Les institutions de la Ve République permettent elles de participer pleinement à la construction européenne ?

Cette question a toujours été posée. A l’heure où toutes les institutions sont en débat, au niveau européen pour le Traité Modificatif, au niveau français dans la commission Balladur, c’est une question d’actualité. Un article de la lettre n° 318 de la Fondation Robert Schuman aborde cette question de manière particulièrement pertinente. Le titre en est « La modernisation de la Ve République et les « Affaires européennes » : le parlementarisme rationalisé est-il euro-compatible ? » et les auteurs en sont Thierry Chopin et François-Xavier Priollaud.
La Ve République se caractérise par le rôle négligeable que joue le parlement français dans les affaires européennes, un apanage presque exclusif de l’exécutif en France, qui rend mal compte de ses décisions. Cette situation unique en Europe n’est guère démocratique, probablement en contradiction avec l’esprit européen (voire avec la lettre des institutions européennes ?), et empêche la France de jouer pleinement son rôle dans l’Union Européenne. L’hypertrophie du pouvoir exécutif conduit à noyer les affaires européennes dans le domaine réservé du chef de l’état. Le symbole en est le statut du secrétaire d’état aux affaires européennes, sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, ce qui est un contre-sens. D’autant plus qu’on pourrait plaider que la construction européenne ne s’est pas faite grâce au Quai d’Orsay mais malgré celui-ci. (Les discussions importantes avec l’Allemagne ou la Grande Bretagne ne passent elles pas au dessus de la tête de nos ambassadeurs à Berlin ou à Londres !)

Le contournement du Parlement a beaucoup de conséquences néfastes. Outre le sentiment fréquent de défiance systématique « envers Bruxelles », l’absence de contre-pouvoir dans un domaine essentiel pour l’avenir de l’Europe et de la France, on peut signaler que la France est un très mauvais élève de l’Europe pour la transposition des directives européennes. « Le Monde » daté du 11/1/2007 en donne un exemple caractéristique, la critique par la Commission du traitement des eaux usées pratiqué en France.

La limitation du cumul des mandats pour les eurodéputés français a été supprimée en 2003, un cumul très rare pour les eurodéputés anglais ou allemands. Parfois les eurodéputés français sont mis sur les listes de candidature à la suite d’un échec dans des scrutins nationaux et rendent ensuite rarement compte de leurs mandats devant leurs électeurs. Tout cela est d’autant moins cohérent que progressivement les prérogatives du Parlement Européen s’étendent (Rappelons qu’autrefois la France ne lui voyait qu’un rôle consultatif !). Au fil des ans le Parlement Européen a joué un rôle de plus en plus important, du reste mal apprécié en France. Citons comme exemples, la démission collective de la Commission Santer en 1999, l’affaire Buttiglione en 2004 (le Parlement Européen oblige Barroso a remplacer ce commissaire), l’amendement de la directive Boelkenstein en 2006. N’oublions pas non plus l’apport important des parlementaires à la Convention de 2004.

Les possibillités de réformes sont multiples. Elles font l’objet de fréquentes propositions qui, d’une manière générale, visent à amender notre constitution qui n’est ni parlementaire ni présidentielle et qui a été rédigée par des gens peu sensibles à l’importance de la construction européenne. Le concept de domaine réservé au chef de l’Etat sans contre pouvoir est en soi surprenant. Que les affaires européennes soient dans ce domaine est doublement surprenant, compte tenu de l’importance du domaine législatif directement influencé par des directives européennes. Et le respect du pacte de stabilité et de croissance encadre fortement les pouvoirs budgétaires du parlement. Idéalement le secrétaire d’état aux affaires européennes devrait dépendre directement du premier ministre, avec rang de vice-premier-ministre. Pourquoi les délégations pour l’Union Européenne de l’Assemblée Nationale et du Sénat ne sont elles pas des commissions parlementaires permanentes ? La commission Balladur proposera-t-elle vraiment les amendements ci-dessus à la Constitution de la Ve seront ils ensuite approuvés? C’est ce que nous pouvons souhaiter.

André Landesman
Sauvons l’Europe – Paris

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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