Accélérons la transition énergétique en mobilisant la puissance publique européenne !

L’Union européenne fait face à une crise majeure d’accès à l’énergie. Celle-ci était si prévisible que nous sommes face à un véritable cas d’école, qui sera probablement étudié en cours de sciences politiques pour éclairer à quel point « gouverner, c’est prévoir » !

Ces dernières années, l’Allemagne s’est rendue totalement dépendante du gaz russe alors que les risques associés au régime de Poutine sont connus depuis longtemps. De son côté, la France s’est montrée incapable d’atteindre ses objectifs européens en matière d’énergie renouvelable comme de gérer son parc nucléaire vieillissant qui n’offre plus la sécurité de production que nous tenions pour acquise.

Dans les responsabilités, il faudra aussi citer l’Union européenne qui a construit un marché de l’énergie optimisé mais extrêmement fragile face aux circonstances exceptionnelles que nous rencontrons. Comme hier face à la pénurie de masques, nous mesurons notre absence d’indépendance faute d’investissements suffisants dans les énergies produites localement, et de diversification de nos approvisionnements.

A présent, la guerre en Ukraine rend la situation totalement ingérable : si la crise était prévisible, son ampleur ne l’était malheureusement pas !

L’Union européenne avait commencé à construire l’Europe du climat avec son Green Deal. Mais, face à l’urgence, elle donne la désagréable impression de faire les mauvais choix : priorité au gaz de schiste, exploration de nouveaux sites d’exploitation de combustibles fossiles, création de nouvelles canalisations. D’autres choix sont possibles et auraient dû, a minima, être analysés sérieusement, notamment réfléchir aux conditions d’une sobriété européenne.

Dans ce contexte, Sauvons l’Europe propose quelques pistes pour faire face à cette crise de l’énergie et accélérer la transition énergétique.

Il faut d’abord revenir aux fondamentaux de la Communauté du charbon et de l’acier, quand la paix européenne a été cimentée par la gestion en commun de nos ressources énergétiques et industrielles.

Rapidement, pendant la guerre russe et les restrictions sur le gaz et le pétrole, l’accès à l’énergie et sa répartition est un premier enjeu-clé : achetons en commun notre énergie (de l’atome pour le nucléaire, au gaz, en passant par le pétrole) et répartissons-la entre les pays et les secteurs prioritaires.

En contrepartie, et comme pendant la crise sanitaire, nous proposons la mise en place d’un mécanisme de type SURE pour financer le chômage partiel dans les secteurs qui ne seraient pas prioritaires et qui seraient contraints dans leur activité, voire un « quoi qu’il en coûte » pour les secteurs les plus touchés.

Le marché de l’énergie doit évidemment être réformé en urgence pour éviter certains effets pervers sur les prix. Sur ce sujet, plus sur tout autre, il est plus que temps que l’Europe se débarrasse enfin des derniers oripeaux du « Tout Marché » hérités de la triste ère Barroso ! La priorité doit aller au soutien des ménages face à la hausse des prix, et les Etats membres doivent préférer des allocations forfaitaires et limitées aux mesures subventionnant les prix à la consommation. La Commission européenne ayant maintenu la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité, il apparaît effectivement possible de financer temporairement de tels soutiens. Diverses mesures au niveau de la formation des prix de gros européens doivent permettre d’empêcher la constitution de marges indues pour les acteurs.

Sur le plus long terme, l’accompagnement financier de l’UE à la transition et à l’adaptation doit s’accroître.

L’Union européenne a commencé à organiser l’accompagnement social de la transition avec le fonds pour la transition juste. Il est doté d’un budget global de 17,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027, soit 2,5 milliards chaque année. La faiblesse de ce montant s’explique par un périmètre utile mais trop restreint ; il s’agit principalement d’aider les territoires à sortir du charbon et à investir pour réduire les émissions de quelques industries particulièrement émettrices.

Par ailleurs, une partie du plan de relance NextGenerationEU devait être consacrée à la transition écologique. Sur la base du minimum défini par l’UE (37 % des dépenses), on peut estimer à environ 30 milliards d’euros par an en Europe le financement de la transition via cet instrument. Un montant important, mais qu’il convient de relativiser car il compense deux années très contraintes pour les dépenses publiques et l’économie.

