Les enfants d’Erasmus ne veulent pas voir l’Europe abdiquer devant la crise

Avec une acuité inconnue depuis les lendemains de la seconde guerre mondiale, les crises actuelles posent la question d’une nouvelle gouvernance mondiale qui favorise plus d’équité, de justice et de responsabilité à l’égard des générations futures. L’Europe constitue le seul laboratoire concret de cette future gouvernance.

 

La responsabilité des Européens, celle des chefs d’Etat et de gouvernement et plus largement la nôtre, en tant que citoyens de l’Union, est donc immense. Soit nous prouvons que des Etats dont les valeurs et les modèles politiques, socioculturels et économiques sont proches, et qui ont institutionnalisé leur coopération dans le cadre de l’Union européenne (UE), sont capables de faire preuve d’unité et d’apporter des réponses efficaces aux crises présentes. Soit nous échouons et abdiquons en connaissance de cause toute influence sur la définition du monde à venir.

 

Une génération d’Européens s’inquiète. Elle a entre 30 et 45 ans. Pour elle, l’événement politique majeur aura été la chute du mur de Berlin il y a tout juste vingt ans. C’est également la génération Erasmus, la première à avoir bénéficié du programme européen qui a permis à plus de 1,5 million d’étudiants de prendre conscience de la puissance collective que représente l’Union européenne.

 

La crainte de cette génération, la nôtre, c’est que, faute de leadership, de sens de l’intérêt général et d’ambition, l’Europe fasse le choix de l’abdication. L’insuffisance de visions politiques des institutions européennes et des Etats-membres nous préoccupe à un moment où, pour être influents, les Européens devraient faire le choix de l’exemplarité et préparer une relance durable. Les décisions trop souvent nationales qui sont prises sont coûteuses et inefficaces. Elles contribuent à un endettement massif des générations futures.

 

Notre conviction, c’est que l’Europe d’après la crise se prépare maintenant. Les Européens doivent se mettre en ordre de marche et être en mesure de dépasser intérêts de court terme et orgueils nationaux. A moyen terme, des institutions plus fortes, mieux incarnées avec un vrai capitaine à la tête de l’Europe sont indispensables. C’est chose possible avec les institutions du traité de Lisbonne, si sa ratification est enfin achevée. C’est à notre avis la condition pour qu’un leadership politique émerge.

 

A court terme, la première urgence, à la veille du G20, est de définir une stratégie européenne pour réguler le secteur financier et organiser la relance économique. Cela passe par une régulation financière plus efficace et moins pro-cyclique, la création d’une autorité de supervision bancaire européenne, un code éthique européen garantissant la transparence des rémunérations les plus élevées. Une action coordonnée pour baisser temporairement la TVA et plus largement les taxes pesant sur les services de proximité non intensifs en importations est aussi essentielle pour préserver des dizaines de milliers d’emploi de proximité en Europe.

 

CAPACITÉ D’EMPRUNTS COLLECTIVE

 

Mais l’enjeu économique, c’est aussi que les Européens, à l’instar des Américains, soient en mesure d’investir l’avenir et donnent toute la priorité politique à la recherche et au développement et en particulier au développement durable, ce qui passe par la nomination d’un vice-président de la Commission européenne en charge du développement durable ainsi que la mise en chantier d’un plan européen de formation aux métiers favorisant la croissance verte. Pour être en mesure de faire les investissements nécessaires, l’Europe doit se doter d’une capacité d’emprunts collective qui requiert une solidarité financière renforcée.

 

Ces initiatives supposent une exemplarité franco-allemande retrouvée : sans être suffisante, elle demeure indispensable. La vertu principale du couple franco-allemand, c’est sa capacité à entraîner l’ensemble des autres pays de l’UE. Français et Allemands doivent avoir le courage de renforcer la coordination de leurs politiques économiques, fiscales et sociales, et associer étroitement leurs Parlements respectifs.

 

Ils devraient également prendre de nouvelles initiatives spectaculaires – ouvertes à tous les pays qui en partagent les objectifs et la méthode – comme elles l’ont fait il y a près de soixante ans avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. A cet égard, un rapprochement des directions du Trésor française et allemande en favorisant une gestion commune de la dette publique des deux pays serait de nature à accélérer la coordination de deux économies et permettrait de mettre en place un embryon de gouvernance économique pour la zone euro.

 

A l’approche des élections européennes, ces enjeux doivent donner lieu à un débat ouvert et ambitieux, capable de rassembler tous ceux qui, dans la société civile, dans les administrations nationales et européennes, les médias, les syndicats et le monde politique, partagent notre conviction. Une conviction qui est l’héritière d’Erasmus, de l’humanisme et des Lumières.

 

Parmi les signataires : Cynthia Fleury, Guillaume Klossa, Sandro Gozi, Christian Mandl, Gaëtane Ricard-Nihoul

 

Article paru dans l’édition du Monde du 28.03.09

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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