Le 1er juin dernier se terminaient les six premiers mois du second mandat d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. Ces six mois ont fait redescendre de son piédestal une Présidente de la Commission qui, en décembre dernier, paraissait pourtant prête à incarner l’Union européenne, à l’intérieur de ses frontières comme à l’extérieur, comme aucun de ses prédécesseurs depuis Jacques Delors.
Depuis 2019, Ursula von der Leyen a montré en effet un réel savoir-faire pour concentrer les pouvoirs entre ses mains, assurer sa propre survie politique et se mettre en scène efficacement pour apparaître comme la voix de l’Europe sur tous les dossiers. Et en juillet dernier, elle avait été nettement mieux reconduite dans ses fonctions par le Parlement européen que pour son premier mandat.
Elle était parvenue ensuite à remodeler la Commission européenne à sa main. Notamment en se débarrassant du Commissaire français Thierry Breton qui avait osé lui tenir tête. Elle a embobiné Emmanuel Macron en lui promettant un grand portefeuille s’il laissait tomber Breton pour, au final, n’offrir à Stéphane Séjourné, qu’un portefeuille plus réduit encore que celui que Thierry Breton gérait jusque-là. Elle a aussi habilement divisé les dossiers confiés à ses vice-présidents pour s’assurer qu’aucun d’entre eux ne puisse jamais prétendre agir dans un domaine important sans avoir besoin de s’en référer à elle. Du grand art.
Mais cette position de force n’était qu’apparente. Ursula von der Leyen, « reine de l’Europe », n’était en réalité qu’un colosse aux pieds d’argile. Parce qu’elle n’a su jusqu’ici ni renforcer les moyens dont les institutions européennes disposent, ni accroitre la cohésion et la capacité d’action de l’Union.
Des plans aux noms ronflants sans financements réels
Du côté de l’argent, « le nerf de la guerre », elle ne s’est pas battue en effet pour renouveler l’opération Next Generation EU et emprunter de nouveau de façon significative à l’échelle européenne afin de faire face à Poutine et aux conséquences de la guerre en Ukraine. Elle ne s’est pas battue non plus pour dégager de nouvelles ressources propres pour financer l’Union et sortir des discussions de marchands de tapis entre Etats européens. Elle n’a rien engagé enfin pour accroitre significativement le budget de l’Union au cours du prochain cycle budgétaire européen qui démarre en 2028. Moyennant quoi, celui-ci risque d’être plus réduit encore que les précédents, du fait notamment du remboursement des emprunts de Next Generation EU.
Pour masquer ce manque persistant de moyens, Ursula von der Leyen a misé à fond sur la communication, multipliant les plans aux noms ronflants affichants des dizaines de milliards d’euros de dépenses :
- RePower EU pour faire face à la crise énergétique causée par la guerre contre l’Ukraine,
- le Global Gateway pour faire pièce à la Belt and Road Initiative chinoise,
- ReArm Europe pour relancer la défense européenne…
Mais dès qu’on creuse un peu, on se rend compte qu’il n’y a sinon rien, du moins pas grand-chose derrière ces plans en matière d’argent frais supplémentaire. Ces plans Potemkine sont devenus la signature de l’action d’Ursula von der Leyen.
Dans le cadre de ReArm Europe, le dernier en date, le programme SAFE de 150 milliards d’euros qui vient d’être adopté n’est ainsi constitué que de prêts qui devront donc être remboursés par les Etats membres. Autrement dit, le seul plus que SAFE apporte est la différence entre le taux d’intérêt auquel l’Union peut emprunter avec ceux auxquels les Etats le feraient seuls. Dans la plupart des cas, celle-ci est minime. Et les pays où elle ne l’est pas sont ceux qui sont déjà surendettés. La capacité de ce programme à doper réellement les investissements dans la défense en Europe risque donc d’être très limitée.
