Bulgarie : l’éternel retour de Borissov ?

Nous ne sommes pas à Jérusalem mais bien à Sofia. Il est vrai que la confusion serait tout à fait pardonnable tant on pourrait dresser un certain nombre de similitudes entre la vie politique bulgare et la vie politique israélienne. En effet, l’état hébreu connaitra en novembre prochain sa cinquième élection en trois ans quand la Bulgarie se situe dans les mêmes temps de passages puisqu’elle a vécu sa quatrième en moins de deux ans. Et il est très vraisemblable que la prochaine aura lieu dans un laps de temps assez court puisque le problème reste le même qu’en Israël: un parti difficilement contournable dirigé par un vieux routier de la politique faisant office de véritable repoussoir et avec lequel personne ne veut réellement former une coalition du fait de ses multiples affaires de corruption. Et de ce point de vue, Boyko Borissov n’a rien à envier à Bibi Netanyahu et le GERB est tout aussi dépendant de son leader que le Likoud ne l’est du sien.

A l’instar de Yair Lapid en Israël, le jeune leader du PP Kiril Petkov avait tenté de contourner l’obstacle en formant la coalition la plus large possible, excluant ainsi le GERB. Malheureusement, celle-ci n’aura pas tenu une seule année, victime des rivalités entre les partis la composant. Prétextant des divergences en terme de politique budgétaire, le petit parti ITN provoquait la chute du gouvernement en votant une motion de censure aux côtés du Gerb, entrainant ainsi de nouvelles élections.

Sans réaliser une performance extraordinaire, le Gerb profite donc de la situation pour retrouver sa place de premier parti du pays. L’apathie est cependant la grande gagnante du scrutin avec un taux d’abstention supérieur à 60%. Mais avec seulement 27 sièges sur 121, le parti de Borissov est très loin de la majorité et aura toutes les difficultés du monde à former un gouvernement. De son côté, le PP décline et perd 14 sièges, une déception à la mesure du bref espoir qu’avait suscité l’arrivée au pouvoir d’un jeune libéral qui avait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Maigre consolation pour le Premier Ministre sortant, le parti ITN qui avait voté la motion de censure contre lui se retrouve totalement éliminé du Parlement. L’ascension rapide et la chute tout aussi spectaculaire de ce mouvement fondé par le chanteur Trifonov est d’ailleurs représentative de la difficulté qu’ont ces nouveaux partis à s’imposer durablement dans le paysage politique bulgare. Même si contrairement à ITN qui a toujours péché par son manque de sérieux et de constance, le PP aura au moins essayé de gouverner, sans d’ailleurs démériter même si il était prévisible que le caractère hétéroclite de la coalition gouvernementale lui serait finalement fatal.

Mais au-delà de la seule question de l’instabilité, la principale mauvaise nouvelle du scrutin reste malgré tout la percée des deux partis ouvertement pro Poutine. Formé par l’ancien Ministre de la Défense du gouvernement Petkov qu’il avait quitté suite à un désaccord majeur portant sur la politique de sanctions vis à vis de la Russie, le Parti du Réveil Bulgare fait une entrée fulgurante au Parlement avec 12 élus. Pire encore, le Parti Renaissance, ultra nationaliste et extrêmement xénophobe, double son nombre de sièges. Il appuie naturellement à 100% la politique du Kremlin et défend une ligne complotiste et violemment anti occidentale.

Quels seront donc les contours du prochain gouvernement, si tant est qu’il soit possible d’en former un? Naturellement, c’est bien le Gerb qui a la main mais comme il ne semble pas que le remplacement de Borissov soit à l’ordre du jour, la coalition sera très difficile à bâtir. Petkov a d’ores et déjà exclu d’en être, ce qui est tout à fait cohérent avec ses engagements anticorruption. Même si il ne répugne pas à user lui-même d’une rhétorique populiste, il reste malgré tout hautement improbable que Borissov opte pour une alliance avec les deux partis pro Poutine. En effet, même si le Gerb se situe sur une ligne plus conciliante vis à vis de Moscou que ne l’était le PP, il demeure malgré tout un parti atlantiste. Et quand bien même serait-il tenté par pur opportunisme de se lancer dans cette voie du déshonneur,  Borissov ne disposerait pas pour autant d’une majorité avec les deux seuls partis en question. Le chemin le plus envisageable passe peut être par le petit parti de la minorité turque qui a obtenu son résultat habituel, autour de 12-13%. Comme tous les partis de type clientéliste et communautariste, il ne serait pas forcément le plus difficile à convaincre pour peu que Borissov accepte de mettre la main au porte-monnaie. Mais il lui manquerait encore un parti, qui pourrait alors être soit la Bulgarie démocratique, de centre droit mais anti-corruption, ou son archi rival du BSP qui a encore obtenu un résultat extrêmement bas, l’un comme l’autre n’ayant guère d’intérêt à servir de courte échelle à Borissov.

Néanmoins, il semble qu’une pression assez importante existe pour qu’un gouvernement émerge du chaos. Les problèmes de la Bulgarie sont légions, notamment sur le plan de l’énergie et de l’inflation, et la dernière chose dont ce pays a besoin serait de repartir pour une énième campagne électorale en plein hiver. Aussi l’idée d’un gouvernement technocratique qui serait soutenu par l’arc central de la politique bulgare parait-elle faire son chemin. Elle pourrait intervenir suite à un premier échec de Borissov dans la formation d’un gouvernement. Echec qui semble de toute façon probable voire même quasi inévitable.

Sebastien Poupon
Sebastien Poupon
Membre du bureau national de SLE, chargé de l’analyse politique.

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1 COMMENTAIRE

  1. Eh bien pour une fois je vais faire un commentaire positif….
    Oublions les problèmes, fermons les yeux, regardons le positif… C’est plus facile avec les yeux fermés.
    Soyons résolument optimistes…
    Nous savons que la politique est parfois à gerber mais là en Bulgarie ils font fort dans le symbolisme phonétique qui n’est absolument pas aléatoire comme le prétend Ferdinand de Saussure.
    Faire dit non, 2 sots sûrs…. Quand Dieu fait quelque chose tu ne dis pas non… Tu écoutes.
    Bon sinon Nickel…
    A part le GERB, rien à redire…
    Pour une fois que la langue ne fais pas dans le yaourt…
    Rien de plus clair que le yaourt bulgare….

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