Jean-Paul Delevoye, Président du CESE : il manque une vision européenne de la gestion du monde !

Après la désignation du président du Comité Economique et Social Européen, le grec Georges Dassis, c’est au tour du Conseil Economique, Social et Environnemental français de renouveler son président le 1er décembre prochain. Jean-Paul Delevoye, président du CESE depuis 5 ans, est candidat au renouvellement de son mandat. Sauvons l’Europe l’a rencontré ce mardi 24 novembre, un mois après la visite au CESE du président de la Commission Européenne Jean Claude Juncker.

Pour rappel, Sauvons l’Europe a placé au centre de son action la question du modèle social européen, sous la forme du « grand pacte Européen de 1945 » qui met en place les quatre grandes sécurités collectives de l’après guerre : contre la vieillesse avec les retraites, contre les risques de la vie avec l’assurance maladie, contre les risques économiques avec l’assurance chômage et enfin contre la guerre et la dictature avec la construction Européenne. Notre analyse est que ce pacte subit aujourd’hui un triple choc. Choc d’une mondialisation industrielle et financière, modifiant considérablement la perception des valeurs du travail et de la solidarité.Choc technologique avec l’expérience de la révolution digitale qui tire les marges et profits hors d’Europe. Choc démographique avec le vieillissement d’une population européenne désormais préoccupée de garantir individuellement ses arrières.

Comment imaginez vous votre rôle et celui de votre institution à l’heure de la révolution digitale et des défis européens du « vivre ensemble »?

Nos sociétés ne traversent pas une crise, elles vivent une métamorphose. D’où pour moi, la question fondamentale est : aujourd’hui, qui régule le monde ?

Trois facteurs modifient la place et le rôle des sociétés européennes : modifications de la chaîne de valeur, crise démographique, crise des identités, à l’heure où les démocraties sont locales et l’économie est mondiale. En même temps, nous assistons à la substitution de la lutte des classes par une lutte des identités dont nous avons vécu récemment la forme extrême lorsque des jeunes gens finissent par préférer réussir leur mort, faute de réussir leur vie ! Le CESE a le devoir de poser ces questions et d’y apporter des réponses, lorsque les assemblées politiques soit sont prisonnières de l’urgence et du court terme, soit instrumentalisent le débat plus qu’elles ne le nourrissent. Le politique gère aujourd’hui le champ des peurs et des humiliations, c’est donc à la société civile de chercher à réemprunter avec nos concitoyens le champ des espérances.

 En particulier, que fait le CESE en direction des nouveaux acteurs de la société civile qui sont parmi les priorités du comité économique et social européen ?

J’ai souhaité pour ma part ouvrir les portes du Palais d’Iéna, siège du CESE, à tous. Il y a une demande très forte de nos concitoyens de participer. Ils ont soif de politique mais sont exaspérés par les politiciens. C’est une opportunité, pas une menace pour celles et ceux qui ont mandat de les représenter. Nous avons ouvert des plateformes collaboratives pourrecenser les initiatives de la société civile sur les sujets que nous traitions : école de la réussite, éducation à l’environnement, handicap et inclusion …

De même, quel rôle exact joue le CESE pour organiser le droit à des pétitions citoyennes en France, mécanisme proche dans l’esprit des Initiatives Citoyennes Européennes ?

Le seuil des pétitions est actuellement élevé (500.000 signatures), leurs modalités peu adaptées (uniquement par écrit) et leurs finalités peu précises dans les textes censés définir les conditions dans lesquelles ces pétitions sont ou non recevables par le CESE.

Peut-on notamment être saisi lorsque le débat parlementaire est en cours ? Je ne le pense pas car alors le CESE deviendrait une chambre de recours ou un lieu de pouvoir, ce qu’il n’est pas et, me semble-t-il, ne doit pas devenir.

Je suis en revanche favorable à ce que nous soyons désormais plus proactifs pour rendre ce droit de pétition effectif. Je propose donc que nous abaissions à 50.000 ce seuil, et que nous travaillions avec ces acteurs incontournables que sont devenus les sites de pétition pour notamment mieux orienter les pétitions sur lesquelles nous sommes effectivement compétents au CESE.

Comment s’organise l’élection du président de « la maison du Dialogue Social » ? Quelle transparence au profit des citoyens… qui sont aussi des contribuables ?