Des conséquences inquiétantes sur la défense européenne
Combiné à la faiblesse des ressources disponibles au niveau de l’Union, l’atlantisme exacerbé d’Ursula von der Leyen a placé l’UE dans une position d’extrême fragilité face au renversement d’alliance opéré par Donald Trump au profit de Vladimir Poutine sur le dossier ukrainien. Il a laissé l’UE quasiment sans voix sur ce dossier essentiel pour son avenir. Les seules réactions européennes substantielles enregistrées depuis le début 2025 sur le dossier ukrainien ont été le fait d’une “coalition d’Etats volontaires” comprenant plusieurs pays de l’Union mais agissant totalement en dehors du cadre des institutions européennes.
Pour son second mandat, Ursula von der Leyen avait tenu en particulier à nommer un Commissaire européen à la défense bien que la Commission n’ait dans les Traités aucune compétence dans ce domaine. Les derniers mois ont montré à quel point cette ambition était vide de toute substance réelle : si une défense véritablement européenne doit (enfin) voir le jour, cela se fera selon toute vraisemblance sans passer par la case Commission européenne.
Bref, du côté du « nerf de la guerre » comme on dit, Ursula von der Leyen a soigneusement évité depuis cinq ans d’engager la moindre bataille qui aurait permis de renforcer les moyens dont dispose l’Union pour mener les politiques plus ambitieuses qu’impose désormais la combinaison d’un environnement géopolitique plus dangereux et de l’aggravation de la crise écologique.
Green Deal : de l’espoir à la désillusion écologique
Le Green Deal aurait pu et dû être l’acquis majeur du premier mandat d’Ursula von der Leyen. Là aussi, faute pour la présidente de la Commission d’avoir mené bataille pour accroitre les moyens dont dispose l’Union, ce paquet législatif s’est traduit essentiellement par des normes contraignantes supplémentaires et une énergie plus coûteuse avec un prix du carbone élevé.
Faute de budget, l’UE a été incapable de soutenir via des subventions significatives la transition verte comme l’ont fait les Etats Unis avec l’IRA ou la Chine avec ses soutiens publics massifs au solaire ou à l’éolien. Une approche qui, sans surprise, a suscité un backlash important dans l’opinion européenne. Du coup, « Ursula von der Leyen 2 » n’a rien trouvé de plus urgent que de défaire ce que « Ursula von der Leyen 1 » avait fait dans ce domaine.
En engageant un ambitieux programme de dérégulation sociale, environnementale, numérique… tous azimuts, la présidente de la Commission fait certes une fois de plus la preuve de sa grande capacité à assurer sa propre survie politique en épousant le nouvel air du temps impulsé par Elon Musk et Javier Milei, mais elle démontre aussi à quel point elle est dépourvue de toute vision cohérente et d’un projet structurant pour l’UE et son avenir.
Quant aux intrusions d’Ursula von der Leyen dans le champ de la politique étrangère de l’Union, elles ont été le plus souvent contre-productives. Elle a choisi en particulier très vite de s’aligner sur l’agenda « forteresse Europe » de l’extrême droite en matière de migrations, contribuant ainsi à nous aliéner les peuples de l’autre rive de la Méditerranée et de l’Afrique. Ce que l’Union uropéenne a lourdement payé dans toute l’Afrique et en particulier au Sahel.
Une proximité désormais assumée avec l’extrême droite
Bras dessus-bras dessous avec la première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Meloni, elle a ainsi passé seule des deals honteux, et largement illégaux, avec la Tunisie de Kais Saied ou l’Egypte d’Abdel Fattah El Sissi, distribuant sans condition des dizaines de milliards d’euros à des dictateurs pour qu’ils empêchent les migrants de partir de leurs pays. Cela sans consulter ni le conseil, ni le collège des commissaires, ni aucune autre instance européenne.
C’est surtout sa politique au sujet du conflit à Gaza qui a eu des effets désastreux pour l’Union européenne. Sa visite à Jérusalem le 13 octobre 2023 et le soutien inconditionnel qu’elle apporté à ce moment-là au gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahu, ont eu des répercussions très négatives. Même si elle est devenue elle-même plus discrète par la suite sur ce dossier, Ursula von der Leyen a tout fait depuis un an et demi pour empêcher que la Commission ne fasse pression sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu, bloquant les initiatives du HR/VP Josep Borrell qui souhaitait que l’UE prenne ses distances avec le gouvernement israélien.