Enfin, dans le cadre du Green Deal, un compromis est en voie d’être finalisé en faveur d’un fonds social pour le climat avec un montant de 59 milliards d’euros pour une période de dix ans (2027-2032), soit la somme assez modeste de 10 milliards d’euros par an.

Ces montants sont insuffisants et doivent être très largement accrus. La Commission européenne elle-même estime à 392 milliards d’euros par an les investissements nécessaires pour atteindre ses cibles d’ici à 2030. Elle ne peut décemment y contribuer si peu et Sauvons l’Europe propose que l’UE finance à hauteur de 1 % de son PIB la prise en charge d’un tiers des investissements nécessaires à la transition énergétique. Avec un PIB européen de 14 000 milliards d’euros, ceci correspond à un budget de 140 milliards d’euros.

Nous proposons une cible de 70 milliards d’euros par an pour l’accompagnement social afin d’aider l’investissement des plus modestes et de permettre que la transition ne se fasse pas au détriment des plus fragiles.

Si la taxonomie pour une finance durable a vocation à réorienter les financements vers les entreprises et secteurs de la transition verte, le soutien de la puissance publique restera nécessaire. Sauvons l’Europe propose donc une seconde cible à hauteur de 70 milliards pour un tel co-financement européen de l’investissement des entreprises.

Ces estimations, à hauteur de 1% du PIB européen restent largement inférieures au coût estimé de la transition, mais elles atteignent la dimension nécessaire du tiers de l’effort pour permettre au secteur privé et aux Etats membres de réaliser leur part dans le calendrier contraint qui est le nôtre.

Compte tenu de l’urgence et de l’ampleur de la tâche, nous devons mobiliser la puissance publique européenne.

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8 Commentaires

  1. Très bien, mais l’UE doit aussi s’activer pour une paix négociée, et pour être entendue elle doit reconnaître sa responsabilité d’avoir laisser à tort l’OTAN s’avancer vers l’Est, malgré les promesses, les avertissements et les avis de géopolitologues réalistes. Elle doit aussi reprendre le dialogue avec les organisations des producteurs d’énergies fossiles (OAPEP, OPEP…) pour les convaincre de s’associer aux efforts pour la transition au niveau global, en contrepartie d’un engagement à la justice universelle, dépassant enfin les 2 poids et 2 mesures, dénoncés par tous les partis à l’Assemblée Nationale le 16 janvier 1991 (ref JORF 17/01/1991). La transition énergétique ne peut réussir que dans le cadre d’efforts pour une paix juste, en Europe et ailleurs. Sinon les fluctuations des prix du pétrole et du gaz déstabiliseront nos politiques énergétiques.

  2. Nous avions fait un beau rêve, celui d’une UE qui ne choisirait pas entre Ouest et Est, qui se choisirait, qui proposerait une troisième voie entre capitalisme et marxisme sauvages, la voie du bon sens, de la raison, des peuples et l’UE, après le traité de Lisbonne, en 2014, nous a trahi de nouveau par son manque d’anticipation, de réponse face à l’invasion de la Crimée : faire entrer l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie dans l’UE, cette UE de l’allemande, Von der Leyden, non élue, qui nous demande aujourd’hui d’être solidaires, de payer la facture de ses erreurs, de décisions que nous n’avons pas choisies, pour lesquelles nous n’avons pas été consultés, le grand basculement, le changement d’actionnaires, le passage des oligarques russes aux oligarques US ou arabes ! Quelles conséquences pour nous de ce nouveau choix ? « On croit mourir pour la patrie et on meurt pour des industriels ». A. France !

    • Une fois de plus, je suis surpris par la superficialité avec laquelle on croit argumenter en stigmatisant la marque de « non élue » d’une personnalité de la Commission européenne.

      Aussi – une fois de plus, donc – me paraît-il utile de remettre les choses en perspective.

      D’une part, en pouvant se prévaloir d’être membre « de droit » du Conseil européen réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres de l’UE (article 15, paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne), la présidente de la Commission est censée, au même titre que le président de cette instance (en l’occurrence Charles Michel…mais évitons de raviver les querelles de préséance), bénéficier d’une certaine équivalence: par exemple avec un chef de gouvernement. Or, pour ma part, humble citoyen, je n’ai jamais été invité à participer à l’élection de ce dernier… et c’est le cas dans de nombreux (euphémisme) Etats membres de l’Union. Le chef de gouvernement peut tirer une certaine légitimité d’un vote majoritaire en faveur de tel ou tel parti, mais, en général, il n’est pas, à proprement parler, directement « élu » pour l’exercice de cette responsabilité gouvernementale.