Il est élu par les 233 membres nommés par leurs organisations syndicales, patronales, associatives, agricoles etc, et par l’exécutif. A vrai dire c’est la première fois qu’il y a une élection au CESE. Jusqu’à présent, il y avait de multiples velléités et des désistements, avec au final un candidat unique. C’est nouveau pour notre Assemblée. Hélas tous les candidats ne souhaitant pas organiser de débat autour de nos projets respectifs, il y a aujourd’hui une forme de crispation regrettable et assez contraire à l’esprit du CESE.

La question générationnelle est un obstacle à la croissance en Europe, surtout depuis la crise de 2008. Le Dialogue Social peut-il être une réponse à la défiance des nouvelles générations vis-à-vis des acteurs institutionnels ?

Aujourd’hui un jeune américain rêve de conquérir le monde quand un jeune français rêve de se faire racheter par un américain !

Naturellement l’innovation va toujours de pair avec une certaine contestation. Mais cette libération nécessaire des énergies est la condition même du maintien du modèle européen de solidarité ! Pour rappel, 50% des transferts sociaux dans le monde se font en Europe ! Mais je pense que nous devons aller au fond des choses. Nous sommes les héritiers d’un ordre social qui était matricé par une classification d’ingénieur normalité / anormalité, avec une solidarité des uns envers les autres au travers de transfert sociaux pour les aider à « rejoindre le troupeau ». Pourquoi ne pas basculer d’un lien de solidarité à un lien de valorisation de tous par tous en se donnant comme objectif de maximaliser les potentiels de tous ?

Quelles conclusions tirez vous de la visite récente de Jean-Claude Juncker au CESE ?

J’ai trop souvent regretté la primauté des gestionnaires sur les leaders qui s’est installée au cœur du projet européen pour ne pas souligner le caractère extrêmement politique de l’intervention de monsieur Juncker au CESE.

Il a développé une vision extrêmement politique et volontariste de son action à la tête de la Commission Européenne. Il a adressé un message fort sur notre devoir de solidarité à l’égard des migrants et reconnu également que l’Europe s’était un peu éloignée ces derniers temps du monde du travail, ce monde qui l’avait longtemps portée.Pour beaucoup, l’Europe a passé plus de temps à rassurer les marchés qu’à rassurer ses peuples ! Plus que jamais, il manque une vision européenne de la gestion du monde !

Propos recueillis par Henri Lastenouse, Arthur Colin et Mehdi Mahammedi-Bouzina

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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9 Commentaires

  1. Mr Delevoye mérite largement sa reconduction,ses analyses pondérées sont dignes de sa Fonction.Bonne chance.
    Salutations normandes,citoyennes et européennes

  2. Cette entrevue est riche d’informations sur l’inanité, l’impotence et l’inadaptation du CESE, qui reste une enceinte de consolation des battus du suffrage universel et de rémunération des élus par leurs syndicats!

    Jean Paul Delevoye développe un plaidoyer pro-domo qui aligne ces contradictions
    quelques exemples
    Il définit les 233 membres du CESE par « un mandat de nous représenter »: Quel mandat? donné ou voté par qui? Dois-je rappeler que les syndicats, lieux de pouvoirs, ne sont absolument pas démocratiques? Comment des membres grassement rémunérés et souvent absents pourraient-ils se réclamer d’un quelconque mandat?

    Il développe que le « CESE deviendrait une chambre de recours ou un lieu de pouvoir, ce qu’il n’est pas et, me semble-t-il, ne doit pas devenir »
    C’est aussi clair que les mots utilisés: le CESE ne sert à rien.

    La montée des pétitions – expressions directes des citoyens dans le champ du CESE, sociales et sociétales – menace le CESE dans son inutilité.
    Alors, vieux réflexe des politiques, attirons et contrôlons ces pétitions!
    « Je suis en revanche favorable à ce que nous soyons désormais plus proactifs pour rendre ce droit de pétition effectif. Je propose donc que nous abaissions à 50.000 ce seuil, et que nous travaillions avec ces acteurs incontournables que sont devenus les sites de pétition pour notamment mieux orienter les pétitions sur lesquelles nous sommes effectivement compétents au CESE. »

    Sauvons l’Europe revendique le « grand pacte Européen de 1945 » qui met en place les quatre grandes sécurités collectives de l’après guerre » et interroge JP Delevoye à ce titre? fait un article élogieux sur le CESE européen? mentionne la visite de Junker à cette assemblée de nantis inutiles, mais se garde bien de dire pourquoi ou dans quel objectif d’action.
    Evidemment, il n’y a aucune action.

