​ Jacques-René Rabier : Témoin, levez-vous !

A l’occasion de la sortie de sa biographie par Michel Theys, Jacques René Rabier a partagé son expérience d’Européen avec Henri Lastenouse pour Sauvons l’Europe.

Ancien directeur de Cabinet de Jean Monnet, Jacques René Rabier collabora également avec Emmanuel Mounier à la Revue Esprit et fut le créateur de l’Eurobaromètre qui teste l’opinion publique en Europe . Il a co-signé en 2011 avec Sauvons l’Europe la Tribune  « libre-circulation des étudiants premier trait d’union entre les deux rives de la-méditerranée ».

L’ouvrage « Jacques René Rabier, fonctionnaire militant au service d’une certaine idée de certaine idée de l’Europe » est édité aux Edition Peter Lang avec le soutien de la fondation Hypocrène et de la fondation Jean Monnet. Son auteur, Michel Theys, notamment éditorialiste de l’Agence Europe, était récemment auditionné par l’Assemblée Nationale sur l’avenir de l’Union Européenne.

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Henri Lastenouse : A quoi ça sert de faire « exercice de mémoire » ?

Ça sert à transmettre la sienne !

C’est un lieu de dialogue au travers du temps et de l’espace. Notamment pour que les jeunes générations puissent à leur tour former leur propre mémoire…dans un esprit critique cela va de soi !

Dialoguer, c’est important. Jean Monnet n’était jamais aussi bon que dans le dialogue avec autrui. Il insistait d’ailleurs : « je me suis toujours efforcé de faire des choses sérieusement en évitant de me prendre moi même trop au sérieux ».

Et quelles sont les « mémoires » qui vous ont formé vous-même ?

Je dois beaucoup à trois hommes. Emmanuel Mounier, Jean Monnet et François Perroux qui était mon prof à la fac de droit et témoin de mariage. C’est d’ailleurs François Perroux qui m’a introduit chez Emmanuel Mounier au comité de la revue Esprit. De François Perroux, j’ai retenu l’idée majeure que l’économique et le social sont deux aspects d’une même réalité. L’on ne peut agir efficacement sur l’un ou l’autre sans tenir compte de cette « vérité ». Un salaire c’est de l’économique ou du social ?!…

Jean Monnet reste à ce jour un OVNI politique ?

Chaque personne est unique… Mais c’est vrai aussi que ne je connais personne dans les générations qui lui ont succédé qui lui ressemble.

Evidemment, comme il était l’homme du « discret » – et non du secret comme trop souvent colporté – qui sait ce qu’il aurait donné aujourd’hui dans notre univers ultra médiatique…

Reste cette immense qualité : savoir faire confiance. C’était quelqu’un qui savait faire confiance avec une intuition redoutable. « Jean Monnet où la stratégie de la confiance ». Il évoquait souvent Cognac. Quand on va acheter un fût chez un producteur, on goûte le produit, et puis, soit on fait confiance, soit on ne le fait pas. La confiance transcende les intérêts et les idéologies… C’est comme cela que ça a marché avec Schuman pour la déclaration du 9 mai 1950.

Et Monnet vous a fait confiance…

Oui ! Il me connaissait à peine. Je venais d’entrer au Commissariat au plan depuis quelques mois. Pour moi, le Commissariat au plan, c’était déjà une ouverture par rapport à « un ministère lambda ». C’était le lieu où l’on parlait déjà d’Europe.

Monnet me convoque un soir pour m’annoncer que je commençais le lendemain matin comme directeur de son cabinet ! « Si vous ne faites pas l’affaire, je vous le dirai ! » Le lendemain, je remplaçais Felix Gaillard !

Travailler avec Monnet était passionnant. Avant même son arrivée au bureau, il téléphonait de chez lui, avec en tête ses réflexions, suite à sa promenade matinale.

Avec la revue Esprit, une autre histoire de confiance ?

Mounier, esprit très ouvert, je l’ai beaucoup admiré ! Lui aussi m’a fait confiance en m’intégrant au comité directeur de la revue Esprit. Tous les textes publiés étaient débattus entre nous au comité de la revue. Il fallait convaincre !

J’étais en amicale tension avec Mounier et Domenach sur le sujet Européen. Ils étaient beaucoup moins enthousiastes, car ils voyaient dans tout cela « la main des Américains ». Pourtant, la relation de Monnet avec les Américains restait très lucide : « ce sont des alliés, ce sont des amis, nous ne sommes pas leurs serviteurs… ».

Existe-t-il une opinion publique européenne ?

On peut la mesurer…donc elle existe bien !

C’est notamment l’objet de l’Eurobaromètre que j’ai crée en 1975, en m’inspirant du sociologue Stoetzel, le fondateur de l’Institut français de l’opinion publique (IFOP).

Non seulement il faut mesurer l’opinion publique européenne, mais surtout, il faut la révéler à elle-même ! La renvoyer en miroir aux opinions publiques nationales, qui comme monsieur Jourdain, bien souvent « font Europe » sans le savoir.

En même temps je veux aussi rappeler la grande leçon tirée de ma rencontre avec Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD Quart-Monde. N’oublions jamais qu’il existe à côté des sondages une population ignorée ou méconnue, qui expérimente une véritable « sous humanité » et dont la vérité nous dérange tous.

 

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1 COMMENTAIRE

  1. Ces grands témoins et ceux qui sont ici évoqués auraient adoré notre campagne électorale présidentielle!
    Faire confiance?
    E Mounier aurait, quant à lui, beaucoup aimé la morale catho de Fillon, qu’un coup d’éponge assez confessionnal efface…et pardonne. Roulez bolides!

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