Grèce : Hollande en session de rattrapage

L’histoire repêche Hollande ! Après six mois d’échec patent à donner un nouveau souffle à l’Europe en trouvant une issue convenable à la crise grecque, il bénéficie d’une seconde chance. Avec le non au référendum grec, il se retrouve propulsé en première ligne d’une crise qui semble de plus en plus insoluble.

Dès l’annonce des premières estimations, l’Elysée à informé qu’Angela Merkel viendrait dîner à l’Elysée ce lundi soir. Il était temps ! Non pas que la chancelière vienne à Paris, mais que le couple franco-allemand fasse mine de reprendre en main le dossier.

Depuis le début de la crise, dont le règlement a été délibérément et obstinément confié aux techniciens de la finance, ils ont été aux abonnés absents. Et c’est évidemment la première raison de l’échec, jusqu’ici, des négociations. Refuser aux grecs un traitement politique du dossier, après l’élection de Syriza à la tête du pays, était au moins maladroit, sinon humiliant. Comment imaginer qu’un premier ministre aussi politique que Tsipras allait accepter de laisser traiter son pays comme un simple débiteur par des techniciens de la finance ? Fallait-il ne pas avoir écouté ses discours de campagne, ne pas avoir lu son programme électoral, pour imaginer qu’il allait avaler sans broncher un énième plan d’austérité concocté par Madame Lagarde et les techniciens du FMI et de la Commission.

Mais pouvaient-ils faire autrement? Pour la première fois, pendant cette crise, Angela Merkel a semblé ne pas avoir la main chez elle. Pas du tout certaine de pouvoir imposer au Bundestag, et à son électorat, un nouveau plan d’aide à la Grèce, elle misait sur un accord technique, gagé sur une nouvelle chape d’austérité, qui aurait mis en quelque sorte les Allemands devant le fait accompli. Elle aurait ainsi évité à la fois de paraître laxiste chez elle en aidant encore les Grecs, et le risque de devenir celle qui initie la déconstruction de cette Union Européenne que ses prédécesseurs ont patiemment édifiée. Du coup, Hollande, privé du soutien de son alliée, n’avait plus qu’une alternative : partir seul au combat pour défendre un compromis avec la Grèce contre l’intransigeance allemande, au risque d’être le dynamiteur de l’axe franco-allemand, où partir à la pêche, en laissant les rênes du dossier à… Lagarde et Moscovici. Il a choisi la seconde solution.

Au lendemain du 5 juillet, tout est changé. Tsipras a gagné son pari, il est plus soutenu que jamais par son électorat. Pour éviter tout malentendu sur ses intentions, et ne pas paraître arrogant, il a décidé, sitôt l’annonce de sa victoire, de faire partir le ministre des finances qui était présenté par les créanciers de la Grèce comme une obstacle aux discussions. Il n’y a donc aucune ambiguité, et c’est ce qu’il a dû confirmer à Hollande qu’il a aussitôt appelé au téléphone: il est prêt à reprendre les négociations sur la dette grecque pour que son pays reste dans la zone euro.

Pour l’instant le message semble avoir été entendu. Le couple franco-allemand, qui se retrouve ce lundi soir à Paris, a d’ores et déjà convoqué un sommet des pays de la zone euro. La suite du processus sera donc décidée, côté européen, par les chefs d’Etat, pas par les ministres des finances ni a fortiori les techniciens du FMI ou de la BCE. C’est un premier succès pour Tsipras : le dossier de la dette grecque est redevenu politique. Mais ce n’est qu’un premier pas. Et la suite s’annonce bien difficile.

A ne pas vouloir assumer leurs responsabilités plus tôt, Hollande et Merkel reprennent en main un dossier devenu quasi-inextricable. Les crises européennes, comme les rages de dents, s’accommodent mal d’un traitement par le mépris. Tout est encore plus compliqué qu’il y a six mois, lorsqu’ils ont décidé de ne pas s’en occuper. S’ils veulent éviter le Grexit, la sortie de l’euro pour la Grèce, et donc le rôle de fossoyeur, sans provoquer d’explosion d’une zone euro qui a  souvent l’allure d’une union des égoïsmes… il vont devoir faire preuve d’imagination.

Pour faire positif, on dira que c’est une chance. Une occasion de sortir par le haut en débouchant sur une union plus étroite. Qui devra se faire plus démocratique, c’est à dire offrir d’autres solutions de prise en compte des aspirations des peuples que le référendum-plébiscite. Sur une gouvernance économique commune, une gestion à long terme de la dette des uns et des autres, une convergence des fiscalités, une ambition partagée de relance économique à l’échelle de l’Europe. Une union où rigueur financière ne rime pas avec paupérisation des plus fragiles…

Beau défi pour une session de rattrapage !