    Un dernier mot pour illustrer le mépris des politiques au pouvoir pour cette chambre croupion: Aucune réforme n’est née et/ou ne fut étudiée par le CESE.
    Les 35 heures? CESE absent!
    Les retraites? rapport pantalonnade – à l’époque – du suppléant du député Hollande….

    Combien coûte le CESE?
    trop:
    Qu’apporte-t-il?
    rien!

    • Effectivement, ces institutions ont été trop absentes des débats. Pourtant elles sont potentiellement des lieux de soft power importants en ce qu’elles contribuent à définir les termes du consensus. Nous pensons qu’il y a là des leviers négligés à remobiliser.

    • Qui est jlcatalan? je ne le connais pas .
      Au nom de quelles « vérités » acquises, de quelle conception de la démocratie parle t il ?
      Il me semble faire partie de ces bons élus « légitimés » par leur élection, plus ou moins directe et en fait anonyme au sens où ils s’abritent souvent derrière des étiquettes dont on sait comment elles masquent des pratiques pour le moins anti démocratiques, pour qui nul autre qu’eux ne le soient (« légitimes »)! J’en connais à la pelle des roitelets qui usent de leur bel habit pour s’imposer.
      Parler des syndicats comme il le fait est très démonstratif du mépris de l’action collective menée par des individus qui ont fait le choix personnel d’EXISTER, en « payant » les risques certains de s’affirmer de même que la cause des autres. Une adhésion a un prix, une « valeur » et un « coût »que semble ignorer jlcatalan. En quoi ceux qui parlent en leur nom seraient ils moins légitimes que lui ? Puisqu’il parle de non démocratie des syndicats, est il lui même syndiqué, déjà ? Ou préfère t il parler au nom de qui , plus démocratique dans les pratiques et les statuts ?
      Le CESER est utile pour les citoyens comme moyen de confrontation en dehors des seuls prismes du pouvoir soit politique soit médiatique.
      Alors qu’il apprécie les candidats à sa Présidence avec ses critères personnels, c’est son droit mais un peu de respect des forces vives de sa part serait bienvenu.

  3. M.DELEVOYE mérite largement ! le renouvellement de son mandat. je suis désolée de constater que les « grands hommes » et parfois les formes d’ institutions comme le CESE ou la Cour des Comptes…ne soient pas ECOUTEES par nos premiers ministres ou présidents, car ce sont eux qui ont une bonne analyse terrain et qui se rendent compte des erreurs des dirigeants (dépenses projets pharaoniques, et austérité pour les peuples !) ! Notre Europe est pro-américaine, le culte de la Finance, et comme le dénonce, pourquoi pas, Marine LE PEN, ce modèle (?) ultralibérale qui en vient à piller les uns, à rendre esclaves les autres, à polluer la planète, à extraire le gaz de shiste sans en mesurer les conséquences pour leur seul profit égoïste… Ras le bol de cette EUROPE, de cette dictature financière américaine qui pousse à la consommation d’un côté (lobbies chimiques toxiques ) et qui anéantit et tue les hommes et leur environnement de l’autre ! les occidentaux n’en veulent plus ! Plus de dépendance aux E.Unis, et Pas de soumission aux pays arabes enrichis par leur pétrole mais qui n’ont pas notre culture judeo-chrétienne (autres moeurs) et qui voudraient imposer leurs lois aussi…en nous terrorisant.
    Sauvons nos pays européens, sauvons nos libertés, arrêtons de consommer bêtement aussi.
    Cette EUROPE actuelle n’est PAS LIBRE et les nations revendiquent un autre mode d’existence…d’où la montée des nationalismes dangereux.
    Il faut SAUVER la JEUNESSE et la PLANETE et désobéir aux E.U et aux pays du Moyen Orient qui veulent l’un et l’autre dominer le monde. La RUSSIE et l’ASIE (le communisme) vont-ils s’imposer à leur tour et que deviendront nos libertés ?

    Encore MERCI à JP DELEVOYE (patron des Médiateurs de Pôle Emploi…il avait compris il y a longtemps que cette administration était trop rigide !) et tous mes voeux pour conserver la présidence du CESE !.