Ce parti pris pro Netanyahu a considérablement nui aux intérêts de l’Europe. Non seulement dans le monde musulman, mais aussi en Amérique Latine, en Afrique Subsaharienne et en Asie. Le double standard criant des Européens entre la guerre déclenchée par Poutine et de celle de Gaza a beaucoup affaibli en particulier le soutien à l’Ukraine dans de nombreux pays du Sud et abondamment servi la propagande du Kremlin.
Au moment où l’Europe démocratique est menacée à la fois à l’Est par l’impérialisme de Vladimir Poutine et à l’Ouest par l’autocrate Donald Trump, l’action de la présidente de la Commission dans le domaine de la politique extérieure a donc aggravé notre isolement.
Bref, les succès personnels d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission n’ont pas contribué à rendre l’Union européenne plus forte et plus résiliente.
Enfin, un article critique sur l’action d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. Mais attention : la France porte aussi une part de responsabilité en la matière. C’est Jean-Yves Le Drian qui avait suscité la candidature de von der Leyen, alors qu’en sa qualité de Ministre fédérale de la Défense, elle devait se présenter devant une commission
d’enquête du Bundestag pour répondre aux reproches nés de l’action de certains conseillers au sein de son administration. On a alors enterré l’affaire en bonne et due forme.
Quant à la France, elle croyait que cette nomination allait favoriser les programmes militaires franco-allemands et les achats et ventes d’armes françaises au sein de l’Union européenne. On connaît la suite…
Sauf que Paris n’a toujours pas réalisé la supercherie dont elle fut victime au nom de « l’amitié du couple franco-allemand »!
La « propagande du Kremlin » = la vérité !.. Hé oui ..
La France accepterait une coalition militaire sino-russo-iranienne s’installant en Espagne ?? ( et les USA au Mexique ??🤣🤣 )
Suite à un coup d’état en Espagne soutenu par les chinois et le russes et qui rend soudain l’état espagnol hystériquement francophobe ?… 😂
De sorte qu’ils se mettent à stigmatiser tous les ressortissants français en Espagne 😰
En Ukraine du sud est cela concernait tout de même 13 millions de personnes qui étaient certes citoyens ukrainiens mais russes dans l’âme. Et l’Ukraine c’était une mosaïque de peuples qui cohabitaient très bien avant que les ultra-nationalistes puissent enfin parvenir à imposer leur agenda. Je ne m’étendrai pas plus.
Ceci n’est que la partie émergée de l’iceberg d’arguments pour démonter le « narratif » en cours, qui bat de plus en plus de l’aile, malgré les bombardements de mensonges de nos médias, narratif qui aimerait tant nous inciter à partir en guerre contre la Russie, la fleur au fusil et à sacrifier toute notre épargne pour investir dans les engins de mort …
Un mensonge à ne pas croire: le renversement d’alliance de Trump. Les US continuent à soutenir l’Ukraine plein pot, ce que Trump aimerait c’est que l’Europe prenne le relai, financièrement , entre autre en achetant le matériel de guerre aux américains , afin de les soulager pour mieux préparer les guerres contre l’Iran et la Chine ( et bien sûr continuer le génocide à ciel ouvert en Palestine ).
Voilà tout le programme du fameux » camp du bien » si merveilleusement démocratique et tolérant. Bien sûr, il s’agit de nous faire croire que les US laissent tomber complètement l’Ukraine et que nous n’avons pas d’autres solutions que de les soutenir nous même et qu’il faut tout sacrifier pour cela !.. Ecologie, Education, Culture, Services de santé etc …
Et tout cela pour quoi au bout du compte? ( officiellement .. ) ?