 

Michel Lepinay, texte initialement publié sur son blog le 6 juillet 2015

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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6 Commentaires

  1. Nous avons eu le Plan Marshall, nous avons fait Lomé, nous avons accompagné les PECO vers le marché, nous assumons Corse, Gibraltar, Monaco, Sardaigne, Sicile, nous apaisons les Balkans, nous veillons Chypre, nous commerçons avec la Mer Noire, nous louvoyons au Liban….
    Comment, nous Union d’Etats et Marché Unique, gentiment accompagner la Grèce vers l’Etat et le Marché ? Battre monnaie, c’est fait. Lever l’impôt ?
    Mobiliser la Rente dans une Zone Franche, garantir la Sécurité alimentaire, ..?? Quelle Transition vers ce qu’elle aurait dû être ? Et quelle amende pour le soutien abusif dont nous sommes coupables ?
    En dernier ressort le jeu de la vérité ?
    jm b

  2. Traitement politique avec contrainte économique et démocratique?
    Ou traitement économique avec contrainte politique et démocratique ?

    Les commentaires sont blancs ou noirs, pro ou anti Syrisa, pro ou anti €uro et ses règles, alors que c’est un tout qu’il faut considérer.
    J’appelle « démocratique » les 60 à 70% de la dette grecque consentis par les autres membres de l’€uroland et la BCE, c’est à dire portés par les contribuables de 17 pays.

    Tsipras n’en a cure! Son rôle est d’obtenir le meilleur pour la Grece , pas de défendre les citoyens européens, certains plus pauvres que les grecs et néanmoins crediteurs (comme SGoulard l’a justement rappelé à Tsipras au PE).
    Sa méthode est haïssable, double jeu, double langage, chantage, qui est payée comptant par les grecs, et à tempérament par les autres peuples européens. Sa méthode est haïssable, mais en-a-t-il une autre?

    Tsipras n’a pu éviter l’ultimatum de ses partenaires qui met fin à la durée de ces négociations, et il va probablement obtenir une nouvelle réduction de la dette grecque et consentir des abandons de sa démagogie.
    Que se passera-t-il dans 6 mois, dans un an, lorsque l’économie grecque poursuivra vers la faillite, sous la direction d’idéologues que Mélenchon reconnaît?
    La veille du référendum, deux représentants de la  » gauche de la gauche » défilaient a Athènes et se répandaient sur les antennes, Cherki et Filoche.
    A quoi servirions-nous déclarait Cherki, si nous n’étions pas la?
    Effectivement, Cherki, Filoche et autres Mélenchon, vous ne servez a rien!

  3. Je crains que les efforts de Hollande soient vains. Les autres membres de l’Eurozone sont excédés par les atermoiements des Grecs et leur refus de regarder les choses en face: ils vivent au-dessus de leurs moyens, et cela depuis des décennies! Bien que je n’en aie pas été partisan au départ, je ne vois pas d’autre solution pour eux que de sortir temporairement de la zone Euro, en attendant qu’ils aient assaini leur économie et se soient doté de structures étatiques et fiscales dignes de ce nom. On comprend bien que Hollande soit au chevet des Grecs. la France vit elle aussi au-dessus de ses moyens depuis longtemps, finançant ses avancées sociales par la dette, et il a peur que le tour de la France vienne. Cela dit, la Grèce restera dans l’Union, et il faudra tout faire pour aider les Grecs à sortir de ce qui va être un cauchemar pour eux. Mais tergiverser et attendre que les Grecs fassent encore des promesses qu’ils ne tiendront pas n’est pas leur rendre service: Il arrive un moment où panser les plaies ne suffit plus: il faut opérer. Je crains qu’on y soit…

    • le passage du stade de vieux non-Etat à celui de vrai partenaire d’une Union n’est pas spontané mais peut-être moins difficile qu’à celui d’Etat indépendant et démocratique.
      jm b

      PS pour Pierre: joli le lapsus de 1044, bientôt Hastings !

  4. La BCE a déjà efface Mille milliards de dettes souveraines. C’est l’amorce du virage. Nous devons revenir au système économique que le Général avait rétabli en 1944. La Monnaie est un bien collectif entre les mains des politique. C’est un outil de fonctionnement et non une valeurs capitalisables entre les mains d’une oligarchie privée. Nous avons commencé la mutation, il faut aller au bout, ce qui entraine la dénonciation du traité de Maastricht..; Il faut savoir se rendre à l’évidence, nous nous sommes trompés de choix de système économique. Celui que nous a imposé l’AMGOT, l’administration civile américaine chargée de l’occupation de l’Europe après la Libération, nous a conduit au renouvellement de la crise de 1929. La lettre que j’ai reçue en Janvier 2006 de la Commission Européenne m’en a avisé parfaitement, et la crise de 1929 est revenue automatiquement.

    La BCE en rachetant 1000 milliards de dette souveraines, a commencé le retour au système que de Gaulle avait rétabli en 1044 ; il nous faut maintenant achever le retour au système qui nous avait donné les Trente Glorieuses.

  5. Pour ce que l’on peut en savoir ce 12 juillet à 9.15
    il semble que Tsipras ne serait plus seul à jouer avec les nerfs de ses partenaires, qui pratiqueraient eux aussi la  » théorie des jeux » ?
    En tout état de cause, l’UE et l’€uro-zone étaient otages de Tsipras, maintenant c’est l’inverse…..

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