Conférence sur le Futur de l’Europe : 1ère expérience démocratique participative pour 450 millions de citoyens

« La Conférence sur le Futur de l’Europe (CoFE) a constitué la première expérience de démocratie participative paneuropéenne de l’Histoire, elle n’avait donc pas la prétention d’être parfaite, mais pourrait marquer le début d’un renouveau démocratique« , précise Rémi Leturcq, auteur de la publication La démocratie sur le fil du rasoir, comprendre la Conférence sur l’avenir de l’Europe.

Cette conférence a travaillé pendant un an, du 9 mai 2021 sous présidence portugaise de l’UE au 9 mai 2022 sous présidence française, en passant par la présidence slovène durant le second semestre 2021. Elle a réuni 200 citoyens européens venant des 27 pays de l’UE, tirés au sort, répartis en panels de réflexion, avec en parallèle 6 465 événements organisés dans les États membres, plus une plate-forme en ligne ouverte à des millions de visiteurs. Tout cela a débouché sur 49 propositions relatives à neuf grands sujets :

  1. le changement climatique et l’environnement,
  2. la santé physique et mentale,
  3. l’éducation,
  4. la culture,
  5. la transition numérique,
  6. les défis liés aux migrations,
  7. les menaces pour les valeurs européennes et le budget de l’UE,
  8. l’état de l’économie européenne
  9. le rôle des jeunes dans tous ces domaines.

Le think-tank belge « Pour La Solidarité » a fait une analyse sur les recommandations émises par les citoyens, l’accueil que leur ont réservé les différentes parties prenantes et ce que cela signifie pour la suite : La Conférence sur l’avenir de l’Europe, quels enseignements en tirer ? 

Fort du soutien des panélistes, le Parlement s’est d’abord empressé d’appeler à une révision des traités, de préférence par la voie d’une convention, en vue d’étendre le vote à la majorité qualifiée au Conseil, d’étendre les compétences de l’Union en matière de santé et d’énergie, d’instaurer un véritable mécanisme de codécision sur les questions budgétaires et de renforcer les procédures de sauvegarde des valeurs sur lesquelles se fonde l’Union. A noter également une apparition inopinée du socle européen des droits sociaux, dont les eurodéputés suggèrent qu’il soit complété par une mention au progrès social directement dans le corps des traités et fasse l’objet d’un protocole ad hoc. Enfin, ils ont aussi adopté une résolution distincte, relative au droit d’initiative législative, dont il réclame le bénéfice depuis si longtemps.

Ursula von der Leyen, ouverte à une réforme des traités

Discours enthousiaste, également, du côté de la Commission européenne, bien que plus modéré. Sa présidente Ursula von der Leyen s’est ainsi dite ouverte à une réforme des traités, qui porterait notamment sur la fin de l’unanimité au Conseil ou à l’extension des compétences de l’Union. Une telle révision ne saurait cependant « être une fin en soi », d’autant plus que le potentiel des traités actuels lui paraît amplement suffisant – la gestion de la crise sanitaire constitue à cet égard le plus emblématique des exemples. Elle propose, enfin, de pérenniser le recours aux panels de citoyens, en vue d’éclairer de futures propositions législatives, selon des modalités qui restent à préciser mais qu’on devine très proches de celles mises au point pour la Conférence.

Mme von der Leyen a formulé des premières propositions en réponse aux attentes des citoyens dès son discours sur l’état de l’Union, devant le Parlement européen à Strasbourg le 14 septembre 2022.

Au Conseil, les choses ont paru plus tendues. L’évaluation technique réalisée par les fonctionnaires de l’institution a révélé que la plupart des mesures proposées ne nécessiteraient pas de réforme institutionnelle pour être mises en œuvre, et d’en citer au plus une petite dizaine qui justifieraient de tels efforts. Dont : étendre les compétences de l’Union en matière d’éducation et de santé, consacrer le droit au mariage homosexuel ou créer un référendum européen. De sorte que le cadre institutionnel actuel serait a priori bien suffisant pour mettre en œuvre nombre des recommandations formulées par les panels et qu’il n’y aurait donc pas matière à convoquer une convention.

Le rapport poursuit toutefois sur les divergences entre les Etats distinguant dans un langage assez diplomatique :

  • D’un côté, un groupe d’États réformateurs, mené par la France : l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne et le Luxembourg, « ouverts en principe » à une réforme des traités, pourvu qu’elle soit « nécessaire ». (A mentionner une communication du Sénat français sur le sujet présentant l’importance de l’exercice comme référence sur la définition de l’intérêt général européen et le présentant comme une « boussole démocratique »).
  • Un autre groupe d’États membres, nettement plus réticents, parmi lesquels la Bulgarie, la Croatie, la Tchéquie, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie, la Suède et Malte qui « dénoncent l’instrumentalisation de la Conférence à des fins institutionnelles et rappellent qu’il n’a jamais été question qu’elle ait pour objet la révision des traités ». Ils préconisent plutôt de clarifier ce qui pourrait être fait dans le cadre institutionnel existant.

Belle expérience de « démocratie participative paneuropéenne de l’Histoire », mais qui en a entendu parler ? Afin que les citoyens se mobilisent pour exiger que les conclusions de cette conférence soient prises en compte, encore faudrait-il qu’ils soient informés de son existence !