Pour rendre la Crimée aux ukrainiens, Crimée occupée à 95 % ( voir 98 ) par une population qui n’a AUCUNE ENVIE de redevenir ukrainienne et qui a de très bonnes raisons pour cela ( et pour qui l’avenir serait fort sombre si Kiev reprenait la Crimée, bien du boulot en perspective pour Azov et compagnie pour « purifier » la Crimée de tous ces « sous êtres » de pro-russes ) Quand au Donbass, Louhansk et Donetsk c’est 98% aussi , reste les oblasts de Kherson et Zaporijia qui sont à 50% on va dire ). Pas de doute , ÇA VAUT VRAIMENT LE COUP DE RISQUER UNE 3EME GUERRE MONDIALE ET NUCLÉAIRE POUR CELA !!..
A Blackrock ( et Merz le nouveau chancelier allemand , bien va t en guerre comme il faut, est un ancien directeur de Blackrock, utile de le rappeler ) ils doivent se frotter les mains devant une telle perspective. Une bonne guerre mondiale, quelques capitales rasées, rien de tel pour sauver la croissance pendant 30 années au moins. ( déjà l’Ukraine cela devait leur rapporter 700 milliards d’investissement , on en entend plus trop parler d’ailleurs )
Et ce n’est certainement pas toute cette clique d’industriels, d’oligarques, de banquiers, de fonds d’investissements etc ( nos véritables gouvernants ), qui ira au front. Ils seront bien planqués dans leur abri atomique à attendre que cela se tasse…
Une fois de plus c’est le bon peuple qui en fera les frais, les deuils, les brulures, les mutilations, et qui repartira ensuite sur les ruines fumantes avec sa jambe de bois, clopin clopant , remettre autour du cou son joug du techo-capitalisme 2.0 dont Trump et Musk sont déjà en train de poser les fondations ( et que l’Europe ne contrarie nullement )…..
Merci tout de même de nous rappeler , s’il en était encore besoin, l’incompétence de Van der Leyen. Mais tout de même Mr Duval, un peu langue de bois quand même, le dossier corruption Van der Leyen, les sms et l’affaire Pfizer toujours en cours , on aurait aimé avoir un petit rappel…
Car parmi ses ( rares ) compétences, il y a certes celle d’affaiblir ses adversaires, de se maintenir en poste mais aussi et surtout , celle de remplir les poches de ses amis et proches …
Merci Guillaume Duval, bon connaisseur de la Commission européenne, pouvant maintenant parler avec une grande liberté d’expression. Je comprends en partie la « charge » menée contre Ursula von der Leyen, dont le « présidentialisme » excessif ne permet pas un vrai travail d’équipe. Son non remplacement par la première Vice-Présidente lorsqu’elle était malade, tout à fait anormal, en est une preuve parmi d’autres. Pour autant, la charge me semble excessive. Je ne parlerais plus, en ce qui la concerne, « d’atlantisme exacerbé ». La Commission européenne fait de son mieux je trouve pour « louvoyer » face à l’horrible Donald Trump, en s’efforçant d’obtenir un consensus suffisant des 27 Etats membres, une tâche très difficile de manière constante. La « désillusion écologique » doit être dénoncée, mais la critique s’adresse pour moi en premier lieu au Parlement européen et au Conseil. La nomination d’un Commissaire européen à la défense, compétent, est et reste une bonne idée, même si nous en voyons les limites. La « proximité avec l’extrême-droite » concerne en premier lieu les Etats membres. Ne tirons pas sur la pianiste (au-delà de ce qui est raisonnable), au risque de nourrir un Euroscepticisme dont nous n’avons vraiment pas besoin, par les temps compliqués qui courent. C’est en tout cas mon avis personnel.
Bonjour Monsieur BRUNET.
Si nous en sommes là, la faute à qui ?
C’est à eux à finaliser la construction européenne, c’est encore à eux à donner de l’espoir, à se battre pour l’idéal de la nation européenne, le font-ils, non.
Arrêtons de ne pas vouloir voir, cet article et les 2 premiers commentateurs sont en grande partie dans le vrai , la présidente de la commission européenne et sa clique veulent conservé le pouvoir dans sa forme actuelle coute que coute en faisant courir un courir un risque insensé à l’Europe, est ce ça l’idéal européen ?