraliser ou renforcer son modèle social.

  3. Nous voyons bien que la légimité de V ème république n’est plus valable quand on assiste impuissant à de telles rdérives sans grandeur d’étét du à sa fonction ni respect de la constitution
    violée ici et maintenant depuis le 30 juillet et de plus avec discrimlination
    écrite sans condnations pénales.
    Mais où est passée la déclaration des droits de l’homme de 1948.
    Quels sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ?
    Merci à la Partie de L’europe qui nous aidera à changer le chemin qui nous mène droit dans le mur de la honte franchi avec le retour des rhoms pour entretenir le F’haine du haut de la République.
    iL Y A DANGER POUR l’étranger et pour notre pays…et tout un peuple républicain qui dit non…mais quelle indifférence sur ce sujet…
    qui ajoute au racisme d’état sur les sans papiers.Quant allons arr^ter cette politique du bouc émissaire qu’on nous sert par média stous les jours.
    Passer d’ Pétain à un nouveau monde ne va pas être du gateau.
    Un pacte social Européen ??? à négocier…

  4. Belle démonstration sur cette situation inacceptable des ROMS mais aucune analyse sur leur situation catastrophique dans leurs pays de premiere sédentarisation Roumanie Hongrie. Pourquoi le rejet cette integration ?

  5. Toutes ces belles âmes qui n’ont que la critique à apporter en solution aux « expulsions » des Roms, n’ont jamais eu a supporter l’occupation illégale de leur terrain avec les inconvénients qui en résultent. Elles changeraient vite d’avis si ça leur arrivait! D’autre part, on a assez de pauvres en France, sans les faire venir d’ailleurs.

  6. Pour la première fois, amis, je réponds à votre courrier. Et je réponds vertement, en argumentant sur les propositions de votre texte que j’ai mises en relief.

    – Non, la voix de Viviane Reding n’a pas été maladroite, elle a exprimé son indignation à voix forte, et elle n’a fait que décrire la vérité d’une situation chaque jour plus intolérable aux personnes qui pensent que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ne doit pas rester lettre morte, mais doit s’accompagner de contraintes envers les contrevenants, tels que notre gouvernement.

    – Si la nouvelle politique de Paris n’avait fait que ça… ce ne serait pas bien grave! Le résultat réel est certainement d’une autre nature, il conduit ces populations stigmatisées à se constituer « en marge » de toute autorité, ce qui est le lot des Pauvres, et plus ils sont pauvres, plus ils sont en marge.

    – La réalité, plus lourde que d’avoir menti, c’est plutôt que cette Europe-là est dépourvue de tout volet social réel, au profit de l’affairisme et du pouvoir financier.

    – Qu’appelez-vous notre « caractère national » dans un tel contexte? Si vous voulez parler de la France des Droits de l’Homme, je comprends; mais pourquoi ne pas le dire clairement? Et si c’est d’aautre chose qu’il s’agit, ça ne m’intéresse pas dans ce contexte.

    – Mais si, justement, l’Europe est un Léviathan bureaucratique où grands et petits pays se disputent le bout de gras… Et c’était dans l’espoir de vous voir combattre cette situation que je m’étais rangé sous votre bannière…

    – Aujourd’hui, l’Europe est d’abord et fondamentalement un mécanisme destiné à assurer un maximum de profits financiers, par la sape des acquis sociaux dans les pays les plus développés, par la corruption et la magouille chez les moins développés.

    – J’attends avec angoisse un exposé de votre part sur les « digues européennes nécessaires »…

    – 320 millions d’Euros sur 6 ans pour 5 millions de Roms, ça fait environ 10 Euros par an et par personne; même pas le dixième du nécessaire pour revenir quand on a été expulsé! Vraiment, il n’y a pas de quoi pavoiser… surtout quand on sait que la plus grande partie de cette manne a été absorbée par la corruption, de l’aveu même des gouvernements!

    – Si, justement, l’Europe est une machine inutile à produire des déclarations, sauf par exemple celle de Madame Reding, qui semble-t-il va être suivie d’effets parce qu’elle a été assez forte – façon gifle…

    – L’Europe s’attache à quoi? A endiguer les exigences sociales, c’est devenu son seul but.

    Si vos prises de positions aussi incertaines, mes amis, je vous quitterai avec regret. Et pour que ma parole soit mieux entendue, envoyez-moi quand même un bulletin de ré-adhésion, que je couvrirai volontiers.

    Salut fraternel à vous tous
    Frédéric CABY

  7. Je vous remercie de votre confiance! Tout d’abord, ce texte était destiné à être publié au nom de plusieurs associations, il est donc raboté de quelques appréciations plus polémiques. Ensuite il ne faut pas regarder l’Europe trop en noir. Si nous sommes là pour pousser vers une Europe démocratique et qui intègre pleinement la dimension sociale, on ne peut pas non plus la réduire à une machinerie bureaucratique. Libérale, absolument mais c’est une politique assumée par les gouvernements élus! Toujours est-il que notre combat doit se poursuivre, et vivement!

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