      D’autre part, il ne faut pas sous-estimer le rôle du Parlement européen dans l’investiture du président de la Commission. Du reste, l’article 17, paragraphe 7, du traité sur l’Union européenne mentionne expressément que ce dernier est « élu » par le Parlement à la majorité des membres qui le composent. Plus largement, une procédure analogue accompagne la nomination définitive des membres de la Commission, qui doivent passer par les fourches caudines d’une audition individuelle qui ne se résume pas à un simple exercice de style (certains candidats en ont fait les frais) – et ce avant que la composition de l’ensemble du « collège » ne soit approuvée par le Parlement. Il me semble qu’en France, notamment, nous soyons quelque peu étrangers à cette pratique démocratique.

      Enfin, au-delà de ces considérations, il serait inapproprié d’oublier qu’avant leur accession à la Commission européenne, ses membres ont, pour la plupart d’entre eux, exercé des mandats électifs dans leur pays d’origine, au niveau local, régional ou national, voire au sein du Parlement européen. Dans le cas précis de l’actuelle présidente de la Commission, on soulignera que Mme von der Leyen a siégé au parlement du Land de Basse-Saxe de 2003 à 2005, puis au Bundestag en qualité de députée de 2009 à 2019. De la pure et simple technocratie ?

  3. Bonjour.

    « Mobilisons la puissance publique européenne » en continuons à maintenir les schémas de gouvernance actuel ?

    On nous prédit une terrible crise énergétique et on laisse des entreprises faire de super bénéfice en profitant de cette crise ?
    Cela me rappelle la crise des dettes souveraines ou GOLDMAN SACHS s’est enrichi sur le dos de la bête (GRECE et s’en doute sur nous-même).

    On s’aperçoit maintenant que la guerre en Ukraine rend la situation complètement ingérable, on nous dit que la crise était prévisible mais pas son ampleur, de qui se moque t’on ?

    On repense maintenant aux fondamentaux de la communauté du charbon et de l’acier s’en évoquer la nécessité de la finalisation de la construction européenne, indépendante et souveraine de toutes influences extérieures (USA, CHINE; RUSSIE, etc…), elle seule pourra se doter rapidement d’outils nécessaire aux actions à mener énumérer dans cet article.

    Si nous n’arrivons pas à faire évoluer radicalement le mode de fonctionnement et la façon de penser de la classe politique actuelle, une rupture avec les peuples européens sera inévitable selon moi.

    Pour terminer, j’ai l’impression dans mes écrits et dans les articles que je lis de tourner en rond, de me répéter, d’avoir un sentiment diffus d’ incompréhension, de lassitude.

  4. L’Energie c’est une partie de la souveraineté d’un pays. Donc à ce pays et à luis eul le devoir et l’obligation de gérer ce secteur de la façon la plus profitable et la plus raisonnable pour sa population. Je ne donnerais pour exemple d’échec celui de l’organisation et de la gestion du secteur électrique actuel au niveau Européen. Dont les grands perdants étaient les citoyens Français

  5. Un programme intéressant et bien équilibré qui s’inscrit bien dans le rôle de Sauvons l’Europe ! Le problème est que le meilleur des programmes reste celui qui peut être adopté et la , il y a encore trop de désaccords entre les gouvernements !

    • Bonjour Monsieur GAMBIER.

      Vous avez absolument raison, pour appliquer un tel programme, il faut une autre forme de gouvernance que celle que nous avons actuellement.
      Je réponds également à Monsieur VERNIER, le débat sur la légitimité de la représentation cache l’absence de l’évolution de cette représentation, je l’ai déjà écrit, j’ai l’impression que ceux qui nous gouvernent s’attachent à leurs prérogatives actuelle aux détriments d’une vrai et forte puissance européenne.
      Pour moi les grands moments de l’histoire de l’Europe sont la Communauté du Charbon et de l’Acier, la libre circulation des hommes et des marchandises, la monnaie unique (l’Euro) et maintenant la création d’une vraie nation Européenne, qui tarde, qui tarde……

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