Encore raté pour Salvini, la gauche italienne sauve les meubles

La gauche toscane nous aura donc offert un parfait remake du scénario déjà vécu avec sa cousine d’Emilie Romagne en janvier dernier : une attente anxiogène du fait de sondages laissant entrevoir un duel très serré face à la Lega, un Salvini désireux d’arracher à la gauche l’un de ses bastions historiques et cela dans le but d’en faire une victoire symbolique mettant en péril l’existence même du gouvernement à Rome et finalement, après avoir beaucoup tremblé, la délivrance d’une victoire plus franche, beaucoup plus nette qu’annoncée. Puis, quelques heures plus tard, c’était au tour de Michele Emiliano de faire mentir les pronostics en obtenant assez tranquillement un nouveau mandat dans les Pouilles. Loin du désastre annoncé, le Parti Démocrate réussissait à sauver les meubles d’une façon spectaculaire, garantissant ainsi la survie du gouvernement et ceci probablement jusqu’à la fin de la législature.

De son côté, Matteo Salvini n’est pas loin d’avoir vécu une soirée cauchemardesque. C’est d’ailleurs assez paradoxal si l’on considère que son parti, la Lega, reste de loin le premier parti d’Italie suite à ces élections. Mais la seule région ravie à la gauche par la coalition de droite aura finalement été celle des Marches dont le futur Président sera issu du parti d’extrême droite allié mais néanmoins rival, les Fratelli de Giorgia Meloni. D’autre part, la victoire la plus spectaculaire obtenue par la Lega est l’œuvre de son grand ennemi au sein du parti à savoir le Président de la région de Vénétie, Luca Zaia. Or, on le sait, Zaia et Salvini ne s’apprécient guère, le premier représentant la tendance régionaliste de la Lega, celle que Salvini essaie depuis toujours de marginaliser pour incarner une ligne davantage populiste et nationaliste, susceptible à ses yeux de lui ouvrir les portes du Palais Chigi. Par conséquent et si la coalition improprement appelée de « centre droit » reste en position favorable, Salvini se retrouve dans une situation de plus en plus inconfortable car bien que demeurant pour l’instant son leader de fait, une double menace se précise, à l’intérieur de son propre parti comme au sein de la coalition.

Or, dans le même temps, la question du leadership parait tranchée à gauche. Nicola Zingaretti jouait quasiment sa tête en cas de défaite du PD en Toscane et il sort donc à contrario renforcé de ces élections régionales. Cela d’autant plus que le parti de Matteo Renzi, Italia Viva, a essuyé une quasi-déroute qui met à mal les ambitions de retour de l’ancien Premier Ministre. Par conséquent, la situation semble stabilisée au sein de la coalition de centre gauche avec un Parti Démocrate qui conforte sa position dominante sous l’égide de son Secrétaire Général. La question qui va agiter la suite de la législature dans la perspective de la stratégie en vue des prochaines élections nationales sera donc celle de sa relation avec son actuel partenaire gouvernemental, le Mouvement 5 Etoiles.

Ce dernier, déjà en proie à des remous et à une crise interne profonde, n’aura pas su conserver ses positions : dans toutes les régions où il a présenté une liste et un candidat à la Présidence, le résultat est proche de la catastrophe. Certes, le mouvement essaie de capitaliser sur sa victoire dans le référendum aux accents très populistes concernant la réduction du nombre de parlementaires dont il fut le maître d’œuvre mais celle-ci fait quelque peu figure d’arbre cachant la forêt. La direction actuelle, censée être provisoire avant l’élection d’un nouveau leader dont on ne sait pas trop au juste quand elle interviendra, est d’ailleurs fortement contestée par deux courants aux logiques très différentes: d’un côté, celui d’Alessandro Di Battista qui défend un retour à la ligne originelle du mouvement et donc la sortie à moyen terme du gouvernement ; de l’autre, celui incarné par Roberto Fico qui prône au contraire une alliance électorale plus poussée avec le Parti Démocrate et la coalition de centre gauche. Il est vrai qu’une coalition de gauche incluant le Mouvement 5 Etoiles ferait quasiment jeu égal avec la coalition de droite si l’on en croit les sondages nationaux.

De son côté, Giuseppe Conte peut pousser un soupir de soulagement suite à ces régionales : sa position à la tête du gouvernement italien ne parait pas menacée dans un futur proche. Toujours très populaire du fait de son leadership reconnu durant la pandémie, il est douteux d’imaginer que les partis qui lui apportent leur soutien puissent trouver un quelconque avantage à se priver de lui. En revanche, il semble que l’équilibre de la coalition gouvernementale pourrait évoluer en faveur du Parti Démocrate, et cela aux dépens du Mouvement 5 Etoiles. Probablement pas tant en ce qui concerne le nombre de portefeuilles dont dispose chaque parti que dans la feuille de route pour les mois voire les années à venir. En attendant, un remaniement ministériel pourrait intervenir et il sera intéressant de voir si le leader du Parti Démocrate, Nicola Zingaretti, choisira d’intégrer le gouvernement ou estimera que son influence reste plus importante en demeurant à l’extérieur.

Sebastien Poupon
Sebastien Poupon
Membre du bureau national de SLE, chargé de l’analyse politique.

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