Le discours d’Emmanuel Macron à Strasbourg le 9 mai 2022, est peut-être le seul moment où l’événement a été couvert médiatiquement.  In extremis avant la fin de son mandat de six mois, afin de respecter l’agenda prévu initialement, la présidence tchèque de l’UE a organisé le 2 décembre 2022, en toute confidentialité, un événement d’évaluation des mesures de suivi des recommandations de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Ce jour-là, le Parlement européen a accueilli à Bruxelles des représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission ainsi que plus de 500 citoyens qui ont participé activement aux travaux de la Conférence. Ils ont examiné la manière dont les institutions entendent donner suite aux propositions finales.

En sa qualité d’ancien coprésident de la Conférence, le député européen belge Guy Verhofstadt a déclaré : « En période d’insécurité, la politique a besoin d’une vision de ce qui nous attend (….) Nous devons continuer à mettre en œuvre non seulement les propositions, mais être aussi garants de l’esprit dans lequel elles ont été rédigées – une nouvelle idée de l’Europe, adaptée aux défis de l’avenir. »

Dans un documentaire, Paul-Henry Spaak disait que le vrai « père » de l’Europe avait été Staline. De nos jours, on pourrait ajouter que l’actuel dirigeant de la Russie, V. Poutine, intensifie le besoin d’unité et de puissance européenne. En recevant le Prix Nobel de la Paix le 10 décembre à Oslo, Oleksandra Matviichuk, présidente du centre ukrainien pour les libertés civiles, affirmait : «La guerre en Ukraine n’est pas une guerre entre deux Etats, mais entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie ». Il serait temps que la démocratie européenne n’avance pas en catimini, en deçà des projecteurs des media. En 2014, Sauvons l’Europe avait présenté une pétition intitulée « Plus d’Europe à la télé ».  C’est plus d’Europe dans tous les médias qu’il faut pour construire un peuple européen !

[author title= »Nicole Fondeneige » image= » »] Après avoir travaillé dans une grande entreprise française, Nicole Fondeneige a beaucoup enseigné, notamment comme professeur d’économie dans les Ecoles européennes à Bruxelles. Elle a été active au sein du forum européen de la société civile en amont de la Convention sur le traité constitutionnel de 2005.[/author]

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3 Commentaires

  1. /1/A l’origine, l’intégration européenne est un volet de la coopération transatlantique dont le fil conducteur est de répondre aux attentes des USA, pays protecteur face à l’URSS et bailleur de fond dans le cadre du plan Marshall. L’intérêt général européen et l’identité européenne n’ont jamais été définis. Quant aux valeurs européennes, il s’agit de respecter les principes des nations unies et du développement durable. Le dénominateur commun des Européens, s’il existe, est encore inconnu.
    /2/Faute de dénominateur commun, un nombre croissant d’Etats européens ont bâti une zone de libre-échange où chaque mandataire régional, national et communautaire essaye de se garantir les faveurs futurs des lobbies, de maximiser, conserver voire récupérer ses compétences, d’ouvrir les frontières des autres ou fermer les siennes selon ses intérêts, d’accroître ses subsides ou réduire sa contribution, d’étendre sa zone d’influence.
    /3/En l’absence d’identité et peuple européen, les fonctionnaires communautaires se comportent comme une sorte de nation surnuméraire et traitent les peuples des Etats membres comme des rivaux. Il en résulte un développement erratique des institutions. En tant qu’organisation sui generis, le cadre institutionnel de l’UE jouit des pouvoirs normatifs d’un Etat unitaire décentralisé vis à vis des Etats qui ont adopté le « Pacte budgétaire » ou de ceux d’un Etat fédéral vis à vis des autres. En revanche, en matière fiscale, exécutive et judiciaire, le Cadre institutionnel a les pouvoirs d’une vraie confédération (ex: Commonwealth britannique). Les différents espaces d’intégration ne groupent qu’une partie des Etats.
    /4/Sans dénominateur commun ou d’institutions fédératrices, un nombre croissant d’Etats membres rivaux élaborent de plus en plus difficilement le budget communautaire. Aucune crise ne stimule leur désir d’unité: crise financière, Daech, administration Trump, covid, désordres climatiques, invasion russe. C’est normal puisque le socle de la puissance des institutions communautaires, ce sont les Etats qu’elles affaiblissent. Le pire est que le financement de l’Union repose sur les Etats qui souffrent le plus des différents dumpings générés par le marché commun et la diplomatie de la Commission.
    /5/Les seules forment de coopération qui ont réellement fonctionné en Europe sont des consortiums internationaux tel l’ESA et Airbus ou des think tanks tel que l’Initiative Européenne d’Intervention ou la Communauté Politique Européenne. On relèvera que les projets de convention du Conseil européen sont plus populaires que les différentes réalisations juridiques de l’UE.
    /Conclusion/La Conférence sur le Futur de l’Europe ou autre « grenelle communautaire » n’y changeront rien. La seule manière de sortir de l’impasse, c’est de créer trois fédérations de partis fédéralistes, une de droite, une de gauche et une du centre, présent dans tous les Etats membres à chaque échelon de la localité au Parlement européen. Elles conduiraient un même projet européen consistant à promouvoir l’entente et la solidarité entre les peuples européens, la coopération directe entre les Etats, une politique européenne axée sur les compétences d’appui et de complément. L’idée est de noyauter les Etats et faire naître une conscience européenne pour générer une majorité favorable à une fédération européenne fondée sur la solidarité à l’échelon européen.

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