  4. À priori, je serais méfiant à l’égard de M.DELEVOYE, parce qu’il prêche pour sa paroisse (enfin pour sa reconduction!)
    Bien que c’est certainement un des TRÈS rares personnages politiques qui me semblerait d’une honnêteté …intellectuelle respectable.
    C’est déjà ça!
    Cela étant, je pense que cette grosse machine, la CESE qui ajoute encore à la confusion générale et qui vient grossir les rangs de personnages inutiles et grassement rémunérés car il n’y a aucun contrôle et ça c’est plus que grave.
    DE plus, quels sont ces objectifs clairement définis avec quelles échéances car cela semble être le flou artistique le plus complet!
    Enfin, les Français ne sont pas exaspérés par l’ensemble des élus plus ou moins corrompus (passivement et/ou activement!), NON, ils les rejettent et les exècrent et la raison essentielle de ce sentiment ressenti des Citoyens ,c’est que TOUS ces élus inutiles et voleurs le savent! Et croyez- vous qu’ils changent?
    Non, leur seul objectif, c’est de durer et de violer en permanence la RÉPUBLIQUE, les vandales et sans foi ni loi.
    Rien n’importe plus que leur confort et leur durée.
    Aucun ne dira « oui, c »est vrai, parmi nous un certain nombre est malhonnête, notre confort, voir le luxe qui nous est imparti et que nous prenons est indécent alors que beaucoup de nos CONCITOYENS ont du mal à survivent et que nous sommes bien trop nombreux, sans compter les copains que l’on aura reclasser car non réélu (comme la girouette qui a été recasé dans un institut qui n’a pas trop la côte ces temps-ci!) »
    Alors TOUS ces individus qui ne pensent qu’à leur triste g….qui pillent littéralement nos institutions les mettant en grand danger tant les besoins des ces voleurs sont toujours plus importants.
    Enfin, TOUT le monde ou presque doit faire des efforts, sauf eux, bel exemple de démocratie!

  5. Ayant réagi avec un certain décalage à l’article qui avait été publié par SLE le 18 novembre au sujet de Georges Dassis, nouveau président du Comité économique et social EUROPEEN, je me permets de renvoyer à ce commentaire pour compléter la vision que l’on peut mettre en évidence au sujet de ce genre d’enceintes consultatives.

  6. @Aubouin

    Qui est jlcatalan? demandez-vous,?
    un citoyen de base, exaspéré par les privilèges.

    Qui est Aubouin?
    de toute évidence un syndiqué, voire un cadre syndical (?), qui a vraisemblablement bénéficié de ces privilèges?

    Je fais mien le mot de Churchill « la démocratie est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres »

    Les vérités d’Aubouin sont tellement acquises, qu’il s’autorise une charge contre les élus du suffrage universel, procès d’intentions et d’origines aussi glaçant que d’autres, dans l’Histoire…

    Aubouin est légitime, pas les autres, aucun des autres!

    Les « forces vives » ne se résument heureusement pas aux Aubouin et équivalents, elles sont effectivement vives, pas confites dans les avantages acquis , les privilèges et les castes.

    Un dernier mot Aubouin, je ne suis pas un élu, ni membre d’un parti, et j’applique en toutes choses ma raison et mes convictions démocratiques et républicaines, pas le prisme rassurant d’un prêt-à-penser .

    Le CESER est utile pour les citoyens comme moyen de confrontation en dehors des seuls prismes du pouvoir soit politique soit médiatique.
    Alors qu’il apprécie les candidats à sa Présidence avec ses critères personnels, c’est son droit mais un peu de respect des forces vives de sa part serait bienvenu.

  7. le § d’Aubouin pollue ma réponse, la voici débarrassée de ces miasmes

    @Aubouin

    Qui est jlcatalan? demandez-vous,?
    un citoyen de base, exaspéré par les privilèges.

    Qui est Aubouin?
    de toute évidence un syndiqué, voire un cadre syndical (?), qui a vraisemblablement bénéficié de ces privilèges?

    Je fais mien le mot de Churchill « la démocratie est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres »

    Les vérités d’Aubouin sont tellement acquises, qu’il s’autorise une charge contre les élus du suffrage universel, procès d’intentions et d’origines aussi glaçant que d’autres, dans l’Histoire…

    Aubouin est légitime, pas les autres, aucun des autres!

    Les « forces vives » ne se résument heureusement pas aux Aubouin et équivalents, elles sont effectivement vives, pas confites dans les avantages acquis , les privilèges et les castes.

    Un dernier mot Aubouin, je ne suis pas un élu, ni membre d’un parti, et j’applique en toutes choses ma raison et mes convictions démocratiques et républicaines, pas le prisme rassurant d’un prêt-à-penser .

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